Tous les épisodes en un clin d'oeil :
Ecouter : Episode 01 – Le petit caté pour les grands
Episode 01 : Introduction
Bienvenue dans le premier épisode du petit caté pour les grands. Ce parcours se déploiera sur un an, soit 40 séances, à raison d’un cours par semaine. Nous avons choisi un format bref (5 à 7 minutes) et adapté à tous, puisque notre petit caté s’adresse aux débutants et recommençants de la foi, mais pourra aussi aider les autres à revenir aux fondamentaux. Nous suivrons le plan très classique des grands catéchismes, depuis le Concile de Trente : ce qu’il faut croire (les douze articles du Credo), ce que Dieu nous donne pour revenir vers lui (les sept sacrements), ce que nous devons faire pour répondre à son appel (les dix commandements), comment nous nous unissons à lui (les sept demandes du Notre-Père). Puisque le format est court, chaque séance est prolongée par des propositions de lectures et de formation, qui puisent principalement dans le Catéchisme de l’Eglise Catholique et celui du Concile de Trente, ainsi que dans la collection des Trois Blancheurs, éditée par la Fraternité Saint-Pierre. Toutes les références sont indiquées sur le site et l’application Claves, à la suite du texte écrit. Nous vous encourageons, semaine après semaine, à creuser ces différents thèmes auquel l’enseignement de base aura été une introduction.
Qu’est-ce que la foi ?
Puisque nous avons promis d’être brefs, commençons sans plus attendre. Avant d’entamer l’étude du “Je crois en Dieu” (Credo), demandons-nous ce qu’est la foi.
Il peut y avoir une foi humaine : lorsque l’on croit quelque chose ou quelqu’un, sur la base d’un témoignage, au sujet de quelque chose dont nous n’avons pas l’évidence. C’est un acte de l’intelligence, qui adhère à la vérité d’une proposition, mais sous la motion de la volonté. Une qualité supérieure intervient cependant lorsqu’on en vient à la foi divine : “croire en Dieu” nous met en relation avec un objet qui dépasse totalement les possibilités de notre intelligence. La lumière de la raison naturelle ne suffit plus, il faut qu’elle soit surélevée de l’intérieur par Dieu pour voir ce que lui seul connaît, comme s’il nous munissait de lunettes rendant capable de voir dans une nouvelle dimension.
C’est ainsi que l’on peut définir la foi comme “acte de l’intelligence adhérant à la vérité divine sous le commandement de la volonté mue par Dieu au moyen de la grâce”[1]Saint Thomas d’Aquin, Somme Théologique, IIaIIae, q. 2, a. 9 ; Concile Vatican I : DS3010 ; Catéchisme de l’Eglise Catholique, n°155.. Expliquons encore un instant cette définition de saint Thomas d’Aquin : c’est 1) l’intelligence qui adhère à la vérité de Dieu, mais 2) elle ne le fait pas d’elle-même, car l’objet n’est pas évident, elle est commandée par la volonté, qui 3) est mue de l’intérieur par Dieu, au moyen de la grâce.
Vous l’avez compris, la foi divine est absolument au-dessus de nos forces : elle ne peut s’acquérir à force de réflexion mais demeure une grâce, un don entièrement gratuit de Dieu, que vous avez reçu ou que vous recevrez au baptême, et qu’il vous appartient de protéger, de nourrir et de faire grandir.
Le contenu et les motifs de la foi
Encore un regard sur la foi. La foi, disait magnifiquement le pape Benoît XVI est “la rencontre non pas avec une idée ou avec un projet de vie, mais avec une Personne vivante qui nous transforme en profondeur, en nous révélant notre véritable identité de fils de Dieu”[2]Benoît XVI, Audience du 17 octobre 2012.. “À l’origine du fait d’être chrétien, écrivait-il encore, il n’y a pas une décision éthique ou une grande idée, mais la rencontre avec un événement, avec une Personne, qui donne à la vie un nouvel horizon et par là son orientation décisive”[3]Benoît XVI, Deus caritas est, 25 décembre 2005.. Et cependant cette rencontre s’accomplit par le biais d’un contenu, de vérités révélées par Dieu, enseignées et transmises par l’Eglise, qui nous aide à les comprendre. Dans la foi notre intelligence adhère à quelque chose, un contenu, ensemble de propositions appelées parfois des dogmes, qui mettent en langage humain les insondables vérités que Dieu même a voulu nous faire connaître de lui.
Pourquoi croyons-nous ? Le vrai motif de la foi est encore Dieu : la foi c’est croire en Dieu, mais c’est aussi croire Dieu, croire ce que Dieu nous a révélé, parce qu’il nous l’a révélé et que si Dieu existe, alors il ne peut être qu’infiniment vrai et infiniment bon, et ne peut donc ni se tromper, ni nous tromper.
Ajoutons cependant que l’adhésion de la foi est soutenue, du côté de la raison naturelle, par un certain nombre de motifs de crédibilité, des raisons de croire qui viennent soutenir – sans la remplacer – la certitude intellectuelle fondée sur la révélation divine. Nous y reviendrons, ce sont par exemple les démonstrations philosophiques de l’existence de Dieu et de ses attributs, les miracles et prophéties, les motifs tirés de l’histoire de l’Eglise et de la vie des saints, etc…
Les sources de la Révélation
Terminons en expliquant la notion de Révélation, à laquelle nous venons de faire référence. Révéler, c’est enlever le voile, montrer ce qui est caché : Dieu se révèle à nous en nous faisant connaître, par pure bonté gratuite, les secrets de son coeur et de sa vie, auxquels il veut nous faire participer. Pour se révéler, Dieu va jusqu’à adopter notre langage : il se rend accessible. Son message nous parvient par deux biais, que la théologie appelle la ou les sources de la Révélation. Il s’agit 1) de l’Ecriture Sainte, la Bible : tout ce qui a été mis par écrit, au long de l’histoire sainte (l’Ancien Testament) ou dans les années qui ont suivi la vie terrestre du Christ, et 2) de la Tradition : tout ce qui a été enseigné par Dieu, principalement à travers Jésus, Dieu fait homme, mais qui n’a pas été écrit, tout ce qui a été transmis oralement ou dans les pratiques de l’Eglise, par exemple dans sa prière liturgique.
Conclusion
C’est donc à travers ces deux sources que nous avons accès à Dieu, moyennant la foi, vertu absolument surnaturelle, pur don de Dieu, par lequel nous adhérons à lui et pouvons dès ici-bas le connaître. Cette connaissance qui ne va pas sur terre sans une certaine obscurité s’épanouira au Ciel dans le face à face béatifiant, la vision directe de Dieu, qui nous donnera de le voir tel que lui-même se voit, et ainsi de participer à sa vie éternelle et incessante d’amour.
Nous espérons que ce petit caté qui commence aujourd’hui sera une étape sur ce chemin de sanctification et de charité, et vous donnons rendez-vous la semaine prochaine.
Pour aller plus loin
- Catéchisme de l’Eglise Catholique, section 1, chapitres 1-2-3.
- Catéchisme du Concile de Trente, chapitre 1,
- Les Trois Blancheurs, Année IV, “Le Credo”, Leçon 1.
- Charles Journet, Entretiens sur la charité
- Serge-Thomas Bonino, Je vis dans la foi au Fils de Dieu
- Abbé Bernard Lucien, Révélation et Tradition.
Dans la Bible :
- Evangile selon Saint Matthieu, chapitre 11, versets 25 à 30.
- Evangile selon Saint Marc, chapitre 16, versets 15 à 18.
- Première Epître aux Corinthiens, chapitre 2.
- Epître aux Hébreux, chapitre 11.
Ecouter : Episode 02 – Le petit caté pour les grands
Episode 02 : “Je crois en Dieu, le Père tout-puissant, créateur du Ciel et de la Terre”
Le Credo
Nous nous retrouvons aujourd’hui autour du premier article du Credo, cette grande formule qui résume la foi depuis l’époque apostolique. Il en existe au moins deux versions. Le Credo de Nicée-Constantinople, la forme développée que nous récitons à la messe les dimanches et jours de grande fête, contient de nombreuses précisions ajoutées au IVème siècle dans les conciles de Nicée et de Constantinople, notamment contre des hérétiques – les Ariens – qui rejetaient la divinité du Christ. La forme plus courte, dont nous partons ici, est appelée “symbole des apôtres” : “symbole” du grec symbolon, terme qui désignait un mot de passe ou un objet utilisé comme signe de reconnaissance. Le Credo est ce mot de passe ou ce signe de reconnaissance des Chrétiens, que nous découvrons ensemble.
“Je crois en Dieu”
Premier article : “je crois en Dieu, le Père tout-puissant, Créateur du ciel et de la terre”.
Pour être sauvé, nous dit l’épitre aux Hébreux, il faut croire que Dieu est, et qu’il est rémunérateur. Croire que Dieu est, croire en l’existence de Dieu, c’est un préambule de la foi, un présupposé dont saint Thomas d’Aquin, le Concile de Vatican I et le Catéchisme nous disent qu’il peut être atteint par tout homme, au moyen de sa raison.
“Ils sont inconsistants, tous ces gens qui restent dans l’ignorance de Dieu : à partir de ce qu’ils voient de bon, ils n’ont pas été capables de connaître Celui qui est ; en examinant ses œuvres, ils n’ont pas reconnu l’Artisan”[4]Sg 13, 1 dit le livre de la Sagesse. Et saint Paul ajoute : “Depuis la création du monde, on peut voir avec l’intelligence, à travers les œuvres de Dieu, ce qui de lui est invisible : sa puissance éternelle et sa divinité”[5]Rm 1, 20.
Comment la raison humaine peut-elle parvenir à l’existence de Dieu ? Malgré ce qu’espèrent parfois certains, ce n’est pas et ce ne pourra pas être par les sciences expérimentales (mathématiques, physiques, astrophysique, chimie, biologie), car elles ne connaissent que la matière, et Dieu est pur esprit. En fait, ces sciences ne peuvent ni prouver ni exclure l’existence de Dieu : il n’entre simplement pas dans leur champ.
La démonstration de saint Thomas d’Aquin
En revanche, et c’est là qu’intervient saint Thomas d’Aquin, qui continue le travail du grec Aristote, la reine des sciences, la philosophie, peut nous mener jusqu’au seuil de la théologie, à la certitude de l’existence de Dieu. Il en fait la preuve en proposant cinq chemins différents pour y parvenir, les fameuses cinq voies, comme une introduction de sa Somme Théologique. Sans entrer dans le détail, on peut retenir qu’il y montre que l’on peut remonter, à partir du constat du mouvement qui anime les éléments du monde, à l’existence nécessaire d’un moteur qui leur donne ce dynamisme, et ultimement d’un moteur qui ne soit pas lui-même en mouvement, sans quoi on postulerait une chaîne infinie, une impossibilité rationnelle. Ce premier moteur immobile de l’univers, qu’Aristote avait déjà envisagé, saint Thomas l’appelle Dieu. Dans la cinquième voie, il part du constat de la finalité qui dirige les divers éléments de l’univers vers leur but, bien que ceux-ci, sans intelligence, soient incapables de se donner à eux-mêmes cette orientation. Il faut nécessairement qu’ils y aient été dirigés, conclut-il, par une intelligence supérieure, suprême, que l’on peut appeler Dieu. Ce dernier argument n’est pas sans rappeler les descriptions de Dieu comme un “grand horloger” chez Voltaire ou les arguments dits téléologiques, de ceux pour qui l’extrême complexité de l’organisation de l’univers ne peut être attribuée au hasard, et dénonce donc nécessairement son Créateur. Le raisonnement de saint Thomas va plus loin cependant, il reste au plan philosophique et n’est pas tributaire des sciences expérimentales.
À ces chemins menant à l’existence de Dieu, saint Thomas ajoute ce que la philosophie peut en faire connaître : quelques attributs que l’homme peut déduire par le biais de raisonnements analogues. Il démontre ainsi la perfection de Dieu, sa simplicité, son éternité, mais aussi – retenons cette caractéristique importante – son unicité : si Dieu est l’Être absolument parfait, dit-il, il ne peut être qu’unique, car deux divinités hypothétiques ne pourraient se distinguer sans abandonner une part de leur perfection.
“Créateur du Ciel et de la Terre”
Terminons cet épisode en parlant de la Création. La Bible se singularise, au milieu de tous les récits antiques et mythologiques, en décrivant un Dieu unique (en fait un Dieu au vrai sens du terme), créant absolument – à partir de rien – le tout de l’univers. Les magnifiques chapitres de la Genèse, qui racontent les origines de l’univers, de la terre et de l’homme, sont un trésor de théologie : ils sont bien sûr à lire en tant que tels, pour ce qu’ils sont, et sans y chercher ce qu’ils ne peuvent nous apporter. Entendons-nous bien : il ne s’agit pas pour Dieu, il ne s’agissait pas pour les auteurs sacrés qui ont composé ces récits, de délivrer un exposé scientifique, de toute façon hors de portée de son auteur comme de ses destinataires, car qui – aujourd’hui même – pourrait comprendre les modalités de l’apparition de notre univers ? Non, les premiers chapitres de la Genèse racontent comment à commencé l’histoire d’amour de Dieu avec l’humanité. Tout ce qui y est raconté est vrai, bien sûr, puisque toute l’Ecriture est inspirée de Dieu et donc absolument indemne d’erreur, mais sous l’angle de la théologie et de l’histoire du salut. Retenons-en que Dieu seul a créé le monde, à partir de rien, par pure bonté, sans besoin, et qu’il a placé au sommet de l’univers visible un être singulier dans la formation duquel il est personnellement intervenu, car ce drôle d’animal, “bipède sans plumes” disait Platon, est le seul être corporel animé par une âme spirituelle, insufflée directement par le Créateur et à son image. Voilà l’essentiel ce qu’enseigne la Bible au sujet de la Création – essentiellement le “pourquoi” des choses – laissant ensuite aux scientifiques le soin de creuser le “comment” et de formuler des hypothèses et des théories, jusqu’à celles qui envisagent une évolution à l’intérieur ou même à l’extérieur des espèces végétales et animales.
Concluons pour aujourd’hui en relevant que Dieu est Créateur de la Terre et du Ciel, de l’univers visible et invisible : il a voulu s’entourer aussi de créatures purement spirituelles, dont l’existence ne peut être purement prouvée par la raison humaine mais est révélée par l’Ecriture. Ce sont les anges, créés pour louer Dieu et contribuer au gouvernement du monde, dont certains ont malheureusement refusé cette magnifique mission de service. Mais ceci est une autre histoire, que nous aborderons au prochain épisode.
Pour aller plus loin :
- Catéchisme de l’Eglise Catholique, 2ème section, chapitre 1, nn°198-324.
- Catéchisme du Concile de Trente, Première Partie, Chapitre 2.
- Les Trois Blancheurs, Année IV, Leçon 2, Leçon 7.
- Les trois articles de l’abbé Vernier sur l’évolution
Dans la Bible :
- Genèse, chapitres 1 et 2.
- Psaume 104 ; Psaume 148.
- Livre de la Sagesse, chapitre 13, versets 1 à 9.
- Epître aux Romains, chapitre 1, versets 18 à 25.
Ecouter : Episode 03 – Le petit caté pour les grands
Episode 03 : “Et en Jésus-Christ, son Fils unique, notre Seigneur”
L’entrée du mal dans la création : le péché
Nous avons vu le premier article du Credo qui affirme que Dieu a tout créé. Il faut garder à l’esprit que tout ce que Dieu a fait est forcément bon. Pourtant, aux être libres qui ont une volonté pour aimer et choisir, comme les anges ou les hommes, Dieu laisse un terrible pouvoir : celui de pouvoir utiliser cette liberté pour faire le bien ou le mal.
Et c’est ainsi que le mal est entré dans l’univers. Non pas par la volonté ou l’action de Dieu, ce qui est impossible, mais bien par la déviance de certaines de ses créatures.
Les premiers a avoir chuté, c’est-à-dire à s’être détournés de Dieu vers le mal par le péché, sont les anges. Le plus beau des anges s’appelait Lucifer. Par orgueil, il se rebella contre Dieu, préférant, de manière consciente, son propre malheur plutôt que de dépendre de Dieu.
Lucifer, désormais appelé Satan ou diable, se détourna de Dieu et entraina à sa suite un certain nombre d’anges, qui péchèrent eux aussi : ce sont les mauvais anges que nous appelons démons.
Ils haïssent Dieu et ce que Dieu à fait. Ils voudraient abîmer sa création, notamment ce que Dieu chérit le plus : l’homme.
Les hommes aussi ont été créés par Dieu. Dieu créa d’abord un homme, appelé Adam, et une femme, appelée Eve. Dieu les créa bons, comme tout ce qu’il fait. Bien plus même, il leur donna la grâce, c’est-à-dire une certaine amitié divine implantée dans leur âme, fondant ce que l’on appelle l’état d’innocence. En plus d’un certain nombre de dons, Dieu les plaça dans un jardin merveilleux, appelé paradis terrestre ou bien jardin d’Éden. Là, rien ne leur manquait, et ils ne connaissaient ni la mort, ni la maladie, ni même la peine ou la souffrance.
Pourtant, ils avaient eux aussi l’épreuve de la liberté : ils devaient choisir librement l’amour de Dieu. Trompés par le démon, ils perdirent confiance en Dieu, et par orgueil voulurent devenir comme lui : être semblables à Dieu, par le pouvoir de leur propre volonté.
Cette rébellion les séparait de facto de Dieu pour toujours : c’est ce qu’on appelle le péché originel, cette offense faite à Dieu à l’origine.
Leur péché eut des conséquences terribles : en effet Adam, en tant que père de tous les homme agissait comme chef de toute l’humanité. C’est-à-dire que ses décisions engageaient toute sa descendance. Concrètement, depuis, tous les hommes sont impactés par ce péché originel et se le transmettent de génération en génération.
Adam et le reste des hommes avaient perdu l’amitié de Dieu, la possibilité de se convertir, le ciel avait été fermé et les hommes ne pouvaient plus y aller. Même la nature était détraquée, abimée dirons-nous, et chaque homme nait avec une « tâche » dans son âme qui qui l’incline au mal. Inclination parfois appelée “concupiscence”. De plus, les hommes recevaient comme peine du péché : la mort et la souffrance, dont ils avaient été préservés par cadeau.
Dieu sauve
Mais Dieu, dans sa grande bonté, ne voulait pas en rester là. Loin de se faire vaincre par le mal, il ne permet un mal que parce qu’il va en tirer un plus grand bien. Ce plus grand bien, c’est la venue de son Fils, Jésus, notre Seigneur. Jésus, dont le nom veut dire : Dieu sauve.
Bien qu’il n’y soit pas obligé, Dieu décide de sauver les hommes. C’est le salut que nous apporte Jésus. Ce salut, il va le mériter lui-même.
Dieu sauve et rachète les homme par la venue de son Fils sur la terre, et sa mort sur la croix. Cette venue sur la terre, nous l’appelons l’Incarnation, ce qui veut littéralement dire “le fait de prendre un corps de chair”.
Avant de préciser plus le sens de l’Incarnation, cherchons à comprendre ce que veut dire que Jésus est le Fils de Dieu.
Nous entrons ainsi dans le mystère de la sainte Trinité.
Il n’y a, et il n’y aura, qu’un seul Dieu, qui ne peut ni se diviser, ni se multiplier. Mais au sein de cet unique Dieu, plusieurs personnes existent dans l’unique être de Dieu : le Père, le Fils, et le Saint-Esprit.
Le Père est Dieu, le Fils est Dieu, et le Saint Esprit est Dieu. Et Dieu est à la fois le Père, le Fils et le Saint Esprit. Ces personnes ont tout en commun exceptées les relations qu’elles ont entre elles, comme la relation du Père au Fils par exemple.
Il n’y a pas trois Dieu, mais un seul Dieu en trois personnes.
Jésus est le Fils, il est Dieu. Saint Jean l’appelle aussi le “Verbe” (la Parole). Il existe depuis toujours, avant la création, il est l’égal du Père, tout comme le Saint Esprit. Il ne faudrait pas s’imaginer qu’il y ait une hiérarchie dans la Trinité, ou qu’une personne, le Fils par exemple, commencerait à exister par sa venue sur la terre. Il existait avant les siècles. Il est Dieu, totalement et dans l’éternité.
« Au commencement était le Verbe, et le Verbe était Dieu » disait saint Jean[6]Jn 1, 1.. Et il ajoute : « et le Verbe s’est fait chair »[7]Jn 1, 14.. C’est le mystère de l’Incarnation. La seconde personne de la Trinité, le Fils, et lui seul, a revêtu notre humanité : il est devenu homme, c’est Jésus. Il ne cesse pas d’être Dieu, mais en plus de sa nature divine, il reçoit la nature humaine, avec un corps humain, une âme humaine. Et tout ceci, divinité, âme humaine et corps humain existe en même temps dans la personne du Fils de Dieu, Jésus.
Pourquoi donc le fils de Dieu s’est-il fait homme ? Pour nous sauver. Il vient sur la terre, à la fois comme Dieu et comme homme, pour racheter nos fautes par le sacrifice de sa vie, et pour nous donner la vie éternelle.
Comment est-il devenu homme ? nous le verrons au prochain épisode.
- Pour aller plus loin :
- Catéchisme de l’Eglise Catholique, 2ème section, chapitres 1 et 2, nn°355-483.
- Catéchisme du Concile de Trente, Première Partie, Chapitre 3.
- Les Trois Blancheurs, Année IV, Leçons 8 et 9, pp. 35-40.
- Adam et Eve ont-ils existé ? (article de M. Lavagna)
- L’Incarnation dans ma vie (article de l’abbé Vernier)
- Comment ça se passe quand Dieu se fait homme (approfondissement sur l’Incarnation : article de l’abbé Vernier)
- Darwinisme et péché originel (Parcours Kephas 8 : podcast de l’abbé Vernier)
Dans la Bible :
- Genèse, chapitre 3.
- Evangile selon Saint Matthieu, chapitre 3 (baptême du Christ) et 28 (révélation de la Sainte Trinité à l’Ascension).
- Evangile selon Saint Luc, chapitres 1 et 2 (Evangiles “de l’enfance” : Incarnation).
- Evangile selon Saint Jean, chapitre 1 (Prologue).
Ecouter : Episode 04 – Le petit caté pour les grands
Episode 04 : “Qui a été conçu du Saint-Esprit, est né de la Vierge Marie”
Nous allons voir aujourd’hui le troisième article du Symbole qui traite plus particulièrement du mystère de l’Incarnation. Ce troisième article s’énonce ainsi : qui (Notre-Seigneur) a été conçu du Saint-Esprit, est né de la Vierge Marie.
Père, Fils et Saint-Esprit : vie trinitaire ad intra et ad extra
Nous avons vu dans les deux premiers articles, le Père, première personne de la Sainte Trinité, créateur du Ciel et de la Terre, puis le Fils, deuxième Personne de la Sainte Trinité, engendré de toute éternité par le Père, nous voyons maintenant le Saint-Esprit, troisième et dernière Personne de la Sainte Trinité, à qui est attribuée l’Incarnation.
Ce mot d’« attribution » est très important car dans les œuvres de la Sainte Trinité, nous distinguons celles dites ad intra, qui sont intérieures à la Sainte Trinité, et celles ad extra qui lui sont extérieures. Les premières concernent les relations des différentes Personnes entre elles au sein de la Saint Trinité : Le Père engendre le Fils, le Saint-Esprit procède du Père et du Fils et le Fils dit le Père. Ces relations trinitaires sont comme la vie intime de la Sainte Trinité, elles sont considérées en elles-mêmes, indépendamment de toute relation extérieure. Les œuvres ad extra, quant à elles, concernent les relations de la Sainte Trinité, avec tout ce qui lui est extérieur, c’est-à-dire la Création. Sans rentrer dans les détails du mystère de la Sainte Trinité que nous verrons plus tard, dans les œuvres ad extra (entre la Sainte Trinité et la création), toutes les Personnes divines sont concernées ; rien n’est fait, en dehors de la sainte Trinité, sans que les trois Personnes divines n’y prennent part. La Création, œuvre extérieure à la Sainte Trinité, a été réalisée par les trois Personnes de la Sainte Trinité, le maintient dans l’être de chaque vivant est l’œuvre des trois Personnes de la Sainte Trinité, l’Incarnation, qui comporte une réalisation (formation d’un corps et création d’une âme) est l’œuvre des trois Personnes de la Sainte Trinité, à ce détail près que seule la deuxième Personne de la Sainte Trinité s’est incarnée. En effet, dans l’Incarnation il faut distinguer l’œuvre et l’union. L’œuvre « créatrice » est commune aux Trois, l’union des hypostases, c’est-à-dire des deux natures, humaine et divine, dans la Personne du Fils, est propre à la deuxième Personne de la Sainte Trinité.
Les attributions des œuvres ad extra de la Sainte Trinité
Le mot « attribution », comme je le disais plus haut a donc son importance. En effet, même si les œuvres ad extra sont communes aux trois Personnes, on les attribue à l’une ou l’autre des Personnes par manière de parler. C’est un usage qui s’est établi depuis longtemps et que l’on retrouve dans la Sainte Écriture. Au Père ont toujours été attribuées les œuvres de puissance – comme la Création – car c’est l’image que nous renvoie le mot père, au Fils ont été attribuées les œuvres de sagesse car il est la Parole, le Verbe Incarné, au Saint-Esprit les œuvres d’amour car il est l’Amour réciproque du Père et du Fils. Ces façons d’attribuer aident l’homme à faire sien un mystère qui le dépasse, à s’en approcher davantage par des concepts mieux connus de lui. Cependant, ce mystère de la Sainte Trinité reste profond et nous ne pourrons jamais le découvrir parfaitement ici-bas, même avec les lumières de la Foi.
“Conçu du Saint-Esprit”
L’Incarnation, bien que commune aux Trois Personnes, a donc été attribuée, dans sa mise en œuvre, au Saint-Esprit car, comme toute conception, elle est le fruit d’un amour, ici de l’Amour de la Sainte Trinité pour les hommes.
Cette conception divine, si elle a donné naissance à une personne possédant la nature humaine, n’a rien de commun avec le mode humain de concevoir.
Tout d’abord, la conception de Notre-Seigneur s’est faite au moment exact où la sainte Vierge a consenti à la paroles de l’Ange Gabriel : « qu’il me soit fait selon votre Parole » (Lc 1, 38) . A ce moment-là, l’âme humaine du Christ fut immédiatement créée et unie à son corps, à la cellule embryonnaire, en même temps que la divinité s’unissait à l’âme et au corps. Son âme humaine, rationnelle reçut ainsi, dès le premier instant de sa conception, toute la plénitude de la divinité, avec l’abondance de ses dons.
Semblable à nous en tout, hormis le péché, né de la Vierge Marie
Il faut ajouter, même si cela va de soi, que la nature humaine du Christ ne fut pas souillée par le péché originel. Son corps venant de sa mère et sa mère en ayant été préservée (conception immaculée de Marie), Jésus fut préservé du Péché originel. Il ne connut (contrairement à ce que prétend Maria Valtorta[8]Voir les différents “récits” des tentations du Christ et les affirmations conjointes dans “L’évangile tel qu’il m’a été révélé” et l’analyse de … Continue reading) aucune concupiscence, c’est-à-dire aucune inclination mauvaise au plaisir des sens, de l’argent ou du pouvoir. Son corps était parfaitement soumis à son âme et son âme à sa divinité. Une harmonie parfaite régnait entre son âme et son corps et entre sa nature humaine et sa nature divine.
De plus, Marie est restée vierge, avant, pendant et après la conception et la naissance. Aucun être humain n’est intervenu en dehors de la Sainte Trinité, de telle manière que Jésus avait bien une mère selon la chair puisque c’est de Marie, et de son patrimoine génétique, que son corps a été formé, mais n’a pas eu de père selon la chair puisque c’est Dieu seul qui a conçu. C’est pourquoi, lorsque l’on parle de saint Joseph, on dit qu’il est le père nourricier de Jésus et non son père biologique. En revanche, on pourra dire – et on devra dire – que Marie est vraiment “mère de Dieu” car elle est mère de Jésus qui possède la nature divine. C’est ce qu’on appelle la “communication des idiomes”. Un idiome est ce qui est propre à une nature (une caractéristique qui la désigne). La communication des idiomes est la possibilité d’attribuer à la personne du Christ ce qui est propre soit à la nature de Dieu, soit à la nature humaine. Marie étant mère de Jésus, Jésus étant vraiment Dieu, Marie est mère de Dieu.
Enfin, la virginité morale et physique de Marie est restée intacte aussi bien au moment de l’Incarnation, création du corps et de l’âme de Jésus, uni à la divinité, dans le sein de Marie, que lors de sa naissance. Les Pères de l’Eglise ont souvent utilisé l’image de la lumière qui traverse le verre sans le briser pour illustrer cette entrée dans le monde miraculeuse.
Le Sauveur donné par Marie
Ce mystère de l’incarnation est donc grand et est le fondement de notre Salut. Tel un nouvel Adam, Notre Seigneur est venu dans le monde pour libérer les hommes de la servitude du péché. Alors que le premier Adam avait entraîné dans sa chute l’ensemble de l’humanité, Jésus-Christ par sa naissance appelle tous les êtres humains à la vie de la grâce, lui l’auteur de la grâce. Marie est pour nous une nouvelle Eve qui, en devenant la mère du Sauveur, est devenu la mère de tous les hommes. Nous honorons et vénérons cet évènement historique de notre salut à chaque fois que nous récitons la salutation angélique : l’Ave Maria (“Je vous salue Marie”). Mais nous ne faisons pas qu’honorer la mère du Sauveur, nous demandons aussi son intercession, c’est-à-dire sa médiation entre nous et Dieu, médiation que Dieu lui-même n’a pas dédaigné en la choisissant comme mère du Sauveur.
Ayez donc une piété filiale envers Marie, notamment par la récitation du chapelet, car qui honore la mère honore le Fils et qui déshonore la mère déshonore le Fils.
Pour aller plus loin
Catéchisme de l’Eglise Catholique, Section 2, Chapitre 2.
Catéchisme du Concile de Trente, chapitre 4.
Les Trois Blancheurs, Année IV, “Le Credo”, Leçon 10
Charles Journet, Entretiens sur la Trinité
Saint Thomas d’Aquin : Somme théologique, IIIa Pars, qq. 1-35
Dans la Bible
Evangile selon saint Matthieu, chapitres 1 et 2.
Evangile selon Saint Luc, chapitres 1 et 2.
Epître aux Galates, chapitre 4, versets 4-7.
Ecouter : Episode 05 – Le petit caté pour les grands
Épisode 05 : “Qui a souffert sous Ponce-Pilate, a été crucifié, est mort, a été enseveli”
Quatrième article du Credo : “A souffert sous Ponce-Pilate, a été crucifié, est mort et a été enseveli”.
De Pilate à Jésus : Évangiles et sources historiques
Certains sceptiques se sont longtemps gaussés de cette formule, car, disaient-ils, il n’existe nulle preuve historique de l’existence de Ponce Pilate. Tout ça jusqu’au jour où… l’on a retrouvé une, puis deux traces indéniables, dans une inscription antique d’une ville de Palestine, sur une coupe retrouvée près de Jérusalem, ou encore dans les œuvres de l’historien Tacite. Pilate a bien existé, mais surtout Jésus a bel et bien existé : les soi-disant “mythistes” qui remettent en cause l’historicité du Christ ne sont pris au sérieux par personne dans la communauté scientifique. Les traces historiques de Jésus – quoique relativement peu nombreuses, ce qui est bien normal pour un rabbi juif du fin fond de l’Empire Romain – se retrouvent chez les historiens Tacite, Suétone, chez Pline le Jeune, fonctionnaire de l’empereur Trajan ou encore chez Flavius Josèphe, grand chroniste juif du Ier siècle. Ce ne sont pas seulement les chrétiens qui témoignent de l’existence de Jésus, dont personne n’a raisonnablement douté jusqu’à certaines élucubrations nées de la philosophie des Lumières. Les sources les plus complètes sont naturellement les Évangiles, dont la haute fiabilité est attestée par le très grand nombre de manuscrits qui nous sont parvenus, transmettant avec une haute fidélité le texte des origines, dont tout indique qu’il a été rédigé par des témoins oculaires des événements, cherchant à faire un récit fidèle et historique de la vie du Christ.
La vie publique du Christ
La vie publique de Jésus, commencée vers sa trentième année par le baptême reçu de son cousin Jean, dit le Baptiste, dans le Jourdain, dura près de trois ans. Menant une existence d’enseignant et de prédicateur itinérant, Jésus traversa plusieurs fois la Palestine, de Galilée en Judée, et les territoires voisins, annonçant la venue du Royaume de Dieu, appelant à la conversion, expulsant les démons et guérissant les malades. Les quatre Évangiles rapportent les événements de cette période : trois d’entre eux, appelés synoptiques, suivent grosso modo le même plan (saint Matthieu, saint Marc, saint Luc), tandis que le dernier présente d’autres événements avec un approfondissement théologique (saint Jean). Leurs récits sont une suite de faits et de discours de Jésus, qui s’exprime souvent par des images, les paraboles, destinées à rendre intelligibles aux plus simples les mystères insondables du Royaume.
