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Avent ou Avant ?

L’année liturgique commence ce premier dimanche de l’Avent : il n’en fut pas toujours ainsi. Que veut dire « Avent » ? Pourquoi cette orthographe bizarre ? Pour le comprendre, remontons l’histoire, aux origines de ce temps de préparation à Noël.

Aux origines de l’Avent

Dans le monde romain[1]A.G. Martimort, L’Église en prière, Ed. Desclée et Cie, Paris, 1961, p. 734-735, le terme « Adventus » (venue ou « advenue ») désignait la venue annuelle de la divinité dans son temple, pour rendre visite à ses fidèles : on y vénérait alors la statue du dieu avec solennité, durant les jours de la célébration.

Au plan purement profane, le terme désignait encore la première visite officielle d’un personnage important lors de son entrée en fonctions, l’accueil du magistrat républicain, revêtu de l’imperium, dans la ville, ou le retour du princeps dans la cité après une absence momentanée ou une campagne militaire[2]Voir Stéphane Benoît, Rome, le prince et la Cité, 2005, p. 25. Cet événement était l’occasion d’une grande fête, souvent marquée par la frappe d’une monnaie commémorative, parfois même par la construction d’une colonne (la colonne de Trajan) ou d’un arc de triomphe (tels ceux de Titus ou de Constantin à Rome).

Avent = Adventus – « attente. » Mais qu’attendons-nous ?

D’origine profane, la notion d’Avent sera bientôt christianisée, selon un processus dont les étapes nous aident à comprendre la tonalité profonde de ce temps liturgique.

L’Avent chrétien : en Gaule et à Rome

Dans les premiers sacramentaires , l’année liturgique semble commencer directement avec la fête de Noël. Lorsque l’on cherche à déterminer le moment où apparut une période de préparation : l’Avent, on doit distinguer les liturgies romaine et gallicane.

En Gaule et en Espagne, on trouve en effet dès la fin du IVe siècle déjà un « Avent » de trois semaines, avec une tonalité fortement ascétique – comme une sorte de « carême » de Noël. Il était sans doute lié à la fête de l’Épiphanie, principale célébration de la naissance du Christ à l’époque, et contribuait à préparer les baptêmes qui y étaient célébrés. En 380, le Concile (local) de Saragosse prescrivait ainsi aux fidèles d’être assidus à l’église du 17 décembre au 6 janvier (Épiphanie). Par la suite (vers le milieu du Ve siècle) cette préparation est avancée, à mesure que se développe la fête de Noël (le 25 décembre), en réaction aux hérésies christologiques (de Nestorius par exemple) qui niaient l’Incarnation et dans la lignée des grands conciles d’Éphèse (431) et Chalcédoine (451). En certains lieux de Gaule cette période préparatoire était allongée, courant du 11 novembre au 25 décembre, et appelée le « Carême de la Saint-Martin. »

À Rome au contraire la première trace d’un temps de préparation à Noël apparaît au VIe siècle, où l’on trouve à Capoue mention de la célébration de quatre dimanches de l’Avent. On n’en trouve pas de trace formelle pour les siècles précédents à Rome, mais en revanche déjà à Naples et à Ravenne. On le retrouve ensuite dans les grands sacramentaires, graduels et antiphonaires des VII-VIIIe siècles, comme dans les sermons de saint Grégoire le Grand. La tonalité de la période n’y est pas ascétique mais liturgique, une attente joyeuse de l’adventus d’un prince nouveau, l’annonce de la libération prochaine. On retrouve déjà à Rome au début du VIIe siècle les quatre semaines qui nous préparent aujourd’hui encore à Noël.

 

Début ou fin de l’année liturgique ? L’Avent, attente de la fin du monde

Si l’Avent est apparu à une étape tardive de la construction de l’année liturgique, en est-il vraiment le commencement ? Le père Louis Bouyer[3]Louis Bouyer, La vie de la liturgie, Ed. du cerf, Paris, 1956,  p. 257-258 relevait que l’Avent, bien loin d’être l’introduction de l’année liturgique, en est plus proprement la fin : sa liturgie porte des traces frappantes de continuité directe avec les derniers dimanches après la Pentecôte, marqués par l’idée de la seconde venue du Christ ; or durant l’Avent, l’Église implore constamment cette venue, et comment pourrait-elle demander une venue (la nativité) qui aurait déjà eu lieu ? Il s’agit nécessairement pour lui d’une même prière, eschatologique, et d’une même espérance du retour en gloire du Seigneur, « espoir de sa venue finale sur les nuées du ciel. » Le père Bouyer fait par ailleurs remarquer que les leçons du Bréviaire (lecture continue de la Bible au long de l’année, à l’office de matines) ne commencent pas à l’Avent mais à la Septuagésime, par la lecture de la Genèse.

La tonalité liturgique de l’Avent

Ce paradoxe de l’Avent se retrouve dans la double tonalité joyeuse et pénitentielle de sa liturgie. Par comparaison au carême en effet, la préparation à Noël semble empreinte d’un désir intense et enthousiaste de la venue du Verbe de Dieu dans le cœur de tous les fils d’Adam[4]Ildefonse Schuster, Liber Sacramentorum, T.II, Ed. Vromant, Bruxelles, 1929, p. 130..

– D’un côté les antiennes de la messe et de l’office demeurent joyeuses, se terminant souvent par des alleluia.

– De l’autre la suppression du Te Deum[5]Hymne de louange et de victoire, attribuée à saint Ambroise, dont la récitation ou le chant clôt l’office de matines pour toutes les fêtes., du Gloria, la couleur violette, le silence des orgues… attestent du caractère préparatoire de la période.

Les deux grands témoins de l’Avent

L’attente de l’Avent est clamée par les grandes voix de saint Jean-Baptiste, le Précurseur (que l’on retrouve notamment dans les évangiles des 2e, 3e et 4e dimanches de l’Avent) et du prophète Isaïe (lu par l’Église à matines durant tout l’Avent, présent sept fois dans les lectures de la semaine de Quatre-temps).

– Le premier est le dernier et le plus grand des prophètes, celui dont la naissance annonce celle du Sauveur, dont la prédication annonce celle de l’Évangile, dont le baptême de pénitence annonce la régénération spirituelle par les sacrements.

– Le second est la grande voix de l’Ancien Testament, le plus prolixe des prophètes et celui dont l’annonce se concentre en particulier sur la figure du Messie dans les deux moments paradoxaux et complémentaires de sa mission : sa naissance comme un enfant (Is 9), né d’une Vierge (Is 7) dans la lignée de David (Is 11) ; le sacrifice ultime de sa mort librement acceptée par amour et pour nos péchés (voir les « chants du Serviteur », en particulier Is 52, 13 – 53, 12).

Références

Références
1 A.G. Martimort, L’Église en prière, Ed. Desclée et Cie, Paris, 1961, p. 734-735
2 Voir Stéphane Benoît, Rome, le prince et la Cité, 2005, p. 25
3 Louis Bouyer, La vie de la liturgie, Ed. du cerf, Paris, 1956,  p. 257-258
4 Ildefonse Schuster, Liber Sacramentorum, T.II, Ed. Vromant, Bruxelles, 1929, p. 130.
5 Hymne de louange et de victoire, attribuée à saint Ambroise, dont la récitation ou le chant clôt l’office de matines pour toutes les fêtes.
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