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Simon-Pierre selon les Évangiles

Simon naquit au début du premier siècle de notre ère, dans une région périphérique de l’Empire Romain appelée Palestine. Il est sans doute d’une famille de pêcheurs ; c’est en tout cas vers ce métier que s’oriente le jeune Simon. Son enfance fut-elle heureuse, sa jeunesse insouciante ? Il aurait pu perdre sa mère jeune, puisque l’Évangile ne mentionne pas ses parents, mais précise que Simon vit chez sa belle-mère (si l’on comprend le terme comme désignant la seconde épouse de son père) ; son père est lui aussi absent des évangiles : était-il déjà mort, quelques années après son épouse ? Quoi qu’il en soit, Simon devait se débrouiller : aussi passait-il ses journées avec son frère André, leurs amis Jacques et Jean, et tous ensemble reprisaient les filets le jour, allaient pêcher sur le lac la nuit, quand les poissons remontent vers la surface, avant, le matin, de s’asseoir sur le rivage, d’y tirer leurs filets, et de trier les prises, gardant dans des paniers les bonnes, rejetant à l’eau le rebut.

Un guet-apens organisé par son frère

De temps en temps, Simon se retrouvait seul pour pêcher : son frère André lui faisait faux bond, et partait en direction du désert. Il était devenu disciple d’un certain Jean, dit le Baptiste, un prophète qui menait une vie d’ascèse et de pénitence, et qui enseignait aux hommes à se convertir. André n’était pas insensible à ses discours, et voyait dans Jean le Baptiste un maître à écouter. Et c’est ainsi qu’un jour, alors qu’il était avec un autre disciple, qu’il entendit Jean, croisant Jésus, clamer ; « voici l’Agneau de Dieu[1]Jn 1, 36-37 ». Les deux, interloqués, suivirent Jésus, passèrent la journée avec lui. À la fin, André fut persuadé d’avoir trouvé le Messie. Il alla le rapporter à son frère Simon.

Notre pêcheur se laissa gagner par l’enthousiasme de son frère, et le suivit pour rencontrer ce fameux Jésus. Ce dernier le regarda, l’aima, l’appela par son nom, l’appela à le suivre, à devenir son disciple[2]Mt 4, 18-19 ; Mc 1,16-18. Voilà encore en détail l’appel de Simon, tel que le rapporte saint Luc[3]Lc 5,1-11 : 

Or il advint, comme la foule le serrait de près et écoutait la parole de Dieu, tandis que lui se tenait sur le bord du lac de Gennésareth, qu’il vit deux petites barques arrêtées sur le bord du lac ; les pêcheurs en étaient descendus et lavaient leurs filets. Il monta dans l’une des barques, qui était à Simon, et pria celui-ci de s’éloigner un peu de la terre ; puis, s’étant assis, de la barque il enseignait les foules. Quand il eut cessé de parler, il dit à Simon : “Avance en eau profonde, et lâchez vos filets pour la pêche. “Simon répondit : “Maître, nous avons peiné toute une nuit sans rien prendre, mais sur ta parole je vais lâcher les filets.” Et l’ayant fait, ils capturèrent une grande multitude de poissons, et leurs filets se rompaient. Ils firent signe alors à leurs associés qui étaient dans l’autre barque de venir à leur aide. Ils vinrent, et l’on remplit les deux barques, au point qu’elles enfonçaient. À cette vue, Simon-Pierre se jeta aux genoux de Jésus, en disant : “Éloigne-toi de moi, Seigneur, car je suis un homme pécheur !” La frayeur en effet l’avait envahi, lui et tous ceux qui étaient avec lui, à cause du coup de filet qu’ils venaient de faire ; pareillement Jacques et Jean, fils de Zébédée, les compagnons de Simon. Mais Jésus dit à Simon : “Sois sans crainte ; désormais ce sont des hommes que tu prendras.” Et ramenant les barques à terre, laissant tout, ils le suivirent.

Voilà Simon appelé à une reconversion professionnelle : de pêcheur de poisson sur les eaux calmes du lac de Gennésareth, il lui faut devenir disciple du Christ, et pêcheur d’hommes ! Et le Christ semble insister dans son choix, puisqu’il guérit bientôt la belle-mère de Simon.

Une formation itinérante

Simon va alors, comme les autres disciples, suivre Jésus pas à pas, l’écouter, le voir agir, guérir les malades, répondre aux docteurs de la loi, annoncer partout la bonne nouvelle du Royaume de Dieu. À force de passer du temps avec le maître, de l’écouter, il finit par mieux le connaître ; aussi un jour Jésus, après avoir prié, le choisit, avec onze autres disciples, pour former une sorte de garde rapprochée, de premier cercle : le collège des apôtres !