Les tensions avec le judaïsme établi
La prédication de Jésus, et surtout ses nombreux miracles, ne tardèrent pas à attirer l’attention, dans un petit pays comme la Palestine, et les autorités religieuses s’inquiétèrent rapidement de l’aura de ce jeune et original rabbi. Parmi les affirmations du Christ qu’ils ne pouvaient pas accepter, on trouve celles, de plus en plus insistantes, de sa divinité. “Pour que vous sachiez que le Fils de l’homme, dit Jésus au paralytique, a le pouvoir sur la terre de remettre les péchés, je te l’ordonne, prends ton brancard, et rentre chez toi”. Le “Fils de l’homme” : cette expression mystérieuse renvoie clairement à une prophétie de l’Ancien Testament (Dn 7, 14), très présente à l’esprit des Juifs, dans laquelle le prophète Daniel annonce le retour du Messie, le Sauveur envoyé par Dieu. Et en effet, Jésus se présente comme celui qui vient accomplir les annonces de l’Écriture Sainte, “Fils de l’homme”, “Fils de David”, “Messie”, “Saint de Dieu”. Au fur et à mesure qu’il enseigne et accomplit des miracles, il devient de plus en plus évident qu’il est lui-même Dieu fait homme, fils de Dieu : “en vérité, en vérité je vous le dis, avant qu’Abraham fut, dit-il aux Juifs, je suis” (Jn 8, 44). “Je suis”, en hébreu “Yahwé”, c’était s’attribuer tout simplement le nom divin, absolument sacré et imprononçable. Les autorités religieuses arguèrent de ces prétendus blasphèmes pour décider de condamner à mort ce charismatique rabbi, dont l’influence sur le peuple leur faisait une concurrence de plus en plus inquiétante.
Jésus n’ignorait pas ce qui se tramait, au contraire il n’hésita pas à croiser le fer avec les représentant des Pharisiens, qui plaçaient la loi de Moïse au-dessus de tout, ou des Saducéens, qui profitaient du business du Temple. Il annonça même à plusieurs reprises à ses disciples ce qui l’attendait, reprenant les termes de l’Ancien Testament pour montrer comment s’accomplirait en lui la poignante prophétie du serviteur souffrant (Isaïe, chapitre 53).
La Passion
Après avoir déjoué un à un les pièges tendus par ses adversaires, Jésus s’offrit lui-même en acceptant une passion et une mort dont il maîtrisa toutes les étapes, de la trahison de Judas jusqu’à l’horrible croix. “Ma vie, nul de la prend, c’est moi qui la donne”[9]Jn 10, 18. L’évangile de saint Jean nous montre Jésus régnant même au moment le plus dramatique, trônant et jugeant le monde depuis le gibet.
Pourquoi Jésus est-il mort ? Sa passion librement acceptée et offerte au Père est un vrai sacrifice, accompli en tant qu’homme, pour le rachat de nos péchés, mais revêtu d’une valeur infinie, car offrande de la vie d’un Dieu. Elle remplit toutes les fonctions du sacrifice : acte d’adoration, d’action de grâces, de communion, d’expiation, de réparation.
Saint Thomas d’Aquin s’est demandé si la passion et la mort de Jésus étaient nécessaires, si une autre voie de salut aurait été possible. Naturellement, dans l’absolu, Dieu aurait pu nous sauver autrement, dit-il, mais force est de constater et d’admirer dans la passion une convenance sublime : la preuve d’un amour infini et inimaginable, l’exemple parfait de cette obéissance que l’homme avait refusé par le péché, le motif pour lui d’une pureté toujours plus grande – “vous avez été rachetés à grand prix, dit saint Paul, glorifiez-donc Dieu dans votre corps”[10]1Co 6, 20..
Enfin concluons sur la véracité de la passion : puisqu’elle est le moyen admirable choisi par Dieu, la mort sacrificielle de Jésus sur la croix est un événement vrai et historique, le plus important de l’histoire du monde, parfaitement attesté par les sources citées tout à l’heure. Il est donc impensable et totalement irrationnel de prétendre que le Christ ne serait pas vraiment mort, où qu’on lui aurait substitué un sosie, comme le fait la tradition islamique, dont ce n’est pas la seule confusion, nous y reviendrons.
Pour aller plus loin
Catéchisme de l’Eglise Catholique, Section 2, Chapitre 2, article 4.
Catéchisme du Concile de Trente, chapitre 5.
Les Trois Blancheurs, Année IV, “Le Credo”, Leçon 13-18 et 21-23.
Charles Journet, Entretiens sur la Rédemption
Notre dossier : L’historicité de Jésus.
Notre dossier : éléments de dialogue islamo-chrétien
Une passion, quatre récits (notre article)
Dans la Bible
Evangile selon saint Matthieu, chapitres 26-27.
Evangile selon saint Marc, chapitres 14-15.
Evangile selon saint Luc, chapitres 22-23.
Evangile selon saint Jean, chapitres 18-19.
Epître aux Philippiens, chapitre 2, versets 2-10.
Ecouter : Episode 06 – Le petit caté pour les grands
Episode 06 : “Est descendu aux Enfers, le troisième jour est ressuscité des morts”
Cinquième article du Credo : « Jésus est descendu aux enfers, et le troisième jour est ressuscité des morts. »
Après sa mort sur la croix le vendredi saint et sa mise au tombeau, qu’a fait Jésus ? Certes, son corps reposait dans le sépulcre, et la personne du Fils de Dieu gardait encore un lien avec ce corps.
Mais pour son âme ? Saint Paul nous le dit : « il était descendu [d’abord] dans les régions inférieures de la terre ?” (Ep 4, 9). Nous disons dans le Credo qu’il est descendu aux Enfers. Notez bien le pluriel. Qu’est-ce à dire ? Que Jésus est-il allé rejoindre le diable en enfer ? Pas du tout.
Expliquons. Dans la vie après la mort, nous distinguons deux destinations finales, et sans retour possible.
- L’Enfer, avec les mauvais, les pécheurs non repentis, cet enfer où sont donc le diable, les démons et toutes les âmes damnées.
- Puis, seconde destination : le Ciel, où Dieu est, parfaitement heureux, et où il partage ce même bonheur avec les bons anges, et les âmes des hommes qui ont reçu le salut.
Après la mort, nous irons forcement dans une de ces deux alternatives.
Mais, avant d’arriver au Ciel, nous pouvons aussi passer par une étape supplémentaire : les Enfers, au pluriel, et le Purgatoire.
Le Purgatoire concerne les âmes de tout ceux qui sont morts en “état de grâce”, c’est-à-dire avec dans leur âme la charité de Dieu, et donc sans aucun péché grave non pardonné, mais âmes qui gardaient malgré cette grâce quelques imperfections : par exemples des attaches aux péchés véniels, ou des peines dues à ces péchés. Au Purgatoire, elles finissent de se préparer, et de purger leur peine, afin d’être parfaites et sans tache en entrant dans le Ciel. Si le Purgatoire est dur, car nous pouvons y souffrir des peines pour nos péchés, il est cependant plein d’amour et d’espérance, car les âmes qui y sont aiment Dieu, et savent que le Ciel arrive. Leur attente ne fait que purifier ce désir de Dieu qu’elles vont recevoir.
Mais vous vous rappelez surement que le Ciel était fermé à cause du péché. Où donc étaient – avant la mort et la résurrection de Jésus – les âmes qui n’avaient plus besoin d’attendre au Purgatoire et qui devaient aller au Ciel, ces âmes des justes qui attendaient le Messie promis ? Elles étaient dans un endroit spécial, appelé parfois “Limbes des patriarches” ou encore “les Enfers”.
C’était un lieu d’attente du Messie, comme devant les portes closes du Ciel, où l’on attendait avec impatience que Jésus vienne les rouvrir.
Pendant le temps de sa mise au tombeau jusqu’à sa résurrection, l’âme de Jésus devait bien aller quelque part, et non pas errer sur la Terre. Et c’est dans ce lieu, appelé les Enfers que Jésus a attendu sa propre résurrection, y apportant la joie par sa venue[11]C’est l’interprétation du Catéchisme de l’Eglise Catholique, n°632..
Ainsi, on peut vraiment dire que Jésus est allé au “séjour des morts”, qu’il est descendu parmi les morts, mais en tant que Sauveur, y apportant la bonne nouvelle de sa victoire aux âmes qui y étaient détenues et qui l’attendaient.
Puis, dans la nuit pascale, cette nuit du samedi saint au dimanche de Pâques, cette nuit où les juifs commémoraient leur libération de l’esclavage d’Egypte et le salut par le passage de la Mer Rouge, Notre Seigneur Jésus-Christ est ressuscité.
Ressuscité, littéralement cela veut dire : “il s’est relevé”. Son âme et son corps ont été réunis et la vie a repris son cours.
Une vie nouvelle cependant : une vie supérieure. Ce n’était pas comme les autres résurrections que Jésus avait déjà opérées, comme celle de Lazare par exemple. Lazare est ressuscité, mais une vie normale a repris jusqu’à sa mort. La vie de Jésus dans son corps de chair, après sa résurrection, est une vie du Ciel.
On parle de corps glorieux : un corps qui n’est plus soumis à la mort et aux souffrances, un corps qui n’est plus soumis à la matière et au temps.
Mais un corps qui est réel cependant. Ce corps glorieux les apôtres ont pu le toucher, corps avec lequel Jésus a pu manger et boire. Ce n’était pas un pur esprit. C’est son vrai corps, même s’il est glorieux, ce n’est pas une réincarnation dans un autre corps, mais c’est le même corps avec lequel Jésus avait vécu. Et c’était le même corps avec lequel Jésus avait souffert sa Passion : il porte encore les traces du vendredi saint : la trace des clous et son coté transpercé, ces cinq plaies visibles.
Mais Jésus, dans son corps glorieux, ne s’est pas montré à tous, mais a laissé la place à la foi.
Il s’est d’abord montré à sainte Marie Madeleine et aux saintes femmes, puis à Pierre et à Jean, puis aux onze apôtres. Au début, les apôtres, encore sous le choc de la mort de leur maître, peinent à croire. Ils parlent même de radotage pour le témoignage des sainte femmes. Jésus, leur fera le reproche de ne pas croire les premiers témoins qu’il s’est choisi ; car l’annonce de la résurrection, jusqu’à aujourd’hui, passe par la foi au témoignage de ceux qui ont vu le ressuscité. “Bienheureux ceux qui ont cru sans avoir vu” dira Jésus à saint Thomas l’incrédule.
Pour terminer, quel sens donner à la résurrection ?
La résurrection de Jésus marque sa victoire définitive sur le péché et sur la mort.
Si le christ n’est pas ressuscité, vaine est notre foi [12]1Co 15, 14.
La résurrection est la clé dans laquelle doit se comprendre tout la vie de Jésus, sa Passion et son sacrifice, ainsi qui la promesse de la vie à venir. Elle est aussi l’accomplissement des promesses faites par Dieu dans l’Ancien Testament. Elle prouve aussi la vérité sur la divinité de Jésus, qui annonce cette résurrection, et qui se ressuscite lui-même.
Elle montre encore que le vendredi saint c’est un sacrifice accepté par Dieu, sacrifice qui rend la vie de celui qui la donne, à commencer par Jésus lui-même donc.
Pour nous c’est surtout l’accès à la vie nouvelle, où nous sommes justifiés de nos péchés et admis comme enfants adoptifs de Dieu. Enfin, la résurrection de Jésus est la promesse de notre propre résurrection à la fin des temps, comme nous le proclamons à la fin du Credo.
Pour aller plus loin
Catéchisme de l’Eglise Catholique, Section 2, Chapitre 2, article 5 (nn°631-658).
Catéchisme du Concile de Trente, chapitre 6.
Les Trois Blancheurs, Année IV, “Le Credo”, Leçon 23.
Charles Journet, Entretiens sur les Fins dernières.
Louis-Marie de Blignières, Les fins dernières.
Dans la Bible
2è livre des Machabées, chapitre 12 (versets 38-46).
1ère Epitre aux Corinthiens, chapitre 1.
Epître aux Colossiens, chapitre 1.
1ère Epître de saint Pierre, chapitre 3.
Ecouter : Episode 07 – Le petit caté pour les grands
Episode 07 : “Est monté aux cieux, est assis à la droite de Dieu le Père tout puissant”
Sixième article du Credo : la montée au Ciel du Christ et sa session à la droite de son Père.
Le dogme de l’Ascension de Notre Seigneur au Ciel est l’un des plus attaqués par l’exégèse moderne. Le docteur Bart Ehrman, professeur d’études religieuses à l’Université de Caroline du Nord à Chapel Hill, et écrivain à succès outre Atlantique, le range parmi les mythes, le comparant à l’« ascension » de Romulus qui, selon la légende, serait monté au Ciel lors d’une revue de troupes près du marais de la Chèvre dans la région de Rome. Cette montée au ciel serait un effet d’art oratoire post évènement en vue de diviniser une personne après sa mort.
Réalité de l’Ascension du Seigneur
Notre foi n’est pas un mythe et l’épisode de la montée au Ciel du Christ est historique. Notre Seigneur n’avait pas besoin d’être divinisé par ses disciples après sa mort puisqu’il avait déjà prouvé sa divinité par ses nombreux miracles et la pureté de sa doctrine, toute divine. Le sens de l’Ascension n’est donc pas une divinisation du Christ, mais bien l’achèvement de sa mission terrestre et le début de sa mission céleste.
La session à la droite du Père
La session d’un prince sur un trône signifie le début de son règne, soit suite à une succession héréditaire, soit suite à une victoire miliaire. Le Christ siège sur son trône sous ces deux aspects, il règne par « droit de naissance » puisqu’il est le Fils de Dieu et par droit de conquête puisque par sa Résurrection il a vaincu la mort et le prince de la mort : Satan. Loin d’être une retraite céleste après un dur labeur terrestre, le Christ continue son œuvre de salut jusqu’à la fin des temps.
L’Ascension : point de départ d’un nouveau temps pour l’Église
Si Dieu, la Sainte Trinité, chacune des Personnes divines, n’ont cessé de gouverner le monde depuis sa Création, l’Incarnation, la Passion et la Résurrection ouvrent une nouvelle ère dans l’économie du Salut. à présent l’humanité du Christ participe à part entière aux prérogatives de Dieu dans la gouvernance du monde, mais avec ce nouveau prisme : la direction et l’achèvement de son Eglise. Toute la gouvernance du monde se fait à présent pour, par et dans l’Eglise. Il y a comme un changement de paradigme dans le cours de l’histoire et l’Ascension de Notre Seigneur en marque le point de départ. C’est bien l’Eglise qui est maintenant l’objet spécifié de l’œuvre du salut, le point de mire de toute l’histoire de l’humanité, et le Christ qui en est le fondateur en devient le gouvernant.
La fin de la mission terrestre du Christ n’est donc pas une perte mais un gain car il fait passer son Eglise dans une nouvelle dimension, moins sensible mais plus spirituelle. En effet, tant que Jésus demeurait parmi ses apôtres, son corps physique était comme un obstacle à la pleine adhésion à sa divinité. Les sentiments qu’éprouvaient les apôtres à son égard étaient encore trop humains. Il fallait que cet amour imparfait se perfectionne, se surnaturalise, qu’il passe non plus par la certitude des sens mais par la certitude de la foi. A présent, ses disciples devront croire dans sa divinité non pas en raison des miracles constatés par leurs sens, mais par la vertu de leur foi : « heureux ceux qui croient sans avoir vu ».
Préparation d’une nouvelle “mission”
Ce départ physique du Christ ne signe cependant pas la fin d’une présence divine auprès de la communauté chrétienne, il est plutôt une succession de Personnes divines. Si la deuxième Personne, dans son humanité, part, la troisième arrive de telle manière que l’Eglise ici-bas n’est jamais sans la présence « physique » d’une Personne divine. Après la Pentecôte, on peut presque dire, par mode de langage, qu’il existe une présence physique du Saint-Esprit dans l’Eglise, tellement son action est manifeste. C’est le sens de la Parole de Notre-Seigneur : « il vous est avantageux que je m’en aille, car si je ne m’en vais pas, le Consolateur ne viendra pas vers vous ; mais, si je m’en vais, je vous l’enverrai »[13]Jn 16, 7.. On retrouve ici l’œuvre commune ad extra des Trois Personnes de la Sainte Trinité et leurs différentes appropriations (voir Episode 04) : le Christ est venu planter les graines du salut, c’est l’objet de son séjour terrestre, le Saint-Esprit en est comme l’engrais qui vivifie la croissance, et le Père la pluie de grâce nécessaire à toute forme de vie surnaturelle.
Notre avocat auprès du Père
Dans cette œuvre du salut, l’Ascension marque aussi la pleine intercession du Christ auprès de son Père pour les hommes. Les mérites du Christ étant achevés par sa mort et sa Résurrection, c’est auréolé d’une gloire sans égale et d’un prestige infini que le Christ rejoint son Père. Au ciel, il devient notre avocat, notre meilleur et unique intercesseur (les saints et saintes du Ciel intercèdent auprès du Christ qui intercède auprès du Père) : « Petits enfants, nous dit saint Jean, je vous écris ceci pour que vous ne péchiez pas. Mais si quelqu’un vient à pécher, nous avons comme avocat auprès du Père Jésus Christ, le Juste »[14]1Jn 2, 1.. L’avocat, c’est celui qui est chargé de suivre, d’instruire, discuter et plaider des affaires portées ou susceptibles d’être portées devant un juge. Or ici notre avocat est le Fils bien aimé du Père qui a toutes ses complaisances et le juge est notre Père adoptif, depuis notre baptême. Nulle plaidoirie eut jamais meilleure condition avant jugement.
Présence (sacramentelle) qui demeure
Enfin, si Notre Seigneur n’est plus présent physiquement parmi nous il demeure présent substantiellement par l’eucharistie sous les apparences du pain et du vin. Son corps, son âme et sa divinité sont réellement présent dans l’eucharistie, mais depuis l’Ascension c’est un régime de foi qui s’est ouvert et nous jouissons de sa présence non pas avec nos sens, mais avec notre âme.
L’Ascension dans notre vie
L’Ascension est donc un évènement fondamental dans l’histoire du salut car elle marque la spiritualisation de notre amour, le purifiant de ce qu’il a de trop humain, elle nous assure une défense plus que favorable auprès de Notre Père du Ciel, elle nous assure aussi l’envoi de l’Esprit Saint consolateur dans notre éprouvante vie terrestre
Et enfin et surtout elle est notre plus grand motif d’Espérance car en tant que membre du corps du Christ, elle nous assure l’entrée au Ciel par coaptation des membres par la tête : « Mon Père, dit Jésus, Je veux que là ou Je suis, ceux que vous m’avez donnés soient avec moi »[15]Jn 17, 24..
Pour aller plus loin
Catéchisme de l’Eglise Catholique, Section 2, Chapitre 2, article 6 (nn°659-667).
Catéchisme du Concile de Trente, chapitre 7.
Les Trois Blancheurs, Année IV, “Le Credo”, Leçon 25.
Saint Thomas d’Aquin, Somme Théologique, IIIa Pars, q. 57.
Dans la Bible
Genèse, chapitre 5 (Ascension d’Enoch).
2ème Livre des Rois, chapitre 2 (Ascension d’Elie)
Evangile selon saint Matthieu, chapitre 26.
Evangile selon saint Marc, chapitre 16.
Actes des Apôtres, chapitre 1.
Epître aux Hébreux, chapitre 7 (24-28) et 9 (23-28).
Ecouter : Episode 08 – Le petit caté pour les grands
Episode 08 : “D’où il viendra juger les vivants et les morts”
Septième article du Credo : D’où il viendra juger les vivants et les morts
Par son Incarnation, Jésus s’est fait notre avocat, est devenu l’un des nôtres pour vivre avec nous et intercéder pour nous. Par sa passion il s’est fait notre Rédempteur, rachetant par son sacrifice infini l’immensité de nos péchés. Au dernier jour il reviendra dans la gloire pour être notre juge. Ce septième article du Credo nous permet de revenir aujourd’hui sur le thème des fins dernières, c’est à dire de ce qui se passe après la mort.
Le catéchisme parle de deux jugements : d’abord le “jugement particulier”, individuel, concerne chaque homme au moment de sa mort, ensuite le “jugement général” rassemble toute la Création au dernier jour. Le jugement particulier a lieu au moment même où l’âme est séparée du corps dans la mort. Ce dernier va rester sur la terre et subir la loi matérielle de décomposition : il est cependant entouré par l’Eglise d’un grand respect, manifesté dans les rites des funérailles. Quant à l’âme, puisque c’était son union au corps qui lui permettait de connaître, de vouloir et d’agir – c’est le propre de l’âme humaine, qui est faite pour être unie à un corps -, elle perd dans la mort cette capacité d’exercer sa liberté, et se retrouve comme figée dans l’état atteint au terme de son existence terrestre. Dans la mort, l’âme ne peut donc plus choisir de faire le bien ou le mal, de faire quoi que ce soit en fait, elle n’est plus en état d’agir mais de recevoir.
Et donc en revanche elle reçoit de Dieu – c’est le jugement particulier – la connaissance de sa vie, évaluée à l’aune de sa charité, et comprend qu’elle s’est orientée, par ses actions sur la terre, vers l’une ou l’autre destinée éternelle.Trois possibilités immédiates s’ouvrent à elle (nous y reviendrons à l’épisode 13) :
- Ceux qui ont vécu dans la charité tout au long de leur vie et l’ont laissé grandir en eux jusqu’à son plein épanouissement, qui se sont efforcé de faire le bien et éviter le mal, qui ont réparé autant que possible les conséquences de leurs fautes ; en bref ceux qui se sont efforcés en tout de vivre et de croître dans l’amitié de Dieu, entreront sans attendre en Paradis, le lieu d’un bonheur sans ennui et sans fin, puisqu’il est hors du temps, avec Marie, les anges et les saints, là où tous les désirs de nos coeurs seront comblés par la vision face à face de celui qui est le bien absolu et souverain : Dieu lui-même.
- En fait tous ceux qui ont conservé l’amitié divine malgré les difficultés, qui ne se sont pas laissés séparer de Dieu ou qui sont toujours revenus vers lui, entreront au Paradis. Mais ceux qui n’auraient pas réparé sur la terre toutes les conséquences de leurs fautes devront passer par un temps de purification, à la fois douloureux et empreint d’une certaine joie, puisqu’il ouvre directement sur le Ciel, qu’on appelle le Purgatoire.
- Enfin malheureusement, puisque Dieu qui nous a créés libres respecte trop notre liberté pour la forcer ou la contraindre, ceux qui ont choisi librement durant leur vie terrestre de refuser les appels divins, de se mettre au centre de tout en rejetant la foi et la charité, de suivre les désirs de la chair au mépris de la voix de l’Esprit, ceux-là ne seront pas contraints d’être dans l’éternité ce qu’ils n’ont pas voulu être ici-bas, des amis de Dieu. C’est le mauvais usage du trésor de leur liberté qui les orientera loin de Dieu, vers la damnation, l’Enfer.
Cet état transitoire (pour le Purgatoire) ou éternel (pour le Ciel et l’Enfer), ne concernera d’abord que les âmes, séparées de leurs corps, demeurés quant à eux sur la terre ou l’Eglise continuera de rassembler les enfants de Dieu. Elle y connaît et y connaîtra de grandes épreuves, qui la feront ressembler de plus en plus à celui qui voulut être son époux, le Christ Jésus crucifié. L’épreuve finale qui ébranlera ou affermira définitivement la foi des croyants, face au dévoilement du mystère d’iniquité à l’oeuvre dans le monde par le péché, est décrite mystiquement par l’Apocalypse de saint Jean comme par certaines prophéties de l’Ancien Testament[16]Dn 7, 10 ; Jl 3-4 ; Ml 3, 19 et dans plusieurs discours de Jésus rapportés par les Evangiles[17]Lc 18, 8 ; Mt 24, 12.. À travers cette ultime “Pâque”, suivant le Christ dans la mort et la résurrection, l’Eglise entrera dans la gloire, à la fin des temps, lorsque le Seigneur Jésus reviendra pour le jugement général ou dernier. Il s’agira alors de faire connaître les actions de tous (hommes et anges) et leurs conséquences, de manifester ainsi la grandeur insondable et la magnificence du plan divin, déployé à travers toute notre histoire. Alors se révélera par exemple la mystérieuse bonté exercée par Dieu à travers la permission du mal, la sainteté paradoxale de son Eglise, signe de Dieu infaillible sur la terre malgré la présence en son sein de tant de pécheurs. Cette “parousie”, présence finale du Christ, ouvrira l’ère finale et éternelle des cieux nouveaux et de la terre nouvelle, où les âmes retrouveront leurs corps ressuscités, pour une éternité de joie dans le face-à-face avec Dieu ou malheureusement de désespoir librement choisi.
Quand tout cela arrivera-t-il et quels seront les signes ? Cette question sur laquelle il a été largement spéculé au long des siècles se trouve déjà dans la bouche des Apôtres[18]Mt 24, 3.. Le Christ y répond de manière mystérieuse en annonçant de manière prophétique et en les entremêlant des événements de l’histoire proche (la chute de Jérusalem, détruite 40 ans plus tard par les Romains) et les signes annonciateurs de l’Apocalypse. En fait la réponse première est une invitation à la vigilance, car nous ne connaissons “ni le jour, ni l’heure”[19]Mt 25, 13., que “personne connaît, pas même les anges des cieux, pas même le Fils, mais seulement le Père, et lui seul”[20]Mt 24, 36.. Quant à la modalité du jugement, on entend parfois des descriptions très précises, affirmant que l’âme verrait le film de sa vie, ou qu’elle se sentirait appelée par une lumière, en présence de ses proches… Rien de tout cela n’est révélé ni enseigné par l’Eglise, mais il demeure comme le dit saint Jean de la Croix qu’“au soir de notre vie, nous serons jugés sur l’amour”[21]Saint Jean de la Croix, Avis, n°57..
Plutôt que de nous laisser troubler par les faux prophètes et les bonimenteurs, méditons l’exemple des saints, qui ne craignaient pas la venue du dernier jour et l’avènement final du Christ. L’Apocalypse, c’est à dire le dévoilement final du plan de Dieu, ne doit pas être un objet de crainte mais de joie. Comme les saints nous devons vivre avec le regard déjà fixé en Dieu, animé par une charité brûlante qui commence dans notre coeur l’union de la vie éternelle. Demandons à leur image un grand désir du ciel, qui manque tant aux chrétiens de notre temps.
Après avoir parlé de la vertu théologale de foi, disons donc un mot pour finir de sa petite soeur, l’espérance. L’espérance est cette vertu qui malgré la distance infinie qui nous en sépare, place notre confiance en Dieu, seul capable de nous donner le bonheur infini auquel nous aspirons, seul capable de combler le désir d’absolu qui est en nous. L’espérance purifie nos espoirs trop humains et les oriente vers Dieu, elle soutient dans les épreuves, préserve de l’égoïsme et conduit au bonheur de la charité. L’espérance chrétienne se manifeste en nous par une confiance inébranlable en Dieu et un vrai désir du Ciel.
“Que votre cœur ne soit pas bouleversé : vous croyez en Dieu, croyez aussi en moi. Dans la maison de mon Père, il y a de nombreuses demeures ; sinon, vous aurais-je dit : “Je pars vous préparer une place” ? Quand je serai parti vous préparer une place, je reviendrai et je vous emmènerai auprès de moi, afin que là où je suis, vous soyez, vous aussi. Pour aller où je vais, vous savez le chemin”[22]Jn 14, 1-4.
Pour aller plus loin
Catéchisme de l’Eglise Catholique, nn°668-682 (parousie et jugement dernier), 1020-1065 (fins dernières) 1817-1821 (espérance)
Catéchisme du Concile de Trente, chapitre 8.
Les Trois Blancheurs, Année IV, “Le Credo”, Leçon 20.
RP. Louis-Marie de Blignières, Les fins dernières, DMM.
Dans la Bible
Deuxième Livre des Machabées, chapitre 12.
Évangile selon saint Matthieu, chapitre 25.
Ecouter : Episode 09 – Le petit caté pour les grands
Episode 09 : “Je crois au Saint-Esprit”
Il est bien difficile de saisir ce que nous disons lorsque nous parlons du Saint-Esprit. Revenons donc brièvement sur la Sainte Trinité.
Rappels trinitaires
Il faut le rappeler avec force, nous ne croyons qu’en un seul Dieu. Un seul Dieu en trois personnes. Il faut toujours garder en tête cette unité de Dieu. Il n’y a pas plusieurs dieux, ou même plusieurs choses en Dieu. Dieu n’a qu’une seule substance, qu’une seule nature, qu’une seule essence. Les trois personnes ont ces choses en commun, sans les multiplier. On dit ainsi qu’elles sont consubstantielles : elles n’ont qu’une substance.
Et il ne peut y avoir non plus de division en Dieu, de multiplication, cela irait contre son unicité.
Quelle place pour les trois personnes alors dans cette unité ? Sans ajouter de division en Dieu, de partie si vous voulez, les trois personnes se distinguent entre elles. On parle vraiment de distinction sans division. La seule chose qui distingue les personnes entre elles, sans ajouter de multiplicité en Dieu ou de séparation, cette seule chose consiste dans les relations que les personnes ont entre elles.
Expliquons : habituellement, on parle de relation pour désigner un rapport réciproque que deux êtres ont entre eux : par exemple la relation patron-employé, mère-fille, époux-épouse, ami-ami. Ce rapport ne change pas la personne en elle-même, ne change pas sa substance. Je ne change pas d’être parce que je me marie, ou que je suis employé.
C’est, analogiquement, la même chose en Dieu. Sans que cela change la substance de Dieu, il y des relations entre les personnes, qui permettent de les distinguer.
Par exemple la relation Père-Fils. Dieu le Père engendre Dieu le Fils. On le comprend entre les hommes, et c’est encore plus vrai en Dieu. Cet engendrement en Dieu se fait dans la même substance, à la différence des hommes, où l’engendrement amène à un nouvel être. Ici c’est une seconde personne dans la même substance. Et cette seconde personne est éternelle aussi. Engendrement dans la même substance, et de toute éternité : les trois personnes sont égales entre elle.
La relation Père-Fils permet en Dieu de distinguer deux personnes réellement et vraiment distinctes mais qui ont la même substance de Dieu. Et c’est la même chose pour le Saint-Esprit. Quelle relation a-t-il avec les deux autres Personnes ? Eh bien le lien entre Dieu le Père et Dieu le Fils est tellement fort qu’il constitue une relation à une troisième Personne, le Saint-Esprit.
“Il procède du Père et du Fils”
Et c’est la que s’introduit la douloureuse querelle avec les Orientaux au sujet du « filioque »[23]“Qui ex Patre Filioque procedit” : “qui procède du père et du Fils” dans le Credo de Nicée-Constantinople chanté à la messe dominicale. que nous chantons dans le Credo de la messe. Le Saint-Esprit, proclamons-nous, procède du Père et du Fils. On dit que le Saint-Esprit procède du Père. C’est-à-dire qu’il reçoit sa substance divine de lui. Mais est-ce vraiment la même chose que pour le Fils ? Non, car sinon il n’y aurait rien qui distinguerait les entre eux. La procession du Saint-Esprit, comme amour qui unit le Père et le Fils, s’origine dans le Père et le Fils. L’Eglise a donc rajouté dans le Credo ce petit mot “Filioque” : le Saint-Esprit procède du Père et du Fils. Il est ainsi le trait d’union de la relation que Dieu le Père et le Fils ont entre eux. On parle alors de communion, et on peut approcher le Saint-Esprit comme la personnification de l’amour du Père et Fils.
Tout cela est bien compliqué : c’est un mystère immense ! Si vous êtes perdus, retenez simplement que dans l’unique substance de Dieu, les personnes se distinguent par leur rapports, qui constituent une Trinité : Père et Fils, et Saint Esprit.
Un seul Dieu en trois personnes qui sont consubstantielles, c’est-à-dire dans le même être, égales entre elles et éternelles.
La Révélation de la Trinité et du Saint-Esprit
Le Saint-Esprit nous est révélé en images dans l’Ancien Testament, et en personne dans le Nouveau. Les images du Saint-Esprit dans l’Ancien Testament commencent dès le premier livre, dans la Genèse, lors de la création, où il est dit que l’Esprit de Dieu planait sur les eaux. Cette image sera reprise par la colombe de Noé qui plane sur les eaux du déluge et cette image s’achèvera par la manifestation en personne du Saint Esprit survolant les eaux du baptême de Jésus jusqu’à se poser sur lui sous la forme d’une colombe. Et saint Jean-Baptiste précisera « j’ai vu l’esprit descendre du ciel comme une colombe et se poser sur lui »[24]Jn 1, 32.. Jean-Baptiste d’ailleurs annonce un nouveau baptême après lui, un baptême dans l’esprit[25]Lc 3, 16..
On peut relever aussi des textes du prophète Isaïe par exemple, parlant du Messie[26]Is 11. : « Sur lui repose l’Esprit du Seigneur, Esprit de sagesse et d’intelligence, etc. » C’est de ce texte que seront d’ailleurs repris les sept dons du Saint-Esprit. Isaïe dit aussi[27]Is 61. : « l’Esprit du Seigneur est sur moi, car il m’a oint ». Oindre cela veut dire consacrer par une onction d’huile.
Dans le Nouveau Testament, outre la manifestation claire au baptême de Jésus où les trois Personnes se manifestent, on peut relever l’Annonciation, quand l’ange du Seigneur dit à Marie : « l’Esprit Saint viendra sur vous et la puissance du très haut vous couvrira de son ombre »[28]Lc 1, 35..
Enfin, Jésus lui-même parle du Saint Esprit à de nombreuses reprises, notamment, en promettant l’Esprit-Saint “Paraclet”[29]Jn 14, 25-26. , c’est-à-dire “avocat”, ce qui signifie celui qui est appelé auprès de nous. Et puis Jésus en parle aussi clairement avant son Ascension, où il promet la venue de cet Esprit et demande à ses apôtres de ne pas partir de Jérusalem avant de l’avoir reçu. Et effectivement, à la Pentecôte, les douze Apôtres et la Sainte Vierge reçoivent le Saint Esprit qui se manifeste sous la forme de langues de feu. Ils sont alors remplis de force, de courage et de sagesse et commencent leur mission de prêcher l’évangile du Christ.
