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La hiérarchie de l’Eglise et les trois missions du Christ 2/2

Quel est le sens de la tiare, emblématique couvre-chef des successeurs de saint Pierre ? L’Église, le pape, et même plus largement les fidèles sont dépositaires d’une triple fonction héritée du Christ, qui constitue en propre la « loi fondamentale » de l’Église et de sa hiérarchie.

Le triple pouvoir transmis aux apôtres et à l’Église

Comme l’a noté saint Thomas d’Aquin, cette triple charge n’est pas exercée par le Christ seul : elle est transmise par lui à l’Église, à travers les Apôtres. Il leur a ainsi conféré le triple pouvoir de gouverner, enseigner et sanctifier, et, dans le même temps, a commandé aux hommes de s’y soumettre. Jésus manifeste bien ainsi qu’il entend être l’auteur d’une société hiérarchique[1]On pourra se référer pour un argumentaire plus explicite à l’ouvrage du R.P. Louis-Marie de Blignières, L’Église catholique est crédible, Dominique Martin Morin, 2023.

Au moment de l’Ascension, Jésus mentionne ainsi explicitement les trois fonctions qu’il a transmis à ses apôtres et qu’il leur demande d’exercer à sa suite : « Allez donc, enseignez toutes les nations, les baptisant au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit, leur apprenant à observer tout ce que je vous ai commandé »[2]Mt 19, 20.

Dans l’accomplissement de sa mission de prédicateur, il a choisi ses Apôtres, les envoyant comme lui-même avait été envoyé par le Père, comme docteurs, guides, agents de sainteté dans l’assemblée des fidèles[3]Pie XII, Mystici Corporis.

Il détaille en plusieurs lieux pour la transmission de chacun de ces pouvoirs :

  • Enseigner : « Ce que je vous dis dans les ténèbres, dites-le au grand jour, et ce que vous entendez à l’oreille, publiez-le sur les toits» [4]Mt 10, 27 ; « Il (en) établit douze pour les avoir avec lui et pour les envoyer prêcher » [5]Mc 3, 14.
  • Sanctifier : « Ceci est mon corps, donné pour vous. Faites ceci en mémoire de moi»[6]Lc 22, 19 ; « Il souffla sur eux et leur dit : Recevez l’Esprit-Saint. Ceux à qui vous remettrez les péchés, ils leur seront remis ; et ceux à qui vous les retiendrez, ils leur seront retenus »[7]Jn 20, 22.
  • Gouverner : « Je te donnerai les clefs du royaume des cieux: tout ce que tu lieras sur la terre sera lié dans les cieux, et tout ce que tu délieras sur la terre sera délié dans les cieux »[8]Mt 16, 19 ; « En vérité, je vous le dis, tout ce que vous lierez sur la terre sera lié dans le ciel et tout ce que vous délierez sur la terre sera délié dans le ciel »[9]Mt 18, 18.

Il demande par ailleurs aux hommes de se soumettre à ce pouvoir confié à l’Église : « Celui qui vous reçoit me reçoit, et celui qui me reçoit, reçoit celui qui m’a envoyé »[10]Mt 10, 40 ; « Allez par tout le monde et prêchez l’Évangile à toute la création. Celui qui croira et sera baptisé, sera sauvé ; celui qui ne croira pas, sera condamné »[11]Mc 16, 15-16.

À travers les Apôtres, c’est bien à sûr à l’Église que ces pouvoirs ont été transmis : le plan de la constitution dogmatique Lumen Gentium le fait apparaître nettement, en reprenant cette déclinaison des trois fonctions du Christ, transmises à l’Église, à la hiérarchie, que le texte conciliaire applique aux baptisés eux-mêmes, en vertu de leur participation commune au sacerdoce de Jésus.

Précisons ici que si l’on parle de sacerdoce commun des fidèles par conformation au sacerdoce du Christ dans le caractère reçu au baptême, il faut tenir fermement avec le concile de Trente et tout l’enseignement de l’Église (répété par Vatican II et le Catéchisme de l’Église Catholique, cf. Lumen Gentium 10 et CEC 1547) la différence essentielle – « de nature et pas seulement de degré » entre le sacerdoce des fidèles et le sacerdoce des ministres du Christ en vertu du caractère sacramentel de l’ordre. Seul ce dernier permet aux prêtres d’agir vraiment dans la personne du Christ tête et de lui servir d’instrument dans sa charge de sanctification.

L’Église exerce donc, en vertu de la mission confiée par le Seigneur, cette triple charge, en laquelle les théologiens ont vu l’accomplissement des trois fonctions déjà distinguées à l’époque des annonces de l’Ancien Testament :

  • La fonction de sanctification (munus sanctificandi) : l’administration des moyens divinement institués pour communiquer la grâce (les sacrements et le renouvellement du sacrifice de Jésus à la messe).
  • La fonction d’enseignement (munus docendi) : l’enseignement de la vérité révélée, l’explication du dépôt et sa communication à l’intelligence croyante – c’est le « Magistère» de l’Église (du latin magister : maître, enseignant).
  • La fonction de gouverner (munus regendi) : conduire l’Église en chacun de ses membres vers sa fin commune (la poursuite du bien commun spirituel de tous les hommes).

