Affirmer une distinction biologique fondamentale entre hommes et femmes est devenu presque inaudible dans le débat public. L’hégémonie totalitaire de l’idéologie de genre semble interdire toute réflexion en profondeur sur les différences entre les sexes, fermant la voie à une connaissance mutuelle qui permettrait pourtant d’améliorer considérablement les relations au sein des couples, des familles et de la société. Sautons la barrière idéologique et suivons le professeur René Ecochard dans sa passionnante exploration du développement masculin et féminin sous l’éclairage des neurosciences.
Un ouvrage scientifique sérieux mais simple et très accessible
Docteur en médecine et professeur émérite à l’université Lyon I, l’auteur d’Homme, femme, ce que nous disent les neurosciences est engagé depuis longtemps avec son épouse Isabelle dans la défense de la famille et de la vie. Dans cet ouvrage il offre un condensé accessible et passionnant des avancées les plus récentes des neurosciences dans le domaine de la connaissance mutuelle et différenciée de l’homme et de la femme. Son travail s’assume comme un outil pratique et simple, ouvrant la porte à une quantité considérable de matériaux scientifiques plus poussés. C’est ainsi qu’au-delà des quelques 150 pages d’exposé, rédigées avec beaucoup de pédagogie, le lecteur trouvera plus de 500 références à des publications spécialisées, principalement dans le domaine anglo-saxon, dont un certain nombre sont librement accessibles sur internet.
La première partie de l’ouvrage « Les temps de la vie » présente les étapes chronologiques du développement de la personne, depuis le stade embryonnaire jusqu’à l’âge adulte, en se concentrant sur les périodes de passage et en montrant comment garçons et filles puis hommes et femmes réagissent différemment, sous l’influence de divers facteurs physiologiques et génétiques.
Une seconde partie revient sur « Quelques épisodes du feuilleton de la science » appliquée en particulier au domaine du masculin et du féminin.
Une troisième partie plus pratique se demande « Quelles leçons tirer de ces apports scientifiques ? » Elle constitue un véritable appel à l’action concrète pour enrichir et apaiser nos relations en tirant profit de la connaissance renouvelée des différences entre hommes et femmes et des facteurs qui les expliquent.
Homme et femme : les premiers âges de la vie
La vie humaine commence avant la naissance, période cruciale de développement fulgurant, au cours de laquelle embryon masculin et féminin présentent déjà des différences fondamentales. Les garçons grandissent plus vite, consommant plus d’énergie, car leurs gènes s’expriment plus nombreux dans les premiers jours de leur développement. Ces différences se concrétisent dès la naissance dans des attitudes globalement identifiables : les nourrissons filles marquent une préférence pour les visages et les regards, tandis que les garçons montrent rapidement une aptitude plus grande à la systématisation et au repérage dans l’espace, mais sont plus vulnérables dans les premiers instants et demeurent plus marqués par le stress maternel durant la grossesse. Ces caractères sont plus ou moins affirmés sous influence de divers facteurs, notamment hormonaux (présence de testostérone dans le liquide amniotique…).
Dès les premiers mois survient une première « crise, » découverte dans les années 1970 et appelée « mini-puberté, » liée à une première élévation des hormones sexuelles, accentuant les différences comportementales déjà identifiées. On le remarque notamment avec le goût marqué des uns et des autres pour différents types de jeu : on décèle chez les garçons autour de 12 à 14 mois une aptitude plus grande pour la rotation mentale d’objets, corrélée à la concentration de testostérone. Les filles ne présentent pas au bout du compte une capacité inférieure, mais développent des stratégies différences de repérage dans l’espace. Si les garçons semblent favorisés dans leur rapport à l’espace, les filles acquièrent plus vite la maîtrise de la notion de temps, sollicitant des zones et circuits cérébraux différents.
Dans les années qui suivent, les caractéristiques innées, imprégnées par le changement de la mini-puberté, se développent sous l’influence de l’environnement et de l’éducation. L’agressivité qui augmente vers 2 à 3 ans puis diminue ensuite se déploie plutôt dans le domaine physique chez les garçons, sentimental chez les filles, comportements que l’on peut relier à différentes manières d’agir dans le groupe et de se défendre à l’âge adulte : le développement rapide des capacités d’expression chez les filles leur permet de limiter le recours global à la violence. Ces différences correspondent à la stimulation et à l’évolution des diverses zones du cerveau qui gouvernent les émotions : système limbique, amygdales cérébrales…
À l’âge de raison, le jugement sur le juste et l’injuste s’affine, le contrôle s’affermit sur les pulsions : on est comme sur un replat avant la puberté. Durant cette période les différences relationnelles s’affirment de part et d‘autre : garçons et filles cultivent entre eux des amitiés qui présentent des colorations diverses. Les amitiés féminines cherchent volontiers une certaine exclusivité (la « meilleure amie »), dans le milieu scolaire, elles sont généralement un facteur de stimulation, voire de stress. Les garçons font des choses ensemble dans un cadre défini, évoluent dans des groupes plus larges et plus hiérarchisés, régulés par l’humour mais aussi par une certaine agressivité. Ces amitiés de l’âge de raison sont un lieu d’apprentissage important de la vie relationnelle : à cette période se développent les caractères propres de chaque sexe.