Le Saint-Esprit : vivificateur et sanctificateur
Depuis, le Saint-Esprit à un rôle spécial auprès de l’Église et de chaque âme. Nous sommes baptisés dans l’eau et dans l’Esprit, salon l’expression de Jésus lui-même[30]Jn 3, 5.. Saint Paul confirme que nous sommes baptisés dans un seul Esprit[31]1Co 12, 13.. L’eau du baptême devient ainsi le symbole de la naissance et de la fécondité du saint Esprit qui nous donne la vie ; on dit donc dans le Credo qu’il est esprit “vivifiant”[32]“vivificantem“. : celui qui donne la vie – spirituelle bien sûr. Le Saint-Esprit par ce baptême, nous oint, c’est-à-dire nous consacre, comme le Christ lui-même. On peut dire qu’il est le sceau de Dieu qui est mis dans notre âme.
Concrètement, la mission du Saint-Esprit et donc de consacrer et de sanctifier, par la grâce. Il fortifie et dirige aussi : par ses sept dons, en éclairant les esprits et en fortifiant les volontés. Sagesse, intelligence, science, piété, conseil, force, crainte de Dieu : les théologiens les ont comparés à sept voiles par lesquelles la barque notre âme peut capter le souffle divin et se laisser diriger par lui. Dans chaque âme l’Esprit-Saint opère et poursuit son action sanctificatrice, par les sept dons.
D’une certaine manière, on peut dire que c’est l’Esprit-Saint qui convertit. Le Christ est visiblement envoyé dans l’Incarnation, mais c’est l’Esprit-Saint qui donne la foi et permet de croire en Jésus en changeant les cœurs et les intelligences. « Nul ne peut dire Jésus est seigneur, si ce n’est par l’Esprit-Saint » écrit saint Paul[33]1 Co 12, 4. ou encore : « la preuve que vous êtes des fils, c’est que Dieu a envoyé dans nos cœurs l’Esprit de son Fils qui crie : Abba, Père »[34]Ga 4, 6..
L’Esprit-Saint bâtit, anime et sanctifie l’Église, il lui permet de garder infailliblement le dépôt complet de la foi et de le proclamer.
Pour aller plus loin
Catéchisme de l’Eglise Catholique, nn°689-747.
Catéchisme du Concile de Trente, chapitre 9.
Les Trois Blancheurs, Année IV, “Le Credo”, Leçon 5 (La Sainte Trinité) et 26 (La Pentecôte).
Les Trois Blancheurs, Année VII, “La Foi”, Leçon 13 (Le Saint-Esprit)
Charles Journet, Entretiens sur le Saint-Esprit.
RP. Louis-Marie de Blignières, Le Saint-Esprit dans ma vie, DMM, 2017.
Dans la Bible
Genèse, chapitre 1 (Création), 8 (Noé), 18 (Abraham au Chêne de Mambré).
Exode, chapitre 13 (Colonne de nuée).
Evangile selon saint Matthieu, chapitres 3 (Baptême), 17 (Transfiguration) et 28 (Ascension).
Evangile selon saint Luc, chapitres 1 (Annonciation) et 3 (Baptême).
Evangile selon saint Jean, chapitres 1 (Baptême), 14-16 (Promesses d’envoi de l’Esprit) et 20 (Premier envoi sur les Apôtres au soir de la Résurrection).
Ecouter : Episode 10 – Le petit caté pour les grands
Episode 10 : “Je crois à la sainte Église catholique, à la communion des saints”
Bienvenue dans le petit caté pour les grands, épisode 10. Nous voyons aujourd’hui le neuvième article du Credo, l’adhésion à la sainte Église catholique et à la communion des saints.
Pour comprendre : l’Eglise est un corps
Croire en la sainteté de l’Église catholique peut sembler une gageure. Après tous les scandales survenus et encore actuels, peut-on encore croire que l’Église catholique soit sainte ? Pour comprendre cet article, il faut revenir à la notion de corps mystique et, plus largement, aux trois différentes acceptions du mot « corps » : le corps physique, le corps moral et le corps mystique. Le principe commun à ces trois notions de corps est celui d’une unité composée de membres liés entre eux par un principe unificateur.
- Le corps physique est composé de membres anatomiques, unis par un principe unificateur, qui est l’âme.
- Le corps moral est un composé d’individus, unis par une fin commune. Par exemple, le corps des médecins de France est un corps moral, composé de médecins ayant pour fin commune la santé des Français. Les anciennes corporations, comme leur nom l’indique, rassemblaient des artisans d’une même profession défendant des intérêts communs ; elles formaient un corps moral.
- Le concept de corps mystique suit les mêmes principes : il y a des membres et un principe unificateur.
Ici, les membres sont les individus unis entre eux et au Christ par le moyen de la grâce. Toute personne en état de grâce est un membre vivant du corps mystique du Christ.
Ces trois notions, rapportées à l’Église, nous permettent de dire 1° que celle-ci est composée de corps physiques (ceci a son importance, car la sanctification des hommes passera par ce corps), et 2° que ces personnes physiques forment un corps moral par la fin commune qu’elles partagent : la glorification de Dieu et le salut des âmes, une fin qui se distingue diamétralement des autres corps moraux par son caractère surnaturel. Mais parce qu’il ne suffit pas de se revendiquer de Notre Seigneur pour lui être uni : « Ceux qui me disent : Seigneur, Seigneur ! n’entreront pas tous dans le royaume des cieux, dit le Christ, mais celui-là seul qui fait la volonté de mon Père qui est dans les cieux » (Mt 7, 21), il existe 3° un troisième corps, distinct du corps moral, qu’on appelle corps mystique et qui est formé des individus possédant la grâce sanctifiante.
L’appartenance à l’Eglise
La perfection chrétienne consiste donc à participer à ces trois corps : corps physique, corps moral et corps mystique. Or, ce n’est pas toujours ce qui arrive, et plusieurs cas de figures sont possibles : vous pouvez posséder un corps physique, faire partie du corps moral de l’Église catholique, mais être en état de péché mortel et donc ne pas faire partie du corps mystique. Vous pouvez, à l’inverse, être membre du corps mystique par la grâce sanctifiante qui vous anime, sans pour autant faire partie du corps moral, comme c’est le cas des personnes ignorant, sans faute de leur part, l’Église catholique, mais qui, par une grâce extraordinaire de Dieu, ont été justifiées. On peut aussi être membre du corps moral et mystique, mais ne plus jouir de son corps physique ; c’est le cas des âmes justes, décédées en état de grâce, mais attendant la résurrection des corps pour user à nouveau de leur corps physique. Leur état reste imparfait. Seules deux personnes possèdent la perfection des trois corps : Notre Seigneur et la Très Sainte Vierge Marie.
L’Eglise, sainte mais pas sans pécheurs
Cette notion des trois corps permet de mieux comprendre l’existence, au moins transitoire, au sein de l’Église, du saint et du moins saint.
L’Église est sainte en tant que corps moral, car la fin qu’elle se propose est sainte : la gloire de Dieu et la sanctification des hommes. Elle est sainte parce qu’elle sanctifie efficacement ses membres par sa doctrine pure et ses sacrements divins. Elle est sainte dans son corps mystique, puisque ce qui l’anime est la grâce, qui n’est rien d’autre que la vie divine participée. Elle est aussi sainte parce que son fondateur et chef est le Christ, Fils de Dieu, deuxième personne de la sainte Trinité. Elle est encore sainte parce qu’elle est soutenue et guidée par le Saint-Esprit, troisième personne de la Sainte Trinité.
Mais l’Église, en tant que corps moral, peut avoir en son sein de mauvais membres, car le principe unificateur ici n’est pas la grâce, mais la fin commune, qui ne présume pas de la sainteté de la personne.
De même, tant que nous sommes sur terre et que le Christ n’est pas revenu en gloire, notre corps physique n’est pas parfaitement saint, car non encore glorifié.
Cependant, l’Église catholique, même considérée en son seul corps moral, est la seule société qui peut être dite sainte, car elle est le seul corps moral qui possède et possédera toujours l’unique mandat de sanctification donné par Dieu et les moyens efficaces de réaliser cette fin. L’Église ne peut, n’a jamais, et ne pourra jamais faillir à sa mission de sanctifier, et ce, malgré ses membres défectueux, même les plus hauts placés.
Les trois fonctions (tria munera) de l’Eglise
À cette fonction de sanctifier ses membres, le Christ a adjoint à l’Église deux autres fonctions qui la complètent et la réalisent : la fonction d’enseigner et de diriger.
La première concerne l’enseignement de la foi, la proclamation de l’Évangile et l’instruction des croyants. L’Église, à travers ses ministres, a la responsabilité de transmettre fidèlement tout ce que le Christ a enseigné.
La seconde est d’ordre régalien et correspond aux trois pouvoirs nécessaires au gouvernement d’une société parfaite : le pouvoir judiciaire, législatif et exécutif. L’Église peut donc émettre des lois, juger ses membres et s’assurer de l’exécution de ses directives. Tout membre de la société morale qu’est l’Église est soumis à ces pouvoirs et peut être exclu de ce corps s’il ne les respecte pas de manière grave : c’est ce qu’on appelle l’excommunication.
L’organisation hiérarchique de l’Église catholique est aussi d’origine divine et voulue par le Christ. Le chef universel de l’Église est le pape, aidé dans son gouvernement par les évêques qui dirigent des Églises particulières, eux-mêmes aidés dans leur diocèse par des prêtres. Les laïcs peuvent conseiller mais ne gouvernent pas ; ces trois munera (fonctions) sont liées au sacerdoce et ne peuvent en être séparées.
Eglise militante, Eglise souffrante et Eglise triomphante
Ces trois pouvoirs servent à l’enseignement, à la sanctification et à la direction des membres de l’Église terrestre, qu’on appelle aussi l’Église militante. Mais l’Église est plus large que ses seuls membres terrestres. On distingue encore l’Église souffrante et l’Église triomphante. Cette distinction se fait cette fois-ci par rapport à la lutte contre le mal et le péché. L’Église militante est composée des membres de l’Église vivant encore sur terre et dont le dénouement dans cette lutte contre le mal n’est pas encore achevé. L’Église souffrante est composée des âmes ayant vaincu le mal, mais devant encore achever d’expier au Purgatoire les peines non encore expiées sur terre. L’Église triomphante, comme son nom l’indique, désigne les âmes des justes jouissant de la béatitude éternelle au Ciel, ayant définitivement triomphé du mal et des peines consécutives au péché.
La communion des saints
Comme dans tout groupe, toute famille, il existe une solidarité, une entraide mutuelle entre les différents membres de l’Église ; c’est ce qu’on appelle la communion des saints. Ceux ayant achevé le combat intercèdent pour ceux qui le mènent ; ceux qui sont en état de voie et qui peuvent encore mériter soulagent de leurs prières les âmes qui souffrent au purgatoire, et tous, d’un même cœur, honorent et glorifient Dieu.
L’Église est une
Malgré les nombreuses distinctions que nous avons faites, l’Église reste une. Il n’y a pas plusieurs Églises du Christ. Les églises protestantes ne sont pas l’Église du Christ, ni les Églises schismatiques d’Orient. Dès que vous ne reconnaissez plus l’autorité de l’Église et ses trois pouvoirs, vous ne faites plus partie de l’unique Église du Christ, avec toutes les conséquences que cela entraîne, comme l’enseigne le pape Eugène IV au concile de Florence dans la bulle Cantate Domino de 1441 : « La très sainte Église romaine croit fermement, professe et prêche qu’aucun de ceux qui se trouvent en dehors de l’Église catholique, non seulement les païens, mais aussi les juifs, les hérétiques et les schismatiques, ne peuvent obtenir la vie éternelle ; mais qu’ils iront dans le feu éternel préparé pour le diable et ses anges, à moins qu’avant la fin de leur vie, ils ne soient reçus en elle. »
Même si cette doctrine a été explicitée par des documents magistériels postérieurs, prenant en compte l’ignorance invincible et l’appartenance au corps mystique, plus large que l’appartenance au seul corps moral, elle dit quelque chose de la gravité pour le salut des âmes d’être en dehors de l’Eglise catholique, corps moral, visible.
L’Eglise est catholique et apostolique
Enfin, deux autres critères montrent que l’Eglise catholique est l’unique Eglise du Christ, et je vais finir avec cela, son origine et sa continuité apostolique (tous les évêques descendent sacramentellement d’un apôtre), et son universalisme (elle n’est pas attachée à un pays, une culture ou un peuple en particulier).
Ainsi, nous pouvons dire, avec foi et reconnaissance, que nous croyons dans l’Eglise une, sainte, catholique et apostolique.
Pour aller plus loin
Catéchisme de l’Eglise Catholique, Partie I, article 9, nn°748-975.
Catéchisme du Concile de Trente, chapitre 10.
Les Trois Blancheurs, Année IV, “Le Credo”, Leçon 27, 29, 30.
Les Trois Blancheurs, Année VII, “La Foi”, Leçon 14 (L’Eglise)
Charles Journet, Entretiens sur l’Eglise et les sacrements,
Charles Journet, Théologie de l’Eglise
Charles Journet, L’Eglise du Verbe Incarné,
RP. Louis-Marie de Blignières, L’Eglise catholique est crédible, DMM, 2023.
Dans la Bible
Evangile selon saint Matthieu, chapitre 16 (primauté de Pierre et pouvoir des clés).
Evangile selon saint Luc, chapitre 22 (infaillibilité).
Evangile selon saint Jean, chapitres 17 (unité de l’Eglise) et 20 (pouvoir des clés).
Ecouter : Episode 11 – Le petit caté pour les grands
Episode 11 : “… à la rémission des péchés”
Dixième article du Credo : “je crois à la rémission des péchés”.
Dès avant le début de la vie publique du Christ, la rémission des péchés avait été annoncée par le baptême de Jean, qui partait au désert pour appeler à la conversion.
Ce pardon annoncé est réalisé par le Christ, qui remet les péchés du paralytique avant de lui redonner l’usage de ses jambes, qui pardonne à la femme adultère comme peut-être aussi à Marie-Madeleine, et jusque sur la croix au Bon Larron et à ses bourreaux.
Le dogme de la rémission des péchés : deux certitudes
Alors première certitude : comme Jésus le dit au moment de la guérison du paralytique, “le Fils de l’homme a sur la terre le pouvoir de pardonner les péchés”[35]Mc 2, 10 ; Mt 9, 6.. Ce pouvoir n’appartient qu’à Dieu, puisque le péché – désobéissance volontaire à la loi de Dieu – est une offense envers ce maître tout puissant et bienveillant dont nous refusons de suivre la volonté d’amour. Offense envers Dieu, le péché ne peut être remis que par Dieu, comme une dette ne peut être remise que par le créancier. Or Jésus est Dieu né de Dieu, Verbe éternel incarné, et il a obtenu par son sacrifice – nous y reviendrons dans un instant – le rachat total de nos fautes. Donc il a ce pouvoir de remettre les péchés.
Seconde certitude : ce pouvoir, il l’a transmis à l’Eglise : il dit à Pierre “tout ce que tu délieras sur la terre sera délié dans les cieux”[36]Mt 16, 19. puis au soir de la résurrection, soufflant sur les apôtres réunis, “ceux à qui vous remettrez les péchés, ils leurs seront remis, et ceux à qui vous les retiendrez, ils leur seront retenus”[37]Jn 20, 23..
Le pardon obtenu par Jésus
Ce pardon est obtenu par Jésus, lui seul avait le pouvoir de le donner, puisque c’est lui qui a offert le sacrifice infini de l’amour divin en rémission de nos péchés. Expliquons cela encore une fois : la mort d’amour de Jésus sur la croix est un vrai sacrifice, puisqu’il choisit volontairement de donner sa vie. Elle est un sacrifice offert au Père en notre nom, mais qui revêt une valeur infinie, puisque comme chacune des actions de Jésus, elle a une dimension théandrique, à la fois divine et humaine, puisqu’il est Dieu et homme – 100% Dieu et 100% homme. Dieu a choisi cette modalité pour nous sauver en manifestant la folie de son amour, en nous arrachant à la mort par sa mort, en nous délivrant de la désobéissance par son obéissance, en nous guérissant de l’orgueil par l’abaissement du Fils. C’est bien le sacrifice de Jésus qui obtient la rémission de tous les péchés du monde. Pascal disait que Jésus a versé telle et telle goutte de sang pour tel et tel d’entre nous[38]“Je pensais à toi dans mon agonie ; j’ai versé telles gouttes de sang pour toi.” (Blaise Pascal, Pensées, Fragments hors copies, Lafuma 919). ; en fait c’est tout son sang, sa vie à la fois divine et humaine, qu’il a donnée pour chacun de nous en particulier, individuellement.
Ajoutons encore que la rémission des péchés est totale et vraie : nous ne croyons pas comme les protestants que le Christ viendrait couvrir ou voiler nos fautes sans nous en délivrer réellement. Jetons un regard plus appuyé : que se passe-t-il à l’intérieur de notre âme au moment du baptême ? Ce que l’on verrait, si l’on pouvait à ce moment-là se soumettre à un “scanner spirituel”, c’est la grâce divine, vie de Dieu lui-même, partagée aux hommes pour qu’ils deviennent ses enfants, faisant irruption dans l’âme et l’inondant de sa lumière, chassant toute obscurité. L’âme vit alors en état de grâce.
La rémission des péchés, obtenue par Jésus, nous est communiquée par l’Eglise et par elle seule, unique instrument du salut. Le canal principal de la grâce et du pardon est constitué par les sept sacrements, dont deux en particulier sont institués pour la rémission des péchés.
Les sacrements de la rémission
Le premier est le baptême, porte d’entrée dans l’Eglise et dans la vie de la grâce. Nous reparlerons du baptême dans quelques temps : son premier effet est l’effacement de tous les péchés, incluant la tache originelle et toutes les fautes actuelles commises éventuellement jusque là. Le baptême est donc le sacrement premier et fondamental de la rémission des péchés, il met pour la première fois l’âme en état de grâce.
Le baptême lave la tache originelle mais ne délivre cependant pas des infirmités de nature, et donc des séquelles du péché. Le combat avec l’inclination au mal continue donc après le baptême : la chute demeure possible et la lutte se poursuit au quotidien. Cependant tout change, car le baptême apporte l’aide de la grâce, sans laquelle il est absolument impossible de demeurer dans le bien[39]Saint Thomas d’Aquin, Somme Théologique, IaIIae Pars, q. 109, a. 8..
Dans les difficultés de ce combat, si la chute demeure possible – et même quotidienne, car “même le juste pèche sept fois le jour”[40]Proverbes 24, 16 ; Jésus y fait référence en Lc 17, 4. – nous pouvons toujours nous relever, comme Jésus sur le chemin de la croix. “La sainteté ce n’est pas de ne jamais tomber, disait sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus mais de toujours se relever”. L’Eglise a ainsi reçu un second sacrement pour remettre les péchés : la confession, dans laquelle nous recevons, par l’intermédiaire du prêtre, l’absolution des péchés véniels et mortels commis après le baptême. Nous en reparlerons aussi bientôt.
La source divine inépuisable où est puisée la grâce qui nous régénère totalement et obtient la rémission de nos péchés, dans le baptême comme dans la confession, est le sacrifice de Jésus, dont les mérites infinis nous ont obtenu le pardon total, lui dont une seule goutte de sang, chantait saint Thomas d’Aquin[41]Saint Thomas d’Aquin, Hymne Adoro te devote., pouvait sauver le monde entier de toutes ses fautes.
Cette source s’accomplit et se renouvelle dans le sacrement où tous les autres viennent puiser leur vertu purifiante et sanctifiante : la sainte eucharistie, réalisée par cette parole du Christ : “ceci est le calice de mon sang, le sang de l’alliance nouvelle et éternelle, versé pour vous et pour un grand nombre en rémission des péchés”[42]Mt 26, 28.. Le corps de Jésus reçu dans la communion est la source et le but qui oriente tous les sacrements, saint Thomas d’Aquin le montre très clairement[43]Somme Théologique, IIIa Pars, q. 65, a. 3.. C’est notamment le cas de la confession, dont la raison d’être est de nous garder ou de nous remettre en état de recevoir dignement et avec fruit l’eucharistie. C’est également le sens du Credo, qui lie ici la rémission des péchés au pouvoir de l’Esprit-Saint, qui continue d’agir dans l’Eglise.
Cette mission de guérison et de rémission que l’Eglise continue de l’exercer dans les sacrements du baptême et de pénitence est appelée le “pouvoir des clés”. Ce pouvoir est divin en son origine comme en son extension, car il n’y a pas de péché que l’Eglise ne puisse remettre. On raconte que rencontrant un prêtre au chevet d’un malade, un médecin constatait qu’il pouvait s’efforcer de guérir contre la maladie, prolongeant et adoucissant ainsi la vie, mais que son pouvoir était limité puisqu’il ne pouvait rien contre la mort. Le prêtre, lui, avec le pouvoir reçu du Christ, dont il est l’instrument, peut tout guérir : il peut aller jusqu’à ressusciter une âme qui aurait perdu la vie de la grâce. Ce pouvoir instrumental, l’Eglise l’a reçu pour être exercé selon une certaine manière, qu’elle ne peut modifier : bien sûr, la toute puissance divine n’est pas liée par ses oeuvres, mais quant à l’Eglise, c’est dans les sacrements, administrés selon la forme requise, qu’elle a reçu la faculté de lier et de délier, de remettre les péchés ou de les retenir. Nous verrons plus loin quelles sont ces conditions d’administration des sacrements.
Demandons pour aujourd’hui à Dieu la grâce de prendre plus conscience de l’injustice de nos péchés et de la gratuité de leur rémission, que nous ne méritons en rien : le pardon des péchés est une injustice en creux, positive, car rien ne peut nous l’obtenir en justice. La rémission des péchés est donc un signe supplémentaire de la puissance infinie et de la miséricorde inépuisable de Dieu. Rendons grâce pour cette bonté du Seigneur, et demandons une vraie contrition du coeur, un regret profond et sincère de nos péchés, qui nous pousse à une conversion résolue. Sans cesse Dieu nous pardonne et nous relève, prenons aujourd’hui la décision et les moyens pour ne pas nous laisser enfermer dans le cycle inverse et infernal du démon.
Pour aller plus loin
Catéchisme de l’Eglise Catholique, Section 2, Chapitre 3, Article 10 (nn°976-987).
Catéchisme du Concile de Trente, chapitre 11.
Les Trois Blancheurs, Année IV, “Le Credo”, Leçon 21.
Les Trois Blancheurs, Année VII, “La Foi”, Leçon 10 (La Rédemption).
Les Trois Blancheurs, Année VIII, “L’Espérance”, Leçons 11 et 12 (La Pénitence).
Charles Journet, Entretiens sur l’Eglise et les sacrements,
Dans la Bible
Evangile selon saint Matthieu, chapitre 9 (guérison du paralytique), 16 (pouvoir des clés).
Evangile selon saint Marc, chapitre 2 (guérison du paralytique) et 16 (baptême et salut).
Evangile selon saint Luc, chapitre 7 (pécheresse pardonnée) et 15 (fils prodigue).
Evangile selon saint Jean, chapitres 8 (femme adultère) et 20 (pouvoir des clés).
Epître de saint Paul aux Romains, chapitres 5 et 6 (la justification du péché par la foi en Jésus).
Deuxième épître de saint Paul aux Corinthiens, chapitre 5 (la réconciliation dans le Christ).
Epître aux Colossiens, chapitre 1 (rémission des péchés en Jésus).
Ecouter : Episode 12 – Le petit caté pour les grands
Episode 12 : “… à la résurrection de la chair”
Onzième article du Credo : “je crois à la résurrection de la chair”.
L’apôtre saint Paul affirme clairement :
Si l’on prêche que le Christ est ressuscité des morts, comment certains parmi vous peuvent-ils dire qu’il n’y a pas de résurrection des morts ? S’il n’y a pas de résurrection des morts, le Christ non plus n’est pas ressuscité. Mais si le Christ n’est pas ressuscité, vide alors est notre message, vide aussi votre foi[44]1Co 15, 12-14..
La résurrection, non seulement du Christ, mais aussi la nôtre, a une place importante dans notre foi. Expliquons-en les tenants et les aboutissants.
Car c’est finalement le centre de notre espérance de chrétien, puisque nous parlons ici de la vie après la mort, de ce qui fait que nous ne sommes pas dans la tristesse d’une vie terrestre très courte qui s’achèverait sans rien après ; alors que nous vivons bien dans l’espérance avec la promesse d’une vie de Dieu, vie pleinement humaine mais transformée par la grâce.
Le corps tient une place importante dans notre religion de l’Incarnation, jusqu’à être le ce à travers quoi la grâce atteint l’âme, qui ne fait qu’un avec lui. Il est honoré à sa juste place.
La Parousie et résurrection des corps
Bien que le Christ ait pu redonner la vie à des personnes de son époque mais qui ont continué leur vie terrestre normale et mortelle (par ex : saint Lazare, ou le fils de la veuve de Naïm), nous parlons ici de quelque chose d’autre, qui concerne tous les hommes qui sont passés par cette terre, et qui arrivera à la fin des temps : la résurrection des morts. Elle se fera à la fin du monde, comme le dit Jésus.
Oui, telle est la volonté de mon Père, que quiconque voit le Fils et croit en lui ait la vie éternelle, et je le ressusciterai au dernier jour[45]Jn 6 40..
Quand le dernier jour du monde, c’est-à-dire quand le temps marqué par Dieu arrivera, le Christ reviendra dans une gloire magnifique sur terre pour « juger les vivant et les morts ». C’est ce qu’on appelle la « Parousie » : le retour glorieux du Christ sur notre terre. Il marquera la fin des temps.
Que se passera-t-il alors ?
Il y aura un jugement de chacun devant tous. Nous verrons à l’épisode suivant en quoi consiste ce jugement, qu’on appelle jugement général, qui se différencie d’un premier jugement appelé particulier, qui a lieu, nous l’avons vu, à l’instant même de la mort. Pour l’instant concentrons nous sur ce qui précédera immédiatement ce jugement dernier : la résurrection de tous les hommes.
Rappelons, en premier, ce qu’est la mort : à la fin de notre vie, le corps et l’âme, qui formaient l’ensemble de notre personne, se séparent. L’âme quitte son corps sans vie et quitte cette terre. Le corps lui, tombe dans la corruption, retourne à la poussière, disparait. C’est la mort. N’oublions pas que, bien que la mort et le changement marquent toute la création terrestre, la mort pour les hommes est une conséquence du péché : originel mais aussi personnel.
Mais n’oublions pas non plus que le Christ lui-même est mort avant de ressusciter. Cela implique deux choses : le Christ par sa résurrection vainc la mort, pour lui, mais aussi pour tous les hommes ; et cette victoire sur la mort, change aussi le sens de notre mort. Elle devient une étape, un passage, vers le ciel meilleur et aussi, un moyen de salut pour nous et pour les autres[46]Catéchisme de l’Eglise Catholique, n°1010..
Pourquoi une telle résurrection ?
Mais pourquoi, pour nous hommes, une telle résurrection ?
Nous pouvons donner un certain nombre de raisons :
- Car le Christ a vaincu la mort : il faut donc que toute mort cesse.
- Car le Christ vainc le péché, et cette victoire totale efface les conséquences du péché. La mort étant, avant le Christ, une punition, il faut qu’elle cesse grâce à la Rédemption.
- Du côté des élus, de ceux qui sont au ciel donc, il ne saurait y avoir de joie parfaite s’il leur manquait encore quelque chose. Or il manque quelque chose à une âme humaine sans son corps. En effet, comme nous l’avons dit, un être humain est composé d’un corps, matériel, que nous pouvons voire sentir, et aussi d’une âme, immatérielle, invisible. Mais il ne faudrait pas s’imaginer ces deux éléments comme deux choses indépendantes. L’âme est faite pour un corps particulier, et le corps vit grâce à une âme individuelle. les deux sont non seulement fait l’un pour l’autre, mais sur terre existent ensemble et ne forment qu’un seul être : l’homme. En clair, l’âme est faite pour vivre dans un corps (le sien), et le corps est fait pour être animé par son âme qui le fait vivre. Sans âme le corps est mort et se corrompt, sans corps, l’âme reste immortelle, mais il lui manque comme sa moitié. Il existe une fausse conception de l’âme, conception dite dualiste, où l’âme serait comme un esprit indépendant qui utiliserait le corps pour un moment donné, comme un instrument. C’est faux : le corps et l’âme ne forment qu’un être unique. Bref, un homme c’est un corps habité par une âme et une âme animant un corps. La séparation corps/âme (la mort) est une violence à laquelle la résurrection finale vient mettre un terme.
Cela nous permet aussi de préciser : nous ressusciterons avec notre propre corps, qui correspond à notre âme. On retrouvera notre être plein et entier. On ne se réincarnera pas dans un autre corps. Par cette vision globalisante de l’homme comme corps et âme unis, on comprend la fausseté des théories de la réincarnation selon lesquelles une âme revivrait dans un corps différent chaque fois. Cela nie le lien intrinsèque entre le corps et l’âme, qui sous-entend que l’âme utilise le corps alors que la personne est un corps animé.
Bref : Notre âme n’a qu’un corps. On ne meurt qu’une fois, nous n’avons qu’une vie. Nous ne nous réincarnerons pas dans un corps qui n’est pas le nôtre. Nous ressusciterons dans notre propre corps, une seule fois, à la fin des temps.
Ressusciter cela veut donc dire que l’âme retrouvera son propre corps et lui redonnera vie. Cette vie sera cependant un peu différente de cette terre. Voyons cela.
Comment seront nos corps ?
Tout d’abord distinguons deux cas : les bons et les méchants : c’est notre seigneur Jésus qui l’enseigne.
N’en soyez pas étonnés, car elle vient, l’heure où tous ceux qui sont dans les tombeaux entendront sa voix et sortiront : ceux qui auront fait le bien, pour une résurrection de vie, ceux qui auront fait le mal, pour une résurrection de jugement[47]Jn 5, 28-29..
- Les bons ressusciteront dans un corps de gloire, un peu comparable à celui de Notre Seigneur à la transfiguration ou après la résurrection.
- Les méchants ressusciteront avec un corps pour leur condamnation.
Car le corps , qui aura mérité le ciel ou fait le mal, participe à la gloire du Ciel ou à la punition de l’enfer. Pour tous, ce corps sera désormais immortel : son état ne changera plus.
Comment seront plus précisément nos corps ?
Le catéchisme de Trente, pour les saints, leur donne quatre propriétés essentielles :
- L’impassibilité : nous n’aurons plus de souffrance ni de peine;
- La clarté, qui sera le rayonnement de la gloire de Dieu en nous : la grâce divine le rendra resplendissant de Dieu.
- L’agilité : par exemple, nous ne serons plus soumis aux contraintes de déplacement dans le temps et l’espace.
- Et la subtilité : tout sera parfaitement accordé et harmonisé en nous, nos différentes puissances et facultés, l’aspect physique du corps lui-même perdra toute imperfection.
En conclusion, la méditation du mystère de la résurrection des corps nous fait entrer plus avant dans l’espérance selon la promesse de Jésus « Je suis la résurrection et la vie »[48]Jn 11, 25.. Par lui, nous sommes appelés à Dieu, qui n’est pas un Dieu des morts mais un Dieu des vivants[49]Mc 12, 26-27 : Quant au fait que les morts ressuscitent, n’avez-vous pas lu dans le Livre de Moïse, au passage du Buisson, comment Dieu lui a dit : Je suis le Dieu d’Abraham, le Dieu … Continue reading
, lui qui est la vie : à la fin des temps, nous vivrons pleinement homme, corps et âme.
Reste à voir, avec le prochain épisode en quoi consistera cette vie éternelle du ciel.
Pour aller plus loin
Catéchisme de l’Eglise Catholique, Section 2, Chapitre 3, Article 11 (nn°988-1014).
Catéchisme du Concile de Trente, chapitre 12.
Les Trois Blancheurs, Année IV, “Le Credo”, Leçon 21.
Les Trois Blancheurs, Année VII, “La Foi”, Leçon 20 (Le jugement général).
Dans la Bible
Livre d’Ezéchiel, chapitre 37.
Evangile selon saint Jean, chapitres 6 (discours du Pain de vie), 11 (résurrection de Lazare).
Actes des Apôtres, chapitre 23.
Epitre de saint Paul aux Romains, chapitre 8.
Première épître de saint Paul aux Corinthiens, chapitre 15.
Epître aux Philippiens, chapitre 3.
Première épître aux Thessaloniciens, chapitre 4.
Apocalypse de saint Jean, chapitre 20.
Ecouter : Episode 13 – Le petit caté pour les grands
Episode 13 : “… à la vie éternelle”
Nous voyons aujourd’hui le 12e et dernier article du Credo : la foi dans la vie éternelle.
Cet article va nous amener à traiter des fins dernières, c’est-à-dire de ce qui se passe après la mort. Nous savons que l’âme est immortelle et que le corps ressuscitera, mais entre le moment où notre âme quitte notre corps et le moment où elle lui sera à nouveau unie, que se passera-t-il ? Et même après, qu’adviendra-t-il ?
Retour sur la théologie des fins dernières
Commençons par le commencement : qu’entendons-nous par “fins dernières” ?
