Ce pourrait être le titre du dernier Dan Brown, c’est la question que se posent fréquemment ceux qui assistent à la messe dans le rit ancien – d’où vient ce mystérieux texte que le prêtre lit avant de redescendre de l’autel ?
S’agit-il d’un nouveau roman de Dan Brown ? A-t-on trouvé un nouveau parchemin lié à de sombres complots ? Non, il s’agit aujourd’hui de parler du dernier élément faisant partie de la structure de la messe selon le rite romain traditionnel, c’est-à-dire : le « dernier évangile ». Nous nous demanderons : de quoi s’agit-il ? D’où cela vient-il ? Quel est son but ?
Un évangile, mais pas n’importe lequel…
Le dernier évangile désigne le Prologue de saint Jean (1, 1-14), qui est lu par le prêtre à la conclusion de la messe, comme on lit l’Évangile pendant la première partie de la messe (avant-messe ou messe des catéchumènes). C’est pourquoi tout le monde se tient debout, tourné vers la proclamation de l’Évangile ; après que le prêtre a dit : « Dominus vobiscum », on répond « Et cum spiritu tuo », et on se signe des trois petits signes de croix, sur le front, la bouche et le cœur. Le fait que nous fassions la même chose que pour l’évangile de la messe nous montre déjà qu’il ne s’agit pas ici d’un élément accidentel ou négligeable de la liturgie …
Une coutume liturgique antique
D’où vient le dernier évangile ?[1]Cf. Fiedrowicz Michael, The Traditional Mass. History, Form and Theology of the Classical Roman Rite, Angelico Press, Brooklyn, 2020, p. 124. L’usage de lire le prologue de saint Jean à la fin de la messe est attesté dans un missel dominicain en 1256, selon lequel le prêtre devait réciter le texte en silence, tandis qu’il enlevait ses ornements après la messe. La dévotion envers le prologue de saint Jean se répandant parmi les fidèles aux XIIIe et XIVe siècle[2]Cependant, la dévotion en général envers ce passage de l’Évangile est déjà attestée dans les premiers siècles, par exemple saint Augustin (La Cité de Dieu, 10, 29)., ils demandèrent à entendre eux aussi le texte évangélique à l’issue de la messe. C’est ainsi que la coutume de lire à haute voix le prologue de saint Jean en conclusion de la messe se développa. Le pape saint Pie V, en l’ajoutant dans le Missel Romain en 1570, ne fit ainsi que sanctionner une coutume existante.
Pourquoi lire le Prologue de saint Jean ?
Quel est le but du dernier évangile ?
« L’Évangile de saint Jean », commente Dom Vandeur, « dans son adorable profondeur, est comme un résumé des principaux mystères de notre foi [3]Dom Vandeur Eugène, La Sainte Messe. Notes sur sa liturgie, Maredsous, Abbaye de Maredsous, 1937, p. 299.».
Il rappelle en particulier le mystère de l’Incarnation, qui est en quelque sorte répété à chaque messe :
« Comme le divin Logos est descendu dans le sein de la Vierge Marie, le Christ descend sur l’autel par les paroles de la consécration [prononcées par] le prêtre »[4] Fiedrowicz Michael, The Traditional Mass, p. 124 : “As the divine Logos descended into the Virgin Mary’s womb, Christ descends to the altar through the priest’s words of consecration”..
Le dernier évangile nous rappelle les bienfaits reçus pendant la sainte messe, en particulier celui de la sainte communion : « le Verbe s’est fait chair, et il a habité parmi nous ». Il est venu jusqu’à nous, jusqu’à s’unir à nous dans la réception de l’hostie consacrée.
Le dernier évangile est également une expression de gratitude : « Et vidimus gloriam ejus, nous avons vu sa gloire ». En effet, la sainte Messe est l’occasion de voir – sous les apparences des espèces eucharistiques – la gloire du Verbe Incarné, Agneau de Dieu debout et immolé, montrant à son Père ses plaies sacrées pour intercéder pour nous ; nous y voyons aussi – particulièrement dans les cérémonies de la messe solennelle ou pontificale – la gloire du Verbe incarné, exerçant son sacerdoce éternel par son Église, par les ministres ordonnés en particulier, et les fidèles (en vertu de leur sacerdoce baptismal[5]Qui les rend aptes à s’unir au sacrifice du Christ et à s’offrir avec lui à Dieu. Cf. Pie XII, encyclique Mediator Dei ; Catéchisme de l’Église Catholique, n°1546-1547.).
Conclusion : un résumé de toute la messe
Comme le dit très bien Michael Fiedrowicz,
« le dernier évangile, le commencement de l’Évangile de Jean, constitue un magnifique résumé de toute la messe, une summa eucharistica (…) »[6]Idem, p. 125 : “The Last Gospel, the beginning of the Gospel of John, constitutes a magnificent summary of the entire Mass, a summa eucharistica (…)”..
Ne passons donc pas, par négligence ou distraction, à côté du dernier évangile : il nous révélera ses secrets, qui sont ceux de Dieu.
Références[+]
↑1 | Cf. Fiedrowicz Michael, The Traditional Mass. History, Form and Theology of the Classical Roman Rite, Angelico Press, Brooklyn, 2020, p. 124. |
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↑2 | Cependant, la dévotion en général envers ce passage de l’Évangile est déjà attestée dans les premiers siècles, par exemple saint Augustin (La Cité de Dieu, 10, 29). |
↑3 | Dom Vandeur Eugène, La Sainte Messe. Notes sur sa liturgie, Maredsous, Abbaye de Maredsous, 1937, p. 299. |
↑4 | Fiedrowicz Michael, The Traditional Mass, p. 124 : “As the divine Logos descended into the Virgin Mary’s womb, Christ descends to the altar through the priest’s words of consecration”. |
↑5 | Qui les rend aptes à s’unir au sacrifice du Christ et à s’offrir avec lui à Dieu. Cf. Pie XII, encyclique Mediator Dei ; Catéchisme de l’Église Catholique, n°1546-1547. |
↑6 | Idem, p. 125 : “The Last Gospel, the beginning of the Gospel of John, constitutes a magnificent summary of the entire Mass, a summa eucharistica (…)”. |