Le mois de novembre est consacré par la tradition de l’Église à la prière pour les morts. Ce moment bien propice est accompagné cette année par la sortie en France d’un beau film qui aborde avec profondeur les questions de l’au-delà de cette vie : les fins dernières.
Un film pour briser un silence
« Entre ciel et terre » est un long-métrage sorti en 2021 en Pologne, dont la version française sortira mercredi 2 novembre dans les salles françaises, grâce au travail de Saje Distribution. Le film de Michał Kondrat se fonde sur les révélations de certains mystiques et sur l’enseignement de l’Église (Écriture Sainte et Catéchisme) pour poser avec acuité une question qui dérange aujourd’hui – celle des fins dernières. Alors que nos sociétés contemporaines font tout pour occulter la mort et l’incertitude de l’au-delà, le réalisateur a choisi de chercher courageusement une réponse au questionnement de l’homme quant à sa fin dernière et son éternité. À un monde qui appesantit le poids de la destinée humaine en s’emmurant dans un oppressant silence, « Entre ciel et terre » propose un résumé grave mais porteur d’espérance de l’enseignement de l’Église.
Le film aborde successivement et de manière très complète les étapes et alternatives auxquelles fait face l’âme défunte : jugement particulier, purgatoire, enfer ou paradis… Il alterne des plans historiques faisant intervenir de grands témoins comme le Padre Pio, saint Stanislas Papczyński, des reconstitutions, des passages d’entretien avec différents prêtres et religieux qui expliquent la doctrine de l’Église ou présentent certaines figures, et des aperçus plus documentaires qui font connaître des sanctuaires dédiés à la prière pour les âmes des défunts.
La trame d’ensemble se tisse autour de révélations reçues au début du XXe siècle par une mystique ukrainienne, Fulla Horak, qui fut favorisée de visions de plusieurs saints et saintes, et de communications en particulier au sujet des fins dernières et du sort des âmes du purgatoire. Le choix pour cadre du film de son œuvre Belle Dame, ensemble de révélations privées qui incluent un chapitre sur « L’au-delà » peut paraître étonnant et a été relevé par certains critiques comme une faiblesse. On ne constate toutefois pas d’incohérences ou d’erreurs manifestes dans ce que Kondrat tire des écrits de Fulla Horak, bien qu’il aurait pu être distingué plus clairement entre ce qui relève de l’enseignement de l’Église (Écriture Sainte et Catéchisme), de révélations reçues par des témoins à la sainteté reconnue (Padre Pio, Stanislas Papczyński), des révélations privées de Fulla Horak ou d’autres représentations plus imaginatives des réalités d’outre-tombe. Les images employées au sujet du purgatoire ou de l’enfer sont globalement traditionnelles et rappellent à certains égards celles de Dante dans la Divine comédie.
Un thème plus actuel que jamais
Malgré le tabou que la société tente de dresser autour de la mort, la question se pose dans la vie de chacun : accident, maladie, dépression, mort d’un proche… Le film montre le contraste entre l’oubli apparent dans lequel le monde contemporain tente d’enfouir les fins dernières et leur présence dans la vie de tout homme. Il mentionne le phénomène des expériences de mort imminente (EMI), abondamment discuté depuis quelques décennies, comme une « preuve de l’immortalité de l’âme. » L’affirmation pourrait être nuancée, car la véritable preuve d’un phénomène immatériel ne peut être que philosophique (on la trouve ainsi chez Aristote et saint Thomas d’Aquin).
En ce mois de novembre, le film insiste surtout sur la nécessité de la prière pour les âmes des fidèles défunts, dans l’éventualité où elles seraient encore dans la « salle d’attente » du purgatoire. Il peut toutefois sembler prématuré d’affirmer que la majorité ou le plus grand nombre des âmes devront passer par cette étape de purification. Avec saint Thomas d’Aquin nous sommes bien certains que le véritable but de la vie chrétienne est la béatitude, la vision de Dieu face à face, atteinte si possible dès la séparation de l’âme et du corps. Le film a le grand mérite d’exhorter instamment à la conversion et à la prière pour les âmes du purgatoire, en rappelant les grands moyens que Dieu – à travers l’Église – offre pour y parvenir : prière, pénitence, confession, sainte messe.