Dans la théologie catholique, le terme “fin” désigne deux choses : le but vers lequel on tend, c’est-à-dire la fin qu’on se propose, ou encore l’achèvement de ce but avec la possession de la fin visée. Quand on parle de fins dernières, on désigne à la fois les buts ultimes vers lesquels les hommes sur terre tendent et leur réalisation définitive dans l’éternité. Le mot est au pluriel car les fins vers lesquelles nous tendons sont doubles : nous pouvons tendre vers Dieu ou vers autre chose, mais cet autre chose sera toujours une créature, un bien autre que Dieu, de telle manière que ces autres fins peuvent être réduites à une fin unique, une fin sans Dieu. La mort ne fera que nous fixer dans cette fin que nous nous sommes proposés sur terre. Il est faux de s’imaginer qu’après la mort nous pourrons encore choisir et changer de fin, la mort nous fixe pour l’éternité.
Le paradis et l’enfer
Si nous avons eu Dieu comme fin sur terre, que nous avons vécu unis à Lui par la grâce, nous continuerons à vivre unis à Lui après la mort, c’est ce qu’on appelle le paradis. Au contraire, si nous avons vécu sur terre loin de Dieu, loin de ses commandements, étrangers à sa grâce, nous continuerons une vie sans Dieu après la mort : c’est ce qu’on appelle l’enfer. Avant d’être des lieux, le paradis et l’enfer renvoient à des états, uni, ou séparé de Dieu.
Les conséquences de ces états ontologiques, quasi physiques, de séparation ou d’union avec Dieu sont le bonheur ou le malheur temporel sur terre et le bonheur ou le malheur éternel au ciel. J’ajoute “malheur et bonheur temporel” car il n’y a pas de vrai bonheur, même sur terre, en dehors de Dieu.
Le fossé de la vie éternelle (la parabole de Lazare)
Une différence tout de même entre la vie avant et après la mort est que sur terre, il n’y a pas de séparation entre ceux qui sont unis à Dieu et ceux qui ne le sont pas. En effet, par l’usage du libre arbitre, l’homme peut changer de fin de son vivant, vouloir ou rejeter Dieu. Ce n’est qu’à la mort que se crée une séparation ontologique entre les bons et les mauvais, les amis et les ennemis de Dieu. Cette séparation définitive et l’écart impossible à réduire entre une âme damnée et une âme sauvée est bien décrite dans les Saintes Écritures par saint Luc au chapitre 16, versets 19 à 31. Dans cette parabole, Jésus raconte comment un homme riche qui vécut dans le luxe durant toute sa vie terrestre, et qui méprisa un pauvre nommé Lazare, un mendiant couvert de plaies, qui se tenait à sa porte souffrant de la faim, se retrouva à sa mort dans l’Hadès, c’est-à-dire l’enfer, tandis que le pauvre Lazare fut emporté par les anges auprès d’Abraham, c’est-à-dire au paradis. Dans cet état infernal, désespéré, le riche demanda à Abraham d’envoyer Lazare lui porter de l’eau pour soulager sa soif, mais celui-ci lui répliqua que cela était impossible car un abîme les séparait. Il demanda ensuite la faveur d’envoyer ce même Lazare auprès de ses frères, qui étaient encore en vie, pour les prévenir du sort qui les attendait s’ils ne changeaient pas de comportement, mais encore une fois, cela lui fut refusé. La réponse d’Abraham est sentencielle : « Qu’ils écoutent Moïse et les prophètes, c’est-à-dire le Christ et son Église, s’ils n’écoutent pas Moïse et les prophètes, poursuit Abraham, ils ne se laisseront pas persuader, quand bien même quelqu’un des morts ressusciterait. »
On meurt comme on a vécu
La mort ne fait que révéler l’état dans lequel nous avons vécu sur terre ; elle n’est finalement qu’une prise de conscience par l’âme de son état. Cette mise à nu de notre âme s’appelle le jugement particulier. Tout de suite après la mort, c’est-à-dire après la séparation de l’âme et du corps, celle-ci est jugée par Dieu, tandis que celui-là retourne à l’état de poussière. Les fins premières, prochaines et dernières de notre vie sont alors révélées, c’est-à-dire tous les buts qui ont mû nos actions libres de notre vivant sont mises à jour. C’est toute la vie morale de la personne qui est révélée avec ses bonnes et ses mauvaises actions, ses choix moraux, son observation ou non des commandements de Dieu.
L’âme en état de péché mortel à sa mort va en enfer où elle y souffre deux types de peines : la peine du dam et la peine des sens.
La peine du dam est la souffrance d’être privé éternellement de Dieu par sa faute, c’est la privation coupable et plein de remord de la vision béatifique. Elle est la peine la plus douloureuse, car elle correspond à la perte définitive de ce pour quoi l’âme humaine est faite : connaître et aimer Dieu. L’âme du damné a conscience qu’elle a été créée pour vivre en communion avec Dieu, mais qu’elle a rejeté cette fin pour la remplacer par d’autres fins qui lui sont fatales. Cette peine est commune à tous les damnés. La peine des sens, quant à elle, est une peine personnelle due à nos fautes personnelles. Dieu nous punira par là où nous avons péché. Ces peines sont liées aux types de péchés que nous avons commis et à leur gravité. Les peintures médiévales sont très expressives à ce sujet, le glouton sera notamment puni par le ventre !
Si la personne meurt en état de grâce, son âme va soit directement au paradis, si elle est parfaitement pure de tout péché et de toutes peines dues aux péchés, soit au purgatoire s’il lui reste des fautes à expier. Ce temps au purgatoire est plus ou moins long en fonction des fautes commises et est, d’après les apparitions privées qui ont eu lieu au cours de l’histoire de l’Eglise, très douloureux. C’est qu’il ne convient pas, en effet, de prendre part aux noces de l’Agneau sans un vêtement immaculé.
Au ciel, il y a différents types de récompenses. La récompense commune à tous les sauvés est la vision béatifique. C’est le bonheur de voir Dieu face à face et de contempler ses perfections. Il y a aussi des récompenses particulières à chacun en fonction des mérites qu’il aura acquis sur terre. Il y a des degrés de béatitude au Ciel. Certains saints brillent plus que d’autres grâce aux vertus qu’ils ont acquises sur terre. La sainte Vierge, évidemment, par ses mérites est la plus heureuse, mais l’Église reconnaît aussi une gloire particulière aux martyrs, vierges, confesseurs et docteurs, c’est-à-dire aux hérauts privilégiés de l’Évangile.
Éternité, immédiateté… et deuxième avènement
Les peines et les joies sont éternelles et immédiates, elles commencent dès le jugement particulier, mais un deuxième avènement aura lieu qui en modifiera les modalités : c’est le jugement dernier. À la fin du monde, lorsque Notre Seigneur reviendra en gloire, tous les hommes seront à nouveau jugés, mais cette fois-ci avec leur corps et devant l’humanité entière. Les bons et les méchants ressusciteront et subiront un second jugement.
Ce jugement a pour but non plus de juger la qualité des actes personnels, mais les conséquences de ces actes dans le temps. En effet, nous ne pouvons connaître la gravité d’un acte qu’en considérant toutes les conséquences que celui-ci a eues, et pour cela, il faut attendre la fin du monde.
Ce jugement général révèlera aussi toute la sagesse de Dieu depuis la Création du monde jusqu’à sa fin, et comment tout ce qui est arrivé était parfaitement juste et bon. Nous comprendrons enfin le mystère de notre création et de notre Rédemption.
Ce jugement rétablira l’honneur et la sagesse de Dieu, mise en cause par les impies durant les siècles et les millénaires précédents. Toute vérité sera rétablie. C’est le triomphe final de Dieu et le début d’une nouvelle création, parfaite, sans maux et sans souffrance pour les sauvés, et la prolongation de la réprobation éternelle pour ceux qui sont damnés. Le corps étant à nouveau uni à l’âme par la résurrection, celui-ci jouira ou souffrira comme l’âme, en fonction du bien ou du mal auquel il aura participé. Tout sera alors achevé dans l’ordre de la justice, mais la vie continuera auprès de Dieu pour les uns, auprès des démons pour les autres. D’où l’importance grave, chers fidèles, de bien choisir sa fin ici-bas.
Pour aller plus loin
Catéchisme de l’Eglise Catholique, Section 2, Chapitre 3, Article 12 (nn°1021-1065).
Catéchisme du Concile de Trente, chapitre 13.
Les Trois Blancheurs, Année IV, “Le Credo”, Leçons 19 et 20.
Les Trois Blancheurs, Année VII, “La Foi”, Leçon 20 (Le jugement général).
RP. Louis-Marie de Blignières, Les fins dernières, DMM, 2019.
Charles Journet, Entretiens sur les fins dernières, Parole et Silence.
Dans la Bible
Evangile selon saint Luc, chapitre 16.
Ecouter : Episode 14 – Le petit caté pour les grands
Episode 14 : Les sacrements en général
Un sacrement (c’est la définition classique) est un signe sensible et efficace institué par Notre-Seigneur Jésus-Christ pour produire ou augmenter la grâce en nos âmes. Mais qu’est-ce que la grâce ?
Qu’est-ce que la grâce ?
La nature humaine avait été créée par Dieu dans un état qui ne lui était absolument pas dû, un état surnaturel : l’innocence originelle, dans laquelle la grâce leur était octroyée absolument gratuitement par Dieu, accompagnée par les dons préternaturels d’immortalité, exemption de la souffrance, domination de l’esprit sur les passions et harmonie avec la nature. La grâce, qui avait alors été accordée à la nature, que nos premiers parents ont malheureusement refusée en cédant à l’illusion démoniaque de l’autonomie, nous est rendue sous une forme nouvelle par les mérites infinis du sacrifice de Jésus. La grâce, c’est une participation créée à la vie divine, la joie d’amour trinitaire que Dieu partage aux esprits créés (les hommes et les anges). Pour saint Thomas d’Aquin, la grâce un élément divin qui vient se greffer sur notre âme pour la guérir et la surélever, la rendant capable d’actes qui atteignent directement l’essence divine, par les vertus de foi, espérance et charité. Lorsque Jésus parle de la grâce, il utilise la comparaison de la vigne. Il est le tronc, le cep, nous sommes les branches, les sarments. Du cep aux sarments, la vie se transmet par la sève, qui est la grâce : c’est elle qui leur permet finalement de porter du fruit. Si les branches ne demeurent pas fixées au tronc, elles ne reçoivent plus la sève, elles sont mortes et ne sont plus bonnes à rien qu’à être jetées au feu[50]Jn 15, 4-6..
La grâce est christique
Pour mieux comprendre encore ce qu’est la grâce, revenons sur ce que nous avons dit en introduction : la grâce qui avait été donnée directement et gratuitement à la nature humaine au premier instant ayant été perdue, nous a été rendue par le Christ. Dans l’économie actuelle de la Rédemption, l’unique source du salut est le Christ, par qui nous est méritée et communiquée la grâce. La grâce que Jésus nous a obtenue par son sacrifice et qui nous parvient par l’Eglise est donc une grâce véritablement christique, christoconformante, c’est à dire que c’est en nous faisant ressembler au Christ que nous pouvons désormais devenir les enfants du Père : notre vocation surnaturelle est aujourd’hui de devenir fils comme le Fils et par le Fils.
La grâce est communiquée par l’Eglise dans les sacrements
La grâce qui avait été perdue et que le Christ nous a méritée nous est aujourd’hui transmise par l’Eglise, par le biais des sacrements. C’est en effet librement que Dieu nous sauve : lui qui nous a créés avec intelligence et liberté ne nous sauvera pas sans respecter cette liberté. Il faut donc que chacun puisse accepter volontairement d’accueillir la grâce dont Dieu veut le combler.
Le premier canal par lequel elle nous est communiquée est septiforme : ce sont les sept sacrements institués par Notre Seigneur et confiés à l’Eglise.
Qu’est-ce qu’un sacrement ?
Qu’est-ce qu’un sacrement ? Reprenons la définition classique que nous avons donnée en introduction, celle du catéchisme des enfants : un sacrement est un signe sensible et efficace, institué par Notre-Seigneur Jésus-Christ pour produire ou augmenter la grâce dans nos âmes. Signe sensible et efficace, institué par le Christ pour produire ou augmenter la grâce dans nos âmes. Reprenons les termes de cette définition.
Un sacrement est un signe sensible : un élément visible, tangible, concret, qui désigne quelque chose d’autre, une réalité invisible (la grâce). Un signe sensible, c’est un panneau indicateur, qui oriente vers quelque chose d’autre que lui-même : le don invisible de Dieu par la grâce. Le signe sensible des sacrements est composé de deux éléments que les théologiens appellent matière et forme, autrement dit un geste et une parole qui vient le préciser. Nous les détaillerons pour chacun des sacrements : ce sont par exemple l’eau et l’invocation trinitaire du prêtre pour le baptême ou encore l’hostie et les paroles consécratoires de la messe pour l’eucharistie.
Un sacrement est un signe sensible et efficace : ce n’est pas le cas de tous les signes, qui orientent habituellement vers ce qu’ils ne sont pas, sans pour autant le réaliser. Lorsque je suis à Pau, il ne me suffit pas de voir le panneau indiquant Toulouse pour me trouver à Toulouse, j’ai encore 2 heures de route. Un signe efficace réalise par lui-même ce qu’il signifie : comme si le feu tricolore, en passant au vert, faisait lui-même démarrer ma voiture, ou comme si le panneau indicateur m’envoyait par lui-même immédiatement à Toulouse. Lorsque le geste du sacrement est posé, la réalité invisible de grâce vient directement – ex opere operato dira-t-on en bonne théologie – remplir celui qui en est le sujet.
Mais d’où vient cette puissance du sacrement ? Elle est proprement surnaturelle, puisqu’elle réalise en nous quelque chose de surnaturel : effectivement, elle vient de Dieu, puisqu’elle est accomplie par l’Eglise selon l’institution du Christ. C’est Jésus lui-même qui a mis son pouvoir divin dans les sacrements, que l’Eglise n’a ni inventés ni modifiés, et qu’elle ne peut changer quant à ce qui fait leur substance profonde. On peut ainsi retrouver, dans les évangiles principalement, les moments d’institution des sept sacrements. Leur efficacité, dont nous venons de parler, vient donc directement du Christ Jésus.
Enfin pourquoi ces sacrements ont-ils été institués ? Pour produire ou augmenter la grâce en nos-âmes : c’est à dire pour faire naître, grandir ou ressusciter en nous le don de la vie divine participée, l’habitation des trois Personnes et leur circulation d’amour, qui commence au baptême et augmente en prenant des virtualités nouvelles à chaque réception d’un sacrement. “Produire” car le baptême nous fait naître à la vie de l’âme, la confession peut la ressusciter si elle a été perdue. “Augmenter” car les autres sacrements (confirmation, eucharistie, onction des malades, ordre, mariage) – sacrements des vivants – ne peuvent être reçus avec fruit que dans une âme en état de grâce : dont ils augmentent, soutiennent et orientent la charité.
Sept sacrements
Pourquoi y a-t-il sept sacrements ? La question mérite d’être posée et saint Thomas d’Aquin[51]Somme Théologique, IIIa Pars, q. 65, a. 1. n’y manque pas. Il répond en dressant un beau parallèle entre la vie naturelle – vie du corps – et la vie surnaturelle – de l’âme. Toutes deux sont marquées par la naissance, la croissance et la nutrition qui entretient les forces vitales, mais connaissent aussi la maladie et la mort, et sont vécues dans un contexte social. C’est ainsi que le Christ vient nous rejoindre dans ces différentes dimensions de notre existence : à la naissance spirituelle correspond le baptême, à la croissance la confirmation, à la nutrition l’eucharistie, à la maladie le remède de la confession, à l’approche de la mort la consolation de l’onction des malades, à la nécessité de gouverner le corps social répond l’institution de l’ordre, à celle de le perpétuer le sacrement du mariage.
Nous avons déjà établi la distinction entre les sacrements des vivants : confirmation, eucharistie, onction des malades, ordre et mariage, et ceux qui peuvent être reçus sans être en état de grâce. Ajoutons que saint Thomas range souvent les sacrements selon un ordre qui lui semble naturel[52]Somme Théologique, IIIa Pars, q. 65, a. 2., mettant en premier le baptême, puisqu’il est l’indispensable porte d’entrée de la vie spirituelle, mais qu’il donne cependant la première place par ordre d’importance à l’eucharistie[53]Somme Théologique, IIIa Pars, q. 65, a. 3.. En effet, dit-il, chacun des sacrements est un don de Dieu, comme un instrument de la puissance du Christ, tandis que l’eucharistie c’est Dieu lui-même qui se donne sans intermédiaire, le Christ Jésus reçu en nourriture. En outre, il montre que tous les sacrements sont orientés vers l’eucharistie, qui est leur finalité, puisqu’en elle commence d’une manière mystérieuse sur terre la consommation bienheureuse des noces célestes.
Contemplons donc la grandeur que Dieu a mise dans la simplicité des sacrements, et aimons les rites liturgiques que l’Eglise a peu à peu déployés pour nous en faire comprendre la magnificence ! Aiguisons notre désir de recevoir Dieu dans le saint sacrement de l’autel, et usons avec ferveur et contrition de la confession, instituée par Jésus pour nous préparer à recevoir son corps sacré dignement et avec fruit.
À partir de la semaine prochaine, nous étudierons chacun des sept sacrements en particulier.
Pour aller plus loin
Catéchisme de l’Eglise Catholique, Deuxième partie, Première Section, Article 2 (nn°1113-1199).
Catéchisme du Concile de Trente, chapitre 14.
Les Trois Blancheurs, Année V, “Les sacrements”, Leçons 6 et 7.
Les Trois Blancheurs, Année VIII, “L’Espérance”, Leçons 5 et 6.
Charles Journet, Entretiens sur l’Eglise et les sacrements, Parole et Silence.
Saint Thomas d’Aquin, Somme Théologique, IIIa Pars, qq. 60-65.
Ecouter : Episode 15 – Le petit caté pour les grands
Episode 15 : Le baptême
« Celui qui ne sera pas régénéré par l’eau et par l’Esprit ne pourra rentrer dans le royaume de Dieu » nous avertit notre seigneur Jésus (Jn 3, 5).
D’emblée, le Christ nous avertit de l’importance de ce sacrement. Il est la porte d’entrée du ciel, mais surtout, nous allons le voir, de toute vie chrétienne d’abord. Car notre vie de chrétien n’est finalement que le développement de cette grâce reçue au baptême.
Institution du baptême.
Dans la vie de Jésus, il faut retenir deux moments pour le baptême : celui où lui-même est baptisé, et celui où il lui donne une force d’obligation.
Notre-Seigneur institue donc ce sacrement en recevant le baptême lui-même de Jean-Baptiste. Attention, Jean baptisait déjà avant que Jésus ne vienne le voir, mais il donnait seulement un baptême de pénitence, pour se laver de ses fautes. Ce n’était pas encore le même que nous, ce n’était pas un sacrement car il n’était pas fait au Nom du seigneur Jésus, c’est-à-dire au Nom de la Trinité.
Puis vient un second moment, quand le Christ donne le commandement à ses apôtres de baptiser les hommes, dans la finale de l’évangile de saint Marc (Mc 16, 16) lorsqu’il dit : « allez par tout le monde, et prêchez l’Évangile à toute créature. Celui qui croira et sera baptisé, sera sauvé ; celui qui ne croira pas, sera condamné. » Et ici, encore une fois, le baptême est mis directement en relation avec la question du salut.
Car dans le baptême, par la foi en Jésus, on meurt au péché, pour embrasser une vie nouvelle. C’est justement ces deux choses qui vont être signifiée par la matière et la forme de ce sacrement de baptême.
Matière et forme
La matière de ce sacrement est l’eau qui coule, et la forme est les paroles de la personne même qui fait couler l’eau (et de personne d’autre !) en interpellant la personne par son prénom : « je te baptise au Nom du Père et du Fils et du Saint Esprit. »
C’est deux aspects sont très symboliques. L’eau c’est évidemment ce qui lave, et c’est le sens le plus fort. Il existait déjà une forte symbolique des ablutions, de bains ou d’aspersions d’eau pour demander la purification de son âme. L’eau du baptême garde évidemment cette symbolique et signifie donc en premier lieu le fait que l’âme est lavée du péché. Mais l’âme est lavée du péché dans la mort et la résurrection de Jésus-Christ. Et l’eau symbolise aussi ceci : comme par une plongée, nous sommes ensevelis avec le Christ, pour renaître en se relevant avec lui par la résurrection qui donne une nouvelle vie.
Nous avons donc une nouvelle vie. Et c’est le dernier symbolisme de l’eau. Dans ces pays de désert, et chez nous avant l’eau courante, l’eau est symbole de vie. Là où il y a de l’eau vive, il y a de la vie. L’eau symbolise aussi la vie de Dieu que nous donne la grâce du baptême. Cette nouvelle naissance du baptême, en nous lavant du péché, nous donne la vie de Dieu.
Et les paroles sont là pour le confirmer : tout ceci se fait dans l’unique Nom de la Trinité : Père, Fils, et Saint Esprit.
Les effets du baptême
Précisons maintenant les effets du baptême.
La première chose à apprendre sur ce point, c’est que tous nos péchés, soit le péché originel qui nous vient de nos premiers parents, soit le péché actuel que nous commettons par nos propres péchés, quand même ce péché dépasserait tout ce qu’on peut imaginer, tous nos péchés disons nous, nous sont remis et pardonnés par la vertu merveilleuse du sacrement de baptême. « Je verserai sur vous une eau pure, et vous serez purifiés de toutes vos souillures » (Ez 36, 25).
Mais en plus :
« Le Baptême ne purifie pas seulement de tous les péchés, il fait aussi du néophyte “une création nouvelle” (2Co 5,17), un fils adoptif de Dieu (cf. Ga 4,5-7) qui est devenu “participant de la nature divine” (2P 1,4), membre du Christ (cf. 1Co 6,15 12,27) et cohéritier avec Lui (Rm 8,17), temple de l’Esprit Saint (cf. 1Co 6,19). »[54]Catéchisme de l’Eglise Catholique, n°1265.
Lavé du péché donc, par le baptême nous devenons vraiment un nouvel enfant de Dieu. Comme un de ses fils, comme Jésus. Certain aiment à dire que cette héritage de Dieu nous fait devenir frère de Jésus Christ. Le baptême nous fait surtout devenir un membre du corps de Jésus, l’Église, dont Jésus est la tête. Nous sommes incorporés à Jésus et nous pouvons nous alors associer à tous ses actes, notamment à son sacrifice. Nous vivons de sa vie, cette vie divine. Par le baptême, nous recevons la grâce qui fait habiter la vie de Dieu en nous. Par la grâce, nous sommes donc comme le temple du Saint Esprit où sont les trois grande vertu de foi, d’espérance et de charité.
Enfin, n’oublions pas que ces effets nous sont donnés comme une marque ineffaçable qu’on appelle caractère. Quoi qu’on fasse, nous restons baptisés. Bien sûr nous pouvons pécher, perdre la grâce, même apostasier et quitter la religion. Mais cette marque reste indélébile et nous restons les enfants de Dieu incorporés à Jésus à jamais, comme par un sceau qui a marqué notre âme.
Dernière précision : le baptême enlève le péché originel, mais il n’enlève pas le foyer du péché, qu’on appelle concupiscence : nous restons toujours inclinés par une certaine malice. On pourrait penser qu’avec le baptême et l’effacement du péché originel, nous ne serions pas tentés. Il n’en est rien, et ne soyons donc pas surpris de garder nos misères, une volonté si faible, et cette inclination à pécher même baptisé.
Nécessité du baptême.
Nous l’avons vu, le baptême concerne directement notre rapport au salut. C’est même un dogme de l’Église que sans le baptême, nul ne peut être sauvé. Pourquoi ? Simplement parce que la vie du ciel est la vie même de Dieu, que cette vie de Dieu nous est donnée par la grâce, et que la grâce ne peut être donnée en présence du péché originel ou d’un péché mortel. Autrement dit, pour aller au ciel, il faut la grâce, et la grâce ne peut être donnée que par le baptême qui efface les péché.
Et donc pour ceux qui ne sont pas baptisés ? Rassurons-nous, Dieu ne met pas tout le monde en enfer. Il existe des suppléances au baptême, c’est-à-dire des choses qui, sans être le sacrement, en donnent les effets, à savoir la grâce nécessaire pour vivre au ciel. Les deux suppléances sont le baptême de sang et de désir.
- Baptême de sang : le non baptisé qui meurt martyre de Jésus, a donc cette grâce, évidemment.
- Et le baptême de désir. Cela concerne les catéchumènes en premier lieu, mais aussi toutes les personnes de bonne volonté qui cherchent sincèrement Dieu sans pouvoir le connaitre vraiment. Ils désirent d’une certaine manière les effets du baptême, même sans pouvoir les désigner comme tels : le pardon de leurs péchés et l’amitié de Dieu. Ces personnes, même si elles ne connaissent pas Jésus, ont un baptême de désir et en reçoivent les effets.
Nous avons survolé le baptême. Maintenant que nous avons compris qu’il nous donne la grâce, il faudra comprendre comment les six autres sacrements développeront cette grâce initiale reçu au baptême pour devenir pleinement saint.
Pour aller plus loin
Catéchisme de l’Eglise Catholique, Deuxième partie, Deuxième Section, Article 1 (nn°1213-1284).
Catéchisme du Concile de Trente, chapitre 15.
Les Trois Blancheurs, Année V, “Les sacrements”, Leçons 8 et 9.
Les Trois Blancheurs, Année VIII, “L’Espérance”, Leçon 7.
Charles Journet, Entretiens sur l’Eglise et les sacrements, Parole et Silence.
Saint Thomas d’Aquin, Somme Théologique, IIIa Pars, qq. 66-71.
Dans la Bible
Evangile selon saint Matthieu, chapitre 28 (commandement et formule du baptême)
Evangile selon saint Marc, chapitre 16 (nécessité du baptême)
Evangile selon saint Jean, chapitre 3 (entretien avec Nicodème)
Actes des Apôtres, chapitre 2 (baptêmes de la Pentecôte), 8 (baptême de l’eunuque), 9 (baptême de Saül)
Ecouter : Episode 16 – Le petit caté pour les grands
Episode 16 : La confirmation
Comme tous les sacrements, la confirmation a été instituée par Notre Seigneur Jésus-Christ en vue de notre sanctification. Mais comme vous le savez, le Christ ne fait rien sans raison, et chaque sacrement a une particularité. Il s’agit de savoir ici quelle est celle du sacrement de confirmation.
Confirmer = affermir
L’étymologie du mot nous éclaire sur la question. Confirmer vient du latin confirmare, qui veut dire rendre ferme, rendre stable. La confirmation est donc le sacrement qui affermit celui qui le reçoit.
Ce renforcement doit se comprendre dans l’ordre de la grâce, notamment la grâce baptismale. La confirmation est le complément immédiat du baptême. Son rôle est d’affermir le sujet baptisé dans sa vie surnaturelle. Elle affermit, solidifie le lien que le baptême avait créé entre l’âme et Dieu, le rendant quasi indestructible. L’âme du confirmé est alors si solidement unie au Christ que rien ne pourra plus l’ébranler, pas même les persécutions ou les menaces des pires tourments.
Le sacrement de la fermeté
Cette fermeté parfaite de l’âme a fait dire de la confirmation qu’elle était le sacrement de la milice du Christ. Le confirmé, par sa fermeté inébranlable, est apte au combat et même député au combat par le caractère immuable qu’il reçoit dans son âme lors de la cérémonie. La mission de ce nouveau soldat du Christ est de défendre et protéger les choses saintes, l’héritage du Christ. Le courage et l’assurance naissent de cette fermeté nouvellement acquise, qui meuvent le chrétien à proclamer de manière intrépide l’Évangile au monde : « Quand ils eurent fini de prier, nous dit saint Luc dans les Actes des Apôtres, le lieu où ils étaient rassemblés trembla ; ils furent tous remplis de l’Esprit Saint et se mirent à proclamer la parole de Dieu avec assurance » (Ac 4, 31).
La timidité, la honte et le respect humain n’affectent plus le jeune confirmé, car l’union parfaite de son âme à Dieu, l’intelligence de ses mystères, lui fait réaliser l’urgence et la nécessité de la conversion de tous les hommes pour leur salut.
Le sacrement de confirmation est vraiment le sacrement de la fermeté : fermeté personnelle dans sa foi, fermeté face au monde et aux tentations, mais aussi fermeté inspirante et diffusive. Les martyrs des premiers siècles étaient une source inépuisable de courage et de fermeté pour les autres membres de l’Église.
Un complément nécessaire du baptême
Comme nous l’avons dit plus haut, la confirmation étant le complément du baptême, il faut être baptisé pour être confirmé. Mais le but de ce sacrement étant de rendre plus solide l’union de l’âme avec le Christ, ce sacrement est aussi conféré aux enfants, voire aux nourrissons en cas de danger de mort, car il permet d’atteindre l’état parfait de la vie spirituelle auquel chacun est appelé.
La pratique de l’Église a évolué quant à l’âge de confection de ce sacrement. Dans les débuts, la confirmation était donnée à l’âge adulte, en même temps que le baptême, car les convertis étaient eux-mêmes des adultes. Puis, les premières familles chrétiennes, baptisant leurs enfants dès la naissance, les confirmèrent par la même occasion, car les deux sacrements étaient liés. Cependant, le sacrement de confirmation n’étant, en Occident, conféré que par l’évêque (du moins de manière ordinaire), la multiplication des baptêmes, rendant impossible sa présence simultanée à plusieurs endroits à la fois, conduisit à séparer ces deux sacrements. En Orient, ils ne sont pas séparés, car de simples prêtres peuvent confirmer les nouveaux baptisés.
L’âge (ordinaire) de la confirmation
Aujourd’hui, l’Église demande à ce que l’on confirme les enfants à partir de l’âge de raison, laissant aux conférences épiscopales de chaque pays le soin de choisir l’âge opportun. En France, depuis 1985, cet âge se situe entre 12 et 18 ans. La raison en est que la fermeté et la stabilité surnaturelle qui lui sont intrinsèques correspondent davantage à la maturité acquise à l’âge adulte dans la vie naturelle[55]Certains évêques et prêtres préconisent cependant de revenir à la pratique d’un âge anticipé de la confirmation : voir notre article “La juste place de la confirmation”..
Matière et forme du sacrement
Il nous reste maintenant à voir l’origine de cette fermeté de l’âme.
Lors de la cérémonie de confirmation, le baptisé est oint par le saint chrême, un mélange d’huile d’olive et de baume. L’huile symbolise la force, tandis que le baume symbolise la bonne odeur des vertus chrétiennes. Par cette onction, l’imposition de la main et les paroles de consécration prononcées par l’évêque : « Je te marque du signe de la Croix et je te confirme avec le chrême du salut, au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit », le confirmé reçoit la troisième personne de la Sainte Trinité, le Saint-Esprit, avec l’abondance de ses dons : dons de sagesse, d’intelligence, de conseil, de force, de science, de piété et de crainte de Dieu. C’est cette réception du Saint-Esprit qui rend notre âme parfaitement stable et ferme dans son union à Dieu.
L’institution et la promulgation de la confirmation
C’est ce qui advint aux disciples le jour de la Pentecôte et qui les fit parcourir la terre entière pour annoncer la bonne nouvelle. Partout où ils passaient, ils confirmaient, conscients de la nécessité de recevoir le Saint-Esprit pour persévérer dans la foi. C’est ce que nous relate saint Luc dans les Actes des Apôtres : « Les apôtres, qui étaient à Jérusalem, ayant appris que la Samarie avait reçu la parole de Dieu, leur envoyèrent Pierre et Jean. Ceux-ci, étant descendus, prièrent pour eux afin qu’ils reçussent le Saint-Esprit. Car il n’était encore descendu sur aucun d’eux ; ils avaient seulement été baptisés au nom du Seigneur Jésus. Alors Pierre et Jean leur imposèrent les mains, et ils reçurent le Saint-Esprit. »
Et saint Cyprien, Père de l’Église du troisième siècle, de commenter : « Deux sacrements président à la parfaite naissance chrétienne : l’un en régénérant l’homme, et c’est le baptême, l’autre en lui communiquant le Saint-Esprit » (Ép. 72, 1). « Pierre et Jean suppléèrent seulement ce qui manquait aux Samaritains en priant pour eux et en leur imposant les mains, afin que l’Esprit Saint invoqué se répandît sur eux. C’est ce qui se passe maintenant encore chez nous, où ceux qui sont baptisés dans l’Église sont présentés aux chefs de l’Église, et par notre prière et l’imposition de notre main, reçoivent le Saint-Esprit et le sceau du Seigneur qui consomme leur initiation. » (Ép. 73, 9)
Nous aussi, vingt et un siècles plus tard, nos évêques continuent à imposer les mains et transmettre le Saint-Esprit. Comme à l’époque des apôtres, nous avons la lourde responsabilité d’y être fidèles, non pour notre propre gloire, comme le voulait Simon le Magicien (Ac 8, 4-25), mais pour rester fermes dans la foi, défendre l’héritage du Christ et étendre son Royaume dès ici-bas.
Pour aller plus loin
Catéchisme de l’Eglise Catholique, Deuxième partie, Deuxième Section, Article 2 (nn°1285-1321).
Catéchisme du Concile de Trente, chapitre 17.
Les Trois Blancheurs, Année V, “Les sacrements”, Leçons 10 et 11.
Les Trois Blancheurs, Année VIII, “L’Espérance”, Leçon 8.
Saint Thomas d’Aquin, Somme Théologique, IIIa Pars, q. 72.
