Sans tambour ni trompette dans la plupart des cas, plusieurs sondages ont été réalisés ces dernières années par l’institut Ifop, notamment à la demande du gouvernement, sur un sujet tabou mais au retentissement quasi universel : l’imprégnation de la pornographie dans toutes les classes d’âge et tous les milieux. Nous dressons ici un bref constat et esquissons quelques conseils pratiques à destination de tous.
Enfants et adolescents : le naufrage
L’âge adolescent est marqué par une grande fragilité, alors que la puberté fait évoluer rapidement les caractéristiques physiques avant que n’apparaisse la maturité de l’âge adulte. Partagés entre curiosité humaine et aspiration à quelque chose de grand en matière de sexualité et d’affectivité, les adolescents sont soumis à des menaces nouvelles : il y a dix ans de cela, on pensait réduire les risques en laissant l’ordinateur de maison dans un lieu de passage. Aujourd’hui le réseau est partout et la tentation omniprésente.
L’Ifop a publié en mars 2017 un sondage commandé par le gouvernement et réalisé auprès de 1000 adolescents. Les résultats, avec leur évolution sur quatre ans, sont révélateurs et terrifiants, quoique le principe de l’étude – malgré une méthodologie qui se veut propre à libérer la parole – conduise raisonnablement à des évaluations sous-estimées. Ces chiffres exorbitants seraient sans doute à réévaluer a fortiori aujourd’hui.
– en quatre ans (de 2013 à 2017), le pourcentage des adolescents (15-17 ans) ayant déjà visité un site pornographique serait passé de 37 à 51%, l’âge moyen du premier visionnage s’étant abaissé au-dessous de quinze ans.
– selon une étude plus récente (2023) du même institut, la proportion des enfants qui auraient vécu une première expérience de la pornographie avant l’âge de douze ans est passée de 11 à 27% en dix ans.
– 64% des garçons étaient touchés (en 2017), 39% des filles, la plupart via un écran portable (smartphone, tablette, ordinateur portable).
– cette statistique n’était pas moins élevée chez les catholiques pratiquants réguliers (52% au total – notons qu’il est intéressant que la question religieuse ait été posée dans le cadre d’une étude commandée par les autorités publiques).
– l’enquête montrait encore l’existence d’une véritable dépendance à la pornographie et à la masturbation (redondance croissante des actes).
Une vraie solution : l’éducation affective et sexuelle
Le constat est terrible mais clair : tous les milieux et tous les âges sont concernés. On ne peut rester spectateur devant les ravages de la consommation d’images pornographiques et les addictions dures qu’elle engendre.
Au-delà des (indispensables) pare-feux techniques, la première et vraie solution réside dans une éducation à la vie affective et sexuelle. Trop de parents, de pères en particulier, ne remplissent pas ce devoir. Combien parmi ceux qui ont manifesté pour défendre la filiation et le mariage naturels ont évoqué en profondeur le sujet avec leur fils, en parlant de la vie affective et sexuelle ? Il n’est pas normal qu’un enfant entende pour la première fois parler de masturbation au détour d’une blague salace faite par un camarade, ou découvre l’existence de la pornographie sur un téléphone en cour de récréation.
L’enjeu d’une éducation affective est de montrer aux enfants – dès avant leurs premiers séjours en autonomie avec d’autres enfants (scoutismes, colonies) – la beauté de la sexualité chrétienne, avec des explications adaptées à leur âge. Ce point est impératif ! Il importe de leur faire comprendre à quel point toute atteinte à cette beauté les blesse.
Les outils
Bien sûr, la chose n’est pas évidente, mais de nombreux outils sont développés aujourd’hui au service des parents.
Parmi les livres, on peut recommander en premier les ouvrages d’Inès de Franclieu : Dis en vrai, c’est quoi l’amour ? Ou Amour et sexualité, Comment en parler aux enfants et aux adolescents ?. Sur le sujet de la pornographie on trouvera le parcours Libre pour aimer du p. Eric Jacquinet, le livre de Martin Steffens : L’amour vrai, Au seuil de l’autre ou encore le petit ouvrage de Mgr Loverde diffusé par la Fraternité Saint-Pierre : Rachetés à grand prix. Tanguy Lafforgue propose un livre et un accompagnement personnalisé pour sortir des addictions liées à la pornographie et à la masturbation qui l’accompagne souvent. On recommande enfin le site développé avec des prêtres de la Fraternité Saint-Pierre, qui regorge de conseils pour « en sortir » et recense notamment les bons « filtres » pour se protéger des écrans : pour PC et Mac, pour smartphones Android et iPhone, etc[1]la partie du site consacrée aux moyens concrets d’installer des protections sur ses écrans, encore assez artisanale dans sa présentation, va être dans quelques mois refondue sous forme d’un … Continue reading, et offre déjà la possibilité d’entrer en contact avec un interlocuteur ingénieur qui peut vous aider concrètement à installer les solutions préconisées.
