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Madiran (2/2) : le traditionalisme en un mot

Lire la première partie de l’article ici.

Le concile et la « nouvelle messe »

La revue Itinéraires, fondée en 1956 avec le soutien d’Henri Charlier, Louis Salleron, Henri Pourrat, Henri Massis, de l’amiral Auphan, participera aussi à la lutte d’influence médiatique autour du concile Vatican II, laissant dans ses colonnes une large place aux compte-rendus de plusieurs théologiens conservateurs et aux prises de position de Mgr Lefebvre, dont les avertissements se firent de plus en plus alarmistes au fil des quatre sessions romaines.

Après avoir ferraillé sur la question des traductions nouvelles introduites dans la liturgie et la Sainte Écriture, Madiran engage Itinéraires dans le débat autour de la « nouvelle messe » promulguée en 1969 et rendue obligatoire fin 1970. L’écrivain sera toujours inflexible sur ce point : après avoir supporté un certain nombre de « nouveautés » liturgiques au cours des années 1960, il écrit en 1968 à son curé puis lui rend visite pour lui expliquer les raisons qui le conduisent à quitter sa paroisse territoriale pour demeurer attaché au rite latin traditionnel. Itinéraires sera pendant encore près de trois décennies parmi les fers de lance francophones du « combat de la messe. » Pour Madiran la question – son troisième combat – n’était pas anecdotique mais centrale : loin de recouvrir des considérations esthétiques, son refus de la réforme liturgique relevait d’un profond questionnement doctrinal, recoupant la lutte pour le sauvetage du catéchisme ou contre les traductions rénovées des textes saints. L’année 1988 sera pour lui « l’année climatérique » avec les négociations et les tensions entre la Fraternité Saint-Pie X et Rome, les sacres d’Écône, la fondation des fraternités Ecclesia Dei, la reconnaissance officielle du Barroux.

Présent et la politique

Madiran n’abandonna pas pour autant son intérêt pour la chose politique. En 1981 il participe à la fondation de Présent, « quotidien de combat national » traitant à la fois de questions spirituelles et temporelles. Les deux décennies (et plus) que Madiran passera à la tête du journal le verront se rapprocher du Front National et de Jean-Marie Le Pen, jusqu’à passer pour son organe officiel, puis s’en écarter sans toutefois s’en séparer définitivement au moment de l’exclusion de Bruno Mégret.

Luttes et réconciliations

Un regard global sur la vie de l’homme montre toutefois une vie liée intimement au combat pour l’Écriture, le catéchisme et la messe, triade formant pour Madiran un véritable baromètre. Il dira avoir accepté un large ostracisme pour demeurer ferme dans son combat, insistant fermement sur le fait que le fondement n’est pas seulement liturgique mais profondément doctrinal. La fin de sa vie voit un certain adoucissement et une volonté de réconciliation, dans l’atmosphère plus apaisée des pontificats de Jean-Paul II puis Benoît XVI. L’écrivain vouait une profonde reconnaissance à ce dernier pour être intervenu en 1983 en France dans l’affaire des catéchismes (le cardinal, alors préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, avait donné deux conférences que Madiran avait considéré comme une « grande charité intellectuelle ». L’année 2007 sera pour lui une véritable respiration avec le « miracle » du Motu proprio libérant la célébration de la messe traditionnelle. Emmené en pèlerinage à Castel Gandolfo et Rome en octobre par Mgr Gilles Wach, l’écrivain aura la joie d’y croiser Benoît XVI et de le remercier personnellement, de rencontrer le cardinal Castrillon Hoyos. De retour en France, un dialogue apaisé est enfin initié avec un évêque : le cardinal Barbarin qui réagit à un envoi de livre en remerciant Madiran et en lui adressant quelques remarques, l’auteur lui répond qu’il est, depuis quarante ans, le premier évêque à oser lui adresser la parole. S’ensuit, par l’entremise d’Emile Poulat, une rencontre et un échange paisible et respectueux.

De Jean Arfel au frère Jean-Baptiste, en passant par Lagor, Castétis et Madiran.

La biographie d’Yves Chiron, richement documentée, très détaillée quant aux différents combats du vieux maître mais aussi sur ses amitiés et ses relations, dresse entre les lignes le portrait d’un homme que la grâce anime et transforme de l’intérieur, passant peu à peu des luttes politiques à une préoccupation presque exclusive du religieux. Au fil des années et au milieu des batailles médiatiques, Madiran prend de plus en plus soin de son âme, dont on perçoit à travers ses échanges avec dom Gérard la lente mais sûre imprégnation de la vie bénédictine. Le jeune et fougueux Arfel, écrivant sous les pseudonymes de Jean-Louis Lagor, Jean Castétis puis Jean Madiran (trois toponymes de la région de Maslacq – Pyrénées Atlantiques et Hautes Pyrénées), devient peu à peu le frère Jean-Baptiste, osb, oblat de l’abbaye Sainte-Madeleine, fidèle à la règle du tiers-ordre et à la retraite annuelle, confiant finalement son âme à dom Gérard puis à l’un de ses fils.

Sur le plan humain, le visage de Jean Arfel apparaît beaucoup plus contrasté que ne voulurent le faire croire ceux qui le faisaient passer pour un dur. Intransigeant dans les idées, rigoureux dans la doctrine, mordant par sa plume, Madiran est aussi un homme affable et amical, prêt à se lier en profondeur avec tous ceux qui accepteront de saisir sa main généreusement tendue. Au-delà des divergences politiques, dogmatiques et des brouilles diverses, il conservera et développera ainsi des amitiés profondes et durables, et gardera une disponibilité totale pour l’échange et le débat d’idée. De sa participation en 1955 à l’une des réunions du cercle névralgique du progressisme catholique, autour d’Ella Sauvageot et Hubert Beuve-Méry, au débat tenu cinquante ans plus tard avec Emile Poulat, Yves Chiron nous aide à voir en filigrane le véritable visage d’un homme à l’esprit ferme mais au cœur tendre, selon l’expression de Jacques Maritain.

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