Dans la Bible
Evangile selon saint Jean, chapitres 14 à 16 (promesse du don de l’Esprit)
Actes des Apôtres, chapitres 2 (Pentecôte), 8 (confirmation de Samarie) et 19 (confirmation d’Ephèse)
Ecouter : Episode 17 – Le petit caté pour les grands
Episode 17 : L’eucharistie (1/2)
L’Eucharistie un mystère d’Amour
Jésus sachant que son heure était venue de passer de son monde à son Père, Lui qui avait aimé les siens qui étaient dans le monde, Il les aima jusqu’à la fin. Jn 13, 1)
Par ces quelques mots, saint Jean nous révèle l’amour infini que Dieu porte à sa créature.
Alors que Jésus s’apprête à mourir sur le bois de la Croix, Il nous redit par l’intermédiaire de ses apôtres « je ne vous laisserai pas orphelins » (Jn 14, 18). Dans le cœur de Notre-Seigneur qui devait remonter au Ciel par son Ascension après sa mort et sa Résurrection, il y eut un conflit. Il acceptait de donner sa vie pour nous par le sacrifice du Golgotha mais en même temps Il ne voulait pas partir afin ne pas nous laisser seuls, sans force, sans lumière pour le combat chrétien. Alors tout en restant en nous par la grâce et les principales vertus, sa folie d’amour a voulu ce don sublime de l’Eucharistie. « Mes délices sont d’être avec les enfants des hommes » (Pr 8, 31).
Notre Sauveur, lors de la dernière Cène (le Jeudi Saint) a institué l’Eucharistie. Il y a répandu les richesses de son amour divin pour les hommes, « laissant un mémorial de ses merveilles » (Ps 110, 4). Et Il nous permet, dans la réception de ce sacrement de célébrer sa mémoire et d’annoncer sa mort jusqu’à ce qu’Il vienne (1Co 11, 26) pour juger Lui-même le monde.
Matière et forme : les mêmes qu’à la Cène
L’Eucharistie, qui veut dire en grec “action de grâce” est donc un sacrifice, c’est- à -dire l’acte de culte par excellence. Et c’est aussi le sacrement de la présence réelle du Christ. Il est en effet tout entier contenu dans l’hostie avec son corps, son sang, son âme, sa divinité par la vertu des paroles du prêtre au moment de la consécration lors de la messe. Il y a alors la transsubstantiation : le changement de toute la substance du pain et vin en la substance du Christ tout entier. C’est le premier effet du sacrement. Les paroles constituent ce qu’on appelle la forme. Le pain et le vin sont la matière. Les paroles prononcées par le prêtre : “ceci est mon Corps, ceci est mon Sang” sont les mêmes que celles prononcées par Jésus le jeudi saint.
Le pain est sans levain car la Bible nous rapporte que, les Israélites sont sortis d’Égypte avec tant de hâte qu’ils n’ont pas eu le temps de faire lever leur pain. Aussi, tous les ans au moment de la Pâque, les juifs ne devaient manger que du pain sans levain, en commémoration de leur sortie de l’esclavage en Égypte. Le pain c’est également l’aliment des pauvres.
Le levain est presque toujours aussi symbole du péché : comme le levain imprègne toute la pâte, le péché empoisonne la personne. Notre-Seigneur est l’hostie sans tâche qui se donne à nos âmes en nourriture.
Le vin naturel est par excellence le symbole du sang du Christ versé pour notre salut et qui donne la Vie. Le vigneron doit d’abord piétiner, broyer le raisin pour qu’il meure dans la cuve. C’est la passion puis la mise au tombeau avant la résurrection.
Le Très Saint-Sacrement
L’Eucharistie est le plus grand des sacrements auxquels tous les autres sont ordonnés. La richesse inépuisable de ce sacrement s’exprime d’ailleurs dans les différents noms qu’on lui donne. Il est le Saint-Sacrement, le Pain des Anges ou encore le Trésor de l’Eglise. On parle même de mysterium fidei car il dépasse notre entendement, étant inaccessible à nos sens.
Les sacrements sont des canaux par lesquels la vie de Dieu nous est communiquée, l’Eucharistie n’est pas seulement un canal divin, elle nous donne la source même de la Vie[56]Somme Théologique, IIIa Pars, q. 65, a. 3..
Dans l’Evangile on nous rapporte l’histoire de la femme hémorroïsse atteinte d’une perte de sang depuis douze ans. Elle s’approchera de Jésus pour toucher son vêtement et Jésus récompensera sa foi en la guérissant[57]Mt 9, 20-22 ; Mc 5, 25-34 ; Lc 8, 40-56.. Le texte saint à plusieurs reprises insiste sur ce fait en parlant du Christ : « une vertu émanait de Lui et les guérissait tous »[58]Lc 6, 19. Ainsi les sacrements donnent la grâce ou l’augmentent en nous. Dans l’Eucharistie on reçoit l’auteur même de la grâce dans le Ciel de notre âme.
Un mystère annoncé
Ce mystère était déjà annoncé en figures dans l’Ancien-Testament. Jésus vient lui donner son accomplissement.
C’est la manne que Dieu donnait chaque jour aux Hébreux pendant leur pérégrination dans le désert. Il s’agit, dans la manne comme dans l’Eucharistie, d’un secours donné par Dieu seul et que l’homme ne peut se procurer par lui-même. C’est donc une grâce surnaturelle. Il s’agit par ailleurs d’une nourriture quotidienne (comme on le demande dans le Notre-Père), ce qui distingue l’Eucharistie, sacrement de chaque jour, du baptême, sacrement donné une seule fois. Il s’agit d’une nourriture spirituelle (“Pain du Ciel”) qui devait être reçue dans des dispositions de foi.
Jésus a également voulu naître à Bethleem, « la maison du pain » et se présenter ainsi dans la faiblesse d’un enfant nouveau-né à l’adoration. Dans le berceau Il est humble, dépendant de ses parents et se laisse approcher sans peur. Dans l’Eucharistie aussi, sa gloire est voilée (Jésus est réellement présent mais nos sens n’appréhendent que les apparences ou accidents du pain et du vin). Il est « sans beauté ni éclat, sans apparence pour nous séduire » (Is 53) et Il nous dit comme à Zachée « aujourd’hui, Il faut que je demeure chez toi ». (Lc 19, 5).
Lors de la multiplication des pains, prélude au discours sur le pain de vie, la dimension de réfection de l’Eucharistie est très mise en valeur : il s’agit de nourrir des gens qui ont faim et ce secours ne vient que de Dieu. Il reste douze paniers, comme les douze tribus d’Israël, symbole de l’Église qui est le destinataire ultime de l’Eucharistie.
Le Pain de vie, aliment de notre pèlerinage vers le Ciel
Ce que le pain produit pour le corps (conservation, accroissement, jouissances et plaisir), l’Eucharistie le produit également, mais d’une manière infiniment plus parfaite, pour le salut et le bonheur de l’âme. Ce n’est pas le Sacrement qui se convertit comme le pain et le vin en notre substance, c’est nous-mêmes au contraire qui sommes changés pour ainsi dire en sa nature[59]Somme Théologique, IIIa Pars, q. 79, a. 5.. C’est le deuxième effet de l’Eucharistie (le premier étant la Présence Réelle), à savoir : produire en celui qui le reçoit dignement, l’union de Jésus à son âme. « Celui qui mange ma chair et boit mon sang demeure en moi et moi en Lui »[60]Jn 6, 54..
L’unique Sacrifice de Jésus, accompli une fois pour toute au Calvaire, offre la Rédemption du monde. Les fruits de ce sacrifice sont appliqués aux hommes par l’Eucharistie qui perpétue cette oblation. L’Eucharistie est donc nécessaire au salut des hommes.
Pour aller plus loin
Catéchisme de l’Eglise Catholique, Deuxième partie, Deuxième Section, Article 3 (nn°1322-1419).
Catéchisme du Concile de Trente, chapitre 18.
Les Trois Blancheurs, Année V, “Les sacrements”, Leçons 17 et 18.
Les Trois Blancheurs, Année VIII, “L’Espérance”, Leçon 9.
Saint Thomas d’Aquin, Somme Théologique, IIIa Pars, qq. 73-81.
Charles Journet, Entretiens sur l’eucharistie
Messe et office de la Fête-Dieu, Adoro te de saint Thomas d’Aquin
Imitation de Jésus-Christ, livre IV
Paul VI, Encyclique Mysterium Fidei
Dans la Bible
Evangile selon saint Jean, chapitre 6 (multiplication des pains et discours du pain de vie)
Ecouter : Episode 18 – Le petit caté pour les grands
Episode 18 : L’eucharistie (2/2) – La messe
Chaque dimanche, tout catholique est appelé à se rendre à la messe : c’est la première manière de consacrer ce jour au Seigneur et de nous tenir au contact de la grâce, qui s’écoule sur nous à travers les sacrements, dont l’eucharistie est le plus grand[61]Somme Théologique, IIIa Pars, q. 65, a. 3..
Qu’est-ce que la messe ? Au premier abord, on peut dire qu’elle est la cérémonie liturgique dans laquelle se réalise le sacrement de l’eucharistie. La messe se définit encore, et c’est la formule classique, canonisée par le Concile de Trente, que nous devrons retenir aujourd’hui, comme le renouvellement non sanglant du sacrifice de la croix.
En deux mots, la messe est à la fois sacrement et sacrifice. Ce seront les deux mots autour desquels nous articulerons aujourd’hui notre propos :
- 1. Sacrement, c’est à dire “mystère” : la messe est un mystère.
- 2. Mais la messe est aussi un vrai sacrifice, qui n’est pas un autre que l’unique sacrifice de Jésus-Christ, renouvelé de manière non-sanglante sur l’autel.
Sacrement et sacrifice.
La messe est un sacrement
C’est dans la messe, déploiement liturgique organisé et réglé depuis les origines par la tradition de l’Eglise, que se réalise le sacrement de l’eucharistie. Les rites et cérémonies de la messe sont comme l’écrin dans lequel se présente à nous le joyau du sacrement : leur beauté et leur symbolique profonde permettent d’en mieux percevoir le prix. La liturgie a en effet pour fonction de rendre manifeste à l’intelligence des hommes, atteinte par le biais de leur cinq sens, la réalité invisible de grâce produite par les sacrements. Parmi ceux-ci, celui qui se donne dans le cadre le plus richement développé est le plus grand : l’eucharistie, dont saint Thomas nous dit qu’elle n’est pas un don de Dieu, un canal de la grâce, mais l’auteur même de la grâce, Dieu qui se donne à nous directement.
La messe est donc un sacrement, qui se réalise dans le miracle de la double transsubstantiation. Prenons le temps de bien expliquer ce mot très beau mais un peu singulier : à la messe, renouvelant l’action accomplie par le Christ le soir du jeudi saint, à la cène, le prêtre prend le pain et le vin et prononce les paroles de la consécration, à travers lesquelles se rendent présent le corps et le sang de Jésus. L’efficacité de ces paroles, puisque ce sont celles du Christ, est vraiment miraculeuse : à l’instant même où elles sont prononcées, il n’y a plus de pain, ni ensuite de vin, mais seulement le corps et le sang du Seigneur. Cependant ce miracle s’accomplit à un niveau intérieur invisible : l’apparence extérieure, ce que la philosophie désigne sous le nom d’accidents, c’est à dire ce qui peut changer dans une réalité sans que celle-ci perde son identité, ne change pas. C’est pourquoi on ne parle pas de transformation, un mot qui pourrait laisser entendre qu’un changement serait visible au niveau de la forme extérieure, mais de transsubstantiation. Ce qui change, c’est l’intérieur de la réalité, ce qui la définit en elle-même, la substance : ce qui se tient sous (substrat) les accidents, ce qui ne change pas quand l’extérieur se modifie.
La messe est un sacrifice
Ce qui se réalise à travers le miracle de la double transsubstantiation, dans le sacrement de l’eucharistie, c’est le renouvellement non-sanglant du sacrifice du Christ. Sommet des sacrements, la messe rend présent l’acte par lequel le Christ offrit librement sa vie pour racheter les péchés du monde. Son renouvellement permet aux hommes d’accueillir librement les mérites du sacrifice du Christ.
C’est dans le double miracle de la transsubstantiation que se réalise le mystère du renouvellement du sacrifice de Jésus : lorsque le prêtre prononce les paroles de la consécration sur le pain puis sur le vin, ils deviennent substantiellement, l’un puis l’autre, le corps et le sang du Christ. Ainsi, après la consécration, le corps et le sang du Seigneur sont présents réellement, substantiellement, mais séparément sur l’autel : or lorsque le corps et le sang d’une personne sont séparés, c’est bien sûr qu’elle est morte. Par la double transsubstantiation, qui sépare sacramentellement le corps et le sang du Seigneur, est représentée sa mort librement acceptée pour nous sauver. Le sacrement de l’eucharistie est réalisé à la messe dans un mystère, qui renouvelle de manière non sanglante, sacramentelle, le sacrifice de Jésus sur la croix.
Les rites de la messe
Ce mystère et ce miracle se réalisent concrètement au cours d’une cérémonie dont les rites sont l’héritage multiséculaire de l’Eglise : la liturgie est la prière officielle par laquelle la société des fidèles, unie au Christ son époux et sa tête, rend gloire à son Dieu, souverain et maître. Les rites que déploie la liturgie, ensemble de gestes et de paroles qui expriment et manifestent la réalité invisible du mystère qui s’opère dans les sacrements, sont comme l’écrin qui entoure, protège et met en valeur le diamant invisible par lequel est produite et communiquée la grâce. Les cérémonies de la messe romaine traditionnelle puisent leur origine dans la liturgie des Apôtres et de l’Eglise primitive, latinisée à Rome autour du IIIème et IVème siècle et développée dans la cour pontificale.
Malgré les importantes différences qui semblent séparer les rites de l’église latine et ceux des 23 églises orientales, le noyau de la messe est donc toujours le même, ce renouvellement sacramentel, c’est à dire symbolique et invisible, mais bien réel, du sacrifice du Christ. La messe se déploie invariablement en quatre parties : la préparation et l’instruction, l’offertoire, la consécration et la communion.
Ces quatre parties, on les distingue historiquement aussi en deux moments appelés d’abord messe des catéchumènes : la préparation et l’instruction préalable au sacrifice, auxquelles tous pouvaient assister, même ceux qui n’étaient pas encore baptisés, au titre de leur initiation et de leur catéchèse ; puis vient la messe des fidèles ou des saints, où s’accomplit le sacrifice renouvelé dans l’offertoire, la consécration et la communion. Pour cette seconde partie, dans l’Eglise primitive, les catéchumènes étaient renvoyés, le diacre leur demandant de quitter l’église après l’évangile, car ils n’étaient pas encore suffisamment initiés, et surtout parce qu’ils n’avaient pas encore reçu le caractère baptismal qui nous rend capables de nous unir intérieurement au renouvellement sacractementel du sacrifice.
Ajoutons encore un mot sur les rites de la messe : ils forment un écrin antique et majestueux, mais pas poussiéreux, qui met en valeur le diamant du sacrement et nous aide à mieux le comprendre. La liturgie ne s’adresse ainsi pas seulement à l’intelligence, elle touche aussi notre âme par l’intermédiaire des sens, pour nous élever vers le mystère qui dépasse absolument notre entendement. Nous aimons les rites de la messe traditionnelle parce qu’ils mettent bien en avant la transcendance de l’action accomplie dans l’enveloppe liturgique, insistant particulièrement sur son caractère sacrificiel, avec le déploiement des prières et des gestes de l’offertoire, sur la spécificité du ministère sacerdotal agissant in persona Christi, dans la personne même du Christ, et sur le réalisme de la présence réelle sous les espèces consacrées. Les rites qui constituent aujourd’hui la messe latine traditionnelle ne datent pas de saint Pie V et du concile de Trente, bien qu’on l’appelle parfois messe tridentine, c’est simplement à cette occasion que son usage fut étendu de manière quasi-obligatoire à toute l’Eglise d’occident, afin d’unifier la pratique liturgique. En réalité ces cérémonies nous font remonter bien avant, jusqu’aux origines apostoliques : bien sûr, saint Pierre, saint Paul et saint Jean ne célébraient pas la messe en latin, ni avec encensoir, calice baroque et chasuble de drap d’or, mais le déploiement des rites dont nous héritons aujourd’hui n’est que le développement homogène de cette expression suprême de la prière de l’Eglise qu’est la liturgie. Dans les années 1960, à une époque où certains prétendaient revenir aux pratiques primitives pour purifier les rites de prétendues impuretés baroques, le bon sens d’un vieil anglais, John Ronald Tolkien, s’exprimait dans une lettre à son fils, à qui il faisait remarquer que comme un arbre, la liturgie latine s’était déployée et purifiée à partir d’une petite graine originelle, sans pourtant lui faire aucune infidélité, car ces virtualités étaient déjà contenues dans le premier noyau. Il relevait en revanche l’inanité des tentatives de retour en arrière, fondées sur un archéologisme érudit mais peu réaliste : on aura beau déraciner l’arbre, disait-il, on ne retrouvera jamais la graine, car la graine est devenue cet arbre[62]J.R.R. Tolkien, Lettres, n°306 : “There is no resemblance between the ‘mustard-seed’ and the full-grown tree. For those living in the days of its branching growth, the Tree is the … Continue reading.
Conclusion
Ayant donc bien en tête la nature profonde de la messe, enracinés dans la foi en la parole divine de Jésus, par la vertu de laquelle est réellement renouvelé le sacrifice de la croix à travers les rites développés par l’Eglise depuis ses origines, nous devons chercher à mieux connaître et mieux aimer la liturgie, pour goûter toujours plus intensément et intérieurement le déploiement des mystères sacrés dans l’écrin rituel multiséculaire de la tradition latine. Renouvelons notre esprit de foi pour voir toujours plus l’invisible au-delà du visible, le spirituel au-delà du concret, et vivre réellement de la vie liturgique, dans laquelle bat vraiment le coeur de l’Eglise.
Pour aller plus loin
Catéchisme de l’Eglise Catholique, Deuxième partie, Deuxième Section, Article 3 (nn°1322-1419).
Catéchisme du Concile de Trente, chapitre 18.
Les Trois Blancheurs, Année V, “Les sacrements”, Leçons 17 et 18.
Les Trois Blancheurs, Année VIII, “L’Espérance”, Leçon 9.
Saint Thomas d’Aquin, Somme Théologique, IIIa Pars, qq. 73-81.
Charles Journet, La messe
Joseph Ratzinger, L’esprit de la liturgie
Dans la Bible
Evangile selon saint Matthieu, chapitre 26
Evangile selon saint Marc, chapitre 14
Evangile selon saint Luc, chapitre 22
1ère épitre aux Corinthiens, chapitre 11
Ecouter : Episode 19 – Le petit caté pour les grands
Episode 19 : La pénitence/confession
Tout le monde sait bien que le moment de ce sacrement est difficile à vivre, mais le catéchisme du concile de Trente le désigne « comme un arbre dont les racines sont amères, mais dont les fruits sont plein de douceurs ». Oui, car c’est celui qui remet la joie surnaturelle dans l’âme par le pardon des péchés et l’amitié retrouvée avec Dieu.
Ce sacrement est désigné par plusieurs noms : pénitence comme je l’ai dit, car il est lié à la vertu de pénitence, comme nous le verrons. C’est le terme utilisé par le Catéchisme du Concile de Trente et par le rituel ancien. Il est aussi appelé « confession », car l’on confesse ses péchés, c’est-à-dire qu’on reconnait et accuse ses péchés, c’est le sens du mot confession : « reconnaitre ». Il est aussi parfois appelé sacrement de la « réconciliation » car le péché nous coupe de Dieu et nous sépare de son amitié.
Le péché
Commençons par rappeler brièvement ce qu’est le péché. Le péché, c’est quand nous faisons quelque chose de mal volontairement. On sait que c’est mal, et on le fait quand même. Pourquoi ? car dans le fond on se préfère à Dieu, et donc on s’érige le droit de décider que nos désirs deviennent la référence du bien et du mal.
On parle de conversion du cœur vers la créature en se détournant du créateur[63]Saint Thomas d’Aquin, Somme Théologique, IaIIae Pars, q. 72, a. 6, ad2m.. Bref, dans le péché il est question d’une finalité : vers quoi je me tourne, qu’est-ce que je veux : Dieu, ou moi, ou mon plaisir ou une quelconque créature. Cette finalité, c’est ce que je veux, ce que j’aime par-dessus tout. Le péché nous fait préférer quelque chose à Dieu, et le péché est d’autant plus grave que cette chose est mal.
Péché mortel et péché véniel
On distingue deux sortes de péchés : les péché mortels, et les péchés véniels.
Les péché mortels son appelés ainsi car ils tuent complétement la grâce de Dieu en nous : le péché s’installe et chasse la grâce, nous ne vivons plus en Dieu, nous avons quitté son amitié.
Le péché véniel, lui, est une offense qui ne nous coupe pas complétement de Dieu, et en ce sens, il est moins grave que le péché mortel.
On distingue 3 conditions du péché mortel :
- il faut que ce que l’on fasse soit grave. Par exemple tuer, bien entendu, mais aussi voler une chose ayant une certaine valeur, etc.
- il faut savoir que ce péché est grave. Par exemple, si on ignore sans faute de notre part, que la contraception est une faute grave, on ne remplit pas cette deuxième condition.
- il faut, en le sachant, vouloir le faire quand même.
Après ces distinctions, rappelons-nous humblement notre faiblesse humaine. Il n’y a pas lieu de s’étonner de pécher car nous sommes marqués par les conséquences du péché originel. Même après le baptême.
Mais Dieu aussi se rappelle de notre faiblesse, et c’est pour cela qu’il a institué le sacrement de pénitence.
De la vertu au sacrement
Qu’est-ce que la pénitence ? Avant d’être un sacrement, elle est une vertu. Le Catéchisme du Concile de Trente note : « si on ne connait d’abord la vertu de pénitence, il est impossible de bien comprendre l’efficacité du sacrement. » or « cette pénitence intérieure consiste à retourner à Dieu du fond du cœur, à détester sincèrement les péchés que nous avons commis, et à être fermement décidés et absolument résolus à réformer nos mauvaises habitudes et nos mœurs corrompues. » Bref on se repend d’un tel acte : la chose qui nous été agréable auparavant commence à nous déplaire. Elle débouchera sur la contrition, qui veut dire littéralement « un brisement, comme une pierre qu’on écrase » et qui sera essentielle au sacrement.
Pour nous donner le pardon de nos péchés, suite à cette repentance, notre Seigneur a institué la confession, notamment lorsqu’il a dit à ses apôtres après sa résurrection : (Jn 20, 22) : « recevez l’Esprit Saint : Ceux à qui vous remettrez les péchés, ils leur seront remis ; ceux à qui vous les retiendrez, ils leur seront retenus. » et depuis ce jour, les prêtres (qui en ont reçu les pouvoirs de l’évêque), peuvent remettre les péchés au nom de Dieu. Dieu seul remet les péchés, mais les prêtres peuvent le faire au nom de Dieu.
Matière et forme de ce sacrement
Pour la forme du sacrement, cela est facile : ce sont les paroles même du prêtre lorsqu’il dit : « je t’absous de tes péchés au Nom du Père et du Fils et du Saint Esprit »[64]“Ego te absolvo a peccatis tuis, in nomine Patri, et Filii, et Spiritu Sancti.”.
Pour la matière, ce sacrement a cette particularité de d’avoir, non pas une chose matérielle, mais la matière consiste dans les actes mêmes du pénitent. Ces actes sont au nombre de trois : La contrition, l’accusation, et la satisfaction.
La contrition, c’est le regret du péché, un vrai repentir de l’avoir commis, la volonté de prendre les moyens de ne plus recommencer, et aussi de le réparer comme on peut notre faute. Le concile de Trente définit : « la contrition est une douleur de l’âme et une détestation du péché commis, avec un ferme propos de ne plus pécher à l’avenir. » « Ce mouvement prépare la rémission des péchés, pourvu qu’il soit accompagné de la confiance en la miséricorde de Dieu. »
Cette contrition est absolument nécessaire : sans ce regret sincère des péchés, sans ce repentir, sans cette vertu de pénitence, notre cœur reste fermé à la grâce et au pardon de Dieu : le sacrement ne peut rien pour nous. Il faut donc commencer par cette première étape.
La seconde étape de la matière est l’accusation de nos péchés, au moins de tout nos péchés mortels, en précisant leur nombre. C’est cette partie qui consiste précisément dans la confession.
Le troisième acte qui fait la matière est la satisfaction, c’est-à-dire la réparation de nos fautes par une petite pénitence donnée par le prêtre. Comme elle est régulièrement omise aujourd’hui, rappelons ce que disait le catéchisme de Trente : « la pénitence est tellement composée de ces trois parties que si la contrition et la confession qui justifient le pécheurs sont seules requises d’une manière absolue pour la constituer en son essence, elle n’en reste pas moins nécessairement imparfaite et défectueuse, quand elle ne possède point en même temps la satisfaction. »
Effets du sacrement
Regardons maintenant les effets de ce sacrement, pour nous motiver à le recevoir souvent.
Premièrement, il efface de nos âmes tous les péchés, quels qu’ils soient et aussi nombreux qu’ils soient, à condition de les regretter. Notre âme redevient blanche comme la neige.
Secondement, et dans le même mouvement, il nous redonne la grâce si nous l’avions perdue, et la fortife si nous l’avions encore.
« Ce sacrement nous rétablit dans la grâce de Dieu et nous unit à lui par une étroite amitié ». On parle alors de « réconciliation ». De plus cette grâce spéciale reçue dans le sacrement nous aidera particulièrement à combattre ces péchés que nous avons accusé et que nous détestons maintenant.
Et pour terminer, le catéchisme note que le sacrement donne une paix profonde, une tranquillité parfaite de conscience jusqu’à la joie de l’Esprit saint.
Nécessité du sacrement
Rappelons d’abord que l’Église nous demande de nous confesser au minimum une fois par an.
Ce sacrement est-il nécessaire au salut ? Oui et non. Non, si nous ne commettons plus de péché après notre baptême. Mais en raison de la faiblesse humaine, il reste nécessaire au salut relativement au fait du péché mortel. « Tout homme coupable d’un péché mortel ne peut revenir à la vie de la grâce que par la confession sacramentelle. » « La pénitence n’est pas moins nécessaire pour le salut à ceux qui pèchent après le baptême, que le baptême à ceux qui ne sont pas encore régénérés. »
Bref, la confession est nécessaire après chaque péché mortel.
Mais elle est utile aussi pour les péchés véniels car elle nous aide à les combattre efficacement, et par là à devenir un saint. « C’est donc un remède que je ne dois pas renvoyer à plus tard. »
Pour aller plus loin
Catéchisme de l’Eglise Catholique, Deuxième partie, Deuxième Section, Article 4 (nn°1422-1498).
Catéchisme du Concile de Trente, chapitres 21-24.
Les Trois Blancheurs, Année V, “Les sacrements”, Leçons 13 à 16.
Les Trois Blancheurs, Année VIII, “L’Espérance”, Leçons 11 et 12.
Saint Thomas d’Aquin, Somme Théologique, IIIa Pars, qq. 84-90.
Dans la Bible
Evangile selon saint Matthieu, chapitre 9 (guérison du paralytique),
Evangile selon saint Marc, chapitre 2 (idem),
Evangile selon saint Luc, chapitre 5 (guérison du paralytique) et 15 (paraboles de la miséricorde),
Evangile selon saint Jean, chapitre 20 (envoi du Saint-Esprit)
Ecouter : Episode 20 – Le petit caté pour les grands
Episode 20 : L’extrême-onction
Comme son nom l’indique, ce sacrement est celui de la dernière onction. Si notre première onction, reçue au baptême, nous faisait prêtre, prophète et roi, cette dernière nous fait devenir, à l’image du Christ sur la croix, victime expiatoire. Par cette onction, nous sommes conformés au Christ souffrant, participant avec lui à la rémission des péchés, en premier lieu des nôtres, mais aussi de ceux du corps mystique de Notre Seigneur, dont nous sommes membres.
Les effets du sacrement
Au lieu que les souffrances du malade se perdent dans l’absurdité du mal, une vertu propitiatoire sacramentelle leur est appliquée. Cela signifie que, grâce au sacrement d’extrême-onction, qui efface les péchés et remet les peines dues au péché, au moins partiellement, Dieu est à nouveau rendu propice, favorable, bien disposé envers l’individu.
Le complément de la pénitence
On dit que l’extrême-onction est le complément de la pénitence, car elle permet au malade de satisfaire dans son corps les peines non encore acquittées mais déjà pardonnées par la confession.
Ce sacrement, contrairement à celui de pénitence, est un sacrement des vivants, c’est-à-dire qu’il se reçoit en état de grâce. C’est pourquoi le malade, s’il en a la possibilité, doit se confesser avant de recevoir ce sacrement. Néanmoins, si la confession était impossible, par exemple si la personne était dans le coma, mais qu’elle possédait la contrition habituelle de ses fautes, ses péchés, même mortels, lui seraient pardonnés.
L’autre effet de ce sacrement est de guérir les « restes du péché », c’est-à-dire les conséquences ou séquelles que le péché laisse dans l’âme et dans la vie de la personne, même après que la faute elle-même a été pardonnée. Ces “restes” ne sont pas des péchés en eux-mêmes, mais des dispositions désordonnées ou des fragilités qui inclinent encore au mal. Le sacrement vient alors les corriger, les guérir.
Le sacrement du passage
Tous ces effets découlent du but ultime de ce sacrement : préparer le chrétien à faire une bonne mort, c’est-à-dire à se présenter devant son Créateur avec une âme pure, dégagée de tout péché et de toute entrave à la grâce. Ce sacrement prépare tout simplement le fidèle à l’entrée prochaine dans la gloire, fin dernière de tout chrétien.
Pour cela, non seulement ce sacrement conforme le malade au Christ souffrant, rendant propitiatoires et satisfactoires ses souffrances, mais il lui donne aussi les grâces nécessaires pour vivre ce dernier acte de bravoure spirituelle dans les meilleures conditions possibles. Ainsi, l’Extrême-Onction procure au malade la paix de l’âme, la fermeté dans la foi, la confiance dans la grâce et les secours divins, ainsi qu’un amour inébranlable pour Dieu.
De même que l’huile naturelle est utilisée pour adoucir les maux, de même l’huile des malades est utilisée pour adoucir les maux spirituels qui peuvent assaillir l’âme dans la maladie et la fin de vie (angoisse face au salut, tentations ultimes du démon, rébellion due à la souffrance).
Cette huile confère de véritables grâces de réconfort et de persévérance dans la foi et les vertus chrétiennes en ôtant ou éloignant de l’âme ce qui empêche encore de jouir parfaitement de la gloire divine.
Le sacrement de la guérison des malades
Néanmoins, la meilleure préparation à cette gloire finale peut passer, selon la volonté et la préscience de Dieu, par la guérison du corps. La guérison physique peut être un effet de ce sacrement, que l’on appelle aussi sacrement des malades :
« Quelqu’un parmi vous est-il malade ? Nous dit saint Jacques dans son épitre, qu’il appelle les presbytres de l’Église et qu’ils prient sur lui après l’avoir oint d’huile au nom du Seigneur. La prière de la foi sauvera le patient et le Seigneur le relèvera. S’il a commis des péchés, ils lui seront remis » (Jc 5, 14-15).
Cependant, cette guérison, contrairement à l’effet propitiatoire, n’est pas assurée ; elle dépend de la volonté divine en vue du bien spirituel du malade.
Matière et forme du sacrement
Comme tout sacrement, l’Extrême-Onction a une matière et une forme. La matière est l’huile des malades, bénite par l’évêque le Jeudi saint. Cette matière est appliquée en forme de croix sur les organes par lesquels nous avons péché pendant notre vie : les yeux, les oreilles, les narines, la bouche, les mains et les pieds. La forme consiste en les prières que le ministre prononce en faisant les onctions :
« Par cette sainte onction et par sa très douce miséricorde, que le Seigneur vous pardonne tous les péchés que vous avez commis, par … (il ajoute ici le nom du sens sur lequel il fait l’onction) : la vue, l’ouïe, l’odorat, le goût et les paroles, le toucher et les démarches. »
Ministre et sujet du sacrement : faut-il être en danger de mort ?
Le ministre de ce sacrement est bien évidemment tout prêtre validement ordonné. En revanche, pour être sujet valide de ce sacrement, il ne suffit pas d’être malade ; il faut l’être d’une maladie qui mène à la mort (la vieillesse peut être équiparée à une maladie mortelle en fonction de l’état de santé de la personne).
En revanche, le danger de mort sans maladie ne rend pas apte à recevoir ce sacrement ; on ne peut donc pas “extrémiser” des militaires avant un assaut. De plus, seuls les adultes, c’est-à-dire les personnes ayant atteint l’âge de raison, peuvent le recevoir, car ce sacrement est d’abord destiné à remettre les péchés et les peines dues au péché. On ne le donne donc qu’à ceux qui ont pu offenser Dieu durant leur vie.
Concernant le renouvellement de ce sacrement, on ne peut recevoir l’Extrême-Onction qu’une seule fois dans la même maladie. Mais si, après une convalescence, on retombe en danger ou si l’on contracte une autre maladie grave, on pourra renouveler, même plusieurs fois, ce sacrement. Il va sans dire que le sacrement d’Extrême-Onction présuppose le baptême.
Les indulgences
Il me reste maintenant à dire un petit mot sur les indulgences. Une indulgence est la remise devant Dieu de la peine temporelle due aux péchés déjà pardonnés. En d’autres termes, lorsque l’absolution sacramentelle efface la faute, il reste, en justice, une peine temporelle à satisfaire pour réparer l’offense faite à Dieu. L’indulgence, comme le sacrement d’extrême-onction, vient satisfaire partiellement ou totalement cette peine temporelle. La raison en est qu’en tant que, membres du corps mystique du Christ, peuvent nous être appliqués les mérites infinis de Notre Seigneur ainsi que ceux des saints. C’est ce qu’on appelle la communion des saints.
