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Jésus, un mythe ?

Image par Gordon Johnson de Pixabay
Pour Michel Onfray, le Christ serait un personnage « conceptuel » ou mythique, à l’instar du Père Noël ou d’Emma Bovary, d’Osiris ou d’Apollon. Le Jésus des Évangiles peut-il n’être qu’un mythe ? Assurément non, réponse argumentée à la thèse « mythiste ».

 

Le « mythisme » en bref

La thèse « mythiste[1]C’est ainsi que l’on appelle l’opinion selon laquelle Jésus-Christ serait un mythe à l’instar d’Apollon ou de Mithra, aujourd’hui défendue par Onfray, elle eut en France pour … Continue reading » fait de Jésus une invention ou une machination. Malgré son manque total de fondement historique, elle est largement répandue dans les esprits. Quelques remarques préalables :

– On associe souvent religion et croyance, sans prendre le temps de réfléchir aux fondements historiques : la foi est réduite à l’adhésion à une légende – un mythe – ce qui représente pour beaucoup une dispense de s’y intéresser.

– La thèse « mythiste » flatte un autre travers de l’esprit humain : la tentation forte de voir et de démasquer partout des complots. C’est la genèse du « complotisme » aujourd’hui si répandu : le sentiment d’avoir compris quelque chose que beaucoup ignorent, de refuser d’être trompé consciemment, de trouver des responsables identifiés à nos maux. Ces thèses s’appuient souvent sur des argumentaires bien bâtis, efficaces mais circulaires et fallacieux.

– Notons enfin qu’il est toujours plus facile de nier que d’affirmer, de détruire que de construire. Face à un négateur, il n’est pas toujours aisé de prouver l’évidence : on peut se trouver en panne d’arguments, voire déstabilisé dans sa propre foi.

Jésus peut-il n’avoir été qu’un mythe ? Démystifions le « mythisme »…

Un mythe qui coûte la vie à ses auteurs

L’idée que Jésus serait un personnage « mythique » implique qu’il ait été créé de toutes pièces… par quelqu’un ? S’il est impossible d’identifier les créateurs des mythes antiques – nous ne saurons jamais qui a inventé Zeus, Mithra ou Shiva – il n’en va pas de même du Christ, dont l’existence est précisément située et datée par ceux-là même qui la rapportent. Qui sont-ils ?

Les « créateurs » du mythe Jésus sont bien identifiés : il s’agit d’un obscur groupe de pécheurs issus du nord de la Palestine romaine, au début du Ier siècle de notre ère – une « bande d’Hébreux en sandales » qui aurait eu le culot et l’incroyable chance de voir son petit conte traverser le temps et l’espace pour représenter aujourd’hui le fondement de la première religion humaine. Est-ce vraiment envisageable ? Le mépris souvent affiché par les mythistes pour les apôtres – saint Paul en particulier – est-il compatible avec l’idée qu’ils auraient pu à eux seuls inventer et composer le personnage du Christ, dont la complexité a constitué depuis deux mille ans l’objet inépuisé de tant d’études et de débats ?

Et si les premiers chrétiens sont les inventeurs de Jésus, dans quel but monter pareille supercherie ? « Je ne crois que les histoires dont les témoins se feraient égorger[2]Pascal, Pensées, Br 593, Laf 822 » disait Blaise Pascal : comment concevoir que ces hommes – et tant d’autres depuis, jusqu’à aujourd’hui – aient été jusqu’à donner leur vie pour celui qui n’aurait été qu’un personnage de papier ? Le témoignage du martyr est une preuve éclatante de la véracité du témoignage des apôtres.

Le mythisme : une idée neuve

Alors que les témoignages au sujet de l’existence de Jésus abondent dès les origines – les premiers écrits du Nouveau Testament remontent à peine à vingt ans après la vie publique du Christ – les remises en causes de l’existence du Christ et la théorie mythiste sont relativement récentes.

Avant le XVIIe siècle, personne n’avait simplement osé nier l’historicité de Jésus : même le philosophe Celse (IIe siècle), ennemi notoire et souvent sarcastique du christianisme, ne remettait pas en cause l’existence de son fondateur.

