La conversion de Shia Labeouf (36 ans), connu notamment pour ses rôles dans la série Transformers, défraie la chronique de Hollywood. Dans un long entretien avec Mgr Baron, l’acteur revient sur le chemin par lequel le Seigneur l’a ramené à lui.
Cet extrait publié par la chaîne Catholic 365 est transcrit et traduit par nos soins.
“Je n’ai jamais été un athée, j’ai toujours été un agnostique, avant de tomber. J’avais déjà une croyance, mais je n’avais jamais eu de relation personnelle. La messe en latin m’a donné de me sentir en mis en relation, un lien qui me fit passer de la croyance à la relation. Je gardais une croyance, je croyais parce que c’est ce qui est rationnel, logique : il n’est pas rationnel ou logique d’être athée : si vous cherchez vraiment profondément vous arrivez au Big Bang et vous êtes à nouveau coincé, vous devez l’expliquer d’une certaine manière, ce qui vous met dans une situation de foi.”
Premières lectures
“Merton [Thomas Merton, moine cistercien et auteur de nombreux livres spirituels, NDLR] est vraiment intéressant parce qu’il est poète, et parle rationnellement mais ses écrits sont ceux d’un ancien athée. Il a résonné dans toutes les dimensions de mon être. Il a été très important pour moi. Il fallait le lire pour jouer Padre Pio, c’est ce que l’on m’avait dit. Les personnes qui m’ont catéchisé, à San Lorenzo, me l’ont conseillé, lui et Jom Townsend. Jim Townsend était un capucin qui avait d’abord été un forçat. Il avait assassiné sa femme enceinte, puis passé vingt ans en prison, puis trente cinq ans au couvent. Il était un autre messager pour une personne qui se sentait totalement abandonnée, mon cas lorsque j’arrivais. Lorsque j’y suis arrivé ma vie était sans-dessus-dessous, j’arrivais de l’enfer. Ce n’est pas comme si j’y étais arrivé délibérément, sur un cheval blanc, en sifflotant. Je suis arrivé sans-dessus-dessous, je voulais plus être acteur, et ma vie était un chaos, un chaos complet. J’avais blessé un grand nombre de personnes et je ressentais une grande honte, une grande culpabilité, je n’osais presque plus sortir. J’avais vraiment un désir de ne plus me trouver sur terre. J’étais comme sur la voie de la sortie.”
La question de Dieu dans une vie brisée
“Ce rôle [de Padre Pio] dans lequel je voulais en quelque sorte me plonger explique pourquoi tout cela m’est arrivé. La douleur m’avait donné de vouloir en savoir plus sur Dieu, d’une manière différente de ce que j’avais connu jusqu’alors. Mon opinion au sujet de Dieu avant que tout cela n’arrive, avant que la douleur ne m’atteigne, avant que mon monde ne s’effondre, était que l’art, l’amour et Dieu voulaient dire la même chose, étaient synonymes. En tant qu’artiste je me trouvais souvent dans une position « divine », où j’étais responsable de tout. Toute ma vie j’avais entendu dire que la vie était ma vie, que je devais en faire ce que je voulais, être un homme comme il faut, me marier, acheter une maison, décocher un emploi, bien faire mon travail. La vie est ma vie, les choses devaient se mettre en place à condition de faire les efforts suffisants, cela dépendait de moi.”
J’y croyais vraiment, et cela m’empêchait de croire en Dieu, car je sentais que mes propres compétences de gestionnaire me permettraient d’accomplir mon existence. Quand tous mes désirs se sont effondrés, quand tous mes plans ont échoué, quand ma vie m’a mené à causer de profondes souffrances et douleurs à d’autres personnes, j’ai réalisé que mes propres plans étaient bons à jeter, je ne voulais plus être ici.”
Padre Pio intervient
“C’est ce qu’il fallait absolument pour entrer dans le rôle de Padre Pio. C’est pourquoi j’ai comme l’impression que des calculs célestes, une manière divine de mener les choses, trop évidente pour être une coïncidence. Ma vie était entièrement sans-dessus-dessous. Je me suis trouvé dans une formation spirituelle par « Zoom », où nous avions des rencontres virtuelles. Une autre personne qui y participait, qui faisait partie du même groupe, et s’appelle Abel Ferrara, me vit dans cette situation. Nous partagions sur notre ressenti, nous l’avions déjà fait plusieurs fois, et il m’a écrit via l’interface de messagerie : « connaissez-vous Padre Pio ? » Évidemment je n’en avais jamais entendu parler, et je me suis demandé ce que signifiait cette histoire de Padre Pio. Ce sont les premiers pas de ce qui ressemble maintenant de mon point de vue à un chemin de salut.
J’étais encore égoïste au plus haut point, je m’accrochais encore à ce que j’avais perdu, je me cherchais à reconstruire ma carrière. Ce réalisateur que je respectais – il avait fait des films que j’avais vraiment aimés – pour moi Bad Lieutenant est un des meilleurs, le fait qu’il prenne contact avec moi, veuille me parler, à un moment où j’étais parfaitement seul, où personne ne voulait me parler, pas même ma propre mère, ni mon manager, ni mon agent, où je n’étais absolument plus dans les affaires, le fait que cette homme m’atteigne, cela m’a semblé, dans mon esprit égoïste, comme un miracle, une chance. Alors mon ego est revenu à la charge et je me suis dis : pourquoi pas. Padre Pio : mon ego est ce qui m’a fait rechercher qui était Padre Pio, et non pas le catholicisme.”
