Chemin de carême avec Claves.org : samedi de la Passion
En ces jours-là, les Juifs impies se dirent entre eux : Venez, et formons des desseins contre le juste ; car la loi ne périra pas faute de prêtre, ni le conseil faute de sage, ni la parole faute de prophète ; venez, frappons-le avec la langue, et ne prenons pas garde à tous ses discours. Jetez les yeux sur moi, Seigneur, et écoutez la voix de mes adversaires. Rend-on le mal pour le bien, puisqu’ils creusent une fosse pour m’ôter la vie ? Souvenez-vous que je me suis tenu devant vous, pour vous parler en leur faveur, et pour détourner d’eux votre indignation. C’est pourquoi livrez leurs enfants à la famine, et faites-les passer au fil de l’épée ; que leurs femmes perdent leurs enfants et deviennent veuves, et que leurs maris soient mis à mort ; que leurs jeunes gens soient percés par le glaive dans le combat ; qu’on entende des cris sortir de leurs maisons ; car vous ferez fondre soudain sur eux le brigand, parce qu’ils ont creusé une fosse pour me prendre, et qu’ils ont caché des filets sous mes pieds. Mais vous, Seigneur, vous connaissez tous leurs desseins de mort contre moi ; ne leur pardonnez pas leur iniquité, et que leur péché ne s’efface pas de devant vous ; qu’ils tombent en votre présence ; au temps de votre fureur traitez-les sévèrement, ô Seigneur notre Dieu. (Jr 18, 18-23)
Difficile de lire ces dernières paroles du prophète Jérémie sans frémir… Mais nous avons en mémoire ce que nous exposions lundi de cette semaine : si Dieu se montre parfois sévère, il est toujours disposé à donner son pardon. Encore faut-il le demander, sinon, peut-on s’étonner qu’il laisse libre cours à sa justice ?
Car tout cela s’accomplit en effet. Alors que les Hébreux, peuple élu de Dieu, s’étaient une fois de plus détournés gravement de leur Dieu, Jérémie leur est envoyé pour les persuader de regretter leurs péchés et de cesser d’offenser leur créateur. Mais comme nous le voyons aujourd’hui, ils s’obstinent, et, pire encore, conspirent la mort de l’envoyé de Dieu. Quelques années plus tard, Jérusalem fut détruite et les juifs exilés à Babylone.
Mais ce qui nous étonne encore plus dans cette lecture, c’est cette proximité avec les événements de l’évangile d’aujourd’hui, rapportant l’entrée triomphale de Jésus dans Jérusalem, fêtée solennellement demain par le dimanche des Rameaux. Jérémie, comme souvent les autres prophètes, n’a pas seulement annoncé des événements proches, mais aussi et surtout le Messie, préparant pour les Juifs pieux une feuille de route qu’il fallait suivre afin de le reconnaître. Les conspirations contre Jérémie ressemblent terriblement à celles contre Jésus, montrant par là qu’il est bien l’envoyé de Dieu. Mais Jésus avait prévenu les juifs : il est bien plus que Jérémie. Il disait déjà de saint Jean-Baptiste : « il y a là plus qu’un prophète » et ce dernier de préciser à propos de Jésus « je ne suis pas digne de dénouer ses sandales ». Ce n’était plus Jérémie qui avaitparlé à Dieu« en leur faveur, et pour détourner d’eux [son] indignation », mais l’Homme-Dieu lui-même. Jésus sait les conséquences de cette obstination et pleurera sur Jérusalem lors de son chemin de Croix. En 70 après J-C., il arrivera bien pire que la première destruction de la ville sainte que connut Jérémie : entièrement rasée, la population massacrée et dispersée, plus jamais elle ne redeviendra la cité de Dieu.
Mais nous le disions, si par la bouche du prophète, Notre Seigneur demande le châtiment pour le crime qu’il subit, il n’en demande pas moins la miséricorde du Père : « pardonnez-leur, ils ne savent pas ce qu’ils font » implorera-t-il du haut de la Croix. Les épreuves sont aussi une occasion de se tourner vers Dieu et d’obtenir alors un pardon que l’on n’aurait point pensé à demander dans l’abondance : « je reprends et je châtie ceux que j’aime » nous dit le Seigneur dans l’Apocalypse (3,19).
Pour aujourd’hui, regardons les événements présents à la lumière de cet enseignement. Que cela soit dans le monde ou dans nos vies, sans doute la justice de Dieu s’exerce-t-elle. Bon comme méchants, personne n’y échappe. Et si les épreuves sont l’occasion de réparer les offenses faites au Tout-Puissant, elles sont certainement aussi l’occasion d’une conversion pour certains. Si parfois le mal semble triompher, ne perdons pas espoir, car le monde a déjà perdu, et toutes choses sont dans la main de Dieu. Pour ceux qui croient, les épreuves et le scandale du mal ne sont pas des obstacles à l’amour de Dieu, parce que lui seul rétribuera.
Pour aujourd’hui, renonçons donc à nous agacer des échecs et revers du quotidien, en ne nous plaignant plus, ni intérieurement, ni extérieurement par des paroles ou par les plus légers signes d’impatience. Mais ayons plutôt à cœur de répéter ce mot de la Sainte Vierge Marie, si simple et qui nous valut pourtant l’Incarnation de Dieu pour nous sauver : fiat, ainsi soit-il !