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Qu’est-ce que le jugement dernier ?

Photo de EKATERINA BOLOVTSOVA pexels.com

Le thème de la rétribution, de l’existence d’un Dieu non seulement créateur mais rémunérateur, rendant à chacun dans l’au-delà selon ses œuvres ici-bas, est commun aux grands courants religieux. L’idée du jugement fait donc partie du patrimoine spirituel de l’humanité : et pourtant, elle apparaît aujourd’hui comme dépassée ou inutile.

« Il reviendra dans la gloire pour juger les vivants et les morts ».

Le Christ enseigne clairement que l’histoire de ce monde se terminera par un jugement : « la moisson, c’est la fin du monde » (Mt 13, 39) explique-t-il au sujet de la parabole du bon grain et de l’ivraie, la mauvaise herbe qui sera jetée au feu (Mt 13, 30). Chacun aura à rendre compte de ses actions, afin que soit rendu « à chacun selon ses œuvres[1]Cette expression est récurrente tant dans l’Ancien que dans le Nouveau Testament : Jb 34, 11 : « Car il rend à l’homme selon ses œuvres, traite chacun d’après sa conduite » ; Ps 28 … Continue reading »

Chez saint Jean le jugement est envisagé sous sa forme négative – de condamnation – de sorte que le juste en est dispensé. Le pécheur se condamne lui-même en refusant d’accueillir la foi dans le salut en Jésus, et la sentence du dernier jour ne fera que manifester le choix opéré ici-bas face au Christ[2]« Si quelqu’un entend mes paroles et ne les garde pas, je le ne juge pas, car je ne suis pas venu pour juger le monde, mais pour sauver le monde. Qui me rejette et n’accueille pas mes paroles a … Continue reading.

Jugement particulier et jugement général

L’existence d’un jugement général est claire et indubitable dans les paroles de Jésus : l’Église a progressivement distingué l’idée d’un jugement particulier préalable, implicitement contenue dans l’affirmation de la rétribution immédiate après la mort. Les deux sont cependant distincts car :

– l’âme, séparée du corps par la mort, est jugée immédiatement, et donc séparément, alors que les biens ou peines corporelles ne peuvent être attribuées à la personne qu’à la résurrection[3]Saint Thomas d’Aquin, Compendium, I, c. 242..

– le jugement particulier considère la personne en elle-même, le jugement général la regarde comme faisant partie d’un tout, en tant que ses actions ont des conséquences sur l’ensemble, qui doivent finalement apparaître aux yeux de tous en lui étant rapportées[4]« Voilà pourquoi on ne peut porter sur toutes ces choses un jugement définitif et public aussi longtemps que se poursuit le cours de ce monde. Il doit donc y avoir un jugement final au … Continue reading. En effet les conséquences d’une action (surtout imprévues) n’en modifient pas la moralité ou la gravité intrinsèque, mais elles manifestent sa bonté ou sa malice aux yeux de tous.

Ce que le jugement dernier fera connaître

Le jugement dernier sera un dévoilement total où chacun, dans la lumière de Dieu, aura parfaite connaissance de ce qu’auront été sa propre vie, les secrets de son cœur… ainsi que de toute l’histoire humaine dans son mouvement global et dans la singularité de chacun : tout sera mis à découvert (2Co 5, 10). Saint Thomas d’Aquin affirme que les anges et démons aussi, quoique déjà jugés personnellement lors de leur épreuve initiale, seront concernés par le jugement général, en fonction de l’influence bonne ou mauvaise qu’ils auront eu sur l’histoire.

Nos vies seront jugées, c’est à dire mises en rapport avec la norme absolue qu’est le Dieu-Vérité[5]Symbolisée dans l’Apocalypse par le Livre de Vie : « Je vis les morts, grands et petits, debout devant le trône ; on ouvrit des livres, puis un autre livre, celui de la vie ; alors, les morts … Continue reading. Ainsi sera manifestée avec évidence la justice absolue du gouvernement divin de toute l’histoire humaine, parfois si incompréhensible aux hommes (le mystère de la permission du mal, la souffrance des innocents…). À l’issue du jugement particulier, l’âme n’a pas encore la lumière sur tout : grâce à la connaissance de l’ensemble des actions humaines et de leurs conséquences, elle peut contempler la pleine justice du dessein de Dieu et le glorifier en plénitude. Cette manifestation totale du plan d’amour de Dieu culminera dans le triomphe de celui qui en est la clé de voûte : son Fils unique incarné.

Le Christ juge en tant qu’homme

Saint Thomas d’Aquin donne plusieurs raisons d’attribuer le jugement au Christ en tant qu’homme :

– en raison de la grâce de l’union hypostatique (c’est ainsi que la théologie qualifie l’union si singulière dans la personne divine du Fils – Jésus – de la nature divine et d’une nature humaine) : Jésus dans son humanité est la personne même du Verbe, la Sagesse de Dieu, seule apte à porter un jugement universel et parfaitement droit[6]Somme Théologique, IIIa Pars, q. 59, a. 1..