De Padre Pio à l’Évangile
“J’ai donc commencé à rechercher qui était le Padre Pio, et c’est à ce moment qu’il ma parlé de son projet d’en faire un film, et qu’il m’a dit que William Defoe y participerait. Mon ego était vraiment attiré : je pouvais sortir de mon trou pour travailler avec William Defoe, mon ego y vit ma chance de me remettre en selle.
J’ai commencé à me lancer dans ce nouveau projet, et il m’a dit : si tu veux prendre ce rôle, il faut que tu te renseignes, il faut que tu trouves un séminaire, un noviciat. Le plus proche pour moi, qui habite à Pasadena, est San Lorenzo. J’ai pris ma voiture, je l’ai garée là, et j’ai commencé à habiter sur le parking, tout en me plongeant dans ce monde et en envoyant des vidéos à William et Abel, qui travaillaient alors sur le script.
Et je suis tombé sur un groupe d’hommes, rencontré à San Lorenzo, notamment un certain frère Jude, qui a commencé à me parler de l’Évangile. Il m’ a dit : si tu veux jouer Padre Pio, tu dois lire l’Évangile. Moi qui n’avais jamais lu l’Évangile, il m’a lu celui de saint Matthieu.
Jusqu’alors j’étais bon pour m’en prendre au catholicisme, je me sentais supérieur, j’aimais débattre, ce qui me faisait sentir puissant. J’aimais être contradictoire, m’asseoir face à un évêque et le mettre à genoux, c’est ce qui me faisait me sentir puissant. C’est ainsi que nombre de personnes du monde aiment à se sentir en position de contrôle, alors que tant de choses dans la vie sont hors de contrôle : on aime à se voir aux manettes. J’étais ce genre de personne. J’aimais ces débats.
Ma mère avait une spiritualité qui était en quelque sorte indéfinie, elle était juive mais une juive hippie, pas comme les juifs traditionnels selon l’Ancien Testament. Ma mère n’a jamais lu l’Ancien Testament. Elle était juive de culture, elle aimait les arts, elle aimait en être membre, elle aimait les rabbins, les charismes, mais elle n’était pas une juive pratiquante au sens où elle portait les phylactères et lisait l’Ancien Testament. Je n’avais jamais reçu aucune de ces informations.
J’ai comme phonétiquement fait ma Bar Mitzvah, j’ai lu l’hébreu phonétiquement, c’était une représentation, une arnaque, je ne savais pas ce que je disais. Ce n’était pas une émotion, je faisais cela pour ma grande mère, qui était dans ses derniers jours : on m’avait dit que je devais le faire pour ma grand-mère. J’avais treize ans, j’ai lu phonétiquement, ma grand-mère était contente, on m’a fait monter en chaire, et c’était le tout de ma vie spirituelle. Pendant longtemps cela a sonné faux, car je n’ai jamais rien investi dans ce domaine, je n’avais jamais expérimenté aucune souffrance dans ma vie, et donc n’ai pas eu le désir d’avoir aucune croyance, je n’avais pas la foi.”
Le précurseur qui fait rencontrer le Christ
“À San Lorenzo je reçois l’Évangile de saint Matthieu, je le lis pour la première fois, et les choses commencent à me frapper. Jean-Baptiste par exemple. L’histoire de Jean-Baptiste, une réformiste hédoniste, qui était une sorte de débraillé, et qui ressemblait à un ancien personnage de western, comme un cow-bow, mangeant des sauterelles, rustique, fort, masculin.
Mon opinion du Christ à ce moment, c’était presque comme si je le considérais comme un bouddhiste, un homme trop doux, fragile, aimant tout le monde, écoutant tout le monde, sans force, sans romance. Et alors j’ai lu l’Évangile. Jusque là j’avais eu une vision trop féminisée, je n’avais pas eu l’image du Christ de l’Ancien Testament, à cheval, en cape, épée, couvert de sang. Rien de cela n’entrait dans mon champ de vision, tout ce que je connaissais, c’était ce Jésus trop doux, faible, qui ne convenait pas à mon idée de ce que la masculinité devrait être. Mon père était un motard mongol, un tel Christ ne me donc semblait pas attirant.
Lorsque j’ai commencé à lire ce qui concerne Jean-Baptiste, il a commencé à me sembler plus intéressant. C’est alors, en entrant dans l’Évangile, en découvrant ce qui concerne la Rédemption, que j’ai commencé à prendre conscience de l’idée d’un chemin. J’ai commencé à sentir que je tenais entre mes mains une carte, menant vers quelque chose qui semblait être comme un abandon. C’est ce que j’ai retenu de l’Évangile. Je pourrais le résumer en deux mots : un abandon. À ce moment-là, alors que je lisais, je m’accrochais encore tellement à une vie qui me glissait entre les doigts, à trente-cinq ans passés à chercher le contrôle, l’Évangile m’a donné cette invitation à m’abandonner. Ce qui ne m’avait jamais attiré dans le bouddhisme, c’est cette idée de fatalisme : si je suis dans un bateau qui coule, et que je nais pas nager, le bouddhisme me dit d’apprendre à nager. Or à ce moment de ma vie, je ne voulais plus apprendre à nager, j’avais un pistolet sur mon bureau, j’étais sur le départ, je ne voulais plus vivre quand tout cela est arrivé. J’avais une honte telle que je n’en avais jamais fait l’expérience, comme une respiration, dont on ne sait comment sortir. C’est là que j’étais, et aussi dans ce désir profond de m’accrocher. J’ai donc lu l’Évangile avec ce frère Jude, et j’entendais, dans toutes ces variations évangéliques, cet appel à l’abandon. Pour une personne qui s’accrochait depuis si longtemps, si fortement, cela m’a semblé être comme la bonne chose à faire, s’abandonner totalement, pour de bon.”