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La joie du plus grand service

Un parcours ordinaire ?

Après neuf mois d’attente, le petit garçon est né. Il a grandi, en taille, en âge, en sagesse. Il est allé à l’école, il a joué dans les cours de récréation, a chanté, ri, pleuré. Souvent, encore enfant, il a reçu le baptême, s’est préparé à sa première confession, à sa première communion. Adolescent, il a douté parfois de sa foi ; il s’est posé beaucoup de questions : ma religion est-elle la vraie ? Pourquoi ? Quel est le sens de la vie ? Qui est Dieu ? Il a interrogé beaucoup de monde, s’est agacé parfois des réponses insuffisantes de ses proches et des membres de l’Église. Il n’a pas trouvé tout de suite les réponses à ses questions. Il a cherché ; il s’est perdu parfois dans d’obscurs chemins. Il pensait trouver le bonheur là où il n’a rencontré au bout du compte qu’amertume et insatisfaction.

Un désir singulier

Bon an mal an, il a mûri, est devenu un homme. Il a pris conscience, petit à petit, d’un désir dans son cœur. Un désir d’absolu, un désir du tout. Il ne savait pas se l’expliquer, mais il faisait l’expérience pénible que rien sur cette terre ne le satisfaisait vraiment. Il a cherché la joie totale, celle qui repose l’esprit et le corps, celle qui comble. Il l’a cherché dans ses amitiés, dans l’amour humain parfois, dans ses études et son travail, dans l’engagement associatif… Mais rien à faire, tous ces espaces de vie se sont montrés limités, terriblement limités. Il ne trouvait pas cette joie qui comble. Pourtant, son désir était là. Il s’est trompé souvent, il a cherché beaucoup. À son insu, il a fait sienne la parole du Christ : « qui cherche trouve. »

Le projet de Dieu

Au fil du temps souvent, d’un seul coup parfois, de nouvelles perspectives sont apparues. Et si Dieu avait un projet pour moi ? Et si Dieu était là, présent, ici, m’observant, me séduisant, m’appelant à lui ? La tête lui a tourné ; pris de vertige, il s’est souvent inquiété alors. Il a eu l’impression fort troublante d’être au bord d’un précipice, d’un trou noir dans lequel il faudrait plonger la tête la première, dans une confiance totale en un Dieu qu’il n’a jamais vu. Il a parfois attendu une réponse dans le monde, un appel clair et manifeste, pour se jeter dans l’inconnu. Parfois au contraire, il a espéré cette réponse, mais devant le silence de Dieu, sur le conseil d’anciens plus expérimentés que lui, il a choisi aussi. Tous ont choisi.

Le temps des choix

Il s’est tourné vers le séminaire, vers la communauté religieuse qui l’attirait. Il a découvert ou perfectionné là-bas, le grand, l’immense secret de la vie spirituelle : l’oraison ; ce temps quotidien de silence avec Dieu où l’homme s’ennuie et se perd en la divine présence. Dans le secret de l’église ou de sa chambre, il a appris à se taire, à adorer Dieu dans l’obscurité de la foi pure. Il a fait l’expérience de tous les spirituels avant lui : Dieu ne parle clairement qu’aux âmes qui se taisent. Dieu ne se laisse goûter, aimer, choyer, qu’aux âmes qui le cherchent en acte de volonté, et non en paroles vaines et inutiles. Il a donc fait l’expérience de Dieu pendant ses années d’étude. En même temps que son amitié pour Dieu augmentait, il a découvert la puissance de la pensée chrétienne, l’intelligence des Évangiles, la sagesse de Dieu, dans la théologie. Il a beaucoup travaillé, il a beaucoup aimé.

« In aeternum… »

Le voilà prêtre maintenant, pour l’éternité. Consacré par l’évêque, successeur direct de l’un des douze apôtres qui était là le soir du Jeudi Saint, dans le Cénacle auprès du Christ, recevant de lui le sacerdoce et l’eucharistie. Le prêtre, c’est cet homme qui a choisi le Tout-Autre, celui que personne n’a jamais vu. Le prêtre l’a désiré tout entier ce Dieu tout-puissant ; il l’a aimé au point de renoncer à toute une vie terrestre enthousiasmante, pour le suivre dans l’inconnu. Le prêtre, c’est un homme normal, un peu doué, un peu nul, un peu saint, un peu pécheur, un peu courageux, un peu médiocre. Un homme normal qui a reçu une mission anormale, pas naturelle, surnaturelle ; il n’y est pour rien, il ne se l’explique pas, c’est ainsi. Pourquoi Pierre, pourquoi Jacques, pourquoi Jean ? Pourquoi ces douze apôtres-là ? Pourquoi moi ? Pourquoi cette intimité avec le Christ dont tous rêvent, mais que certains seulement reçoivent de lui ? Pourquoi, dis-tu ? Mais parce que je t’aime répond le Christ. Et j’ai choisi de t’aimer d’un amour particulier, c’est tout. Tu n’y es pour rien au départ ; c’est moi qui t’ai choisi, qui ai décidé de t’aimer plus que beaucoup d’autres. Je ne prive pas les autres, je suis parfaitement juste, car je les aime parfaitement eux aussi ; mais toi, je t’aime parfaitement, à un niveau supérieur. C’est tout. Je fais ce que je veux, je donne mes dons comme je veux, à qui je veux, quand je veux.