Puberté et adolescence : le tournant
La puberté mène à leur maturité les éléments déposés dès la naissance ou la petite enfance en chacun et qui nous font devenir pleinement homme et femme et potentiellement père et mère. Elle transforme en profondeur le psychisme : le cerveau se développe sous l’effet des hormones pour acquérir les aptitudes à la conjugalité, à la transmission de la vie (on note ainsi une influence directe de cette « tempête hormonale » sur les compétences utiles plus tard pour prendre soin des enfants ou entretenir la vie conjugale). L’auteur note l’importance du développement physiologique à cet âge crucial, notamment dans le cadre des premiers cycles féminins, et le risque de dérèglement induit par la prise d’une contraception hormonale. À l’adolescence, le regard de chacun s’ouvre au-delà du premier cercle et de la famille, avec des attitudes parfois excessives, que les neuropsychiatres relient à une profonde mutation du cerveau. Cet âge est marqué par l’importance des émotions, une forte perméabilité aux stimuli, une augmentation de la perception et de ses résonances, puis un apprentissage progressif de la maîtrise de soi. Dans l’environnement plus large de la société, l’adolescent apprend à trouver sa place dans la société (développement des aires cérébrales qui touchent au relationnel, à l’autonomie, à la capacité d’ouverture à la pensée d’autrui, à la négociation). Il recherche souvent la nouveauté, avec un goût exacerbé pour le plaisir, qui correspond à un certain déséquilibre des circuits psychiques du bien-être. Il peut ainsi prendre facilement des risques à la recherche de ce sentiment de bien-être qui fait défaut. Le déploiement plus tardif du cortex préfrontal permet un certain retour à l’équilibre – il est un lieu de première importance pour l’aptitude aux choix libres, fonction qui se développe en particulier à la fin de l’adolescence.
En cette période importante, les différences entre garçons et filles s’affirment notamment sur deux points : prolongation des éléments innés et acquis de l’enfance, effets spécifiques des hormones qui viennent colorer le développement de l’adolescence (la prise de risque est accentuée chez l’adolescent sous l’effet de la testostérone, l’horizon de la future maternité commence à imprégner la jeune fille).
L’âge des choix
La maturité sexuelle est réalisée avant la maturité cérébrale : ce décalage dans l’émergence de l’âge adulte explique l’instabilité de la période adolescente, la prédominance des émotions alors même que les hormones travaillent le corps en profondeur. Cette donnée importante explique le délicat passage qui suit la puberté, alors que les aptitudes mentales ne sont pas encore pleinement établies. Les normes sociales traditionnelles prennent en compte ce décalage entre la maturité sexuelle et l’émergence de l’âge adulte ; l’auteur note que l’arrivée de la contraception, rompant les liens entre procréation et sexualité, a entraîné depuis les années 1960 de nombreuses remises en cause qui ont de profondes conséquences sur le développement des jeunes hommes et femmes à cet âge important de la vie. Les règles sociales qui doivent accompagner l’émergence de l’âge adulte sont fragilisées ou brouillées, et rendent périlleuse cette phase de construction de la personnalité.
La conscience de l’identité s’affirme entre 20 et 24 ans, âge d’une certaine stabilisation émotionnelle, où l’on s’ouvre au souci d’autrui tout en développant son autonomie, des relations plus sérieuses, et où se renforce la capacité de poser des actes libres, correspondant au déploiement du lobe pré-frontal.
Cette phase d’émergence de l’âge adulte est marquée par le désir d’amour « romantique » et de fidélité. Ces appétits s’expriment différemment chez l’homme (plus sensible aux aspects cognitifs : centres d’intérêts communs…) et la femme (mémoire émotionnelle plus affective) et sont entretenus par les processus hormonaux mais demeurent toujours soumis au libre arbitre. Il faut noter par ailleurs que l’effet de la biologie sur l’attachement réciproque d’un couple, qui prend au premier instant toute la place (« tempête hormonale » du coup de foudre, puis stabilisation progressive, avec rôle important des neurotransmetteurs dans l’état de manque, de bien être, le désir de retrouvailles…) diminue avec le temps, laissant de plus en plus la place à la volonté.