Le long-métrage de Michał Kondrat complète cet aperçu en abordant plusieurs questions très délicates au plan humain et théologique : le sort éternel des enfants morts sans baptême, en particulier de ceux qui sont victimes d’un avortement, des personnes suicidées, les phénomènes d’occultisme, de spiritisme, par lesquels certains tentent de combler le vide béant creusé par le tabou entretenu autour de nous sur la mort et la destinée d’outre-tombe.
Un film au vrai contenu théologique
À travers les différents aperçus biographiques, les récits de révélations privées, les reportages dans les sanctuaires de prière pour les âmes du purgatoire, les éclaircissements des divers intervenants, le film aborde successivement les grandes alternatives pour l’âme défunte : enfer, paradis, purgatoire. Michał Kondrat choisit, en se fondant sur les révélations de Fulla Horak, d’insister particulièrement sur l’état de ces défunts qui traversent cette étape de purification ; à tel point que certains pourraient s’étonner de cette hypertrophie, qui cherche sans doute à encourager le public à la conversion et à la prière pour les âmes du purgatoire. Cet état transitoire des âmes attendant d’entrer dans la joie du Ciel est présenté avec réalisme et équilibre, comme un lieu de souffrance mais aussi de joie profonde.
L’ensemble est un long-métrage au visuel particulièrement réussi, clair et contemporain quant à la prise de vue et au montage, rythmé et enlevé, porté par une bande originale qui éveille des sentiments propices à faire recevoir et accepter l’enseignement de l’Église. Le contenu théologique que le réalisateur a eu pour ambition de faire passer à travers son œuvre est complet, dense, et globalement enraciné dans la doctrine traditionnelle. La volonté de présenter sans tabou l’enseignement catholique au sujet de la mort et des fins dernières est confronté aux limites du genre cinématographique, malgré le choix de laisser une large part au dogme à travers les explications des divers prêtres intervenant au fil de l’eau. Les plus avertis pourraient ainsi désirer certaines nuances ou distinctions – que l’écrit aurait probablement permis – sur des sujets importants, d’autant que les différents intervenants ne partagent peut-être pas les mêmes options au sujet de certaines précisions théologiques. Quant à la pure gratuité de la vie surnaturelle par exemple, il semble important de rappeler que si Dieu appelle de fait tout homme à la vision béatifique du Ciel, ce don est fait sans que rien de notre part ne l’exige ni le mérite de droit – la grâce, comme son nom même l’indique – est absolument gratuite[1]Dieu pourrait – en théorie – créer sans injustice des êtres humains sans les appeler à la vision béatifique, comme le rappelle Pie XII en 1950 dans l’encyclique Humani Generis. Quant aux différentes représentations imagées du sort de l’âme après la mort (jugement particulier où l’âme verrait défiler sa vie comme en un film…), on peut rappeler – de même qu’il faut distinguer clairement entre l’enseignement de l’Église et les messages reçus par révélation privées – que ces images sont nécessairement inadéquates au sujet de réalités par définition immatérielles et spirituelles.
Conclusion
On verra et fera donc voir avec beaucoup de profit « Entre ciel et terre, » un beau film qui fait connaître et aimer l’enseignement de l’Église au sujet des fins dernières. En ce mois de novembre en particulier, on appréciera particulièrement les exhortations à prier et faire prier pour les âmes du purgatoire. Pour soutenir la belle initiative de Saje Distribution et l’oeuvre de Michał Kondrat, il est possible de s’inscrire sur ce site : les dates de projection proposées près de chez vous sont les 2, 6 et 7 novembre.
Pour approfondir l’enseignement de l’Église sur les fins dernières et trouver les références au Magistère et à la Sainte Écriture, on pourra consulter les numéros 1020 à 1060 du Catéchisme de l’Église Catholique, ou le beau livre du Père Louis-Marie de Blignières : Les fins dernières.
On trouvera ici le dossier de presse réalisé par Saje Distribution.