À quelques jours du premier scrutin des présidentielles, la lecture du livre de l’abbé Claude Barthe nous livre une réflexion précise et précieuse sur la tentation qui menace le catholique en politique.
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Avec son récent livre, La tentation du ralliement[1]Claude Barthe, La tentation du ralliement, être catholique en démocratie, Éditions de l’Homme nouveau, « carnets », février 2022, 116 pages, 13 €., l’abbé Claude Barthe apporte une contribution de circonstance au travail de sape de l’infiltration libérale en milieu catholique entrepris par les courageuses éditions de l’Homme nouveau. On signalera en particulier la parution récente de l’ouvrage collectif Le bien commun, questions actuelles et implications politico-juridiques[2]Miguel Ayuso (dir.), Le bien commun, questions actuelles et implications politico-juridiques, Hora Decima, Éditions de l’Homme nouveau, juin 2021, 300 p., préface de Guillaume Bernard, 25 €., et, dans un format plus proche de l’essai qui nous occupe aujourd’hui, l’excellent Babylone et l’effacement de César de Guilhem Golfin[3]G. Golfin, Babylone et l’effacement de César, Éditions de l’Homme nouveau, septembre 2019, 124 p., préface de Matthieu Bock-Côté, 12 €.
Un constat lucide
Le livre de l’abbé Barthe, est publié dans la série Carnets, un format agréable à couverture souple. C’est un livre qu’on peut lire les bottes aux pieds…
… En commençant par identifier le mal : le ralliement à la démocratie libérale telle que nous la connaissons aujourd’hui. Si, comme le souligne l’auteur, elle n’a pas grand-chose à voir avec la démocratie classique, c’est qu’en réalité elle est institutionnellement en rupture avec la nature politique de l’homme, animal rationnel et donc politique. Cette rupture historique, rappelle encore l’auteur, se prolonge dans le rejet absolu de Dieu et de sa Révélation dans le catholicisme. La démocratie libérale est le régime du monde individualiste et relativiste post-chrétien que nous connaissons.
Or ce monde ayant rompu avec la loi naturelle est nécessairement autoritaire, puisque la loi édictée par l’autorité étatique méconnaît ouvertement et volontairement ce qu’est l’homme et qui est Dieu. D’où le sens apocalyptique de la situation politique, à la fois parce que – comme le dit l’auteur – se multiplient, en matière économique, civile, familiale, bioéthique, etc., des lois dont l’iniquité presque grotesque semble se rapporter aux grands événements décrits par le dernier livre de la Bible ; mais encore parce que la démocratie libérale triomphante révèle[4]apokalyptei en grec sa vraie nature tyrannique de « chrétienté inversée ». Dans le régime des droits individuels arbitraires et universellement opposables, l’intervention de la loi civile remplace le régime de la loi divine. Sa neutralité n’est que le masque de son universelle prétention à tout régenter, jusqu’à l’absurde.
On ne s’étonnera dès lors pas que, lorsque l’impossible intégration de l’Islam radical est ciblée, les attaques tombent – sans aucune distinction – sur les catholiques, comme lorsque le ministre de l’Intérieur déclare en février dernier sur France Inter, que la République ne discute pas avec ceux qui pense qu’il est une autorité supérieure à ses lois (cité p. 53). Dans un tel contexte, le ralliement à l’institution, écrit l’auteur, est non seulement une illusion mais une trahison.
Un appel au sursaut et à l’espérance
Devant ce lamentable état de fait, Claude Barthe en appelle à une intransigeance fondée sur l’espérance. « L’essai de psychologie d’un catholique rallié », montre comment le mélange de résignation devant le triomphe d’un adversaire acharné – aujourd’hui délié du respect minimal que lui imposait naguère le poids social du catholicisme –, de culpabilisation pour « les heures les plus sombres » de l’histoire de l’Église, et de syndrome de Stockholm, font du ralliement au système une tentation puissante.
La tentation est cependant d’autant plus forte que la voix de la hiérarchie ecclésiastique peine à se faire entendre. En s’appuyant sur des réflexions d’Émile Poulat à propos du texte sur la liberté religieuse au concile Vatican II, l’auteur met en évidence une rupture historique. Une chose – certes lourde de conséquences – est que la diplomatie s’écarte des lignes épurées de l’enseignement intransigeant, autre chose est que l’enseignement fasse de l’hypothèse diplomatique la thèse de travail.
Cette constatation n’empêche naturellement pas l’auteur de souligner, à l’appui de sa démonstration, les interventions courageuses et lucides qui se détachent de la tendance générale.
La tentation du ralliement, dont la vigueur rappelle la plume de Félix Sardá y Salvany condamnant le péché de libéralisme, espère en conséquence une clarification des interventions autorisées en la matière. Le livre en revanche ne constitue nullement un appel militant, se contentant d’esquisser plusieurs réflexions pour l’action, en ayant présent à l’esprit le sens eschatologique de l’engagement dans le combat politique.
Finalement, la grande tentation est celle de la sortie de la scène politique, par résignation apolitique ou par exténuation à la suite d’un pacte compromissoire avec l’adversaire.
Si la chrétienté paraît si loin dans la société sécularisée, le catholique aura au moins la lucidité de tout faire pour réintroduire dans le périmètre du bien commun la question du vrai et du bien, et de défendre la liberté de l’Église en prenant soin de ne pas en faire une ONG concurrentielle des autres sur le marché des droits communautaires.
Pour pouvoir assumer l’insertion dans la cité et garder toujours vivant l’esprit de résistance à la modernité, le catholique aura encore à cœur de se former aux questions de la coopération au mal et conservera une « ascèse de non-intégration morale et mentale ».
Références[+]
↑1 | Claude Barthe, La tentation du ralliement, être catholique en démocratie, Éditions de l’Homme nouveau, « carnets », février 2022, 116 pages, 13 €. |
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↑2 | Miguel Ayuso (dir.), Le bien commun, questions actuelles et implications politico-juridiques, Hora Decima, Éditions de l’Homme nouveau, juin 2021, 300 p., préface de Guillaume Bernard, 25 €. |
↑3 | G. Golfin, Babylone et l’effacement de César, Éditions de l’Homme nouveau, septembre 2019, 124 p., préface de Matthieu Bock-Côté, 12 € |
↑4 | apokalyptei en grec |