La famille
La famille est destinée à la protection de ses membres, elle est une structure de vie qui assure l’épanouissement et le bien être : l’inclination à former un foyer est inscrite dans la nature avec un désir de stabilité car les éléments fondamentaux de la structure familiale ont leur source dans les chromosomes. La construction de la famille nécessite cependant aussi la libre collaboration des époux.
Il est très intéressant de noter que l’équilibre hormonal évolue dans la famille comme dans le couple en fonction des autres : le père est ainsi physiologiquement concerné par la grossesse de son épouse, les parents par le développement d’un nouveau-né. Les interactions entre membres d’une même famille ont donc un support biologique, mais la cohésion du foyer doit nécessairement être complétée par la collaboration libre de chacun.
Le temps de la vie de famille est marqué par des changements profonds qui ne concernent pas seulement les enfants : grossesse et période post-partum sont des périodes de maturation intense du cerveau féminin, sous l’effet des hormones, induisant des transformations cérébrales qui seront ensuite pérennes. Ces actions physiologiques (sécrétion d’ocytocine lors de l’accouchement et de l’allaitement notamment) viennent préparer la maternité en augmentant la sensibilité, le désir et la satisfaction de s’occuper de l’enfant, facilitant la gestion du stress. Des changements hormonaux interviennent parallèlement chez le père, d’autant plus intenses qu’ils le sont chez son épouse (augmentation de la prolactine, diminution de la testostérone), développant une capacité d’empathie plus cognitive qu’émotionnelle et des aptitudes de père et d’époux.
Au sein du couple et de la famille, les différentes aptitudes féminines (communication, sensibilité) et masculines (prise de recul, analyse) peuvent devenir sources de conflit si elles sont mutuellement considérées comme des insuffisances.
La femme, plus sensible aux changements hormonaux, est caractérisée par une inclination et une humeur changeante, avec le retour rythmé des différentes phases de cycle. Ce dernier peut être divisé en trois moments : temps de latence, fenêtre fertile et période post-ovulatoire, au cours desquels l’action des hormones (œstrogènes et progestérone) a des conséquences multiples sur la physiologie externe et interne, de la démarche à l’organisation de l’activité cérébrale (variation des volumes respectifs de matière grise et blanche) en passant par le ton de voix ou les besoins alimentaires. Là encore, l’auteur relève l’influence néfaste des contraceptifs qui bloquent le rythme naturel du fonctionnement cérébral et changent les équilibres neurologiques internes.
L’homme semble plus stable car il est moins affecté par les changements hormonaux, mais plus profondément aussi en raison de différences dans la structure interne de son cerveau, orienté vers la capacité de synthèse et la prise de décision mais laissant moins de part à l’émotivité et à l’écoute, moins intéressé par le détail que par la vision d’ensemble.
Le rôle familial et social de l’homme et de la femme ne se termine pas avec l’arrivée de leurs enfants à l’âge adulte. L’auteur souligne le rôle des grand-mères dans le développement humain, faisant écho à « l’hypothèse des grand-mères »: leur présence est primordiale dans le cadre d’un accès plus tardif à l’âge adulte chez l’homme que chez les autres espèces animales.
Conclusion
Simple d’accès, clair dans sa présentation et son argumentation, l’ouvrage du pr. Ecochard n’est pas seulement un outil efficace de vulgarisation, il est aussi un appel à l’action concrète, et constitue un réservoir puissant d’argumentation, qui ouvre sur un grand nombre d’études scientifiques contribuant à dénoncer les nombreuses impasses biologiques de l’idéologie du genre.
Précis dans ses références scientifiques mais aussi quant à ses fondamentaux philosophiques, le travail du pr. Ecochard présente une vision équilibrée du développement comparé des hommes et femmes. Il apporte des éléments nouveaux à l’appui d’une éducation fondée sur une prise en compte globale de la personne. Il rappelle tant la part d’inné que le rôle des différents facteurs biologiques, mais insiste sur l’importance de l’acquis familial et social, dès les premiers instants. On construit ainsi autour du socle humain commun un réseau favorable, induisant le cerveau à creuser des circuits positifs qui seront ensuite toujours plus facile à réactiver, et faisant entrer l’enfant dans un cercle biologique et humain vertueux.