Dans l’évangile du 2e Dimanche après l’Épiphanie[1]Jn 2, 1-11., la Sainte Vierge, attentive aux besoins des nouveaux époux, remarque que le vin vient à manquer. Elle s’adresse à son Fils pour lui exposer ce problème, et lui demander implicitement d’y apporter une solution. La réponse du Christ peut sembler étonnante, voir peu respectueuse : « Femme, que me veux-tu ? » (Jn 2, 4)[2]Littéralement : « Quoi pour moi et pour toi ? ». Il s’agit, dit Osty, d’un « idiotisme hébraïque pour repousser une intervention jugée inopportune (Jg 11, 12 ; 2S 16, 10 ; 1R 17, … Continue reading. En vérité, cette parole lève le voile sur l’éminente dignité de Notre-Dame. C’est ce que nous voulons exposer brièvement.
Il faut tout d’abord noter que le Christ est le seul cas connu, dans la Bible, d’un fils s’adressant à sa mère en disant « femme »[3]Cf. R. E. Brown, The Gospel according to John I-XII, The Anchor Bible, Doubleday, New York, 1966, p. 99. Nous tenons cette citation du cours d’exégèse sur Saint Jean, donné au séminaire par le … Continue reading. Ce qui n’est pas un signe de mépris mais souligne l’importance particulière de cette parole.
L’appellation « femme » renvoie ici d’abord à la Genèse, à la figure d’Ève, qui est la première à être appelée « femme » par Adam (Gn 2, 23)[4]La version grecque de la Septante emploie le même mot « guné » (femme) que Jn 2, 4. ; elle renvoie également à la femme annoncée comme devant écraser la tête du serpent (Gn 3, 15).
La Vierge Marie est ainsi présentée comme la « nouvelle Ève », ce qui rejoint l’enseignement de plusieurs Pères de l’Église, comme saint Irénée qui développe l’antithèse entre Ève et Notre-Dame : « (…) Le nœud de la désobéissance d’Eve a été dénoué par l’obéissance de Marie, car ce que la vierge Eve avait lié par son incrédulité, la vierge Marie l’a délié par sa foi »[5]Contre les hérésies, III, 2, 4..
Cette idée de « Marie, nouvelle Ève » apparaît déjà dans l’évangile de saint Jean. Elle apparaît au plus haut point comme la nouvelle Ève au pied de la Croix[6]cf. Jn 19, 25-27. Car c’est au Calvaire que se retrouvent les protagonistes annoncés par la prophétie de Gn 3, 15 : Jésus-Christ, le descendant de la femme, par qui le serpent – c’est-à-dire le diable – doit être vaincu ; ce même serpent, car le diable est, selon saint Jean, l’instigateur de la Passion[7]Cf. Jn 13, 2 et 27. ; et enfin la « femme » annoncée par la Genèse comme devant écraser la tête du serpent, c’est-à-dire la Vierge Marie. Elle triomphe du serpent non seulement en vertu de sa Maternité divine (elle est la Mère de Celui qui triomphe du démon), mais aussi par sa participation intime à l’œuvre de la Rédemption, quand elle s’est unie au sacrifice de son Fils sur la Croix.
C’est d’ailleurs du haut de la Croix que le Christ désigne de nouveau sa mère par ce titre de « femme »[8] Jn 19, 26 : « Femme, voici ton fils ».. Par le don de sa vie, le Christ donne aux croyants l’Esprit qui fera d’eux des enfants de Dieu (cf. Jn 19, 30). La Vierge Marie, qui se tient au pied de la Croix[9]cf. Jn 19, 25, est manifestée comme nouvelle Ève lorsque le Christ lui dit : « Femme, voici ton fils »[10]Jn 19, 26. Unie au Christ dans son combat et sa victoire sur le démon, Notre-Dame reçoit la grâce d’une nouvelle maternité, qui s’étend de Jésus à tous ceux dont Jésus fait ses frères par le don de son Esprit, fruit de sa mort sur la Croix.
Cette lecture est confirmée par la référence, encore via ce titre de « Femme », à la femme de l’Apocalypse, dont le Fils triomphe du Dragon[11]Ap 12, 1 et suivants.
« Femme, que me veux-tu ? ». Loin d’être une expression méprisante ou hautaine, cette phrase évoque l’éminente dignité de la nouvelle Ève. Le Christ prévient ainsi solennellement qu’en réalisant un premier miracle, ce sera le début de son chemin vers le Calvaire, et l’entrée « officielle » du Christ et de sa Mère dans leur mission providentielle de nouvel Adam et de nouvelle Ève, mission qui aura pour but de donner à l’humanité la vie de la grâce, symbolisée par l’eau changée en vin.
Littéralement : « Quoi pour moi et pour toi ? ». Il s’agit, dit Osty, d’un « idiotisme hébraïque pour repousser une intervention jugée inopportune (Jg 11, 12 ; 2S 16, 10 ; 1R 17, 18 ; etc.) ». Cf. E. Osty et J. Trinquet, La Sainte Bible, Paris, Seuil, 1973, p. 2261.