Pour les recevoir, il faut être en état de grâce, accomplir l’œuvre prescrite, avoir le cœur détaché de tout péché, même véniel, se confesser, recevoir la communion et prier aux intentions du pape dans les huit jours avant ou après l’accomplissement de l’œuvre.
Enfin, les indulgences peuvent être appliquées pour soi-même ou pour les âmes du purgatoire, et une indulgence plénière ne peut être obtenue qu’une fois par jour, sauf en cas de danger de mort, tandis que les indulgences partielles peuvent être obtenues plusieurs fois dans une même journée.
Comme exemple d’œuvre pouvant obtenir une indulgence plénière nous avons : l’adoration eucharistique : Passer au moins 30 minutes en adoration devant le Saint-Sacrement, la récitation du chapelet : Réciter le chapelet en famille, dans une communauté, ou devant le Saint-Sacrement exposé ou dans le tabernacle, la lecture de la Sainte Ecriture : Lire la bible pendant au moins 30 minutes avec dévotion, l’accomplissement du Chemin de Croix dans une église ou un lieu consacré. Et la prière de l’Angelus ou du Regina Caeli trois fois dans la journée.
Ainsi, l’Eglise dans sa grande sagesse et sa grande bonté, en tant que dépositaire du trésor de grâce du Christ et de ses membres, donne à ses fidèles tous les moyens à sa disposition pour atteindre le Ciel de la manière la plus aisée possible. Elle favorise la remise des péchés et la satisfaction des peines à tous ceux qui les demandent sincèrement. Tout cela afin que chaque fidèle puisse se présenter pure et saint devant Dieu au jour de son jugement.
Pour aller plus loin
Catéchisme de l’Eglise Catholique, Deuxième partie, Deuxième Section, Article 5 (nn°1499-1532).
Catéchisme du Concile de Trente, chapitre 25.
Les Trois Blancheurs, Année V, “Les sacrements”, Leçons 25 et 26.
Les Trois Blancheurs, Année VIII, “L’Espérance”, Leçon 13.
Saint Thomas d’Aquin, Somme Théologique, Supplementum, qq. 29-33.
Dans la Bible
Epitre de saint Jacques, chapitre 5.
Ecouter : Episode 21 – Le petit caté pour les grands
Episode 21 : Le sacrement de l’ordre
Institution du sacrement de l’Ordre
Le soir du Jeudi saint à la Cène, « Jésus sachant que son heure était venue de passer de ce monde à son Père » (Jn 13, 1), institue le sacrement de son amour, l’Eucharistie, en disant à ses apôtres « faites ceci en mémoire de moi ». Il leur donne donc un ordre (célébrer la messe) tout en leur donnant les moyens de l’accomplir (sacrement de l’ordre). Par ce sacrement qu’il institue, Jésus consacre ainsi les prêtres en leur donnant le pouvoir d’accomplir les fonctions sacrées et la grâce requise pour les exercer saintement.
Déjà dans l’Ancien-Testament, Dieu avait choisi parmi les douze tribus d’Israël, celle de Lévi pour le service liturgique.
Ce sacerdoce de l’ancienne alliance avait pour fonction de proclamer la parole de Dieu et de rétablir la communion avec Lui, par les sacrifices et la prière. Cependant, ce sacerdoce était incapable d’accomplir le salut car seul le sacrifice du Christ pouvait l’obtenir.
Toutes les préfigurations du sacerdoce de l’ancienne Alliance trouvent leur accomplissement dans le Christ Jésus, “l’unique médiateur entre Dieu et les hommes” qui par « une oblation unique a rendu parfaits pour toujours ceux qu’il sanctifie » (Hb 10, 14).
Les raisons de l’institution et la figure du prêtre
Nous sommes séparés de Dieu par le péché originel et Jésus est venu sur terre nous réconcilier avec le Père. C’est le mystère de l’Incarnation et celui de la Rédemption qui nous font contempler le Christ assumant nos fautes et les expiant sur le bois de la Croix pour nous obtenir le pardon. Le prêtre étant un « autre Christ », il est le ministre de cette réconciliation et nous dispense aujourd’hui les grâces alors acquises par Notre-Seigneur sur la Croix.
Dans ce cadre, le prêtre est par excellence l’homme du sacrifice. Il va accomplir, renouveler et distribuer les fruits du sacrifice réconciliateur du Christ. Il doit ainsi sanctifier les âmes qui lui sont confiées. Son premier rôle est de célébrer la messe. Le vocabulaire exprime bien cette réalité : il offre le sacrifice. C’est un mouvement ascendant : il fait du sacré.
Revêtu du sacerdoce par le sacrement de l’ordre, son rôle secondaire est de disposer les âmes à recevoir l’Eucharistie, à s’unir au Christ. Le terme même évoque ce mouvement descendant. Sacerdoce : le prêtre donne le sacré. Il donne Dieu aux âmes.
Le prêtre doit être le miroir dans lequel les âmes voient le ciel. « Montre-moi le chemin d’Ars, je te montrerai le chemin du ciel » disait le Curé d’Ars. C’est pourquoi il peut aussi être appelé un pontife car il est le pont, le lien entre Dieu et les hommes qui se sont coupés de l’amour par le péché. Saint Paul dira même « nous sommes les ambassadeurs du Christ » (2Co 5, 20).
Sa fonction, le prêtre la tient du Christ qui est prophète et peut donc enseigner. Prêtre et peut sanctifier. Roi et a le pouvoir de gouverner. Ces trois pouvoirs Jésus les a confiés à l’Eglise. Ce sont le Magistère, l’Ordre et le Gouvernement.
Par le sacrement de l’ordre, Jésus donne à tous ses ministres le pouvoir de sanctifier. L’Eglise elle, donne à son clergé une juridiction qui permet d’exercer les pouvoir d’enseignement et de gouvernement.
L’Ordre est constitué de trois degrés : l’évêque qui est revêtu de la plénitude du sacerdoce, le prêtre et le diacre (étymologiquement le serviteur).
Matière et forme du sacrement
C’est au cours de la messe d’ordination sacerdotale que le diacre (matière éloignée) est ordonné prêtre lors de la préface consécratoire (forme) en recevant l’imposition des mains (matière prochaine) de l’évêque (ministre du sacrement)
Le sujet est l’homme baptisé, ayant une intention droite, des dispositions nécessaires et une volonté ferme de servir le Seigneur. Il faut aussi un appel de l’Eglise. Le jeune homme en effet répond à un appel (vocation) et s’engage. Mais l’Eglise aussi s’engage au terme de la formation au séminaire en l’appelant aux ordres si toutes les conditions sont remplies.
« Ce n’est pas vous qui m’avez choisi, mais c’est moi qui vous ai choisis ; et je vous ai institués … » (Jn 15, 16). C’est le bon Dieu qui appelle « et nul ne s’arroge cette dignité » (Hb 5, 4) Comme l’illustre parfaitement le châtiment de Coré, Dathan et Abiron. Ayant usurpé cette prérogative du sacerdoce : « le sol se fendit sous eux. La terre s’entrouvrit et les engloutit ainsi que leurs familles … » (Nb 16).
Les effets du sacrement
Le premier des effets de ce sacrement est le caractère indélébile qui configure le prêtre au Christ. En effet le Christ qui est la personne du Verbe a assumé la nature humaine par l’Incarnation. On parle d’union hypostatique pour manifester l’union des natures humaine et divine dans l’unique personne du Christ. La divinité agit donc à travers l’humanité comme quand le Christ fait un miracle.
L’humanité du Christ jouit ainsi de la plénitude de la vision béatifique et possède la plénitude de la grâce sanctifiante. Le prologue de saint Jean l’affirme : « il est plein de grâce et de vérité » avant d’ajouter « et de sa plénitude nous avons tout reçu » (Jn 1, 16). Cela signifie que Dieu se donne à nous. Sa grâce se communique à travers le prêtre qui est le dispensateur des mystères de Dieu.
Certes comme tout baptisé le prêtre est uni au Christ par la grâce sanctifiante. Cependant le caractère éternel du sacerdoce, permet qu’il soit uni aussi à la grâce d’union hypostatique du Christ. C’est pourquoi quand il dit « ceci est mon corps » ou « j’absous tes péchés », c’est la puissance divine du Christ qui agit à travers lui. On dit même qu’il agit « in persona Christi ».
Le second effet est l’augmentation de la grâce sanctifiante, permettant au prêtre, tel le bon pasteur, d’éclairer au mieux les fidèles, de les sanctifier et les guider jusqu’au verts pâturages du Ciel.
Enfin, il reçoit une grâce sacramentelle. Une grâce propre, à savoir une aide particulière, quotidienne, pour l’accompagner dans l’exercice des fonctions sacerdotales.
La vie religieuse
L’ordre est un sacrement social. Il n’a pas pour but de sanctifier le prêtre d’abord mais de permettre que le Christ agisse et touchent les âmes à travers lui. Ceci contrairement aux religieux qui entrent dans telle ou telle communauté avant tout pour œuvrer à leur propre sanctification, pour s’unir à Dieu et pour répondre à la demande du Christ « soyez parfaits comme votre Père céleste est parfait » (Mt 5, 48) en observant les conseils évangéliques : les vœux de pauvreté, chasteté et obéissance.
L’Evangile nous rapporte l’histoire d’un jeune homme riche qui vint un jour trouver Jésus et lui demanda : « Bon maître, que dois-je faire pour obtenir la vie éternelle ? » Notre-Seigneur lui répondit : « observe les commandements. » Le jeune homme répliqua : ” J’ai observé tous ces commandements ; que me manque-t-il encore ? “ Jésus lui dit : ” Si tu veux être parfait, va, vends ce que tu possèdes, donne-le aux pauvres, et tu auras un trésor dans les cieux ; puis, viens et suis-moi » (Mt 19 ; Lc 10). C’était l’appel à la vocation religieuse lancé dans le regard d’amour de Jésus sur cette âme.
La vie religieuse est une “école de perfection” nous dit saint Thomas, c’est-à-dire une forme de vie chrétienne organisée en vue de conduire les âmes à la parfaite observance des commandements de Dieu. Ainsi Notre-Seigneur en invite certains à vivre spécifiquement dans cette perspective, en leur offrant un moyen “plus facile, plus sûr, plus rapide” qui est celui de la vie consacrée précise le docteur commun.
Pour aller plus loin
Catéchisme de l’Eglise Catholique, Deuxième partie, Deuxième Section, Article 6 (nn°1536-1600).
Catéchisme du Concile de Trente, chapitre 26.
Les Trois Blancheurs, Année V, “Les sacrements”, Leçons 27 et 28.
Les Trois Blancheurs, Année VIII, “L’Espérance”, Leçon 14.
Les Trois BLancheurs, Année IX, “La Charité”, Leçon 8 (annexe).
Saint Thomas d’Aquin, Somme Théologique, Supplementum, qq.34-40.
Pie XI, encyclique “Ad catholici sacerdotii“
Jean XXIII, encyclique “Sacerdotii Nostri Primordia”
Dans la Bible
Evangile selon saint Matthieu, chapitre 26.
Evangile selon saint Jean, chapitres 15 et 17.
Ecouter : Episode 22 – Le petit caté pour les grands
Episode 22 : Le mariage
En dépit de certaines hérésies qui le tinrent pour une perversion, le mariage est une réalité naturelle bonne, que Jésus-Christ voulut sanctifier en l’élevant au rang de sacrement de l’Eglise. Le mariage est ainsi à la fois une réalité naturelle, et un sacrement.
Le mariage comme réalité naturelle
Au premier abord, le mariage est une réalité naturelle, une institution sociale que l’on retrouve dans toutes les communautés humaines. La vocation au mariage est dite naturelle : elle est inscrite dans notre nature même. La relative diversité des manifestations historiques et culturelles du mariage ne doit pas faire oublier les éléments communs et stables qui appartiennent à sa définition.
On parle parfois des deux propriétés et des deux (ou trois) fins du mariage, ou encore des cinq piliers. Au plan de la nature, le mariage a des buts qui participent de sa définition : il est une communauté qui a pour but la transmission de la vie, le soutien mutuel des époux et apporte un remède à l’égoïsme qui désordonne nos facultés. Ces finalités permettent d’établir les deux caractéristiques essentielles du mariage au plan naturel : il est indissoluble (comme l’exigent le cadre de transmission de la vie et de soutien mutuel des époux) et unique (un seul homme s’y allie à une seule femme). Lorsque l’on parle des cinq piliers, on ajoute à la fécondité et la fidélité, à l’unité et à l’indissolubilité que nous venons de mentionner la liberté du consentement, qui fait la base du mariage.
Ce dernier est en effet une alliance, un don mutuel et entier, sans retour, qui repose sur l’échange libre et éclairé des consentements des époux.
Puisque le mariage, au plan de la nature, présente toutes ces caractéristiques, qui appartiennent à sa définition même, l’Eglise respecte et reconnaît le mariage de tout être humain, même des non-chrétiens, comme une réalité en un certain sens sacrée, indissoluble. C’est pourquoi elle défend envers et contre tous ces propriétés essentielles, qui relèvent de la nature même de l’alliance matrimoniale : unité, indissolubilité, fidélité, ouverture à la vie. Ce n’est donc pas premièrement au nom de l’évangile mais simplement de la nature humaine que les catholiques peuvent et doivent défendre ces valeurs essentielles, et rejeter ce qui porte atteinte à la nature même du mariage : contraception, divorce, union libre, union de personnes de même sexe…
Le mariage dans la Révélation
Avançons cependant pour porter sur le mariage un regard illuminé par la Révélation. La Bible tout entière est une histoire d’alliance, et cette alliance est bien souvent présentée sous la forme d’un mariage. En fait, du premier au dernier chapitre de l’Ecriture Sainte, littéralement, de Genèse 1 et 2 à Apocalypse 19 et 22, il est question de mariage, d’époux et d’épouse. Le mariage est même considéré par les Pères de l’Eglise comme l’une des images qui éclairent le mystère de la Sainte Trinité. Les récits de la Création et du Péché Originel, dans les trois premiers chapitres de la Genèse, portent un enseignement très profond sur la vocation naturelle de l’homme et de la femme, sur le mariage et sur sa blessure par le péché. L’Eglise, notamment le pape Jean-Paul II, ou encore le Catéchisme, ont longuement médité et commenté ces passages. On y découvre que l’homme et la femme sont créés avec une complémentarité naturelle qui les distingue et les oriente l’un vers l’autre, les invitant à une communauté de vie indéfectible, dont la finalité les dépasse de haut, puisqu’il s’agit de collaborer librement au dessein du Créateur, en devenant pro-créateurs. Le péché vient blesser cette réalité si belle et sainte du plan initial de Dieu : l’acte même du péché et ses conséquences immédiates changent en rivalité et en reproche l’amour qui tournait l’un vers l’autre les époux originels, désormais menacé par la discorde, l’esprit de domination, de jalousie, la tentation d’infidélité. Cette blessure abîme toutes les dimensions de leur relation, et jusqu’au domaine charnel, qui devient une source de tentation et de conflit. Pourtant l’ordre de la création demeure et Dieu ne renie pas ses dons : il promet l’envoi d’un Sauveur et proposera à nouveau sa grâce, qui viendra réparer le désordre, en guérissant en particulier la blessure de l’alliance matrimoniale.
C’est pourquoi l’Ancien Testament comporte un certain nombre de préceptes relatifs au mariage, dont l’insuffisance se fait toutefois sentir, fréquemment rappelée par la bouche des prophètes. Ceux-ci opposent souvent la pauvreté de l’amour des hommes à la générosité inconditionnelle de l’amour divin, en utilisant l’image de l’amour conjugal appliquée à l’alliance de Dieu avec Israël. Ce sont les textes magnifiques d’Osée (Os 1-3), d’Isaïe (Is 54 ; 62), de Jérémie (Jr 2-3), d’Ezéchiel (Ez 16 ; 23) ou encore le grand chant d’amour du Cantique des Cantiques. Les livres de Ruth et de Tobie offrent des témoignages émouvants du sens élevé du mariage, un idéal de tendresse et de fidélité conjugale soumise à Dieu.
Le Nouveau Testament apporte toutefois une véritable révolution dans la réalité matrimoniale : en accomplissant à Cana son premier – et si symbolique – miracle, Jésus affirme d’emblée le respect et la vocation nouvelle des noces. On considère toutefois que c’est lorsqu’il répond à la question des pharisiens au sujet de la possibilité pour un homme de répudier sa femme que Jésus institue véritablement le sacrement du mariage : reprenant le texte de la Genèse, il restaure dans sa pureté l’unité et l’indissolubilité de l’alliance matrimonale et la scelle par sa divine parole : “que l’homme ne sépare donc pas ce que Dieu a uni” (Mt 19, 6). L’action du Christ est explicitée et magnifiquement contemplée par saint Paul, notamment dans le passage – parfois mal compris – de l’épître aux Ephésiens qu’on lit à la messe de mariage (Ep 5). Après y avoir invité tous les chrétiens à se soumettre les uns aux autres par amour pour Dieu, l’Apôtre décline les devoirs respectifs des époux, des épouses, des enfants, des serviteurs, sur le mode de la soumission mutuelle. Pour montrer la grandeur et la dimension surnaturelle du sacrement, il montre que le mariage est une image de l’alliance divine par laquelle le Christ s’unit à l’Eglise en donnant sa vie pour elle : “Maris, aimez vos femmes, comme le Christ a aimé l’Eglise ; il s’est livré pour elle, afin de la sanctifier” (Ep 5, 25-26), ajoutant : “Ce sacrement est grand, je veux dire qu’il s’applique au Christ et à l’Eglise” (Ep 5, 31-32).
La dimension surnaturelle du mariage apparaît clairement si l’on considère la vocation nouvelle du chrétien renouvelé par la grâce : nous ne sommes pas destinés à la terre mais au ciel, et ainsi le soutien mutuel que pourront s’apporter les époux à pour finalité ultime leur sanctification réciproque, et plus encore la transmission de la vie, finalité première du mariage, ouvre à de nouveaux êtres les portes de la vie spirituelle et de l’intimité divine. C’est pourquoi Dieu ne laisse pas la réalité naturelle que constitue le mariage hors des moyens de sanctification qu’il donne à ceux qui deviennent ses enfants par le baptême. Le mariage est donc intégré à l’organisme des sacrements : comme l’ordre, il est un sacrement social, dont les grâces sont reçues pour nous et pour autrui.
Les éléments essentiels du sacrement
Quant aux éléments constitutifs du sacrement, on considère que la matière est le don mutuel que les époux se font l’un à l’autre, en particulier quant au droit relatif à leur propre corps, en vue de poursuivre les fins du mariage ; la forme est l’échange des consentements, réciproquement donnés et reçus par les époux. Les ministres du sacrement sont donc les époux eux-mêmes, qui échangent leurs consentements : le prêtre (ou le diacre) qui assiste officiellement à l’union au nom de l’Eglise et la bénit atteste de la liberté et de l’intégrité du don mutuel. Depuis le Concile de Trente cependant, l’assistance d’un ministre ordonné est nécessaire, sauf en cas d’urgence extrême, pour la validité du sacrement, qui est un acte canonique dûment enregistré par l’Eglise dans ses registres. On demande encore la présence d’au moins deux témoins, qui attestent de la réalité de l’engagement.
L’effet du sacrement est bien sûr de constituer le lien unique et indissoluble du mariage, dont la finalité a été détaillée plus tôt. Mais puisque le mariage est un sacrement, il est également assorti de grâces sacramentelles particulières, ordonnées à la sanctification des époux et pour les aider à accomplir pleinement et saintement les finalités de leur union. Ces grâces ne sont pas limitées au jour de la célébration, au contraire, elles accompagnent le foyer dans toute sa vie commune, dans les joies comme dans les épreuves.
Les vertus du mariage
Nombreuses sont les vertus que fait grandir le sacrement de mariage : il est un véritable et salutaire remède contre l’égoïsme congénital qui blesse notre nature et la recroqueville sur elle-même. En se donnant totalement l’un à l’autre, les époux abandonnent leur volonté et leur intérêt propre pour placer en premier le bien du conjoint et du foyer. Au quotidien, le mariage est une école de renoncement et de joie partagée, autour d’un projet qui participe activement à l’édification du Royaume de Dieu.
Parmi les vertus du mariage, il faut toutefois citer pour conclure la chasteté. D’aucuns penseraient que la chasteté ne concerne plus les époux : au contraire, cette vertu, fille de la tempérance, qui nous permet de maîtriser les appétits de notre corps pour les soumettre à notre raison, s’exerce avec fruit dans le sacrement du mariage, en contribuant à sa vocation essentielle. La chasteté est alors une école du don, la condition de manifestation vraie de l’amour à travers l’union charnelle des époux. En 1968, l’encyclique Humanae Vitae du pape Paul VI rappelait prophétiquement que la beauté et l’intégrité de l’acte conjugal tiennent à l’union indissoluble de ses deux significations naturelles : le témoignage d’amour et l’ouverture au don de la vie. Ces deux dimensions que le Créateur a unies et qui appartiennent à notre essence ne peuvent être séparées sans exercer une violence intolérable et gravement dommageable sur notre nature et notre vocation. Telle est la règle d’or de la chasteté du mariage, école et condition de possibilité du don et de l’amour vrai. Il y a ainsi une chasteté (totale) des personnes célibataires – même fiancées, une chasteté (ouverte à la transmission de la vie et au témoignage de l’amour) des personnes mariées, une chasteté (perpétuelle et consacrée) des prêtres, religieux et religieuses. Une même vertu au service du don et de l’amour. Demandons la grâce de la chasteté véritable, celle qui nous prépare, quel que soit notre état de vie, au mariage final, aux noces éternelles.
Pour aller plus loin
Catéchisme de l’Eglise Catholique, Deuxième partie, Deuxième Section, Article 7 (nn°1601-1666).
Catéchisme du Concile de Trente, chapitre 27.
Les Trois Blancheurs, Année V, “Les sacrements”, Leçons 29 et 30.
Les Trois Blancheurs, Année VIII, “L’Espérance”, Leçon 15.
Saint Thomas d’Aquin, Somme Théologique, Supplementum, qq.41-68.
Pie XI, encyclique “Casti connubii”
Paul VI, encyclique “Humanae Vitae”
Jean-Paul II, exhortation apostolique “Familiaris Consortio“
Dans la Bible
Evangile selon saint Matthieu, chapitre 19.
Evangile selon saint Jean, chapitre 2.
Epitre de saint Paul aux Ephésiens, chapitre 5.
Ecouter : Episode 23 – Le petit caté pour les grands
Episode 23 : La béatitude, fin de la vie chrétienne
Nous entrons dans notre troisième partie du catéchisme. Nous avons d’abord vu ce qu’il faut croire pour aller au ciel : les 12 articles du Credo, qui résument les vérités que Dieu nous a fait connaitre. Nous avons ensuite vu ce qu’il fallait recevoir : la grâce, grâce qui nous est donnée à travers les 7 sacrements, qui nous permettent de mettre notre âme au contact de Dieu.
Nous allons voir maintenant ce qu’il faut faire pour vivre chrétiennement et donc aller au Ciel.
Que faire ?
Que faire ? la foi seule ne suffit pas, mais il faut agir en harmonie avec ce que nous croyons. La foi, et la réception des sacrements sont nécessaires, mais pour être authentique, pour vivre de la grâce, il nous faut encore ajouter quelque chose : tout simplement « faire le bien ».
Nous allons donc entrer maintenant dans la troisième partie classique du catéchisme : la morale chrétienne.
Le but (la fin)
La première chose à considérer lorsqu’on agit, c’est évidemment de savoir pourquoi. Nous agissons toujours en vue d’un but. D’un but que nous estimons bon, un but qui nous attire et qui rend raison de nos démarches. Ce but est appelé « fin » (au sens de finalité). Nous agissons toujours en vu d’une fin. Avant de voir ce que nous allons faire, il faut s’arrêter pour bien saisir cette fin. Nous en agirons d’autant mieux, et plus facilement, et avec plus de joie.
Pourquoi donc s’embêter avec la morale chrétienne ? Nous pouvons donner deux raisons, qui sont comme les deux versants d’une même chose, comme les deux côtés d’une même pièce de monnaie.
La première raison c’est que nous aimons Dieu et que nous voulons l’aimer toujours plus. Si nous aimons Dieu nous voulons ce que Dieu veut. Nous ne pouvons aimer Dieu sans aimer sa volonté. Pourquoi ? Car le propre d’une amitié c’est de vouloir la même chose que son ami, sur les choses essentielles, c’est d’être d’accord sur le bien que nous visons ensemble : ainsi lorsque nous partageons une passion comme celle du rugby, etc. Avec Dieu, nous voulons et nous aimons ce que Dieu aime. L’amitié consiste dans une union des volontés.
« Si vous m’aimez, vous garderez mes commandements » et « Celui qui a mes commandements et qui les garde, c’est celui-là qui m’aime ; or celui qui m’aime sera aimé de mon Père ; et je l’aimerai et je me manifesterai à lui. » (Jn 14, 15 et 21) nous dit Jésus.
Notons bien qu’agir ainsi c’est exercer l’amour de Dieu. Et lorsqu’on exerce l’amour de Dieu, c’est la charité qui est en nous. Cet exercice n’est pas seulement une preuve de charité, mais il augmente en nous l’amour de Dieu, comme la pratique d’un exercice de sport nous rend meilleur dans ce sport.
Notons cependant que dans le domaine de la charité, tout nous vient et ne peut nous venir que de Dieu : ainsi l’homme fait ce qui est en son pouvoir, mais c’est Dieu qui produit et augmente ce que lui seul peut donner et qui nous élève au-dessus de notre nature, jusqu’à sa propre vie (la grâce, les vertus théologales et les dons du Saint-Esprit).
Maintenons pourtant que nous faisons le bien d’abord parce que nous aimons le plus grand de tous les biens : Dieu lui-même.
La seconde raison est par rapport à nous. Dans ce bien, nous allons trouver notre bonheur. C’est comme l’autre versant, car notre bonheur consiste dans l’amour de Dieu, et ainsi, faire le bien nous rend heureux. Et ceci d’autant plus que Dieu nous y promet le bonheur du ciel.
D’ailleurs Dieu étant le souverain Bien, notre vrai bien se trouve dans sa volonté.
Bonheur naturel et surnaturel
Car oui, nous cherchons toujours notre bien, mais c’est dans ce (vrai) bien que nous aurons notre bonheur. Celui qui trouve et possède ce qui est bien pour l’homme est heureux.
Nous pouvons posséder un bien simplement naturel. Il nous rendra heureux sur terre. Ce sera un vrai bonheur, mais un bonheur simplement humain. La vérité est qu’on ne peut trouver ce bonheur humain si on fait ce qui est mal.
Mais Jésus nous promet un bonheur supérieur à tout ceci, car ici on ne parle pas de bonheur terrestre, mais surnaturel. La sainte Vierge le rappelle à sainte Bernadette de Lourdes : « je ne vous promets pas de vous rendre heureux dans de monde mais dans l’autre ». Non pas que nous serons malheureux ici-bas sur terre, mais que la vie chrétienne promet la béatitude céleste.
La béatitude
Reprenons. Nous agissons en vue d’une fin. Pour être heureux. Cette fin, l’homme – car il est libre – la choisit ou non, en fonction de là où il pense trouver le bonheur : bonheur dans argent, la puissance, le plaisir, ou dans sa famille, ou dans la vertu ; ou en Dieu.
Certaines fins sont fausses et ne nous rendront pas vraiment heureux, même seulement au niveau terrestre ; certaines autres donneront un bonheur seulement humain. Une seule donnera le bonheur de Dieu.
Voilà en quoi consiste la béatitude à laquelle nous sommes appelés : nous partagerons le bonheur même de Dieu. Nous aimons Dieu, nous faisons ce qui plait à Dieu, nous serons heureux comme Dieu.
Morale du bonheur
La morale chrétienne est donc une morale du bonheur, une morale du bien qui nous rend heureux.
Comment savoir ce qui est bien ? nous pouvons le savoir en connaissant la volonté de Dieu : le décalogue : les 10 commandements ; loi naturelle inscrite dans le cœur de tout homme, dans sa conscience. Techniquement, tout le monde sait que voler c’est mal. Il n’y a pas à l’apprendre.
Nous sommes loin d’un morale de « soumission » dans laquelle il y aurait des commandements arbitraires d’un Dieu qui nous teste.
Non, l’obéissance à Dieu est bonne, mais nous agissons par amour de Dieu, en faisant le bien qui nous heureux. Faire le bien c’est faire la volonté de Dieu qui étant souverainement bon ne veut que le bien et n’aime que le bien. Faire le bien nous donne de partager la béatitude de Dieu, à la fois comme récompense et comme conséquence nécessaire.
Alors que faire le mal, c’est s’éloigner de Dieu, rejeter ce qu’il est, et donc ce qu’il aime, et nous nous engageons à être malheureux, pour l’éternité en enfer, à la fois comme conséquence intrinsèque de ce choix du mal et comme punition.
Nous arrivons donc au décalogue : ces dix commandement dont Jésus nous apprend qu’en fait ils sont une manière d’aimer car il les résume par cette phrase :
«” Maître, quel est le plus grand commandement de la Loi ? ” Jésus lui dit : ” Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de tout ton esprit : voilà le plus grand et le premier commandement. Le second lui est semblable : Tu aimeras ton prochain comme toi-même. À ces deux commandements se rattache toute la Loi, ainsi que les Prophètes. »
Nous faisons donc le bien par amour, de Dieu et donc du prochain, et c’est ainsi que nous pourrons partager le bonheur du ciel qui consiste dans la charité !
Pour aller plus loin
Catéchisme de l’Eglise Catholique, Troisième partie, Première Section, Article 2 (nn°1716-1729).
Catéchisme du Concile de Trente, chapitre 28.
Les Trois Blancheurs, Année VI, “Les commandements”, Leçons 29 et 30.
Les Trois Blancheurs, Année IX, “La charité”, Leçon 2.
Saint Thomas d’Aquin, Somme Théologique, IaIIae Pars, qq. 1 à 5.
Dans la Bible
Evangile selon saint Matthieu, chapitre 19 (le jeune homme riche).
Evangile selon saint Jean, chapitre 15.
Ecouter : Episode 24 – Le petit caté pour les grands
Episode 24 : Le premier commandement
Nous voyons aujourd’hui le premier commandement de Dieu : « Tu adoreras Dieu seul et l’aimeras plus que tout. »
Adorer
Le verbe adorer vient du latin adorare, qui signifie porter à la bouche. Par ce geste, la personne montre qu’elle aime plus que tout ce que sa bouche embrasse. C’est un signe d’amour, de respect et de vénération. Appliquée à Dieu, cette vénération devient une adoration, car on ne peut rien aimer plus que Dieu. Il est le bien ultime vers lequel tout être doit tendre.
Seulement, professer d’aimer quelqu’un plus que tout ne suffit pas, il faut le prouver, le manifester. Cette manifestation passe nécessairement par l’accomplissement de la volonté de l’être aimé, volonté qui devrait précéder celle de celui qui aime. C’est ce que révèle Notre Seigneur à ses disciples : « Si vous m’aimez, vous garderez mes commandements. » (Jn 14, 15). Jésus, le premier, nous a donné l’exemple de la soumission parfaite à la volonté du Père : « Car je suis descendu du ciel pour faire, non pas ma volonté, nous dit Notre seigneur, mais la volonté de celui qui m’a envoyé. » (Jn 6, 38) et plus loin : « Ma nourriture est de faire la volonté de celui qui m’a envoyé et d’accomplir son œuvre. » (Jn 4, 34). Le disciple n’étant pas plus grand que le maître, tout chrétien doit, à la suite du Christ, faire la volonté de Notre Père qui est au Ciel.
Or, la volonté du Père, et de la Sainte Trinité tout entière, est que nous observions parfaitement les commandements que Dieu a transmis aux hommes par les mains de Moïse : « Écoute, Israël, les lois et les coutumes que je prononce aujourd’hui à tes oreilles, nous dit le grand législateur. Apprenez-les et gardez-les pour les mettre en pratique. » (Dt 5, 1).
On ne peut prétendre aimer Dieu plus que tout, c’est-à-dire l’adorer, si l’on refuse de faire sa volonté. Or, la volonté de Dieu s’est exprimée dans le Décalogue, les dix commandements ; il nous faut donc les apprendre et les mettre en pratique dans notre vie quotidienne.
Adorer Dieu : se soumettre à lui pour être sous sa protection
Le premier de ces commandements, et le plus important, est l’adoration de Dieu et l’amour premier et prioritaire que nous Lui devons. Le motif de cette adoration est sa perfection, il est le bien suprême, et à cet titre il est Le seul qui mérite de notre part un amour absolu. De plus, tout ce que nous avons, nous le lui devons, et cette dépendance complète vis-à-vis de Dieu entraîne chez nous un sentiment de reconnaissance, d’adoration et de soumission.
Ce dernier aspect est primordial. Le chrétien ne doit pas avoir peur ni rougir de sa soumission à Dieu. Cette soumission est notre plus grand bienfait. En effet, être soumis signifie se mettre sous l’autorité de quelqu’un.
Lorsque cette autorité est assumée par une personne dont la bonté est discutable, il y a de quoi craindre, mais lorsque l’autorité à laquelle nous nous soumettons est la Bonté même, la Sagesse éternelle et la Perfection infinie, il n’y a aucune crainte à avoir, bien au contraire, c’est une assurance de bonheur. En effet, la soumission à une autorité implique de profiter se la protection qui en découle. Dieu, en plus d’être infiniment bon et infiniment parfait, est infiniment puissant. Aucun être ne peut L’atteindre ni Lui faire le moindre mal. Se mettre sous sa protection, c’est être certain d’être protégé par l’Etre le plus puissant et le plus fort. « Or, nous dit Notre Seigneur, la volonté de celui qui m’a envoyé, c’est que je ne perde aucun de ceux qu’il m’a donnés, mais que je les ressuscite au dernier jour. » (Jn 6, 39). Soumission et protection sont intimement liées, et on ne peut jouir de la seconde sans garder la première.