Simon est donc pleinement dans l’intimité de Jésus. Pour autant, il ne comprend pas tout : si souvent, Jésus parle en parabole, les apôtres ont besoin d’explications pour comprendre. Et quand le Christ, après la multiplication des pains, annonce qu’il est lui-même le pain de vie[4]Jn 6, c’est lui qui se fait porte-parole des Douze : « Seigneur, à qui irons-nous ? Tu as les paroles de la vie éternelle. Nous, nous croyons, et nous avons reconnu que tu es le Saint de Dieu[5]Jn 6, 68-69.” »

De la souplesse et de la grandeur de vue, il va en falloir à Simon : il voit bien les miracles que fait Jésus, il constate la supériorité divine de ses enseignements, mais reste humain, limité, dubitatif parfois, comme lorsque, ramant au milieu du lac, Jésus les rejoint en marchant sur les eaux ! Les apôtres prennent peur, ils croient voir un fantôme, et Jésus de les rassurer[6]Mt 27,14-3 :

Mais aussitôt Jésus leur parla en disant : “Ayez confiance, c’est moi, soyez sans crainte.” Sur quoi, Pierre lui répondit : “Seigneur, si c’est bien toi, donne-moi l’ordre de venir à toi sur les eaux” – “Viens”, dit Jésus. Et Pierre, descendant de la barque, se mit à marcher sur les eaux et vint vers Jésus. Mais, voyant le vent, il prit peur et, commençant à couler, il s’écria : “Seigneur, sauve-moi !” Aussitôt Jésus tendit la main et le saisit, en lui disant : “Homme de peu de foi, pourquoi as-tu douté ?”

Un nom nouveau, pour un homme qui doit le devenir !

Peu à peu, Simon se démarque des autres apôtres par ses réponses, sa proximité du Seigneur. Et vient un jour où Jésus leur pose la grande question, « pour vous qui suis-je ? » À cela, éclairé par le Saint Esprit, enseigné par Dieu, Simon s’empresse de répondre de tout son cœur[7]Mt 16, 16-19 :

Simon-Pierre répondit : “Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant.” En réponse, Jésus lui dit : “Tu es heureux, Simon fils de Jonas, car cette révélation t’est venue, non de la chair et du sang, mais de mon Père qui est dans les cieux. Eh bien ! moi je te dis : Tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Église, et les Portes de l’Hadès ne tiendront pas contre elle. Je te donnerai les clefs du Royaume des Cieux : quoi que tu lies sur la terre, ce sera tenu dans les cieux pour lié, et quoi que tu délies sur la terre, ce sera tenu dans les cieux pour délié.”

Simon-Pierre recevait là la primauté sur les apôtres, la promesse de la direction de l’Église que le Christ fondait sur lui. Et pourtant, malgré cette grâce et cette marque de confiance, il lui restait du chemin à parcourir pour devenir pleinement saint : quelques jours après cette reconnaissance de la divinité du Christ, alors que celui-ci annonce pour la première fois qu’il devra souffrir et mourir à Jérusalem, Simon-Pierre s’insurge[8]Mt 16, 22-23 :

Dieu t’en préserve, Seigneur ! Non, cela ne t’arrivera point !” Mais Jésus, se retournant, dit à Pierre : “Passe derrière moi, Satan ! tu me fais obstacle, car tes pensées ne sont pas celles de Dieu, mais celles des hommes !

Témoin de la grandeur et de l’humilité de Jésus

Simon-Pierre, choisi par Dieu, aimé par Dieu, n’était pas parfait : pour le conforter dans la charge à mener, le Christ lui accorda la grâce d’être témoin privilégié de sa grandeur et de son humilité. Pour cela, il commença par manifester sa nature divine, sur le mont Thabor, lors de la Transfiguration. Jésus prit avec lui Pierre, Jacques et Jean, et face à l’éclat divin, Pierre fut sous le choc, il ne savait plus ce qu’il disait[9]Lc 9,28-36 !

Puis, il y eut l’arrivée triomphale à Jérusalem, et sur le chemin un nouveau miracle de Jésus, que Simon-Pierre fut le premier à observer (le figuier desséché). Puis à nouveau des discours et actions de Jésus auquel il assista, mais qu’il ne comprit pas totalement. Comment ne pas songer ici au lavement des pieds, ou l’apôtre s’insurge[10]Jn 13, 6-9 ? Cette fois, c’est l’humilité de Jésus qui se manifeste.

Il vient donc à Simon-Pierre, qui lui dit : “Seigneur, toi, me laver les pieds ?” Jésus lui répondit : “Ce que je fais, tu ne le sais pas à présent ; par la suite tu comprendras.” Pierre lui dit : “Non, tu ne me laveras pas les pieds, jamais !” Jésus lui répondit : “Si je ne te lave pas, tu n’as pas de part avec moi.” Simon-Pierre lui dit : “Seigneur, pas seulement les pieds, mais aussi les mains et la tête !” 

