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« Aux plus petits d’entre les miens »

©httpswww.institutlejeune.org
La vie naissante est malheureusement revenue récemment sur le devant de l’actualité. Les attaques répétées contre les plus grandes fragilités soulignent par contraste l’héroïsme de ceux qui ont consacré leur vie à la défendre : Jérôme Lejeune, rappelé à Dieu il y a tout juste trente ans, en est une figure éminente.
Réalisé en 2015, le documentaire « Aux plus petits d’entre les miens » de François Lespés retrace le parcours d’un homme, chrétien et scientifique d’exception. Un bon moyen de nouer un premier contact avec le professeur Lejeune, avant de se lancer dans les grandes biographies d’Aude Dugast ou Anne Bernet.
 

Formation et vocation(s) : le premier tournant

Né en 1926 à Montrouge, il a rapidement la « vocation » médicale et se rêve en médecin de campagne. Il entre en 1944 à la faculté de médecine, pour des études allongées par plusieurs échecs au concours de l’internat. En 1951 cependant il soutient avec succès sa thèse sous la direction du professeur Turpin, l’un des pionniers de la génétique, particulièrement impliqué dans la recherche sur le « mongolisme ». La rencontre de Raymond Turpin et ces importants travaux réalisés ensemble marquent un premier tournant dans la carrière et la vie de Jérôme Lejeune. Au lieu de chercher un poste de généraliste en campagne le nouveau médecin qui vient d’épouser Birthe, étudiante danoise rencontrée à Paris, entre en 1952 dans l’équipe du professeur Turpin au CNRS. L’étude de la pathologie génétique alors identifiée sous le nom de « mongolisme » en est encore à ses balbutiements, et Jérôme participe activement aux travaux du laboratoire, co-signant avec son maître un certain nombre de travaux et d’articles. Il est cependant rapidement attiré par la piste d’une anomalie chromosomique, et se plonge dans l’étude approfondie de la génétique, en même temps qu’il se spécialise dans l’analyse des effets physiologiques des radiations atomiques, un autre domaine alors en pleine effervescence.

La découverte de la trisomie

Le tournant majeur dans la connaissance du « mongolisme » intervient en 1958, quand Jérôme Lejeune présente le travail réalisé avec Marthe Gauthier et Raymond Turpin, sur la base des hypothèses formulées par ce dernier, grâce au perfectionnement de techniques de culture de cellules et à de meilleures photographies : la maladie jusqu’alors si mal connue est enfin identifiée comme une anomalie génétique liée à la présence d’un 47e chromosome, un élément surnuméraire dans la paire n°21. La découverte fracassante annoncée à Montréal fait bientôt le tour du monde : on ne parlera plus désormais de « mongolisme » ou de « syndrome de Down » mais de trisomie 21.

L’avancée est sans précédent dans le domaine des maladies génétiques, mais Jérôme réalisera bientôt qu’elle est à double tranchant : si la pathologie est désormais bien connue, l’identification de la trisomie ne permet pas pour autant de développer une thérapie prenant en charge les nombreux aspects du syndrome. En revanche, la possibilité de connaître et reconnaître facilement le trisomique ouvrira bientôt la voie à des dépistages précoces et à l’avortement prématuré et sélectif des embryons concernés ou suspectés.

Les années qui suivent sont celles de la renommée pour le professeur Lejeune, invité pour des conférences dans de nombreuses parties du monde. Il poursuit dans le même temps ses recherches et découvre de nouvelles pathologies chromosomiques : trisomie 16, monosomie du « cri du chat »… Ses travaux sur les effets de la trisomie lui permettent d’envisager certains traitements des symptômes de la maladie. Il ouvre à l’hôpital Necker un centre de consultations spécialement dédié aux enfants trisomiques et à leurs familles, qui acquiert rapidement une renommée mondiale, suivant et soignant des milliers de patients.

Le défenseur de la vie

Le troisième tournant intervient en 1968, année très mouvementée à Paris en raison des événements qui secouent le milieu universitaire puis le pays entier, et au cours desquels Jérôme joue un rôle majeur d’apaisement et de fermeté. Le 11 août, Jérôme Lejeune est à San Francisco pour la réception officielle du prix William-Allan : à travers les échanges avec ses pairs et au fil des interventions, il est marqué par la volonté d’utiliser les découvertes réalisées au sujet des maladies génétiques pour dépister et éliminer les embryons porteurs d’anomalies chromosomiques. Le discours retentissant qu’il prononce au moment de recevoir la distinction laisse dans l’assemblée un silence gêné et désapprobateur. Une nouvelle période de sa vie commence alors, marquée par l’ostracisme croissant des milieux scientifiques et une participation plus active au débat militant contre l’avortement et l’exclusion de personnes handicapées. Pour beaucoup, c’est à ce discours de San Francisco que Jérôme Lejeune doit de n’avoir pas reçu ce prix Nobel de médecine qu’il méritait amplement. C’est le troisième tournant de son existence.

 

Le professeur et le pape

Le dernier tournant est spirituel : ayant rencontré en 1975 Wanda Poltawska, médecin polonaise, survivante des camps de concentration et amie personnelle de l’archevêque de Cracovie, Karol Wojtyla, il est invité par ce dernier, devenu pape sous le nom de Jean-Paul II, à le rencontrer en audience privée à Rome. La rencontre a lieu le 13 mai 1981, quelques heures seulement avant l’attentat qui faillit tuer le souverain pontife. C’est le début d’une longue collaboration pour la défense de la fragilité, qui mènera à la création de l’Académie pontificale pour la vie, dont le professeur Lejeune sera le premier président. C’est surtout le commencement d’une amitié spirituelle profonde qui réunira plusieurs fois les deux hommes. Jérôme mourra le 3 avril 1994 des suites d’un cancer. Lors de son voyage en France de 1997, au moment des Journées Mondiales de la Jeunesse de Paris, le pape demandera à faire un crochet rapide et discret, mais néanmoins remarqué, par le cimetière de Châlo-Saint-Mars, afin de se recueillir sur la tombe de son ami. Le 21 Janvier 2021, après un vote positif du congrès des théologiens et cardinaux, le pape reconnaissait l’héroïcité des vertus du professeur Lejeune, désormais considéré par l’Église comme vénérable.

Lire aussi sur le sujet: Trisomique et religieuse
Pour aller plus loin : lire une biographie

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