L’adoration de Dieu est un devoir de justice. S’il est normal d’honorer nos bienfaiteurs sur la terre, combien plus l’est-il lorsqu’il s’agit de Dieu, cette convenance devient alors une obligation. Dieu est le Bienfaiteur ultime de qui provient tous nos biens, il mérite seul notre adoration.
“En esprit et en vérité”
Un des dangers serait de n’adorer Dieu que de manière formelle. L’adoration doit venir avant tout du cœur : « Les vrais adorateurs, prêchait Notre Seigneur à la Samaritaine, adoreront le Père en esprit et en vérité. » (Jn 4, 21). Jésus a eu les mots les plus durs contre ceux qui feignaient d’adorer Dieu : « Ce peuple m’honore des lèvres, mais son cœur est loin de moi. C’est en vain qu’ils me rendent un culte. » (Mt 15, 8-9). C’est le cas lorsque nous assistons à la messe mais que nous laissons volontairement notre esprit vagabonder à autre chose et que nous ne sommes pas attentif à ce qui se passe.
A l’inverse, notre devoir d’adoration ne serait pas rempli si nous nous contentions d’adorer Dieu dans notre cœur et notre esprit sans le manifester par des actes concrets. Si un mari aimait sincèrement sa femme dans son cœur mais ne le manifestait jamais par des actes ou des paroles concrètes sa femme risquerait très vite de lui reprocher de ne pas l’aimer. C’est la même chose pour Dieu. Si nous ne manifestons pas notre amour pour Lui par des prières, des visites dans ses églises, la lecture de sa Sainte Parole, et d’autres actions similaires, nous prouverions par là-même que nous ne L’aimons pas réellement et nous manquerions à notre devoir d’adoration.
L’acte d’adoration par excellence : le culte public
Néanmoins, l’acte d’adoration par excellence reste la participation au culte public, notamment à la Sainte Messe. C’est si vrai que l’Église en a fait un devoir : tout chrétien est obligé d’assister à la messe le dimanche et les jours de fête sous peine de péché mortel. Refuser de venir à la messe, c’est préférer à Dieu un autre bien et donc ne pas aimer Dieu plus que tout. C’est une attitude très grave qui enfreint directement le premier commandement.
Certains prétendent adorer Dieu mais d’une autre manière que celle prescrite par l’Eglise. C’est une erreur. Adorer Dieu c’est faire sa volonté, or la volonté de Dieu s’exprime à travers celle de l’Eglise. Ne pas se soumettre aux commandements de l’Eglise, c’est refuser de se soumettre aux commandements de Dieu. De plus nous ne vivons pas notre foi de manière solitaire et isolée, beaucoup de bienfaits que nous recevons le sont par l’intermédiaire de l’Eglise comme les sacrements. Refuser de participer au culte public de l’Eglise c’est se désolidariser d’elle et donc renoncer à son intercession auprès de Dieu, or comme le dit l’adage : « en dehors de l’Eglise, point de salut ».
Les autres péchés contre l’adoration
Il existe d’autres péchés contre l’adoration due à Dieu, comme le péché d’idolâtrie : « Je suis le Seigneur ton Dieu qui t’ai tiré de la terre d’Égypte, de la maison de servitude ; tu n’auras point de dieux étrangers devant Moi ; tu ne te feras point d’idoles » Ex 20, 2-4.
Le péché d’idolâtrie consiste à adorer la créature au lieu du Créateur. Dans l’Antiquité, cela consistait à rendre un culte à des faux dieux, de qui on attendait bienfaits et secours. Or certains biens ne peuvent être donnés que par Dieu, les demander et les attendre d’autres créatures ou personnes est un péché grave car cela lèse les prérogatives de Dieu en tant que Provident et Bienfaiteur. Cela vaut aussi pour des pratiques comme l’occultisme ou la voyance qui sollicite des connaissances ou des pouvoir réservés à Dieu seul, auprès d’esprits qui ne sont que des créatures.
Concernant l’idolâtrie, notre époque n’en est pas dépourvue. Est finalement idolâtre, toute personne qui met un bien créé au-dessus du Bien incréé qu’est Dieu. Saint Paul exprimait déjà cette pensée lorsqu’il écrivait aux Philippiens : « il en est beaucoup (…) qui se conduisent en ennemis de la croix du Christ. Leur fin, c’est la perdition ; leur dieu, c’est leur ventre ; ils mettent leur gloire dans ce qui fait leur honte, ils n’ont en tête que les choses de la terre. » (Ph 3, 18-19). Il y a une forme d’adoration lorsque l’on consacre sa vie et ses ressources pour un bien seulement terrestre. Combien de personne se sont ruinées pour un chanteur qu’ils adulaient et ont cherché à l’imiter en tout jusqu’à dépenser des sommes astronomiques pour lui ressembler, l’approcher ou collectionner des objets le concernant ? On parle alors bien d’idole ! Rien ne doit être préféré à Dieu pas même le bien le plus légitime, notre propre vie. Nous devons organiser notre temps, nos occupations, notre vie par rapport à Lui afin qu’il soit toujours le premier servi.
Le plus grand commandement
Enfin, Notre Seigneur a lié étroitement un second commandement au premier : « Tu aimeras ton prochain comme toi-même. » et de conclure : « Il n’y a pas de plus grands commandements que ceux-là. » (Mc 12, 31). Ces deux commandements sont les piliers de notre vie chrétienne. Une vertu les résume et les exprime parfaitement, la vertu de Charité. Elle consiste à aimer Dieu plus que tout et à aimer son prochain par amour de Dieu. Lorsque le motif de notre amour pour les choses ou les personnes est Dieu, cet amour ne peut plus être déréglé ou concurrentiel. Mais pour cela, il faut d’abord s’efforcer d’apprendre à aimer Dieu plus que tout.
Pour aller plus loin
Catéchisme de l’Eglise Catholique, Troisième partie, Deuxième Section, Article 1 (nn°2084-2141).
Catéchisme du Concile de Trente, chapitre 29.
Les Trois Blancheurs, Année VI, “Les commandements”, Leçons 3 et 4.
Les Trois Blancheurs, Année IX, “La charité”, Leçon 7.
Saint Thomas d’Aquin, Somme Théologique, IIaIIae Pars, qq. 81 à 103 (la vertu de religion et l’adoration).
Dans la Bible
Exode, chapitre 20
Deutéronome, chapitre 5
Evangile selon saint Matthieu, chapitre 22 (le “plus grand commandement”).
Evangile selon saint Jean, chapitre 14.
Ecouter : Episode 25 – Le petit caté pour les grands
Episode 25 : Le deuxième commandement
Dieu révèle son nom
Un signe d’Espérance
Un nom sacré qu’on ne peut utiliser à mal ou en vain
Importance du nom qui s’étend aux amis du Christ, Marie, les saints, les chrétiens
Vénérer le saint nom
Pour aller plus loin
Catéchisme de l’Eglise Catholique, Troisième partie, Deuxième Section, Article 2 (nn°2142-2167).
Catéchisme du Concile de Trente, chapitre 30.
Les Trois Blancheurs, Année VI, “Les commandements”, Leçons 5 et 6.
Les Trois Blancheurs, Année IX, “La charité”, Leçon 8.
Litanies du Saint-Nom de Jésus
Dans la Bible
Exode, chapitre 20
Deutéronome, chapitre 5
Evangile selon saint Matthieu, chapitre 2 (la circoncision).
Epître aux Philippiens, chapitre 2
Apocalypse, chapitres 14 et 22
Ecouter : Episode 26 – Le petit caté pour les grands
Episode 26 : Le troisième commandement
“Souvenez-vous de sanctifier le jour du sabbat”
Le récit biblique de la Création, en Gn 1, raconte qu’après avoir “travaillé” durant six jours, le Seigneur s’est reposé, entrant en un “sabbat” qui dure pour l’éternité.
Plus tard, après que les Hébreux furent réduits durant 400 ans en esclavage par les Egyptiens, le Seigneur leur commanda, parmi les préceptes donnés au désert à Moïse, d’observer un repos hebdomadaire complet le septième jour, soit le sabbat – le samedi. Ce jour était totalement dédié au repos et au culte divin. Même la manne – le pain miraculeux qui “tombait” du ciel chaque matin pour nourrir le peuple d’Israël dans le désert, ne tombait pas le samedi, mais les Hébreux pouvaient en ramasser une double ration le vendredi, pour n’avoir pas à effectuer aucun travail le jour du saint sabbat. Ce commandement est donc solennellement donné à Moïse au sommet du Sinaï : “souvenez-vous de sanctifier le jour du sabbat : vous travaillerez pendant six jours et y ferez ce que vous avez à faire. Mais le septième jour est le jour du repos, consacré au Seigneur, votre Dieu. Vous ne ferez en ce jour aucun ouvrage, ni vous, ni votre fils, ni votre serviteur. Le Seigneur a fait en six jours le Ciel, la terre et la mer et il s’est reposé le septième jour. C’est pourquoi le Seigneur a béni le jour du sabbat et il l’a sanctifié” (Ex 20, 8-11). Ce précepte était grave dans le judaïsme ancien, et sa transgression punie de mort (Ex 31, 14), car l’observance du sabbat était considérée non seulement comme le gage de la fidélité à Dieu, mais aussi comme le ciment de l’unité de son peuple. Les prophètes postérieurs n’ont pas manqué de relever le lien entre les manquements au sabbat et les malheurs successifs qui se sont abattus sur Israël, depuis les fautes commises et punies dans le désert (Ez 20, 16) jusqu’aux défaites ayant entraîné les déportations successives des Hébreux vers l’Assyrie puis vers Babylone (Ez 22, 8). Dans ce contexte, on comprend l’importance – certes exagérée – que les pharisiens, les Juifs légalistes de l’époque du Christ, accordaient au sabbat et la rigueur avec laquelle ils entendaient l’observer et le faire observer.
Le sabbat aujourd’hui
Aujourd’hui encore, le sabbat, qui commence lorsqu’apparaît la troisième étoile dans le ciel du vendredi soir, et se termine à la même heure le samedi, est célébré avec solennité par les Juifs les plus pratiquants. Après une réunion préalable à la synagogue où l’on accueille le sabbat, chaque famille partage le repas rituel que précèdent l’allumage des bougies (par la mère) et la grande bénédiction du kiddoush (récitée par le père). Le samedi matin, les israélites se réunissent à nouveau à la synagogue pour une longue cérémonie où alternent les berakot (bénédictions) et les lectures (paracha) tirées de la Torah et des autres rouleaux sacrés. En ce jour, les Juifs s’abstiennent de tout travail, n’utilisent pas de source d’énergie, ni parfois même de produits manufacturés, ils évitent les déplacements et se consacrent à l’étude des textes religieux.
Le dimanche : jour du Seigneur
Pour nous, chrétiens, le jour du Seigneur – en latin Dies domini, racine que l’on retrouve dans l’adjectif “dominical” – est le dimanche, pour honorer les deux grands mystères accomplis en ce jour : la résurrection du Christ (dimanche de Pâques) et la descente du Saint-Esprit (dimanche de Pentecôte). En ce jour, le Seigneur, vainqueur de la mort et de l’Enfer, a accompli le salut du monde et notre salut, en ce jour encore il nous a envoyé le Saint-Esprit, pour nous communiquer ses grâces jusqu’à la fin des temps, par l’intermédiaire de l’Eglise. Le dimanche est encore le premier jour de la création, puisqu’elle s’est achevée un samedi : c’est le premier jour, celui où Dieu prononça sa première parole créatrice, “que la lumière soit”, qui est devenu le jour où la lumière nouvelle, celle qui éclaire tout homme en venant dans le monde, le Christ, a reparu après avoir traversé les ténèbres de la mort.
La sanctification du dimanche
Pour les chrétiens, l’oeuvre principale par laquelle Dieu commande la sanctification du dimanche est l’assistance à la sainte messe, entière et avec dévotion. Cette obligation est grave et ne peut être manquée sans raison importante, sous peine de péché mortel. Le premier commandement de l’Eglise précise ce précepte (CEC 2180 ; CIC 1247). Cette obligation n’est pas nouvelle : elle fut imposée et respectée dès les origines du christianisme, même au milieu des persécutions. Les Actes des Apôtres témoignent déjà de ces réunions des fidèles – alors nocturnes – tenues le premier jour de la semaine, dès les premières décennies de l’histoire chrétienne, pour écouter la Parole divine et participer à l’Eucharistie. Saint Paul y réunit par exemple l’Eglise de Troas (Ac 20, 7), ou encore recommande aux Corinthiens de se rassembler et de collecter les fonds destinés à soutenir l’Eglise de Jérusalem (1Co 16, 2). Au IIème siècle, saint Justin parle de cet usage comme d’une pratique ancienne et universellement établie. Après l’établissement officiel du christianisme comme religion permise, sous l’empereur Constantin, une première loi romaine garantit l’observance publique du repos dominical. Rien ne remplace l’assistance au saint sacrifice : sommet et coeur de la vie chrétienne, offrande d’une valeur infinie à laquelle le Christ nous permet de nous associer pour adorer, remercier, demander pardon à son Père, irremplaçable rencontre avec notre Dieu. Outre la messe, le dimanche doit être consacré en particulier aux oeuvres pieuses : assistance aux vêpres, au salut du Saint-Sacrement, à une conférence spirituelle, prière, chapelet en famille, actes de charité… Après six jours passés à subvenir aux besoins de notre corps, il n’est pas de trop d’une journée complète – et pas seulement de 80 ou 90 minutes de messe – pour subvenir aux besoins de notre âme. Le dimanche est aussi le jour de la famille, de l’amitié, des relations humaines gratuites, des divertissements sains, sous le regard de Dieu.
Le repos dominical, une nécessité
Le repos dominical est une nécessité corporelle et spirituelle : comme un arc qui serait en permanence tendu finirait par se briser, l’homme ne peut être toujours en train de s’affairer et de travailler, il a besoin de repos pour réparer ses forces corporelles. Le repos dominical hebdomadaire est ainsi une nécessité qui s’impose par nature à notre nature, c’est pourquoi on le retrouve dans toutes les sociétés. Au contraire, le mépris du dimanche du repos se fondent souvent sur une présomption trop grande de nos propres forces, qui conduit aux épidémies contemporaines de burn-out et de certaines formes de dépression.
Au niveau spirituel, le repos dominical permet de remettre les choses en perspective et à leur juste place. Le pape Jean-Paul II écrivait dans une belle lettre aposolique entièrement consacrée au dimanche que “l’alternance du travail et du repos, inscrite dans la nature humaine, est voulue par Dieu lui-même, comme le montre le récit de la création dans le livre de la Genèse : le repos est chose ‘sacrée’ puisqu’il permet à l’homme de se soustraire au cycle des tâches terrestres, qui est parfois bien trop absorbant, et de reprendre conscience du fait que tout est l’oeuvre de Dieu” (Dies Domini, 31 mai 1998, n°65). Le repos du dimanche nous rappelle que nous ne sommes pas faits seulement pour cette terre mais pour une vie éternelle : nous aurons beau amasser ici-bas tous les trésors matériels que nous voudront, aucun d’entre eux ne traversera avec nous le ravin de la mort. S’arrêter une fois par semaine est une nécessité qui nous remet à notre juste place, devant Dieu et devant les autres : les cimetières sont remplis de gens indispensables, dit-on… rien ici-bas n’est plus important que notre relation à Dieu, que notre sanctification et celle de nos proches, que nos relations de charité en famille, entre amis… Respecter le dimanche, c’est entrer déjà d’une certaine manière dans le repos du Seigneur, dans le septième jour de la Création, ce sabbat qui ouvre sur l’éternité. Qui ne passe pas sa semaine à rêver du week-end, des vacances ? Si le repos se présente souvent à nos désirs comme un horizon espéré (humainement), c’est que le repos éternel est l’horizon ultime de notre espérance surnaturelle. Respecter le dimanche, c’est manifester cette espérance et entrer déjà d’une manière préparatoire et participée dans ce repos.
Comment respecter le précepte dominical ?
Pour bien respecter le précepte dominical, il faut d’abord assister à la messe, tout entière, avec foi, attention et dévotion, en nous préparant à l’union au saint sacrifice et à la communion, et en prenant ensuite le temps de l’action de grâces. Cette obligation étant grave, nous ne pouvons en être dispensés qu’en raison d’un impératif grave relatif à nous-même ou à un prochain dont nous sommes responsables : une maladie trop invalidante pour nous, nos enfants, un parent que nous avons à charge, une obligation professionnelle importante dans certaines professions relevant du bien commun… Quoiqu’il en soit, même si nous ne pouvons par malheur pas assister à la messe, nous pouvons et devons cependant sanctifier le jour du Seigneur, en consacrant un vrai temps à la prière, à la lecture de l’Ecriture Sainte, et pourquoi pas des textes et prières de la messe. Dans une lettre envoyée durant la deuxième guerre à son fils Christopher, alors mobilisé par la Royal Air Force en Afrique du Sud, John Ronald Tolkien, l’auteur du Seigneur des Anneaux, lui conseillait, pour les jours où il ne pourrait pas participer au saint sacrifice, d’apprendre par coeur les prières du canon – soit la consécration – et de les réciter pour s’y unir dans une communion spirituelle [65]Lettre 54, 8 janvier 1944 : “It is also a good and admirable thing to know by heart the Canon of the Mass, for you can say this in your heart if ever hard circumstance keeps you from hearing Mass”.
En quoi consiste le repos du dimanche ?
Nous terminons par le repos du dimanche : une nécessité qui est largement et gravement mise en danger dans nos sociétés aujourd’hui. L’Eglise y demande d’éviter tout travail servile, c’est à dire tout ce qui empêche “le culte dû à Dieu, la joie propre au jour du Seigneur, la pratique des oeuvres de miséricorde et la détente convenable de l’esprit et du corps” [66]Catéchisme de l’Eglise Catholique, n°2185.. On peut considérer aujourd’hui comme servile non pas seulement le travail physique mais plus largement tout travail qui nous asservit, dans la mesure où il nous soumet au pouvoir de l’argent : le travail par lequel on gagne ordinairement sa vie est donc à bannir absolument le dimanche, on pourra aussi éviter les tâches ménagères et administratives qui incluent une certaine pénibilité et peuvent être accomplies les autres jours. Il est bien sûr possible de faire ce qui se rapporte aux nécessités du jour : cuisiner, soigner des animaux, ou encore ce qui participe à une saine détente (lire, faire de la musique, peindre, jardiner, bricoler…).
Soyons clair par ailleurs sur ce qui constitue aujourd’hui une grande tentation : le dimanche n’est pas le jour pour aller faire ses courses, même et surtout de bricolage, jardinage, habillement… On peut justifier l’achat d’une baguette de pain ou d’un gâteau à partager après la messe, mais soyons conscients qu’en participant à l’activité économique dominicale, nous contribuons au non-respect global du troisième commandement de Dieu, qui a une véritable portée sociale, et nous empêchons directement ou indirectement certaines personnes de sanctifier ce jour et de s’y reposer. Évitons donc absolument toute activité commerciale le dimanche, même si possible sur internet. Qu’aurait-on dit, dans le temps, d’un maître de maison qui prétendrait se reposer le dimanche tout en y faisant trimer ses serviteurs ? Attention, le fait de travailler ou de faire travailler le dimanche constitue un péché qui peut être grave, selon les circonstances. Les exceptions à cette règle sont celles que nous avons rapidement mentionnées tout à l’heure, le cas où notre travail participe à une activité qui n’est pas directement économique mais qui répond à une nécessité de bien commun : principalement la santé et la sécurité publique.
Prenons conscience pour finir que ce commandement et son respect sont au coeur des enjeux religieux et sociaux de notre monde. La déchristianisation de nos sociétés s’est faite sur fond d’abandon presque total de la pratique dominicale : qui peut réellement se prétendre chrétien sans honorer cette rencontre hebdomadaire avec le Christ ? De même que l’on ne peut être amoureux ou ami non pratiquant, on ne peut réellement être croyant ou catholique non pratiquant. Et quant au repos nécessaire du dimanche, comment ignorer que tant de vies, tant de familles sont aujourd’hui destructurées et détruites par la tyrannie de l’argent et du travail ? Les avertissements de l’Ecriture Sainte, répétés par la Vierge Marie en 1847 à La Salette – une apparition rien que pour appeler à respecter le dimanche – résonnent donc aujourd’hui avec d’autant plus de force : aimons le dimanche, respectons-le et faisons-le aimer autour de nous. Pourquoi ne pas inviter des amis peu ou non pratiquants à vivre avec nous de la joie d’un dimanche passé en famille ou entre amis et commencé par la messe, ce temps indispensable sous le regard de Dieu notre père.
Pour aller plus loin
Catéchisme de l’Eglise Catholique, Troisième partie, Deuxième Section, Article 3 (nn°2168-2195).
Catéchisme du Concile de Trente, chapitre 31.
Les Trois Blancheurs, Année VI, “Les commandements”, Leçons 7 et 8.
Les Trois Blancheurs, Année IX, “La charité”, Leçons 9 et 15.
Jean-Paul II, Lettre apostolique Dies Domini
Dans la Bible
Exode, chapitre 20
Deutéronome, chapitre 5
Isaïe, chapitres 1 et 8
Jérémie, chapitre 17
Ezéchiel, chapitres 20 et 22
Actes des Apôtres, chapitres 13, 16, 18 et 20
Ecouter : Episode 27 – Le petit caté pour les grands
Episode 27 : Le quatrième commandement
On le dit souvent, il y a un ordre dans la charité. Nous aimons Dieu pour lui-même, et les autres pour l’amour de Dieu. C’est cependant la même charité. C’est notre Seigneur qui le dit lui-même, après avoir rappeler que le plus grand commandement est celui d’aimer Dieu, il rajoute : « et le second lui est semblable : tu aimeras ton prochain comme toi-même. » Il lui est « semblable » : en aimant notre prochain, nous aimons Dieu. Même, on ne peut aimer Dieu sans aimer son prochain, selon cette parole de l’apôtre Jean : « celui qui dit aimer Dieu qu’il ne voit pas, alors qu’il n’aime pas son frère qu’il voit, est un menteur » (1Jn 4, 20).
Le respect des parents
Voyons donc ce que la loi nous demande pour nous aimer nous–même et notre prochain à travers les sept prochains articles.
Et, naturellement, vient en premier l’amour et les devoirs dû aux parents : « tu aimeras ton père et ta mère ».
Ce sont eux qui sont les plus naturellement proche de nous, et surtout, et comme nous allons le voir, ce sont eux qui représentent le plus Dieu.
Dans ce premier commandement, Dieu nous apprend que nous avons tout reçu : ce que nous sommes, dans notre chair, mais aussi, à travers l’éducation, dans notre personne, nous avons même reçu notre langage, notre manière de parler jusqu’à notre manière de penser. Nous ne nous sommes pas fait tout seul. Nous sommes dépendants pour devenir ce que nous sommes ; dépendants du créateur, nous l’avons vu, mais dépendants aussi de nos parents, de ceux qui nous ont éduqués, de ceux qui nous dirigent. Derrière ce premier commandement se dégage l’esprit de gratitude vis-à-vis d’une humble dépendance : une piété filiale. Nous sommes dépendants et il faut honorer ceux qui nous transmettent et nous dirigent vers le bien. « Qu’as-tu que tu n’aies reçu » : seul ; l’homme ou meurt ou reste à l’état sauvage.
Les parents. Nous avons reçu d’eux la vie, et notre éducation. Eux ont reçu du créateur la mission de procréer et d’éduquer. Pour leurs enfants, leur autorité vient de Dieu.
Leurs enfants leur doivent donc une obéissance qui ressemble à celle que Dieu leur demande (sauf si cela est clairement mal, clairement un péché), et aussi respect, mais surtout amour. Cependant cette obéissance a des limites : celle du mal, nous l’avons dit, mais aussi par exemple elle s’arrête le jour où l’enfant est autonome et quitte la maison paternelle.
Les enfant doivent aussi respecter leur parents, notament par leur attitude et leur paroles. Et ceci en tout temps.
Ils doivent aussi les aimer et donc s’assurer de leur bien. Cela consiste à prier pour eux, de leur vivant, et après leur mort, à veiller à leur sépulture, à faire célébrer des messes pour eux. Et dans leur vieillesse à les assister, à subvenir à leurs besoins, à s’occuper d’eux, les visiter, et s’ils restent en bonne santé, au moins à prendre de leurs nouvelles régulièrement.
L’autre versant de la médaille, c’est que les parents ont des devoirs envers leurs enfants, devoirs envers leur vie naturelle et spirituelle.
Le respect des supérieurs et la société
Cette esprit de gratitude envers ceux dont nous dépendons s’élargit plus loin que les simples parents naturels, mais va à tous ceux qui nous ont faits et qui continuent de nous diriger : « la famille » au sens large, mais aussi son pays et sa patrie, ses concitoyens et sa nation, les grands hommes qui l’ont marqué ou qui ont donné leur vie pour elle, ainsi que nos éducateurs, nos professeurs. Cela va jusqu’à nos supérieurs actuels, qu’ils soient temporels (autorité civiles et militaires) ou spirituels (les prêtres, les évêques et le pape).
Nous leur devons obéissance et nous rappeler que leur autorité vient de Dieu, selon le mot de saint Pierre : “Soyez soumis, à cause du Seigneur, à toute institution humaine : soit au roi, comme souverain, soit aux gouverneurs, comme envoyés par lui pour punir ceux qui font le mal et féliciter ceux qui font le bien” (1P2, 13).
Nous devons nous rappeler que nous ne sommes rien non plus sans la société. Le catéchisme de saint Pie X écrit que : « Si les familles vivaient isolément, séparées l’une de l’autre, elles ne pourraient pourvoir à leurs besoins, et il est nécessaire qu’elles soient unies en société civile afin de s’aider mutuellement pour leur perfectionnement et leur bonheur communs. »
Et continue : « La société civile est la réunion de nombreuses familles, dépendant de l’autorité d’un chef, pour s’aider réciproquement à atteindre leur perfectionnement mutuel et le bonheur temporel. L’autorité qui gouverne la société civile vient de Dieu qui la veut constituer pour le bien commun. »
Nous avons donc aussi des devoirs envers la société, et la société doit travailler au bien commun de tous ses membres. Cette doctrine est développée par ce qu’on appelle « la doctrine sociale » de l’Église.
La piété
En conclusion, ce nous demande le quatrième commandement est de développer la vertu de piété, la piété filiale, qui est un respect aimant de toutes les causes secondes que Dieu utilise pour nous faire grandir et nous diriger vers notre plus grand bien.
Pour aller plus loin
Catéchisme de l’Eglise Catholique, Troisième partie, Deuxième Section, Article 4 (nn°2197-2257).
Catéchisme du Concile de Trente, chapitre 32.
Les Trois Blancheurs, Année VI, “Les commandements”, Leçons 9 et 10.
Les Trois Blancheurs, Année IX, “La charité”, Leçon 10.
RP. Louis-Marie de Blignières, Le courage de la paternité, DMM, 2010
Dans la Bible
Exode, chapitre 20
Deutéronome, chapitre 5
Livre de l’Ecclésiastique, chapitre 3
Evangile selon saint Luc, chapitre 2
Épitre aux Romains, chapitre 13
Épitre aux Ephésiens, chapitres 5 et 6
1ère Épitre de saint Pierre, chapitre 2
Ecouter : Episode 28 – Le petit caté pour les grands
Episode 28 : Le cinquième commandement
Nous voyons aujourd’hui le cinquième commandement de Dieu : « Tu ne tueras pas. »
Comme tous les commandements, leur formulation courte appelle un développement. Le cinquième commandement, pour être plus exact, s’énonce de la manière suivante : « Tu ne tueras pas l’innocent ni le juste » (Ex 23,7), ce qui est bien différent du seul fait de ne pas tuer. Nous verrons plus loin qu’il est des cas où donner la mort n’est pas un péché.
La vie appartient à Dieu
Ce cinquième commandement est d’abord une réaffirmation du souverain domaine de Dieu sur toute chose, à commencer par la vie. Dieu, auteur de la vie, a autorité sur celle-ci et peut, selon sa sagesse, la reprendre à n’importe quel moment, sans faute de sa part. Rien de choquant à cela : Dieu a donné, Dieu a repris, Dieu soit béni, comme le scandait notre saint Job dans sa misère. Il ne faut pas non plus oublier que, depuis le péché originel, la mort a pour nous valeur de peine et que, de ce fait, Dieu est libre d’exécuter la sentence à l’heure qui lui semble la plus juste. Il est bon de nous rappeler que nous n’avons pas un droit strict à la vie et que chaque jour que Dieu fait est une grâce dont nous devons être reconnaissants.
Le droit à la vie
Les droits de Dieu ayant été rappelés, quels sont ceux des hommes sur la vie ?
Sur la vie d’un innocent, aucun ! Celui qui ne commet pas de faute telle que sa gravité entraîne la perte de son droit à la vie a le droit de vivre aussi longtemps que Dieu le décidera. Les hommes n’ont, en aucun cas, la possibilité d’en hâter l’échéance, ni pour eux-mêmes, ni pour les autres.
Ainsi, le cinquième commandement interdit l’homicide volontaire, parmi lequel nous trouvons l’avortement, le suicide et l’euthanasie. Voici ce qu’enseigne l’Église catholique sur l’avortement :
La coopération formelle à un avortement constitue une faute grave. L’Église sanctionne d’une peine canonique d’excommunication ce délit contre la vie humaine. “Qui procure un avortement, si l’effet s’ensuit, encourt l’excommunication latae sententiae (CIC, can. 1398)”.[67]Catéchisme de l’Eglise Catholique, n°2272.
La vie ne nous appartenant pas, nous n’en sommes que dépositaires. Il est interdit, sous peine de péché grave, de s’ôter la vie ou d’ôter la vie d’un autre, même avec son consentement et même avec les meilleures intentions du monde. L’Église, en revanche, demande à ses enfants et aux gouvernements de faire tout ce qui est en leur pouvoir pour soulager ces souffrances et accompagner ces personnes isolées et malheureuses.
Protéger la vie
Non seulement le cinquième commandement interdit d’ôter la vie au corps, mais il interdit aussi d’y nuire ou de le mettre en danger sans raison grave et juste.
Conduire en état d’ivresse, par exemple, est un grave péché contre le cinquième commandement, d’autant plus si d’autres personnes se trouvent dans la voiture. Se mutiler est un grave péché contre le cinquième commandement, comme c’est le cas dans la ligature des trompes chez les femmes ou la vasectomie chez les hommes. L’usage de drogues, hormis pour des raisons strictement médicales, est absolument interdit, notamment en raison des dommages qu’elle cause au cerveau. La question des tatouages est, quant à elle, débattue, mais elle fut interdite pendant longtemps par l’Église latine. La pratique de sports extrêmes comme le wingsuit ou l’escalade sans harnais dans des conditions dangereuses peut aussi constituer un péché grave. La recherche de sensations fortes ou le dépassement de soi ne sont pas des raisons suffisantes pour mettre en danger sa vie.
Contre les nouveaux “jeux du cirque”
Il est aussi interdit par ce même commandement de pratiquer un sport violent détériorant gravement le corps et la santé. Certains sports de combat devraient être interdits aux catholiques à cause des principes pervers qui les gouvernent. La MMA, par exemple, permet tous les coups et se termine souvent soit par la perte de connaissance de l’adversaire, soit par un abandon, sous peine de voir un membre brisé par une clé de bras prolongée.
Il va sans dire que si l’activité est peccamineuse, il en va de même pour ceux qui s’en délectent et en font un divertissement. Ces spectacles sont semblables aux jeux du cirque, inventés par les païens pour les païens ! Un chrétien ne devrait pas se réjouir de voir une personne se faire mutiler, car c’est bien de cela qu’il s’agit. Cela ne signifie pas que tous les sports de combat sont pernicieux, mais ceux qui mettent gravement en danger la santé le sont.
Est-il permis d’ôter la vie (des non-innocents) ?
Avec cette première partie, nous avons vu le cas des innocents, mais la question la plus délicate concerne celui des coupables, des injustes, des grands pécheurs. Est-il permis à la société ou à des hommes de leur ôter la vie ?
Pour bien comprendre la question, il faut revenir sur le concept de corps que j’avais déjà évoqué en parlant de l’Église. Nous avons trois niveaux d’existence, correspondant à trois corps différents :
- le corps physique, animé par une âme,
- le corps moral, animé par une fin commune,
- le corps mystique, animé par la grâce.
Or, il existe une hiérarchie d’importance et d’ordination entre ces corps. Le corps physique est ordonné au corps moral, qui lui-même est ordonné au corps mystique.
L’individu doit travailler pour le bien commun de son pays, et les pays pour le bien commun de l’Église, et ce, finalement, pour le bien personnel de chaque individu.
Dans la question de la peine de mort, il ne s’agit pas de dire que le bien de la société prédomine sur le bien de la personne au point que, pour le bien de la société, l’individu pourrait être sacrifié — ce serait une pensée communiste ou totalitaire. Il s’agit plutôt d’affirmer que le mal individuel d’une personne ne peut prédominer sur le bien commun d’une société. Une personne qui, par son action ou son enseignement, met gravement en danger le bien d’un État doit être écartée et, si nécessaire, supprimée.