– en raison de la grâce capitale (qui le constitue « tête » de l’Église), il participe au gouvernement divin sur l’humanité, et donc au pouvoir de juger les vivants et les morts.

– par les mérites infinis de la Passion, par lesquels il a fait triompher la justice de Dieu et acquis un droit sur les rachetés[7]Somme Théologique, IIIa Pars, q. 59, a. 3..

– en raison de sa « connaturalité » avec les justiciables, car Dieu aime à agir par des causes secondes, plus proches des effets qu’il produit[8]Somme Théologique, IIIa Pars, q. 59, a. 2 : « À cause de sa communauté et de son affinité avec les autres hommes. Or, Dieu agit par l’intermédiaire des causes secondes parce … Continue reading.

– car il convient que les justiciables puissent voir celui qui prononce leur sentence[9]Somme Théologique, IIIa Pars, q. 59, a. 2. : or si les bienheureux peuvent contempler le Christ en sa divinité, ce n’est pas le cas des damnés, qui ne peuvent voir que son humanité glorifiée.

Références

Références
1 Cette expression est récurrente tant dans l’Ancien que dans le Nouveau Testament : Jb 34, 11 : « Car il rend à l’homme selon ses œuvres, traite chacun d’après sa conduite » ; Ps 28 (27), 4 : « Donne-leur, Yahvé, selon leurs œuvres et la malice de leurs actes, selon l’ouvrage de leurs mains donne-leur, paie-les de leur salaire », Ps 62 (61), 12 : « Toi, tu paies l’homme selon ses œuvres » ; Jr 17, 10 : « Moi, Yahvé, je scrute le cœur, je sonde les reins, pour rendre à chacun d’après sa conduite, selon le fruit de ses œuvres »…. Nouveau Testament : Rm 2, 6 : « Par ton endurcissement et l’impénitence de ton cœur, tu amasses contre toi un trésor de colère, au jour de la colère où se révélera le juste jugement de Dieu, qui rendra à chacun selon ses œuvres » ; 2 Tm 4, 14 : « Alexandre le fondeur m’a fait beaucoup de mal. Le Seigneur lui rendra selon ses œuvres » ; 1 P 1, 17 : « Et si vous appelez Père celui qui, sans acception de personnes, juge chacun selon ses œuvres, conduisez-vous avec crainte pendant le temps de votre exil » ; Ap 2, 23 : « Toutes les Églises sauront que c’est moi qui sonde les reins et les cœurs ; et je vous paierai chacun selon vos œuvres » ; Ap 20, 12-13 : « Et je vis les morts, grands et petits, debout devant le trône ; on ouvrit des livres, puis un autre livre, celui de la vie ; alors, les morts furent jugés d’après le contenu des livres, chacun selon ses œuvres. Et la mer rendit les morts qu’elle gardait, la Mort et l’Hadès rendirent les morts qu’ils gardaient, et chacun fut jugé selon ses œuvres. »
2 « Si quelqu’un entend mes paroles et ne les garde pas, je le ne juge pas, car je ne suis pas venu pour juger le monde, mais pour sauver le monde. Qui me rejette et n’accueille pas mes paroles a son juge : la parole que j’ai fait entendre, c’est elle qui le jugera au dernier jour. » (Jn 12, 47-48)
3 Saint Thomas d’Aquin, Compendium, I, c. 242.
4 « Voilà pourquoi on ne peut porter sur toutes ces choses un jugement définitif et public aussi longtemps que se poursuit le cours de ce monde. Il doit donc y avoir un jugement final au dernier jour dans lequel ce qui concerne chaque homme d’une manière ou d’une autre soit jugé parfaitement et manifestement » (Somme de Théologie, IIIa Pars, q. 59, a. 5.
5 Symbolisée dans l’Apocalypse par le Livre de Vie : « Je vis les morts, grands et petits, debout devant le trône ; on ouvrit des livres, puis un autre livre, celui de la vie ; alors, les morts furent jugés d’après le contenu des livres, chacun selon ses œuvres » (Ap 20, 12).
6 Somme Théologique, IIIa Pars, q. 59, a. 1.
7 Somme Théologique, IIIa Pars, q. 59, a. 3.
8 Somme Théologique, IIIa Pars, q. 59, a. 2 : « À cause de sa communauté et de son affinité avec les autres hommes. Or, Dieu agit par l’intermédiaire des causes secondes parce qu’elles sont plus proches des effets qu’il produit. Ainsi juge-t-il les hommes par le Christ-Homme, afin que son jugement leur soit plus indulgent. »
9 Somme Théologique, IIIa Pars, q. 59, a. 2.
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