Après en avoir dressé un « portrait mystique, » le cardinal Sarah s’efface pour laisser resplendir la figure discrète de Benoît XVI : il réunit sept textes où il évoque différents visages de son pontificat, puis dix textes fondamentaux et méconnus du défunt pape.
Visages du Pontificat
Le cardinal Sarah réunit ensuite sept textes qui étaient jusque-là publiés séparément et qui dressent un portrait croisé du pontificat.
Il commence par le très personnel, « Benoît XVI, mon ami », où il retrace les liens profonds qui l’unirent au pape et relate quelques souvenirs, depuis leur rencontre en 2001 jusqu’à 2023, insistant sur sa parfaite disponibilité aux autres, rappelant en quelques traits son amour pour les prêtres, la prière placée au centre du pontificat, les grands moments des JMJ de Madrid.
Vient ensuite un court texte sur la liturgie et ses conséquences dans la vie de l’Église, avec la conviction du pape que « l’avenir de l’Église dépend de la liturgie », liturgie qui est radicalement christocentrique, chemin de rencontre avec le Crucifié : « Benoît XVI attirait parce qu’il semblait vouloir disparaître dans la liturgie pour que l’on ne voie plus que Jésus-Christ seul » (p. 77).
Suit une analyse de la prédication par l’exemple que donna le défunt pape : « non seulement les enseignements, mais encore les actes et le style de Benoît XVI, constituent un lieu théologique » (p. 79), une manifestation pratique de sa conception du ministère pétrinien. Par son agir, Benoît XVI était ainsi « Grand prêtre et confesseur de la foi ». En particulier, à l’instar de saint Pierre qui affirma la divinité du Christ (Mt 16,16) : « confesser le nom divin est le propre du ministère pétrinien. Confesser la vérité de Dieu est l’acte propre du souverain pontife » (p. 82).
« Comme un saint Augustin des temps modernes » est l’occasion d’évoquer le théologien de premier plan que fut Benoît XVI, surtout par « la profondeur théologale de sa contemplation des réalités divines » (p. 95). « Il n’a cessé de rappeler que l’expérience de rencontre avec le Christ ne contredit ni la raison ni la liberté. ‘‘Le Christ n’enlève rien, il donne tout !’’ » (p. 97).
Puis arrive l’analyse de l’article fondamental de Benoît XVI, « L’Église et le scandale des abus sexuels », « véritable source de lumière dans la nuit de la foi qui touche l’Église » (p. 101). L’article « Lumière dans la nuit » reprend pas à pas la réflexion du pape, pour qui la racine profonde des abus dans l’Église est une crise de la foi : « c’est seulement là où la Foi ne détermine plus les actions des hommes que de telles choses deviennent possibles » (p. 109). Ce que résume l’affirmation de Dostoïevski : « Si Dieu n’existe pas, alors tout est permis ! » (p. 108). Avec ce terrible constat dressé par le pape et partagé par le cardinal : « L’oubli de Dieu ouvre la porte à tous les abus ? Nous l’avions déjà constaté dans la société. Mais l’oubli de Dieu s’est introduit jusque dans l’Église et même chez les prêtres. Inéluctablement les abus de pouvoirs et les abus sexuels se sont répandus parmi eux » … (p. 112). Quelle solution ? « Si la cause de la crise est l’oubli de Dieu, alors remettons Dieu au centre » (p. 116), au centre de l’Église, au centre de nos vies, en particulier par l’Eucharistie ! « Ce qu’il faut d’abord et avant tout, disait-il, c’est le renouveau de la foi en la présence de Jésus-Christ qui nous est donné dans le Saint Sacrement » (p. 117).
Le texte suivant, « Le continent africain, ‘‘poumon’’ spirituel de l’humanité », fut écrit à l’occasion du voyage apostolique de Benoît XVI au Bénin en 2011. Avec une foi vive mais de nombreux territoires non évangélisés, avec une démographie en forte hausse et des enjeux géopolitiques majeurs, l’évangélisation de l’Afrique est cruciale aux yeux du cardinal guinéen.
La série s’achève par « Benoît le grand, » texte où le cardinal pointe ce qui fit la véritable grandeur de Benoît XVI : non d’abord son intelligence ou la profondeur de son regard théologique, ni sa douceur ou son apparente faiblesse humaine ; mais plutôt sa foi, sa rencontre avec la Parole de Dieu, Verbe éternel fait chair, avec Jésus-Christ. « À l’origine du fait d’être chrétien, disait-il, il n’y a pas une décision éthique ou une grande idée, mais la rencontre avec un événement, avec une Personne, qui donne à la vie un nouvel horizon et par là son orientation décisive » (p. 131). C’est à guider les âmes vers cette rencontre que furent concentrés tous les efforts du pape, en restaurant la sacralité de la liturgie (notamment Summorum Pontificum, mentionné p.132), en rédigeant le Catéchisme de l’Église Catholique, ses encycliques ou son Jésus de Nazareth ; tout comme ce fut le moteur de ses actions et de ses silences, jusqu’à sa démission et sa retraite silencieuse au cœur du Vatican.
Textes méconnus
L’ouvrage s’achève en laissant la parole à Benoît XVI, avec dix textes choisis où vibre l’âme du défunt pape, et qui font résonner sa voix jusqu’à nos oreilles. Ce sont tour à tour :
– « L’Église du troisième millénaire » (sur l’urgence du témoignage chrétien face au monde sans Dieu),
– « La grâce des petits » (contre le risque d’aveuglement de la raison, l’importance de l’humilité),
– « Le sourire de la Vierge » (à Lourdes, ce beau sourire reflet de la tendresse de Dieu pour tous),
– « Je voudrais être toujours avec toi » (réponses aux questions des enfants de Rome, l’année de leur première communion),
– « Le caractère sacré de l’Eucharistie » (sur l’importance de l’adoration eucharistique),
– « Une oasis où puiser l’eau vive » (l’Église a besoin de contemplatifs comme les chartreux),
– « Emplis de la joie du Seigneur » (dialogue avec les prêtres en fin d’année du sacerdoce [2010]),
– « Un cœur qui se contente de Dieu » (les rois mages, figures et exemple pour les évêques),
– « Non plus serviteurs mais amis » (sur la grâce du sacerdoce, pour ses soixante ans d’ordination),
– « Renouveler notre jeunesse spirituelle » (aux prêtres, un commentaire d’Ac 20,17-38 sur le thème : on n’est pas prêtre à temps partiel, mais toujours).
En bref
Truffés de citations du pape Benoît XVI, simple d’accès de par la concision et l’indépendance des chapitres, c’est un vibrant hommage, une belle présentation de la personne du pape défunt que propose le cardinal Robert Sarah. On sent poindre régulièrement l’amitié et l’admiration de l’auteur envers celui qui le créa cardinal et lui confia la charge de Préfet pour le culte divin. Chacun pourra y trouver de quoi rencontrer ou retrouver Benoît XVI, et surtout de quoi aimer mieux le Seigneur, le grand amour de sa vie, celui qu’il s’est efforcé chaque jour de connaître et de faire connaître, d’aimer et de faire aimer par tous, prêtres, fidèles, hommes de bonne volonté.