Un des meilleurs fondements de la certitude de l’existence de Jésus est sans doute que jamais personne, même parmi les adversaires de l’Église, pendant dix-huit siècles, n’a remis en cause la réalité de son existence. Et pourtant : si Jésus n’avait pas existé, qui aurait été le mieux placé pour le dire, sinon les premiers pourfendeurs (Juifs ou païens) du christianisme ?

Et si Jésus n’avait pas existé ?

Imaginons un instant que le Christ n’ait pas existé : ceux qui, dans les années 30, 40 et 50 du premier siècle, à Jérusalem, racontaient son histoire, auraient été immédiatement contredits et ridiculisés par nombre de leurs contemporains, prétendant annoncer des faits qui n’auraient eu lieu que quelques années auparavant dans la même ville, devant des milliers de témoins.

Par la suite beaucoup auraient eu intérêt à nier l’existence du fondateur de la « secte » chrétienne, et personne n’osa s’y risquer. Celse, Julien l’Apostat, Symmaque, Porphyre : nombreux sont les adversaires de l’Église qui entreprirent d’en ridiculiser la foi et le culte, mais jamais on ne remit en cause l’existence du Christ.

Réponse à deux objections mythistes

On n’a pas nié l’existence de Jésus, répondra-t-on, pour la bonne raison qu’il est un mythe ! On ne remet pas en cause l’existence d’une personne qui par définition n’existe pas : on n’a pas plus eu besoin de refuser l’historicité du Christ que celle d’Apollon ou d’Osiris, avancent les mythistes, car ils étaient reconnus par tous pour ce qu’ils étaient, des figures mythologiques.

Or il faut noter ici une différence profonde : les récits mythologiques anciens, à l’origine des grandes théogonies, ne présentent pas leurs protagonistes comme des personnages historiques ; les aventures dont ils sont les héros prennent place dans une temporalité extra-historique (l’âge d’or, le combat des titans), dans des lieux souvent mythiques (l’Olympe, le Valhalla)… Voilà qui n’est pas la perspective des Évangiles, dont les récits aspirent au contraire à une grande précision, tant leurs auteurs semblent soucieux de faire œuvre de chroniqueurs sérieux, multipliant les références de date, de géographie, de contexte socio-politique… Références dont l’avancée des connaissances historiques ne cesse d’éclairer la précision et la cohérence.

Le dernier argument des mythistes, face à cette unanimité négative des ennemis mêmes de la religion, est de prétendre que tous les documents auraient été détruits – et le seraient encore systématiquement (ce qui suppose qu’ils tombent toujours entre les mains machiavéliques de l’Église avant d’arriver à la connaissance des scientifiques).

 

En conclusion

Rappelons pour conclure que les Évangiles sont des écrits inspirés par Dieu, mais composés par des rédacteurs en chair et en os, pour des lecteurs qui n’en avaient pas moins. En prenant en compte le contexte des textes du Nouveau Testament, en les comparant éventuellement aux mythes qui avaient cours à l’époque, on comprend qu’ils se placent explicitement sur un terrain radicalement différent : ni les auteurs ni les destinataires de ces récits n’ont pu se méprendre sur leur nature historique et les considérer comme des mythes. S’il en est ainsi, et que l’on tient pourtant que Jésus n’a pas existé, il faut s’en remettre à l’hypothèse d’une vaste falsification – toujours en cours actuellement – des sources historiques et archéologiques relatives au christianisme et à son fondateur. Est-ce envisageable ? C’est ce que nous demanderons dans un prochain article.

Références

Références
1 C’est ainsi que l’on appelle l’opinion selon laquelle Jésus-Christ serait un mythe à l’instar d’Apollon ou de Mithra, aujourd’hui défendue par Onfray, elle eut en France pour défenseurs dans la première moitié du XXe siècle Paul-Louis Couchoud, philosophe et médecin influencé par le modernisme d’Alfred Loisy, ou Prosper Alfaric, prêtre défroqué et historien.
2 Pascal, Pensées, Br 593, Laf 822
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