Plusieurs associations organisent des parcours de formation (mission XY, Cycloshow…) qui détaillent pour les garçons leurs transformations hormonales et leurs spécialités physiologiques, pour les filles leur cycle féminin, avec un regard plein d’admiration et de fraicheur. Les ateliers de l’association « Com’ je t’aime » développent cet aspect affectif et relationnel, et expliquent l’amour vrai aux enfants. On peut encore citer Anne-Sixtine Perardel. Ces interventions peuvent être proposées dans les établissements scolaires.
Ces interventions extérieures (associations, milieu scolaire), lorsqu’elles sont faites dans un bon esprit, apportent plusieurs avantages : 1) ceux qui ont eu la chance d’en parler avec leurs parents entendent un message cohérent et harmonisé (« mes parents ont donc raison ! »), 2) ceux avec qui les parents n’en ont hélas pas parlé, et qui sont souvent déjà troublés par ce qu’ils ont pu voir ou entendre, peuvent enfin découvrir la vérité sur le sens du corps sexué, 3) dans un cadre collectif (mais bien sûr non mixte), garçons et filles peuvent être guidés ensemble vers un juste comportement – ce dernier aspect de psychologie de groupe n’est pas à prendre à la légère, en particulier à l’âge adolescent.
Bâtir la forteresse
Enfin rappelons que ce premier filtre indispensable que représente une vraie éducation à la vie affective et sexuelle, dans le cadre de la famille, appuyée le cas échéant par des outils extérieurs, ne se suffit pas à lui-même. Blessée par le péché originel, notre nature demeure inclinée de manière désordonnée vers le plaisir du corps et la curiosité afférente : même avec une éducation « parfaite » il est bien difficile à un jeune ne se pas succomber s’il a un accès non protégé à internet.
Certains diront qu’aucun filtre n’est efficace à 100%, et refuseront pour ce motif toute protection. Le raisonnement est faux et oublie une donnée psychologique importante : une personne fragile qui doit passer plusieurs minutes à trouver le moyen de contourner un filtre laisse à sa conscience une chance supplémentaire de la remettre dans la bonne direction. Sans pare-feu, un instant suffit à matérialiser la tentation et faire passer à l’acte – facilité d’autant plus grande que nos circuits cérébraux sont chaque jour plus conditionnés pour rechercher la satisfaction de nos désirs dans l’immédiateté. L’aspect envoûtant des images rend ensuite difficile voire impossible de s’arrêter et de faire machine arrière.
La meilleure protection demeure le regard d’autrui : quand on se sait faible, il faut se faire aider. Trois règles d’or s’imposent donc : 1° l’ordinateur doit demeurer dans un lieu public, au vu de tous, tablette ou téléphone ne peuvent être emmenés en chambre ; 2° un mot de passe bloque impérativement l’accès des écrans aux personnes fragiles en l’absence des parents ; 3° jamais de smartphone : un adolescent qui aurait absolument besoin d’un téléphone peut dans tous les cas se contenter d’un « neuf touches ».
Ce dernier sujet, épineux certes, réunit cependant un nombre croissant de parents, convaincus de la nécessité d’éviter aux adolescents tout contact avec le smartphone avant 15 ans, et on pourrait aller au-delà : l’année de Terminale paraît un bon moment pour autoriser le smartphone, en y ayant installé un contrôle parental – cf. ensortir.fr, le jeune habitant habituellement encore sous le toit familial, le fait d’installer un contrôle parental sur le smartphone qu’on lui confie se justifie plus facilement.
Cela suppose dans tous les cas un dialogue confiant avec l’enfant, afin de l’aider à comprendre que ce choix a pour but de l’aider à devenir libre, tout en rappelant qu’il pourra en expérimenter une certaine solitude et singularité.
Enfin, tout écran accessible à des personnes fragiles (nous devrions peut-être dire tout écran – tout court) doit être protégé par un filtre ou contrôle parental. On pourrait aller jusqu’à dire qu’il y aurait faute grave, au niveau moral, à laisser à disposition des enfants un outil qui risque de les mener si vite à une faute grave et même à une addiction profonde. Pourait-on laisser dans une chambre d’enfants des bandes dessinées ou des revues pornographiques ?