Jésus annonça ensuite clairement qu’il serait trahi, et que tous les apôtres s’enfuiraient ; ce qui n’est pas du goût de Simon-Pierre : « Si tous succombent à cause de toi, moi je ne succomberai jamais[11]Mt 26,33 ». Et le Christ répond calmement par une prophétie terrible, lui qui connaît le caractère tout-feu-tout-flamme de son ami[12]Mt 26,34 : «En vérité je te le dis : cette nuit même, avant que le coq chante, tu m’auras renié trois fois. »

Témoin impuissant de la Passion

Il y eut encore l’agonie au jardin des oliviers, où Simon-Pierre fut choisi, avec Jacques et Jean, pour veiller et prier avec le Seigneur, et où tous trois firent défaut et s’endormir… Quand les soldats vinrent arrêter Jésus, il sortit le glaive pour lutter, mais arrêté par la parole du Christ, il l’abandonna et prit la fuite, malgré ses serments et ses bravades.

Alors que Jésus était interrogé par Anne et Caïphe, il retrouva un peu de courage, celui de s’approcher pour savoir ce qui se dirait. Mais il était loin de Jésus, près d’un feu matériel qui ne pouvait réchauffer son cœur, séparé par sa faute de son maître et ami. Alors, quand l’occasion de rendre témoignage au Christ survint, il se déroba : « je ne connais pas cet homme ». Par trois fois, face aux servantes inquisitrices ou aux assistants curieux, il renia son maître : et à la troisième, un coq chante, il croisa le regard de Jésus, se souvint de la prophétie à son sujet, puis sortit et pleura amèrement[13]Lc 22, 61.

Témoin de la résurrection

Saint Pierre reparaît dans les évangiles le dimanche de la résurrection : avertit par les saintes femmes que le corps du Seigneur n’est plus au sépulcre, il s’y rend en courant avec saint Jean, il constate l’évidence, et comme le disciple que Jésus aimait, il dû lui aussi croire au miracle ! Avec les apôtres réunis au Cénacle, il fut témoin des apparitions du Ressuscité, et peut-être d’une apparition privée ? «[Jésus] est apparu à Simon», précisent en effet les apôtres aux disciples d’Emmaüs[14]Lc 24,34.

Après son triple reniement, le Seigneur allait-il lui retirer la prérogative sur le collège des apôtres ? Allait-il revenir sur sa promesse de lui donner les clefs du Royaume des Cieux ? Au contraire, le Christ donna à Pierre l’occasion de se racheter, de prouver son amour, de reconnaître ses limites et son besoin de la grâce pour pouvoir mener à bien cette mission. C’est ce qui eut lieu sur les bords du lac de Tibériade, à l’occasion d’une nouvelle pêche miraculeuse[15]Jn 21,15-19.

Quand ils eurent déjeuné, Jésus dit à Simon-Pierre : “Simon, fils de Jean, m’aimes-tu plus que ceux-ci ?” Il lui répondit : “Oui, Seigneur, tu sais que je t’aime.” Jésus lui dit : “Pais mes agneaux.” Il lui dit à nouveau, une deuxième fois : “Simon, fils de Jean, m’aimes-tu” – “Oui, Seigneur, lui dit-il, tu sais que je t’aime.” Jésus lui dit : “Pais mes brebis.” Il lui dit pour la troisième fois : “Simon, fils de Jean, m’aimes-tu ?” Pierre fut peiné de ce qu’il lui eût dit pour la troisième fois : “M’aimes-tu”, et il lui dit : “Seigneur, tu sais tout, tu sais bien que je t’aime.” Jésus lui dit : “Pais mes brebis. En vérité, en vérité, je te le dis, quand tu étais jeune, tu mettais toi-même ta ceinture, et tu allais où tu voulais ; quand tu auras vieilli, tu étendras les mains, et un autre te ceindra et te mènera où tu ne voudrais pas.” Il signifiait, en parlant ainsi, le genre de mort par lequel Pierre devait glorifier Dieu. Ayant dit cela, il lui dit : “Suis-moi.” 

C’est ainsi que le pêcheur de poisson devient vraiment pêcheur d’hommes, suivant le Christ en tout le reste de sa vie apostolique, dont nombre d’éléments (et de prédications !) sont rapportés dans le livre des Actes des Apôtres, sans même évoquer les deux épîtres. N’hésitons-pas, nous aussi, à suivre le Christ où qu’il nous entraîne, à laisser tous nos soucis du moment, toutes nos craintes, toutes nos incertitudes pour avancer au large, à la suite de Dieu : « toi viens, suis-moi ! »

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