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Le « Témoin de l’amour crucifié » (2/2)

Retour sur l’itinéraire spirituel du capucin stigmatisé, qui montre qu’au-delà de ce que Padre Pio a dit, compte ce qu’il a vécu avec le Christ et avec ces frères, nous lisons et recommandons vivement la belle biographie spirituelle rédigée par deux frères capucins de la province de France : les frères Pio Murat et Eric Bidot
Lire la première partie de l’article.

Padre Pio et la messe

La messe quotidienne est le sommet de la vie du Padre Pio, le moment privilégié de son union au Christ. Le sulpicien René Hamel, qui visite San Giovani Rotondo en décembre 1954 fait partie des nombreux témoins bouleversés par cette longue célébration (entre 1h15 et 2h pour la messe basse) dans laquelle le capucin prie et fait prier les autres en s’effaçant derrière son Seigneur. L’offertoire et la consécration en particulier sont vécus sous le signe de la souffrance : le père paraît être comme à l’agonie à l’approche de la consécration, qu’il semble s’efforcer de retarder. Enfin c’est une véritable mort mystique qu’il consomme avec le corps et le sang du Christ, par la douleur et l’amour, un « moment de communion profonde avec Jésus prêtre et victime » (Jean-Paul II). La messe se prolonge en une longue action de grâces, instant privilégié de dialogue avec son Seigneur où Padre Pio reçut de nombreux témoignages de prédilection divine (jusqu’à la transverbération et aux stigmates). Durant la journée encore il s’unissait à l’eucharistie à travers l’adoration et la pensée toujours renouvelée de Jésus au Saint-Sacrement, qu’il pratiquait et conseillait à ceux que la vie active éloignait des murs du couvent.

Le confesseur

Prêtre, le Padre Pio l’était aussi par la confession : il passait parfois plus de 10 heures par jour à entendre les pénitents, se montrant miséricordieux mais direct, parfois rude avec ceux qui minimisaient leurs péchés, attendant une confession claire et courte des péchés. Il renvoyait parfois du confessionnal, pour exciter l’âme à une contrition plus profonde et plus vraie. Il percevait en effet avec une acuité particulière – et jusque dans sa chair – la gravité du péché ; cette souffrance se manifestait en particulier dans la formule d’absolution, puis dans le sentiment de paix et de sérénité qui suivait. Comme à la messe où il était immergé dans la souffrance du Christ au long de la consécration, puis apaisé par son sacrifice accepté après la sainte communion, le religieux revivait la Passion au confessionnal. On connaît encore le capucin pour son don de discernement des esprits, qui étonna plus d’un pénitent. Mais le Padre Pio savait surtout faire preuve d’une grande bienveillance avec les âmes : « mais Dieu croit en vous, » répondit-il un jour à qui avouait ne pas croire en Dieu.

 

Au service des pauvres : la Casa sollievo

Uni au Christ jusque dans sa chair, prêtre et confesseur infatigable, le Padre Pio était aussi particulièrement attentif aux plus pauvres, dans lesquels il retrouvait le visage de Jésus. Il eut la grande intuition de la Casa sollievo, un hôpital de niveau international, où serait pratiquée une médecine humanisée, dans un climat spirituel prenant en compte la guérison des corps et le salut des âmes. En 1947 commença la construction d’un établissement de 250 lits, malgré des finances inexistantes. Le projet pharaonique du capucin fut soutenu par de nombreux coups de pouce de la Providence. Une journaliste américaine qui avait demandé au père d’intercéder pour la conversion de son fiancé, Barbara Ward, œuvra notamment pour lui obtenir des fonds d’aide internationale, sur place. Le Padre fut secondé tout au long du projet par le docteur Sanguinetti, médecin anticlérical, réputé « broyeur de curé, » qui n’avait un jour accepté de conduire son épouse jusqu’à San Giovanni Rotondo que comme « chauffeur de Madame » : bouleversé par la rencontre avec le religieux, il se rebiffa, puis se confessa, se convertit, et quitta tout pour devenir son plus proche collaborateur. La première tranche de l’hôpital fut inaugurée en 1956. Il lui causera de grandes épreuves après 1958, lorsqu’il s’attirera les foudres d’une hiérarchie en partie corrompue pour avoir refusé que les fonds de son oeuvre (“l’argent des pauvres”) viennent couvrir un scandale financier. L’établissement existe toujours et est aujourd’hui encore en pointe sur de nombreuses techniques médicales.

