Le rôle des parents dans la transmission de la foi est primordial, nous disait l’abbé Vernier dans son premier entretien. Comment faire en pratique ? Les deux premiers de six piliers et conseils concrets d’un jeune prêtre.
Retrouvez ici la première partie de l’entretien avec l’abbé Vernier
Retrouvez ici la troisième partie de l’entretien avec l’abbé Vernier
claves.org : Monsieur l’abbé, vous nous avez cité six piliers de la transmission de la foi, pouvez-vous nous les rappeler ?
Abbé Hilaire Vernier : Bien sûr, voici les six biais par lesquels les parents transmettent à leurs enfants non pas directement la vertu de foi – infuse, reçue au baptême – mais sa nourriture indispensable, pour en vivre, la faire grandir et la prémunir de bien des dangers.
1) la prière familiale,
2) la vie sacramentelle,
3) Le catéchisme traditionnel
4) l’initiation à l’oraison,
5) le rôle premier de l’exemple, dans l’éducation au sacrifice en particulier,
6) la prise de bonnes habitudes, qui deviendront des vertus.
claves.org : Nous parlerons dans cet entretien de vos trois premiers piliers. Pourquoi placer au premier plan la prière familiale ?
Abbé Hilaire Vernier : la vraie religion consiste dans l’amitié personnelle avec Dieu, et non dans la morale. Cette amitié se construit dans le temps que l’on y consacre : le signe de l’amour, qui cherche la présence de l’être aimé, est le don.
claves.org : Que dire dans la prière familiale ?
Abbé Hilaire Vernier : vous vous souvenez sans doute des cinq petits mots appris à la veille de votre première communion ? « ARDOR » : Adorer, Remercier, Demander, Offrir, Répondre ; ou encore la prière sur les cinq doigts de la main : « Bonjour, Merci, Pardon, S’il vous plaît, Je vous aime. » C’est ce contenu tout simple, appliqué aux événements de la vie de la famille, pour faire percevoir que Dieu y est présent et y opère son salut.
claves.org : La prière familiale ressemble pourtant parfois plutôt à un champ de bataille qu’à un monastère… Quelle attitude doivent y tenir les parents ?
Abbé Hilaire : Souvenons-nous que c’est avant tout notre exemple qui marquera les enfants et les imprégnera. Il faut habituer surtout à la régularité, coûte que coûte. Plutôt que de longues prières et formules, il faut apprendre aux enfants à parler à Dieu comme à une personne intime. Concrètement, n’hésitons pas à nous aider d’un lieu privilégié, le fameux coin prière familial, au décor choisi et soigné, avec ses statues et ses bougies. Sanctuarisons ensuite le temps de la prière du soir (entre le brossage de dents et l’histoire par exemple), ne le manquons jamais quelles que soient les circonstances. Mais sachons rester bien souples quant au déroulement et à la discipline (en s’adaptant bien sûr à l’âge de chaque enfant) : ce n’est pas parce qu’un tout petit s’agite, trotte, joue, qu’il ne prie pas avec nous, et surtout qu’il n’apprend pas à prier. En effet, les enfants sont moins réceptifs au cérébral, aux palabres… ils ont besoin de toucher, de bouger : favorisons les gestes concrets (embrasser la statue, souffler la bougie).
Ajoutons que si l’église est le lieu propre de la liturgie, il faut aussi que la prière familiale ait ses propres « rites » : le chapelet récité ensemble (on peut commencer par une dizaine, puis augmenter peu à peu), la consécration du foyer au Sacré-Cœur…
claves.org : La clé en trois mots ?
Abbé Hilaire Vernier : Régularité – ne jamais y manquer, sans transiger pour aucun enfant, et lorsqu’un parent rentre après la prière familiale, qu’il n’hésite pas à aller bénir chaque enfant dans son lit. Douceur – la prière ne doit pas être une sanction, il ne faut pas que l’on y associe de mauvais souvenirs ! Spontanéité – le but principal est d’induire chaque enfant à développer une relation personnelle avec Dieu.
claves.org : Qui doit y jouer le rôle principal ?
Abbé Hilaire Vernier : Personnellement j’aurais tendance à dire que le père doit jouer dans la prière familiale le rôle principal, tandis que la mère a une place plus personnelle et intime dans l’éducation individuelle de chaque enfant à la prière. N’hésitons pas à doubler la prière collective d’un Ave Maria récité par la maman avec l’enfant au pied du lit. Cependant les enfants peuvent et doivent aussi y avoir leur rôle, cela les aidera à en être vraiment les acteurs. C’est notamment le cas lorsque vient le moment – indispensable – du pardon familial : la prière est le lieu où l’on peut se demander et donner le pardon des accrochages de la journée.
claves.org : Votre deuxième pilier était la vie sacramentelle. Quel rôle les parents peuvent-ils jouer pour y introduire leurs enfants ?
