La vraie royauté n’est pas celle des gouvernants qui exercent un pouvoir confinant à la tyrannie ou servent la culture de mort. Elle est celle, pleine de douceur et de miséricorde, du Christ crucifié et ressuscité pour nous sauver.
De nos jours les rois se cachent. Les attributs royaux ne sont plus que des pièces de musée, et les souverains qui perpétuent encore le principe royal ne se maintiennent que parce qu’ils capitulent systématiquement devant les menaces de leurs peuples. On sait ce qui arrive aux souverains qui n’obtempèrent pas aux volontés de la prétendue volonté populaire ou démocratique, depuis le 21 janvier 1793. Lorsqu’ils sont maintenus ils ne sont plus que les jouets de leurs sujets, qui veulent s’offrir la vaine image de leur propre grandeur ; ils ne défilent que pour le bon plaisir des masses, dont ils sont le caprice. C’est autre chose que de régner et gouverner pour le bien commun et ses objectives exigences. Et les masses ne sont pas plus souveraines que les rois d’aujourd’hui. Elles sont façonnées par les forces qui ont le pouvoir de contrôler l’information et d’influencer efficacement le processus démocratique. Ce sont les vrais rois de nos tristes temps, qui n’en portent plus le nom, et dont la discrétion est une partie de leur pouvoir.
Le faux sentiment de l’autonomie humaine
Et il est visible que ces rois ne sont pas au service du Christ. Les législations de notre occident, qui ont malheureusement vocation à s’exporter dans le monde entier, montrent avec la dernière clarté qu’il s’agit de donner à l’homme le sentiment de sa totale autonomie, même si cela conduit à la destruction massive de la nature humaine et à la violation brutale de la loi naturelle. Entre un tel processus démocratique, qui est le principe d’une culture de mort, dont la promotion de l’avortement légal universel est le chef d’œuvre, et le Christ, il faut choisir.
La vraie royauté du Christ
Mais même dans certaines sphères de l’Église la royauté du Christ est souvent considérée comme désuète ou triomphaliste. Elle ne saurait exprimer ce qui est essentiel dans le Christ, entend-on. Elle serait l’expression de la nostalgie que ce qui reste de cléricalisme conçoit au sujet de l’alliance passée du trône et de l’autel. La chose est plus grave en vérité. Celui qui ne voit plus le contenu de la royauté du Christ ne sait plus reconnaître intégralement qui il est vraiment. Il est indéniable que le venin de la démocratie moderne, qui est essentiellement une démocratie sans Dieu, tente de se propager aussi dans la masse des fidèles chrétiens, comme une lente anesthésie.
Ce qui obscurcit la vision de la royauté du Christ est certes la tendance constante, découlant d’une nature assurément déchue, à souhaiter un règne du Christ et de son Église qui soit semblable au règne temporel des rois d’antan. L’histoire du peuple de l’ancienne alliance en est l’image. Il faut se vaincre pour admettre une autre forme de pouvoir que celui qui est fondé ultimement sur la coercition. Un pouvoir sans exercice de la coercition est difficile à entendre pour l’homme déchu, qui a la mentalité de l’esclave. Le Christ règne autrement.
Roi d’amour trônant sur la croix
Certes il est déjà Roi en tant que Créateur, toute chose existante étant dans la dépendance radicale de son existence, mais notre temps de scientisme obnubilé par les phénomènes sensibles et les causalités secondes entrave grandement la reconnaissance de cette première couronne. Et la nature déchue tentera toujours d’opposer César à Dieu. Il est Roi plus encore par son Incarnation et le mystère rédempteur qu’elle a déployé. Il est Roi par son sacrifice et sa Résurrection. Il faut voir que la corona de lapide pretioso n’est pas autre que la corona spinarum. Les gouttes du Précieux Sang du Christ sont des joyaux incommensurablement plus beaux que les gemmes de cette terre. Ce qu’il y a de douloureux dans la Passion, lorsqu’elle vient à nous, peut nous empêcher de voir la beauté des joyaux divins de la couronne d’épines, mais il faut voir, dans une foi vive, la puissance de celui qui la porte pour y parvenir. Lorsque la Passion vient à nous, il faut voir que c’est le Christ tout-puissant qui vient à nous. Il va renouveler en nous ce qu’il a d’abord accompli seul ; pour nous associer à son règne et nous faire partager son héritage.
Nous avons entendu la semaine dernière qu’il faut rendre à César ce qui appartient à César et rendre à Dieu ce qui appartient à Dieu. Nous comprenons que le règne de l’argent menacera toujours César, le pauvre roi d’une nature déchue, tandis que notre amour est d’abord pour le Christ, qui a payé le tribut de son Sang, qui veut se mêler au nôtre, dans l’Eucharistie toujours et peut-être aussi dans notre martyr, si Dieu veut. La royauté du Christ est toute dans l’amour qui a présidé à la libre effusion de son Sang, et elle nous est communiquée dans la réception de l’Eucharistie, qui répand sa vie glorieuse en nous, jusqu’à la rencontre finale où son règne sera accompli.
De nos jours, comme hier et comme demain, et jusqu’à son retour, le Roi se cache, il se cache aux puissants de ce monde qui sont prisonniers de leur orgueil, et se révèle à ceux qui ont le cœur humble et pur, qui vivent dans la constante recherche de sa présence toujours aimante et offerte.