Trois missions bien distinctes, exercées en plénitude par la hiérarchie ecclésiastique

C’est donc à travers les Apôtres que le Christ a transmis à l’Église sa triple charge, établissant ainsi la structure de l’Église, fondée sur Pierre et ces acolytes. Cette constitution divine est toujours valable aujourd’hui, et immuable : c’est ainsi que la triple mission confiée par Jésus continue d’être exercée en plénitude par le pape – successeur de Pierre – et les évêques qui lui sont associés dans cette charge de gouverner, enseigner et sanctifier le peuple de Dieu.

 Il faut absolument maintenir que ceux qui, dans ce Corps, sont en possession des pouvoirs sacrés, en constituent les membres premiers et principaux, car c’est par eux que se perpétuent, selon le mandat du divin Rédempteur, les fonctions du Christ Docteur, Roi et Prêtre[12]Pie XII, Mystici Corporis.

Le texte de Vatican II insiste donc en particulier sur le rôle des évêques, participants de la fonction d’enseigner, de sanctifier et de gouverner[13]Lumen Gentium, nn° 25, 26, 27. Face aux craintes soulevées à l’époque dans les débats conciliaires de voir le mode de gouvernement de l’Église glisser vers une fausse démocratie, le secrétaire général fit cependant ajouter une « note préliminaire » précisant en son n°2 que ces fonctions ne peuvent être exercées par les successeurs des Apôtres qu’en communion, entre eux et avec le vicaire du Christ.

C’est pourquoi on dit expressément qu’est requise la communion hiérarchique avec le chef et les membres de l’Église. […] On ne l’entend pas de quelque vague sentiment, mais d’une réalité organique, qui exige une forme juridique et est animée en même temps par la charité.

Ajoutons que ces trois fonctions, si elles furent parfaitement réunies et fusionnées dans le Christ et ne sont pas séparables, ni par leur source, ni par leur finalité, sont cependant réellement distinctes par leur objet propre (on l’a vu ci-dessus) mais aussi leur mode de transmission :

– le pouvoir de sanctification est transmis par un sacrement à caractère : l’ordination.

– les pouvoirs de juridiction et de magistère, s’ils trouvent leur fondement prochain dans l’ordination épiscopale, sont cependant de soi donnés immédiatement par le pape, lorsqu’il donne mission à un évêque de gouverner une partie du troupeau[14]Cette question est traitée de manière plus approfondie par le R.P. Louis-Marie de Blignières dans un article donné à Claves : Retour sur les sacres du 30 juin 1988.

Cela explique que les évêques schismatiques, bien que (parfois) validement ordonnés, n’exercent ni la juridiction ni le magistère, comme le rappelle Pie XII dans sa lettre Ad Apostolorum Principis sur la situation de l’Église en Chine (1958).

Enfin, seul le pape, comme vicaire du Christ, exerce personnellement le charisme d’infaillibilité dans l’enseignement et celui de juridiction suprême, immédiate, ordinaire et universelle, sur toute l’Église. Les évêques ne participent à ce pouvoir que de manière exceptionnelle, lorsque le pape les constitue ponctuellement en collège (notamment via l’institution du concile), tandis qu’ils sont, même hors du concile, les sujets habituels du pouvoir d’enseignement de toute l’Église, en vertu du magistère ordinaire universel[15]Plus de précisions dans notre article : les degrés d’autorité du magistère.

Conclusion : trois missions, une seule Église

Cette constitution de l’Église autour de la triple mission conférée par le Christ et exercée en plénitude par la hiérarchie en communion avec le pape, lui donne sa forme : les trois fonctions distinctes mais réunies dans la tête du peuple de Dieu sont « la loi fondamentale de toute l’Église »[16]Pie XII, Mystici Corporis. Sans cette triple mission, la société instituée par le Christ perd sa raison d’être : ne peut-on pas voir au long de son histoire que les époques de décadence ou de retrait sont celles où les hommes d’Église perdirent de vue le chemin tracé par leur fondateur ?

Lisez aussi nos articles : Une Église sans Pape (1/2)
et Une Église sans Pape (2/2)

Références

Références
1 On pourra se référer pour un argumentaire plus explicite à l’ouvrage du R.P. Louis-Marie de Blignières, L’Église catholique est crédible, Dominique Martin Morin, 2023.
2 Mt 19, 20
3, 12, 16 Pie XII, Mystici Corporis
4 Mt 10, 27
5 Mc 3, 14
6 Lc 22, 19
7 Jn 20, 22
8 Mt 16, 19
9 Mt 18, 18
10 Mt 10, 40
11 Mc 16, 15-16
13 Lumen Gentium, nn° 25, 26, 27
14 Cette question est traitée de manière plus approfondie par le R.P. Louis-Marie de Blignières dans un article donné à Claves : Retour sur les sacres du 30 juin 1988
15 Plus de précisions dans notre article : les degrés d’autorité du magistère
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