Abbé Hilaire Vernier : Souvenons-nous bien que la vie chrétienne est une amitié ; or l’amitié, Aristote le dit bien, est un amour réciproque. Il ne s’agit donc pas seulement de ce que nous donnons à Dieu – du temps dans la prière – mais aussi de ce que nous recevons de lui : la grâce, en particulier à travers les sacrements. Cela est d’autant plus vraie pour une amitié surnaturelle qui ne peut voir le jour et grandir que sur initiative divine.
Pour grandir dans l’amitié surnaturelle avec Dieu, il est capital que l’enfant puisse avoir un accès simple et facile au sacrement de pénitence, assiste régulièrement à la messe en plus des dimanches et fêtes d’obligation.
La vie surnaturelle nous est donnée par Dieu par le moyen des sacrements, les canaux de la grâce, dont les ministres indispensables sont les prêtres : le contact confiant et direct avec les prêtres permettra à l’enfant de trouver en eux les conseils dont ils auront un jour besoin, et de choisir le jour venu un bon directeur spirituel.
Là encore insistons sur l’exemple : c’est surtout la manière dont nous nous approchons de la sainte table, dont nous fréquentons le confessionnal, dont nous honorons et respectons les ministres du Seigneur, malgré leurs faiblesses, qui imprégnera nos enfants !
claves.org : Quant au troisième pilier, le catéchisme traditionnel, pourquoi cette insistance ?
Abbé Hilaire Vernier : La crise de la foi, dans laquelle nous nous trouvons depuis des décennies, a commencé par une crise du catéchisme. On a rejeté les pédagogies traditionnelles de transmission de la foi, et en premier lieu la manière classique d’enseigner la doctrine. Il importe de donner à l’enfant un enseignement structuré et structurant, dès son plus jeune âge, afin de lui faire prendre conscience peu à peu que l’acte de foi n’est pas le fruit d’une expérience sensible ou un saut dans l’irrationnel, mais l’adhésion de l’intelligence à une vérité qui nous dépasse – certes, mais qui n’est pas absurde, et se présente à nous avec toute la clarté du vrai.
claves.org : À côté de la liturgie dite « traditionnelle », facilement identifiable, vous mentionnez le catéchisme ? Comment se distingue un catéchisme « traditionnel » ?
Abbé Hilaire Vernier : Qualifier de « traditionnel », un catéchisme, c’est dire à mon sens deux choses : que son enseignement est totalement conforme à la Révélation, telle que transmise par le magistère infaillible et constant de l’Église, et que sa pédagogie est conforme à la nature du savoir révélé.
Force est de constater que depuis les années 1960, non seulement on a rejeté dans beaucoup de supports catéchétiques une partie de l’enseignement immuable de l’Église (fins dernières, péché originel…) ; mais on a aussi laissé de côté les pédagogies traditionnelles intimement liées à son contenu (facilement reconnaissables aux classiques questions/réponses à faire apprendre par cœur).
Si l’amour de Dieu ne se transmet pas par un manuel, il n’en n’est pas de même pour sa Révélation dont la connaissance est une condition absolument nécessaire. La Charité ne peut s’exercer sans la Foi !
Ainsi, l’enseignement divin ne doit pas s’inventer ou se deviner, mais se transmettre comme tout savoir, a fortiori pour la Révélation, qui de par sa nature dépasse les forces de l’intelligence, et ne peut avoir que Dieu pour auteur et l’Église pour authentique interprète.
claves.org : Qui doit prendre en charge cet enseignement, avec quels outils ?
Abbé Hilaire Vernier : C’est le rôle complémentaire des parents – dès le plus jeune âge – et des prêtres. Le catéchisme doit être paroissial, bien sûr, mais aussi et avant tout familial : on ne peut se contenter de raconter à ses enfants des contes et légendes, ou l’histoire de France ; il faut les baigner dans l’histoire sainte, et plus encore dans les Évangiles.
Côté outils, ils sont heureusement encore nombreux et bons : pour les plus petits on peut commencer par la célèbre Miche de Pain, puis passer à partir du primaire aux Trois Blancheurs. Cependant les bons vieux catéchismes par question-réponse, tels que le Catéchisme des diocèses de France, du chanoine Quinet, restent des outils de choix.