Le don, la joie et la blessure de l’amour

Mes amis, cet amour de Jésus pour son prêtre est la source de sa joie. Chaque matin, le prêtre en prière se confond en gratitude pour le Christ qui l’aime, d’un amour qui ne trompe pas, ne déçoit pas, ne change pas. Chaque soir, mes amis, le prêtre en prière souffre ; dans son examen de conscience, il voit bien qu’il n’a pas été à la hauteur du don reçu. Comment répondre parfaitement à l’amour parfait ? C’est la grande blessure du prêtre : être aimé parfaitement, et ne rendre que de l’imparfait. Mais cette blessure est rayonnante, parce qu’elle est la marque de l’humilité : le saint prêtre se réjouit de devoir laisser le Christ à la première place, de devoir s’effacer pour que le Christ passe dans les âmes. Ma grâce te suffit dit Jésus à saint Paul ; et celui-ci conclut après des années de lutte intérieure : je me glorifie de mes faiblesses ; car c’est le Christ qui vit en moi. L’humilité, long chemin de conversion qui prend toute une vie, trésor du prêtre.

Le prêtre passe, le Christ demeure

Il sait par expérience que sans le Christ, son sacerdoce est vide. Ses activités pastorales, ses rendez-vous à la chaîne, ses visites dans les familles, ses catéchismes, ses homélies, son organisation de la communauté, tout cela a en soi peu de valeur. Les fidèles lui disent, au prêtre : « sans vous, on ne pourrait rien ; on n’y arriverait pas ; on a besoin de vous. » Mais le prêtre lui, écoute d’une oreille distraite ses chers fidèles ; ou plutôt, dans le silence de son oraison, il corrige en lui avec l’aide de Dieu, les phrases louangeuses mais imprécises de ses ouailles. Le prêtre sait que les fidèles ont besoin du Christ, et par là, ont besoin de lui pour rendre le Christ plus présent. Mais il sait aussi, le prêtre, que c’est bien seulement du Christ dont les fidèles ont besoin. Ce n’est pas sa personne qui doit être recherchée, mais le Christ en sa personne. Équilibre délicat, jamais parfait car autant les fidèles que le prêtre sont pécheurs. C’est pourquoi la sagesse de l’Église déplace régulièrement les prêtres : pour que le Christ reste, là où l’homme disparaît. Quand le prêtre s’en va, on ne recommence jamais tout à zéro, car le Christ reste là, le même, au même endroit, pour vous. Seuls ceux qui ont la foi profonde ne se troublent pas quand leur prêtre s’en va, même s’ils sont tristes (ou parfois joyeux…) : car le Christ demeure.

Choisir le bonheur

Mes amis, le sacerdoce, c’est un bonheur qui ne se décrit pas mais qui se vit chaque jour. Un bonheur de tous les instants. Le bonheur de celui dont la vie déborde de sens, car je fais la volonté de Dieu et je suis son ami. Ce bonheur peut être voilé ici-bas par de violentes tempêtes, de grandes tentations et de grands combats virils, mais il ne disparaît jamais tant que le prêtre tient son oraison, dans le silence de sa chambre. Mes amis, si vous aimez vos enfants, garçons ou filles, souhaitez et faites en sorte qu’ils répondent totalement à l’appel de Dieu. Ceux que Dieu choisit sont appelés à un bonheur qui dépasse de loin le bonheur du mariage et de toute autre forme de vie terrestre. Que ceux qui sont choisis par Dieu de toute éternité dans chaque communauté, disent oui ! Faites confiance à vos prêtres : c’est le bonheur.

Mes amis, priez aussi pour nous. Nous sommes loin de l’humilité nécessaire à notre état sacerdotal. Nous avons besoin d’être remis à notre place, non pas seulement par de saines corrections fraternelles, mais aussi et surtout par la préservation de notre vie intérieure. En cela, mes amis, vous avez beaucoup à nous apporter. Priez pour nous, occupez-vous de notre vie intérieure, souciez-vous de nos âmes. Merci de nous permettre d’être toujours plus de saints prêtres. Ainsi soit-il.

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