Chemin de carême avec Claves.org : lundi saint
“Six jours avant la Pâque, Jésus vint à Béthanie, où était Lazare, le mort qu’il avait ressuscité. Là, on lui fit un souper, et Marthe servait. Or, Lazare était de ceux qui se trouvaient à table avec lui. Marie, ayant pris une livre d’un parfum de nard très pur, très précieux, en oignit les pieds de Jésus, et les essuya avec ses cheveux. Et la maison fut remplie de l’odeur du parfum. Alors, un de ses disciples, Judas Iscariote, celui qui devait le trahir, dit : “Pourquoi n’a-t-on pas vendu ce parfum trois cents deniers, pour les donner aux pauvres ?” Il dit cela, non qu’il se souciât des pauvres, mais parce qu’il était voleur, et qu’ayant la bourse, il dérobait ce qu’on y mettait. Jésus lui dit donc : “Laisse-la ; elle a gardé ce parfum pour le jour de ma sépulture. Car vous aurez toujours des pauvres avec vous ; mais moi, vous ne m’aurez pas toujours !” Un grand nombre de Juifs surent que Jésus était à Béthanie, et ils vinrent, non seulement à cause de Jésus, mais aussi pour voir Lazare qu’il avait ressuscité des morts.” (Jn 12, 1-9)
L’évangile de ce jour nous raconte cet épisode où, à quelques jours de sa mort, Jésus est chez ses amis, Marie, Marthe et Lazare. Marie-Madeleine oint les pieds de Jésus, elle qui a accueilli la Miséricorde et qui, de ce fait, a un amour débordant pour Jésus : « c’est pourquoi, je te le dis, ses nombreux péchés ont été pardonnés: car elle a beaucoup aimé. Mais celui à qui on pardonne peu aime peu » (Lc 7,47). Par cette onction, Marie annonce la sépulture de Jésus, donc sa mort, comme la myrrhe des Mages lors de sa naissance.
Cette libéralité de Marie qui reconnaît son Seigneur et lui donne ce qu’elle a de plus précieux est considérée par Judas comme du gaspillage. Celui-ci rongé par l’avarice et l’amour de l’argent et qui avait déjà trahi dans son cœur Jésus pour de l’argent, reproche à Marie cette dépense… au nom des pauvres ! Quelle grandeur d’âme apparemment ! Quel souci du pauvre a Judas ! Quelle libéralité !
Plusieurs réflexions s’imposent à nous en ce lundi saint, en rapport direct avec l’argent. Et d’abord jusqu’où peut mener l’amour de l’argent ! À la trahison de Jésus par un apôtre, c’est-à-dire par un homme qui avait été appelé et choisi pour vivre dans l’intimité du Seigneur ! C’est ahurissant ! Et moi, où en suis-je de mon rapport aux richesses, aux biens matériels et en particulier à l’argent ? L’argent est un bon serviteur mais un mauvais maître selon l’expression du poète Horace. Quelle place a-t-il dans ma vie ?
L’avarice est un péché capital comme la colère mais à la différence de celle-ci, celle-là ne se voit pas. En effet, la colère est tout de suite visible, par soi-même et par les autres. Ainsi est-il assez facile de m’en confesser et, en plus, sans en avoir trop de honte car souvent en même temps que je m’accuse, je m’excuse en expliquant plus ou moins explicitement que j’avais de bonnes raisons de me mettre en colère. “Les enfants ne m’obéissaient pas, monsieur l’abbé, j’ai dû hausser le ton !” Bref ce n’est pas bien difficile à avouer au confessionnal !
L’avarice, quant à elle, ne se voit pas et se tapit au fond de mon cœur endurci par l’amour de l’argent. Conséquence : on ne s’en accuse, hélas, jamais en confession. Aujourd’hui, je dois m’interroger. Ne suis-je pas comme Judas qui cache son péché derrière de saintes et louables intentions ? Ai-je déjà fait mon offrande de carême, une offrande substantielle, c’est-à-dire proportionnellement juste par rapport à mes revenus ? Il est absolument certain que ce sont les moins fortunés qui donnent le plus en proportion, et parfois même en valeur ! Le prêtre qui vous parle en reste parfois bouche bée ! Admiratif de l’obole de la veuve et scandalisé par la pingrerie de certains qui ont les moyens ! Cela ne corrobore-t-il pas la phrase de Jésus « Je vous le dis encore, il est plus facile à un chameau de passer par le trou d’une aiguille qu’à un riche d’entrer dans le royaume de Dieu » (Mt 19,24) ?
Enfin n’oublions pas ce que nous dit saint Ambroise : « tu ne seras pas jugé sur ce que tu as donné mais sur ce que tu auras gardé ».