Cf. R. E. Brown, The Gospel according to John I-XII, The Anchor Bible, Doubleday, New York, 1966, p. 99. Nous tenons cette citation du cours d’exégèse sur Saint Jean, donné au séminaire par le Père A.-M. Crignon, de la Fraternité Saint Vincent Ferrier.
« Femme, que me veux-tu ? »
Dans l’évangile du 2e Dimanche après l’Épiphanie[1]Jn 2, 1-11., la Sainte Vierge, attentive aux besoins des nouveaux époux, remarque que le vin vient à manquer. Elle s’adresse à son Fils pour lui exposer ce problème, et lui demander implicitement d’y apporter une solution. La réponse du Christ peut sembler étonnante, voir peu respectueuse : « Femme, que me veux-tu ? » (Jn 2, 4)[2]Littéralement : « Quoi pour moi et pour toi ? ». Il s’agit, dit Osty, d’un « idiotisme hébraïque pour repousser une intervention jugée inopportune (Jg 11, 12 ; 2S 16, 10 ; 1R 17, … Continue reading. En vérité, cette parole lève le voile sur l’éminente dignité de Notre-Dame. C’est ce que nous voulons exposer brièvement.
Il faut tout d’abord noter que le Christ est le seul cas connu, dans la Bible, d’un fils s’adressant à sa mère en disant « femme »[3]Cf. R. E. Brown, The Gospel according to John I-XII, The Anchor Bible, Doubleday, New York, 1966, p. 99. Nous tenons cette citation du cours d’exégèse sur Saint Jean, donné au séminaire par le … Continue reading. Ce qui n’est pas un signe de mépris mais souligne l’importance particulière de cette parole.
L’appellation « femme » renvoie ici d’abord à la Genèse, à la figure d’Ève, qui est la première à être appelée « femme » par Adam (Gn 2, 23)[4]La version grecque de la Septante emploie le même mot « guné » (femme) que Jn 2, 4. ; elle renvoie également à la femme annoncée comme devant écraser la tête du serpent (Gn 3, 15).
La Vierge Marie est ainsi présentée comme la « nouvelle Ève », ce qui rejoint l’enseignement de plusieurs Pères de l’Église, comme saint Irénée qui développe l’antithèse entre Ève et Notre-Dame : « (…) Le nœud de la désobéissance d’Eve a été dénoué par l’obéissance de Marie, car ce que la vierge Eve avait lié par son incrédulité, la vierge Marie l’a délié par sa foi »[5]Contre les hérésies, III, 2, 4..
Cette idée de « Marie, nouvelle Ève » apparaît déjà dans l’évangile de saint Jean. Elle apparaît au plus haut point comme la nouvelle Ève au pied de la Croix[6]cf. Jn 19, 25-27. Car c’est au Calvaire que se retrouvent les protagonistes annoncés par la prophétie de Gn 3, 15 : Jésus-Christ, le descendant de la femme, par qui le serpent – c’est-à-dire le diable – doit être vaincu ; ce même serpent, car le diable est, selon saint Jean, l’instigateur de la Passion[7]Cf. Jn 13, 2 et 27. ; et enfin la « femme » annoncée par la Genèse comme devant écraser la tête du serpent, c’est-à-dire la Vierge Marie. Elle triomphe du serpent non seulement en vertu de sa Maternité divine (elle est la Mère de Celui qui triomphe du démon), mais aussi par sa participation intime à l’œuvre de la Rédemption, quand elle s’est unie au sacrifice de son Fils sur la Croix.
C’est d’ailleurs du haut de la Croix que le Christ désigne de nouveau sa mère par ce titre de « femme »[8] Jn 19, 26 : « Femme, voici ton fils ».. Par le don de sa vie, le Christ donne aux croyants l’Esprit qui fera d’eux des enfants de Dieu (cf. Jn 19, 30). La Vierge Marie, qui se tient au pied de la Croix[9]cf. Jn 19, 25, est manifestée comme nouvelle Ève lorsque le Christ lui dit : « Femme, voici ton fils »[10]Jn 19, 26. Unie au Christ dans son combat et sa victoire sur le démon, Notre-Dame reçoit la grâce d’une nouvelle maternité, qui s’étend de Jésus à tous ceux dont Jésus fait ses frères par le don de son Esprit, fruit de sa mort sur la Croix.
Cette lecture est confirmée par la référence, encore via ce titre de « Femme », à la femme de l’Apocalypse, dont le Fils triomphe du Dragon[11]Ap 12, 1 et suivants.
« Femme, que me veux-tu ? ». Loin d’être une expression méprisante ou hautaine, cette phrase évoque l’éminente dignité de la nouvelle Ève. Le Christ prévient ainsi solennellement qu’en réalisant un premier miracle, ce sera le début de son chemin vers le Calvaire, et l’entrée « officielle » du Christ et de sa Mère dans leur mission providentielle de nouvel Adam et de nouvelle Ève, mission qui aura pour but de donner à l’humanité la vie de la grâce, symbolisée par l’eau changée en vin.
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