En partenariat avec France Catholique, nous vous proposons de retrouver ici la chronique mensuelle des prêtres de Claves.
Rome, VIIe siècle : la ville tout entière se réunit autour du pape pour une vigile pascale d’exception.
La préparation des catéchumènes
Au cours des siècles qui suivirent la fin des persécutions, l’augmentation du nombre de catéchumènes conduisit l’Église à systématiser la préparation, auparavant à géométrie variable, du baptême. C’est ainsi que naquit la discipline du catéchuménat. Il durait en général trois ans (et parfois bien plus), période de formation catéchétique et de probation morale, mais durant laquelle les catéchumènes appartenaient déjà à la société chrétienne. Une distinction nette était cependant faite entre les fidèles – ou saints – qui avaient reçu le caractère baptismal et étaient dignes et capables de participer à l’offrande du sacrifice du Christ, et les catéchumènes qui ne pouvaient participer qu’à la première partie de la messe. Un diacre les renvoyait (« missa est » – d’où le mot « messe ») après l’homélie.
L’appel décisif : entrée parmi les élus
Quand on en faisait la demande ou qu’on en était jugé digne, on entrait dans la catégorie des competentes – les élus, appelés au baptême pour la prochaine veillée pascale. Commençait alors la préparation ultime, rythmée par un certain nombre de rites et cérémonies.
Lors du premier appel (aujourd’hui parfois appelé « appel décisif »), ils recevaient une exsufflation (souffle du prêtre, symbole de l’Esprit-Saint dont la présence vient chasser les puissances du mal), l’imposition de la croix sur le front (par le prêtre et le parrain) et du sel bénit (dans la bouche : le « sacrement du sel » que mentionnait déjà saint Augustin). À cela s’ajouta bientôt le cas échéant l’imposition d’un nouveau nom, chrétien.
Les scrutins du carême
Les nouveaux élus enchaînaient alors un certain nombre de séances d’instruction, ou « scrutins », qui avaient lieu dans la cadre de la liturgie. De trois à l’origine, il y en eut jusqu’à sept au VIIe siècle, qui avaient pour but de vérifier la préparation des candidats et de les présenter aux fidèles. Ils commençaient au début de la 3e semaine de carême et avaient lieu pendant la messe. Dès le lundi, le parrain signait à nouveau le front de son pupille, puis était pratiqué un premier exorcisme, afin de libérer l’élu de l’emprise concédée au mal par le péché originel : avant de sanctifier, l’Église prépare et purifie. Ces rites étaient ensuite répétés aux 2e, 4e, 5e et 6e scrutins.
Le 3e scrutin, mercredi de la quatrième semaine de carême, était parfois appelé « grand scrutin » ou « ouverture des oreilles. » On se rendait en procession à Saint-Paul-hors-les-murs. Après la lecture, quatre diacres sortaient en procession de la sacristie, portant chacun un évangéliaire différent, qu’ils posaient aux quatre coins de l’autel. Ils en chantaient chacun le début, puis un prêtre prenait la parole pour expliquer tel évangile. Après cette « tradition » ou transmission des Évangiles, venait celle du Symbole (le Credo de Nicée), puis du Pater. On chantait enfin l’évangile de l’aveugle né (Jn 9) envoyé par Jésus vers les eaux de Siloé (« l’Envoyé ») pour y retrouver la vue – tout un programme. Après cela, naturellement, les catéchumènes étaient renvoyés.
Messe chrismale et dernier scrutin
Une nouvelle étape importante intervenait au matin du jeudi saint, quand le pape réunissait son clergé pour célébrer la messe chrismale, au cours de laquelle seraient consacrées solennellement les huiles des infirmes, des catéchumènes, et le saint chrême, mélange d’huile et d’un baume extrait de plusieurs essences végétales de Terre Sainte.
Au matin du samedi saint, les catéchumènes étaient réunis pour le dernier scrutin. Après un ultime exorcisme, on pratiquait le rite de l’ephpheta (ouverture de la bouche et des oreilles, reproduisant le geste de Jésus touchant avec sa salive la langue et les oreilles du sourd-muet). Ils étaient alors sommés par trois fois de renoncer à Satan, un rite dont la force était renforcée au diocèse de Milan (et encore aujourd’hui dans certains rites orientaux) par une sputation (triple crachat en direction du couchant, symbolisant le diable). Après avoir été oints une première fois de l’huile des catéchumènes, symbole de force, avoir restitué le Symbole et fait solennellement profession de foi, les candidats se prosternaient sur le seuil de l’Église et priaient un instant, avant d’être congédiés par le diacre.
L’apothéose de la veillée pascale
On se retrouvait le soir à saint-Jean-du-Latran, cathédrale du pape, où les catéchumènes assistaient à la première partie de la veillée pascale (rites du feu et de la lumière, 12 lectures de l’Ancien Testament et bénédiction de l’eau). Au chant des litanies ils quittaient l’édifice pour en faire le tour et rejoindre le splendide baptistère attenant. Rejoints par le pape, ils y étaient immédiatement baptisés par une triple immersion complète (hommes et femmes séparément). Suivaient les trois rites complémentaires de l’onction du saint chrême (au sommet de la tête) par un prêtre, de la remise du vêtement blanc et de la lumière (une chandelle allumée au cierge pascal). Ils retrouvaient enfin le pape au consignatorium, le lieu de la confirmation, avant de rejoindre la basilique pour la suite de la vigile et la messe de la résurrection, dans laquelle ils recevaient pour la première fois l’eucharistie. Renouvelés par les eaux du baptême et emplis de la joie pascale, les nouveaux baptisés (ou néophytes) gardaient durant toute l’octave de Pâques le vêtement blanc symbolisant leur vie nouvelle. Ils le déposaient le samedi suivant (appelé in albis depositis) lors de la messe célébrée par le pape au Latran. La vie chrétienne ainsi initiée se poursuivait par une formation adaptée à ces nouveaux initiés, la catéchèse mystagogique.