Les groupes de prière

Une autre initiative au fort retentissement fut celle des groupes de prière : le Padre Pio était un « homme devenu prière, » qui invitait les autres à prier. En réponse à l’appel international de Pie XII, durant la Seconde Guerre Mondiale, il initia des petits groupes de priants, en communion avec lui, leviers d’intercession et d’évangélisation prenant appui sur les laïcs. Toujours soumis à l’approbation des autorités ecclésiastiques, les groupes de prière reposent sur trois piliers : la Parole, l’Eucharistie, l’esprit de service ; ils se réunissent chaque mois autour d’un temps de prière communion, de formation et d’engagements divers. On en compte aujourd’hui plus de 3000 dans le monde, 43 en France.

Directeur d’âmes

Père spirituel, le Padre Pio eut de nombreux fils et filles spirituels dans tous les pays. Il était un directeur exigeant, demandant à ceux qui sollicitaient sa direction une totale ouverture de cœur. Il se montrait franc et direct, insistant sur les vertus théologales : foi, espérance, amour de Dieu et du prochain par amour pour Dieu. Parmi ses références préférées on trouvait l’Histoire d’une Âme de la petite Thérèse de Lisieux, les fioretti du Poverello d’Assise et son « esprit de minorité. » Il recommandait la confiance en Dieu seul, la paix du cœur et rayonnait chez ses fils spirituels par la foi, la douceur, la maîtrise de soi, l’humilité. Les profils sont infiniment variés parmi ceux dont la vie fut bouleversée par leur rencontre avec le Padre : Mary Pyle, apparentée aux Rotschild, secrétaire de Maria Montessori, se trouva convertie sans crier gare et posa finalement ses valises pour la vie à San Giovanni Rotondo. Parmi les innombrables cas de personnes ayant été en contact direct ou épistolaire avec le religieux, qui recevait des centaines de lettres par jour, on parle aussi d’une rencontre avec un jeune prêtre polonais en 1947 : Karol Wojtyla, venu en visite au couvent depuis Rome. Plus étonnante encore, cette visite – qui témoigne du don de bilocation – au cardinal Mindszenty, prisonnier des geôles communistes en Hongrie, ou encore ces discrètes visites à Lourdes, que Padre Pio disait avoir été “nombreuses.”

Padre Pio et Marie

Parmi les dévotions du Padre Pio, on ne peut manquer de mentionner son grand amour pour la Vierge Marie, instinctif et spontané depuis l’enfance, de par son attachement à la Madone de Pietrelcina, un pèlerinage de son village natal. Mais cette dévotion populaire était nourrie par l’Évangile, car Marie pratiquait l’Évangile à la perfection, avant même qu’il ne soit annoncé : humilité de cœur, union aux souffrances du Christ… Il vivait ainsi dans une prière constante du chapelet : le religieux en était venu à un rosaire continuel, un murmure incessant des lèvres et du cœur, pour vivre avec Marie en présence de Dieu. Aux dires de certains, il aurait ainsi récité jusqu’à 35 chapelets par jour ! Notre-Dame était en particulier sa conseillère privilégiée au confessionnal, sa consolation et son soutien contre les assauts diabolique, sa meilleure alliée dans la prière d’intercession, avec laquelle il entretenait un dialogue spontané et intime à toute heure du jour et de la nuit. Sa correspondance confirme l’omniprésence de Marie dans sa vie : il entretint avec la Mère de Dieu un lien spontané, affectif et tendre. Il voulait inviter tous les pécheurs du monde à aimer Marie.

Vivre comme le Christ

De Padre Pio on retient volontiers les nombreuses histoires extraordinaires : les confrontations et vexations diaboliques, les stigmates et les grâces mystiques, les prophéties supposées, les nombreux miracles (jusqu’à la guérison de la petite Gemma di Giorgi, aveugle de naissance et qui retrouva la vue alors même qu’elle demeurait privée de pupille). Le livre des frères Pio Murat et Eric Bidot permet de prendre sur cette vie hors du commun un recul salutaire : plus encore que les irruptions momentanées du surnaturel dans son existence, c’est sa vie configurée au Christ qui est le principal message du saint capucin. Sa vie qui était une véritable messe, et qui se termina pour ainsi dire par une messe, célébrée deux jours seulement avant sa mort à l’occasion des 50 ans de sa stigmatisation, en laquelle on peut encore revivre avec lui, grâce à quelques instants de vidéo, sa profonde union à Jésus offrant sa vie pour nous. Ses derniers moments furent marqués par la disparition soudaine des stigmates, sa peau retrouvant quasi instantanément une étonnante jeunesse. 

Padre Pio mourut le 23 septembre 1968, plus de 100000 personnes assistèrent à ses funérailles. Il fut béatifié le 2 mai 1999 et canonisé le 16 juin 2002. Il fut un véritable témoin de l’amour crucifié, humble et sacrifié, identifié au maître par amour, signe de Dieu dans un temps marqué par le mythe de la toute-puissance de la science et de la technique.

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