Cela peut choquer notre entendement moderne, mais le Nouveau Testament nous en montre un exemple frappant : celui d’Ananie et Saphire. Ces derniers, alors qu’ils avaient promis de donner le fruit de la vente de leur bien à la communauté chrétienne, en gardèrent une partie et mentirent à saint Pierre sur le prix total de la vente :
Ce n’est point aux hommes que tu as menti, asséna saint Pierre à Ananie, mais à Dieu même[68]Ac 5, 4.,
puis ce dernier expira sur place. Même peine pour son épouse, qui persista dans son mensonge.
Dans une communauté naissante, fragile et peu nombreuse, comme l’était la communauté chrétienne des premiers temps, laisser le vice se répandre aurait pu être fatal, si ce n’est à la communauté tout entière, du moins à bon nombre de ses membres, car le mal est contagieux. La peine eut une valeur d’exemplarité :
L’Église entière, nous dit saint Luc, et tous ceux qui apprirent cela furent pris d’une grande crainte[69]Ac 5, 11..
En effet, la crainte est un élément nécessaire de l’acte de gouvernement, car elle est, comme l’amour, un soutien de l’autorité. Or, il n’y a pas de véritable crainte s’il n’y a pas de véritable perte, et la perte la plus sensible est celle de la vie.
Tout individu qui met en danger ou blesse gravement le corps moral parfait qu’est un pays, une nation ou un peuple peut encourir la peine de mort par les autorités légitimes de ce pays, de cet État ou de ce peuple. C’est ce qu’enseigne saint Jean-Paul II dans son catéchisme :
L’enseignement traditionnel de l’Église a reconnu le bien-fondé du droit et du devoir de l’autorité publique légitime de sévir par des peines proportionnées à la gravité du délit, sans exclure, dans des cas d’une extrême gravité, la peine de mort[70]CEC 2266.
La peine a en effet pour premier effet de compenser le désordre introduit par la faute […]. Ainsi que de préserver l’ordre public et la sécurité des personnes. Enfin, la peine a une valeur médicinale, elle doit, dans la mesure du possible, contribuer à l’amendement du coupable.
Gilles de Rais, qui avait commis les pires atrocités au temps de Jeanne d’Arc, avait été condamné à mort par le tribunal royal. Ayant avoué et regretté ses fautes, et ayant eu une conversion sincère, le roi fut prêt à commuer sa peine capitale en une autre peine. Le coupable, au contraire, refusa, considérant la peine de mort comme la juste peine pour expier ses péchés.
Aujourd’hui, ce droit à la peine de mort est remis en question par beaucoup de personnes, y compris au sein de l’Église. Cette erreur vient du personnalisme, qui a renversé la hiérarchie des corps, mettant l’individu au-dessus de tout. L’État, l’Église et toute communauté doivent s’effacer face à l’individu érigé en valeur absolue. Ce qui est imprescriptible chez l’individu, c’est sa vie de grâce, celle de son âme. Aucun corps moral ne peut tuer ou blesser cette vie de grâce. Mais pour la vie du corps, Dieu permet que l’autorité publique légitime en prive l’individu si celui-ci blesse gravement son corps moral.
La légitime défense
Il me reste à terminer sur le cas de la légitime défense. Dans une situation d’injuste agression, il est possible de se défendre, et ce jusqu’à la mort de l’autre si les circonstances l’exigent. En effet, nous avons le devoir de défendre notre vie et celle des autres, en particulier des innocents. Si la nécessité de mettre hors d’état de nuire l’agresseur passe par sa mort, cela n’est pas considéré comme un homicide volontaire, mais comme un acte vertueux de défense et de protection des autres. Le soldat qui protège son pays contre un injuste agresseur fait acte de vertu. Le père de famille qui protège sa famille contre un intrus qui fait irruption dans sa maison fait acte de vertu.
Comme l’enseigne saint Thomas d’Aquin :
L’action de se défendre peut entraîner un double effet : l’un est la conservation de sa propre vie, l’autre la mort de l’agresseur. (…) L’un seulement est voulu ; l’autre ne l’est pas[71]Somme théologique, IIa-IIae, q. 64, a. 7.
Heureux les artisans de paix
Depuis le péché originel, la colère et la haine ont fait couler tant de sang que la terre en semble saturée. Et pourtant, la guerre, les meurtres et les infanticides continuent en s’intensifiant. C’est pour cette raison que notre Seigneur demande la paix du cœur. Par le sang de sa Croix, Il a « tué la haine dans sa propre chair » (Ep 2, 16), Il a réconcilié avec Dieu les hommes. Mais il est sûr qu’il reste encore aux hommes à se réconcilier entre eux.
La mission du chrétien est d’être un artisan de paix, et pour cela, il doit s’armer d’amour, de patience et de douceur, et éteindre en lui toute haine et toute colère contre son prochain, semences de violence.
Pour aller plus loin
Catéchisme de l’Eglise Catholique (édition 1992), Troisième partie, Deuxième Section, Article 5 (nn°2258-2330).
Catéchisme du Concile de Trente, chapitre 33.
Les Trois Blancheurs, Année VI, “Les commandements”, Leçons 11 et 12.
Les Trois Blancheurs, Année IX, “La charité”, Leçon 11.
Jean-Paul II, encyclique Evangelium Vitae (25 mars 1995)
Dans la Bible
Exode, chapitre 20
Deutéronome, chapitre 5
Evangile selon saint Matthieu, chapitre 5
Ecouter : Episode 29 – Le petit caté pour les grands
Episode 29 : Le sixième commandement
La sexualité, sommet de la vie humaine
La nécessaire vertu de chasteté
L’union intime des époux est un acte honnête et digne qui favorise l’enrichissement des époux dans la joie et la reconnaissance. Le Créateur Lui-même a établi que les époux éprouvent un plaisir charnel, une satisfaction du corps et de l’esprit…[72]Catéchisme de l’Eglise Catholique, n°2362.
Satan déteste la sexualité …
Une sexualité mutilée et ses remèdes
Pour aller plus loin
Catéchisme de l’Eglise Catholique (édition 1992), Troisième partie, Deuxième Section, Articles 6 (nn°2514-2533) et 9 (2331-2400).
Catéchisme du Concile de Trente, chapitre 34.
Les Trois Blancheurs, Année VI, “Les commandements”, Leçons 13 et 14.
Les Trois Blancheurs, Année IX, “La charité”, Leçon 12.
Paul VI, encyclique Humanae Vitae (25 juillet 1968).
Pie XII, Discours aux jeunes filles (22 mai 1941)
Vie de sainte Maria Goretti, l’héroïque pureté.
Dans la Bible
Exode, chapitre 20
Deutéronome, chapitre 5
Evangile selon saint Matthieu, chapitres 5, 6, 15, 19
Première Epître aux Corinthiens, chapitre 6
Ecouter : Episode 30 – Le petit caté pour les grands
Episode 30 : Le septième commandement – “Tu ne voleras pas”
Le fondement du septième commandement se trouve dans la vérité première de la Création. Au commencement, Dieu a confié la terre et ses ressources à la disposition commune de l’humanité, représentée à titre collectif par nos premiers parents : les biens de la création sont destinés à tout le genre humain, et cependant ils sont répartis entre les hommes pour assurer leur subsistance et leur sécurité. L’Eglise légitime ainsi l’appropriation des biens pour garantir la liberté et la dignité des personnes (la propriété privée), tout en appelant à la manifestation d’une solidarité également naturelle. C’est entre ces deux vérités que se situe l’équilibre du septième commandement. Les deux notions clés de la doctrine sociale de l’Eglise, que ce commandement nous donne l’occasion de développer, sont appelées droit à la propriété privée et destination universelle de biens. Si le premier, le droit de propriété, est légitime et doit être respecté et protégé par les institutions, les hommes ne doivent jamais tenir les choses qu’ils possèdent légitimement comme n’appartenant qu’à lui, mais doivent aussi les regarder comme en un certain sens communes. La propriété d’un bien fait de son détenteur un administrateur de la providence, chargé d’en user avec prudence, tempérance et charité.
Ces deux dimensions sont explicitement et implicitement contenues dans le septième commandement : ne pas porter de préjudice au bien et à la propriété d’autrui d’une part, être bienfaisant et généreux envers nos semblables et assurer la subsistance de chacun.
Le respect de biens d’autrui
Commençons par le respect des biens d’autrui. Le septième commandement interdit le vol, c’est à dire l’usurpation du bien d’autrui, qui peut prendre différentes formes : outre le vol direct, voler c’est aussi retenir délibérément des biens prêtés ou des objets perdus, frauder dans le commerce, payer des salaires injustes, spéculer artificiellement à la hausse des prix, abuser de la faiblesse ou de l’ignorance d’autrui, fausser le jugement par corruption, approprier les biens sociaux d’une communauté ou d’une entreprise, pratiquer la malfaçon, la fraude fiscale, la contrefaçon, les dépenses excessives, le gaspillage. Vendre à un prix surévalué, acheter en-dessous du prix réel, abuser de l’ignorance ou de la bienveillance d’autrui, négliger nos obligations professionnelles, maltraiter la propriété collective ou celle d’autrui, négliger de rendre les sommes ou les objets que l’on nous a prêtés, sont encore autant d’actions qui vont à l’encontre du septième commandement. Ajoutons encore tout ce qui constitue une coopération au vol : par le conseil, l’approbation d’une action injuste (fraude, escroquerie…), l’assistance apportée au coupable, le fait de ne pas l’en empêcher lorsqu’une part de responsabilité nous incombe, le recel de biens mal acquis… Et n’oublions pas que le vol peut concerner les biens matériels ou immatériels du prochain : ce n’est pas seulement le porte-monnaie de la vieille dame du palier voisin mais aussi les œuvres piratées en ligne, la propriété intellectuelle d’autrui, que nous devons respecter.
Voilà donc un sujet bien plus large que celui du vol qualifié, et qui doit nous entraîner à un examen de conscience détaillé sur ces questions de justice.
Précisons plusieurs éléments importants :
1) le vol est évidemment plus ou moins grave selon la valeur de l’objet volé ;
2) mais aussi selon la victime de notre vol : une petite somme arrachée à un pauvre est plus grave que le même vol fait à un riche ;
3) quant au seuil de gravité, on peut considérer que dérober à une personne l’équivalent d’une journée de travail peut constituer la matière d’un péché grave, mortel s’il est commis avec pleine connaissance et consentement.
4) enfin les petits vols répétés finissent par constituer une matière grave.
Il est donc important de préciser en confession les circonstances des fautes contre le septième commandement, qui peuvent en qualifier l’espèce et la gravité.
Dans ses Confessions, saint Augustin raconte avoir participé au vol de poires : si le montant volé était dérisoire, le jeune homme s’en souvenait plusieurs décennies après comme d’un acte grave, commis pour “le simple plaisir de faire ce qui était défendu”[73]Saint Augustin, Confessions, IV, 9..
Ajoutons encore que le vol, le fait de retenir ou de dégrader les biens d’autrui oblige à réparation : il ne suffit pas d’en demander pardon dans le sacrement de pénitence – et le prêtre devrait normalement nous le rappeler. La restitution ou la réparation est obligatoire, et il ne serait pas cohérent de nous accuser en confession d’un vol si nous n’avions pas le ferme propos d’y remédier. Il faut rendre ce que l’on a pris, restituer, ou réparer à la valeur de ce qui a été dérobé ou détruit, aussitôt que possible. Dans certains cas difficiles et particuliers, sous certaines conditions, la réparation peut être faite en secret : on parle de restitution occulte. Le mieux est alors de demander conseil au confesseur pour être éclairé sur la manière concrète de procéder. Si l’on se trouvait dans l’impossibilité physique absolue ou l’impossibilité morale grave de restituer, il faudrait conserver l’intention de restituer le plus tôt possible et chercher activement les moyens de le faire dans les plus brefs délais.
Communauté et destination universelle des biens et respect de la création
Souvenons-nous que la création toute entière est l’œuvre de Dieu, donnée à l’humanité comme un héritage collectif, afin qu’elle soit cultivée et gardée. Cette vérité fondamentale fournit les principes de la doctrine catholique dans deux domaines : celui de la communauté et de la destination universelle des biens et celui du respect de la création.
Puisque les biens créés ont été créés et confiés ensemble à l’humanité, à titre collectif, ils sont d’abord l’usufruit de la famille humaine toute entière : c’est pourquoi on parle de communauté des biens. Et puisque ces biens ont été créés et confiés à l’humanité en vue de servir à son bien commun, leur destination peut être dite universelle. Le “principe et fondement” des Exercices Spirituels de saint Ignace de Loyola rappelle ainsi que « L’homme est créé pour louer, respecter et servir Dieu notre Seigneur et par là sauver son âme, et les autres choses sur la face de la terre sont créées pour l’homme, et pour l’aider dans la poursuite de la fin pour laquelle il est créé ».
Le second principe est le respect des biens de la création, dans leur intégrité. La création est confiée à l’homme pour qu’il en soit le cultivateur et le gardien, mais elle n’en devient pas pour autant sa propriété absolue : n’en déplaise à Descartes, l’homme n’est pas constitué « maître et possesseur de la nature. » « La domination accordée par le Créateur à l’homme sur les êtres inanimés et les autres vivants n’est pas absolue »[74]Catéchisme de l’Eglise Catholique, n°2415.. L’usage des ressources de l’univers ne peut donc pas être détaché des exigences morales, il est mesurée par la charité et le souci du prochain, y compris des générations à venir. Le Catéchisme parle même d’un « respect religieux de l’intégrité de la création ». S’il est légitime de se servir par exemple des animaux pour se nourrir, confectionner des vêtements, de les domestiquer pour assister l’homme, si certaines expérimentations scientifiques, dans la limite du raisonnable, sont moralement acceptables dans la mesure où elles contribuent à soigner ou sauver des vies humaines, il est contraire à la dignité humaine de les faire souffrir inutilement ou de gaspiller leurs vies[75]Catéchisme de l’Eglise Catholique, n°2416.. Le Catéchisme précise encore qu’il est indigne de dépenser pour des animaux des sommes qui devraient d’abord soulager la misère des hommes : « on ne saurait détourner vers eux l’affection due aux seules personnes »[76]Catéchisme de l’Eglise Catholique, n°2418.
La vertu de justice
Ajoutons un mot sur la vertu qui nous incline à rendre à chacun ce qui lui est dû et ainsi à prendre soin du bien d’autrui. La justice est une vertu cardinale, qui engage à tenir les promesses, à observer les contrats, dans la mesure où les engagements pris sont justes.
On distingue plusieurs parties dans la vertu de justice. Le premier niveau fondamental est celui de la justice commutative qui règle les échanges entre personnes et institutions, dans le respect de leurs droits : elle exige la sauvegarde des droits de propriété, l’exact paiement des dettes, la prestation des obligations librement contractées. La justice commutative commande aussi la restitution et la réparation des injustices commises. À un niveau supérieur, la justice légale concerne ce que le citoyen doit équitablement à la communauté (commune, Etat, et au sens spirituel à l’Eglise), et en sens inverse la justice distributive règle ce que la communauté doit aux citoyens, proportionnellement à leurs contributions et besoins. Au sens plus large, la justice s’exerce aussi vis à vis de Dieu, dans sa partie qu’est la vertu de religion, qui englobe tout ce que l’homme peut et doit faire pour rendre à Dieu ce qui lui est dû.
La doctrine sociale de l’Eglise
Parlons enfin de la doctrine sociale de l’Eglise, un terme relativement récent, qui regroupe l’ensemble des principes et réflexions développées par l’Eglise au sujet de l’organisation politique, économique et sociale des communautés humaines. L’Eglise, dépositaire de la pleine révélation de la vérité de l’homme, porte la responsabilité d’annoncer et de rappeler, en puisant à la source de l’Evangile, la dignité essentielle et intégrale de l’homme, avec les exigences de justice qu’elle implique. L’Eglise porte ainsi un jugement légitime « quand les droits fondamentaux de la personne ou le salut des âmes l’exigent »[77]Concile Vatican II, constitution dogmatique Gaudium et Spes, 76, § 5.. Elle se soucie de ces aspects temporels du bien commun « en raison de leur ordination au souverain Bien ».
Historiquement parlant, ce corps de doctrine s’est développé au XIXème siècle face aux recompositions des sociétés industrielles modernes, aux nouvelles conceptions de l’Etat, de l’autorité, du travail et des biens de consommation. Le corpus de textes de la doctrine sociale de l’Eglise est principalement constitué par les encycliques et textes pontificaux, depuis l’encyclique Rerum novarum de Léon XIII en 1891. On trouvera en bibliographie un certain nombre de titres, ainsi que la principale référence pour retrouver une synthèse des principes de cette doctrine : le Compendium de la doctrine sociale de l’Eglise. Rappelons certains des principes de réflexion, des critères de jugement et des orientations pour l’action que contient cette doctrine :
– Tout système fondé sur l’idée que la personne humaine et ses actes seraient déterminés uniquement par les rapports sociaux est contraire à sa dignité. C’est notamment le cas du marxisme et des idéologies qui lui sont liées, qui sacrifient les droits des personnes à l’organisation collective de la production.
– Toute théorie qui fait du profit la règle et le but de l’activité économique est également inacceptable. C’est le cas d’un capitalisme qui se considérerait comme fin ultime de l’homme et de la société.
– La régulation de l’économie par la planification d’une part, ou d’autre part par la seule loi du marché pervertit les liens sociaux et manque à la justice. La doctrine sociale appelle à une régulation raisonnable, en vue du bien commun.
Ainsi l’Eglise rappelle que le but ultime de l’activité et de la production économique est de subvenir aux besoins des êtres humains. La raison d’être d’une entreprise n’est donc pas la maximisation de son capital ou de ses profits, mais la subsistance matérielle de ses employés.
– Le travail n’est pas un châtiment divin, c’est seulement sa pénibilité qui est une conséquence du péché originel : il prolonge l’œuvre de Dieu, honore ses dons et constitue donc un devoir de l’homme. Il peut même être rédempteur, s’il est associé aux souffrances du Christ. Animé par un esprit chrétien le travail humain contribue à racheter la création en la retournant vers son Créateur.
– L’exercice du travail doit s’inscrire dans un cadre qui laisse assez de place à l’initiative économique et à la propriété privée, afin que chacun puisse faire valoir ses talents et recueillir les justes fruits de ses efforts.
– L’Eglise rappelle aussi les États, les responsables d’entreprise et les employés à leurs devoirs respectifs, en rappelant la dimension surnaturelle de l’existence humaine et la responsabilité morale exercée à travers les activités économiques.
La doctrine sociale de l’Eglise est donc l’ensemble des principes qui permettent une application de la vertu de justice au niveau des communautés humaines. Sa connaissance et sa mise en place sont un enjeu essentiel pour les chrétiens du XXIème siècle : rappelons que la grâce ne détruit ni ne remplace la nature, qu’elle la guérit et l’élève. Pour que le royaume du Christ puisse advenir et grandir dans les âmes, afin de leur permettre de répondre à leur vocation surnaturelle, il faut que la cité terrestre soit assainie et christianisée. Sur le plan individuel comme au niveau social, la grâce se greffe et fleurit sur le terreau d’une nature saine : les vertus morales sont le socle des vertus surnaturelles, et l’organisation chrétienne de la cité est ce qui permet le progrès et le salut des âmes.
Pour aller plus loin
Catéchisme de l’Eglise Catholique (édition 1992), Troisième partie, Première Section, Chapitre 2 (nn°1877-1948) ; Deuxième Section, Article 7 (nn°2401-2463).
Catéchisme du Concile de Trente, chapitre 35.
Les Trois Blancheurs, Année VI, “Les commandements”, Leçons 15 et 16.
Les Trois Blancheurs, Année IX, “La charité”, Leçon 13.
Léon XIII, encyclique Rerum Novarum (15 mai 1891),
Pie XI, encyclique Quadragesimo anno (15 mai 1931),
Jean-Paul II, encyclique Centesimus annus (1er mai 1981),
Benoît XVI, encyclique Caritas in Veritate (29 juin 2006).
Compendium de la Doctrine Sociale de l’Eglise
Dans la Bible
Exode, chapitre 20
Deutéronome, chapitre 5
Evangile selon saint Matthieu, chapitres 6, 19
Ecouter : Episode 31 – Le petit caté pour les grands
Episode 31 : Le huitième commandement – “Tu ne porteras pas de faux témoignage”
Parlons de notre rapport à la vérité, et à la réputation du prochain.
L’apôtre saint Jacques écrit : « Notre langue est une petite partie de notre corps et elle peut se vanter de faire de grandes choses. Voyez : un tout petit feu peut embraser une très grande forêt. La langue aussi est un feu ; monde d’injustice, cette langue tient sa place parmi nos membres » (Jc 3, 5) et il continue : « [notre langue] nous sert à bénir le Seigneur notre Père, elle nous sert aussi à maudire les hommes, qui sont créés à l’image de Dieu. De la même bouche sortent bénédiction et malédiction. Mes frères, il ne faut pas qu’il en soit ainsi. » (Jc 3, 9).
Le langage est le propre de l’homme. Nul ne peut vivre en société sans le langage. Aucun homme ne peut vivre sans communiquer. Et pourtant, souvent, à cause de nos paroles, nous causons du tort au prochain, soit en mentant, soit même en le dénigrant. Et ces péchés sont une pente facile et régulière, dans laquelle nous péchons trop souvent, au point de nous habituer et de ne plus y voir le mal.
Alors cherchons ce que nous demande le 8ème commandement.
1. Les raisons
Cette étude est fondamentale, car comme nous l’avons vu pour la justice, il faut réparer le tort causé. Or cela est très difficile pour nos paroles. Le Concile de Trente note : « Ce qui fait encore que le mensonge est un très grand mal, c’est qu’il constitue une maladie de l’âme presque incurable. Car le péché que l’on commet en accusant quelqu’un d’un faux crime, ou bien en blessant son honneur et sa réputation, ce péché ne peut être remis qu’autant que le calomniateur a réparé son tort envers sa victime. Mais précisément, ainsi que nous l’avons déjà remarqué, cette réparation est très difficile à faire […].
Personne en effet n’a le droit d’espérer qu’il obtiendra le pardon de ses calomnies et de ses diffamations, tant qu’il n’aura pas satisfait à celui dont il a souillé l’honneur et la réputation, soit publiquement et en justice, soit dans des entretiens privés et familiers. »
Il faut réparer (rectifier) ce que les autres ont entendus et pensent maintenant. C’est presque impossible. Ne nous habituons pas au mal fait par nos paroles, que ce soit des choses vraies, ou sur des choses fausses.
2. Les différents péchés
Expliquons les différents péchés contre le huitième commandement. « Le huitième commandement : Tu ne diras pas de faux témoignage, nous défend de déposer faussement en justice. Il nous défend encore la diffamation ou médisance, la calomnie, la flatterie, le jugement et le soupçon téméraires et toutes sortes de mensonges. »
Le mensonge est un péché qui consiste à affirmer comme vrai ou comme faux, par des paroles ou par des actes, ce qu’on ne croit pas tel[78]Catéchisme de Saint Pie X, 167sq.
La calomnie est un péché qui consiste à attribuer méchamment au prochain des fautes et des défauts qu’il n’a pas[79]idem.
La diffamation ou médisance est un péché qui consiste à manifester sans un juste motif les péchés et les défauts d’autrui[80]idem.
Le Catéchisme du Concile de Trente appelle ce dernier péché une « véritable peste », car il est très répandu. Ainsi, sauf pour préserver quelqu’un d’un danger quelconque, nous ne pouvons ni révéler les fautes du prochain, ni même ses défauts.
La réputation est un bien précieux qui sert à chacun à vivre parmi les hommes, et nous commettons une injustice en abimant ce bien d’autrui, même si ce que nous disons est vrai.
Continuons : « On désobéit également à ce précepte, si […] on met la désunion et le désaccord entre les hommes ; si l’on se plaît à semer des dissensions, à miner et à détruire, par des rapports mensongers, les liaisons et les sociétés les mieux établies, à pousser les meilleurs amis à des inimitiés irréconciliables, et même à les armer les uns contre les autres. »
Ainsi, cette bienveillance doit aller jusque dans nos pensées.
Le jugement ou le soupçon téméraire est un péché qui consiste à mal juger ou à soupçonner de mal le prochain sans un juste motif[81]Catéchisme de Saint Pie X, 459.
La flatterie est un péché qui consiste à tromper quelqu’un en disant faussement du bien de lui ou d’un autre, dans le but d’en retirer quelque avantage[82]Catéchisme de Saint Pie X, 458.
Bref, ce commandement nous interdit de dire et de penser du mal du prochain, sans raison évidente et importante, et il interroge aussi notre rapport à la vérité.
Notre rapport à la vérité
Car la vérité même, c’est Dieu, alors que le père du mensonge c’est le diable dit l’apôtre Jean. En tant que chrétien, nous devons fuir le faux et aimer la vérité, fuir l’erreur et surtout le mensonge pour vivre en tant que fils de Dieu. « Je suis la vérité » déclare Jésus sur lui-même.
Un père de l’Eglise[83]Saint Isidore de Séville, Etymologies, L. 3, c. 19., disait : « Celui qui tait la vérité, et celui qui profère le mensonge sont également coupables, le premier parce qu’il ne veut pas être utile, le second parce qu’il cherche à nuire. »
Nous devons aimer la vérité, et la donner à l’autre. C’est par exemple un devoir impérieux d’évangéliser. D’ailleurs martyr veut dire témoin, et nous devons rendre un vrai témoignage à Dieu dans le domaine de la religion.
Mais attention, la justice et la miséricorde, nous instruisent cependant que toute vérité ne doit pas être dite, comme je l’ai dit au sujet de la médisance.
En conclusion, citons Saint Jacques, « Quoi de plus odieux et de plus infâme que d’employer la même langue à bénir Dieu votre Père et à maudire les hommes qui sont créés à son image et à sa ressemblance, comme si une fontaine pouvait, par la même ouverture, donner une eau douce et une eau amère ! » (Jc 3, 10).
Pour aller plus loin
Catéchisme de l’Eglise Catholique (édition 1992), Troisième partie, Deuxième Section, Article 7 (nn°2464-2513).
Catéchisme du Concile de Trente, chapitre 36.
Catéchisme de Saint-Pie X, nn° 455-469.
Les Trois Blancheurs, Année VI, “Les commandements”, Leçons 17 et 18.
Les Trois Blancheurs, Année IX, “La charité”, Leçon 14.
Dans la Bible
Exode, chapitre 20
Deutéronome, chapitre 5
Evangile selon saint Jean, chapitres 14 et 19
Epître de saint Jacques, chapitre 3.
Ecouter : Episode 32 – Le petit caté pour les grands
Episode 32 : Neuvième et dixième commandements – “Tu n’auras pas de désir impur volontaire” – “Tu ne convoiteras pas injustement le bien d’autrui”
Nous voyons aujourd’hui le neuvième et le dixième commandement, qui enseignent la purification des désirs et qui s’énoncent ainsi :
Tu ne convoiteras pas la femme de ton prochain[84]Exode 20,17 ; Deutéronome 5,2..
et
Tu ne convoiteras pas le bien d’autrui[85]Exode 20,17 ; Deutéronome 5,21..
Ces deux derniers commandements du Décalogue, souvent oubliés ou pris pour de simples redites, sont pourtant d’une importance capitale, car ils visent non pas les actes extérieurs — comme l’adultère ou le vol — mais les mouvements intérieurs de l’âme, les désirs désordonnés, qui sont à la racine même du péché.
1. Une pédagogie divine de l’intérieur
Il faut d’abord admirer ici la pédagogie divine. Le Décalogue commence par ce que l’on ne doit pas faire (homicide, vol, adultère), mais il s’achève par ce que l’on ne doit même pas désirer. Car Dieu, qui voit dans le secret des cœurs, ne se contente pas d’interdire l’acte : il veut purifier le cœur tout entier :
Ce n’est pas ce qui entre dans la bouche qui rend l’homme impur, mais ce qui sort de la bouche, voilà ce qui rend l’homme impur[86]Mt 15, 11..
Ce qui sort de la bouche vient du cœur, et c’est cela qui rend l’homme impur. Car c’est du cœur que proviennent les pensées mauvaises, meurtres, adultères, inconduites, vols, faux témoignages, blasphèmes[87]Mt 15, 18–19..
Ces deux commandements, en quelque sorte, scellent la Loi de Dieu en élevant le regard vers une perfection intérieure.
Le Christ n’ajoute rien de fondamental à la Loi : il la mène à sa plénitude, en révélant ce que le dernier mot du Décalogue contenait déjà en germe : le péché naît dans le cœur.
2. Désirer : une faculté blessée
Le cœur de l’homme est fait pour désirer Dieu, pour soupirer vers le Bien infini, vers la sainteté, vers l’union parfaite avec son Créateur. Mais depuis le péché originel, cette noble capacité a été déformée. Elle s’est détournée de Dieu pour se tourner vers les créatures, vers des biens limités, passagers et illusoires.
Le neuvième commandement concerne les désirs désordonnés de la chair, tandis que le dixième commandement concerne les désirs désordonnés des biens extérieurs (argent, maison, renommé, prestige, position sociale etc).
Ces commandements, ensemble, visent à guérir l’homme dans ses racines : non seulement dans ses actes, mais dans ses pulsions, ses regards, ses désirs — tout ce qui habite l’intimité de l’âme.
3. Le péché commence dans le désir
Tout péché commence dans le cœur. Le Catéchisme le rappelle :
Le neuvième et le dixième commandements complètent les commandements précédents en précisant que le péché commence dans l’intention du cœur[88]CEC n°2518..
Ce mouvement intérieur du cœur s’appelle le péché de convoitise. Il devient péché lorsqu’il est consenti librement et volontairement, même sans passage à l’acte. Cela signifie que nourrir en soi de mauvais désirs, y trouver un plaisir, ou les entretenir volontairement, est déjà une désobéissance à Dieu.
Saint Jacques le rappelle dans son épître :
Chacun est tenté par sa propre convoitise, qui l’entraîne et le séduit. Puis la convoitise, une fois féconde, enfante le péché, et le péché, arrivé à maturité, engendre la mort[89]Jc 1, 14-15..
4. Le désir désordonné de la chair (9e commandement)
L’enseignement catholique est très clair : l’homme ne peut pas disposer librement de sa sexualité, car celle-ci a une finalité noble et ordonnée — l’union des époux et la génération des enfants. Dès lors, le désir charnel désordonné — en pensée, en imagination, en intention — en dehors de cette finalité, est un péché contre le neuvième commandement.
Cela inclut : la complaisance dans les pensées impures, la consommation volontaire d’images obscènes, le fait de nourrir des rêveries érotiques, les regards impurs et les fantasmes entretenus.
Tout cela n’est pas sans conséquence. Le regard impur obscurcit l’âme, trouble le jugement et diminue la liberté intérieure. Ce que l’on s’autorise dans l’esprit influence insensiblement notre vie et nos actions, et prépare inéluctablement à des chutes concrètes. Le cœur impur se prive de Dieu, car la laideur de ses pensées est incompatible avec la contemplation de la pureté divine. C’est pourquoi Jésus attache à la pureté du cœur, la vision de Dieu :
Bienheureux les cœurs purs, car ils verront Dieu[90]Mt 5, 8..
On ne peut pas en même temps se complaire dans l’impureté terrestre et la pureté infinie de Dieu. Ces deux visions s’opposent et se rejettent mutuellement. Elles sont incompatibles.
5. Le désir désordonné des biens (10e commandement)
Le dixième commandement vise les désirs désordonnés des biens d’autrui. Il est un fait que la comparaison tue la paix intérieure. Combien d’âmes sont aujourd’hui malheureuses, non parce qu’elles manquent de quelque chose, mais parce qu’elles regardent ce que les autres possèdent.
Le Catéchisme nous avertit :
La soif immodérée des richesses et de la puissance est une conséquence de l’idolâtrie première[91]CEC n°2536..
En d’autres termes, l’homme convoite parce qu’il a cessé de désirer Dieu. Le cœur, s’il n’est pas occupé par l’amour divin, devient un marché d’envies et de frustrations.
Le dixième commandement vise ainsi le fond de l’âme : aimons-nous les biens terrestres à leur juste valeur ou donnons-nous leur la première place dans notre cœur, celle réservée à Dieu et aux biens de l’âme ?
Le dixième commandement, nous dit le catéchisme de l’Eglise catholique, proscrit l’avidité et le désir d’une appropriation sans mesure des biens terrestres ; il défend la cupidité déréglée née de la passion immodérée des richesses et de leur puissance[92]CEC 2536..
Cependant, désirer un bien que possède une tierce personne n’est pas un péché en soi, du moment que nous ne cherchons pas à nous l’approprier de manière illégitime ou par des moyens injustes. Nous pouvons désirer avoir la même réussite professionnelle que notre collègue, du moment que les moyens que nous employons pour y arriver soient justes, comme un travail plus assidu et efficace.
Ce que bannit le dixième commandement, c’est la tristesse causée par la réussite de l’autre. Comme si le bien de mon prochain diminuait mon propre bien ou m’empêchait d’être pleinement heureux. Quand cette tristesse entraîne le souhait qu’un mal grave arrive à l’autre, elle devient péché mortel. Saint Augustin voyait dans l’envie « le péché diabolique par excellence », et saint Grégoire le Grand mettait en garde contre cette convoitise car nous dit-il : « De l’envie naissent la haine, la médisance, la calomnie, la joie causée par le malheur du prochain et le déplaisir causé par sa prospérité. »
Ainsi, les 9e et 10e commandements sont une école de liberté. Dieu ne vient pas éteindre le désir : il vient l’élever, le purifier, le rediriger vers son vrai objet et nous libérer de l’esclavage des désir viciés. Ces deux commandements sont peut-être ceux qui demandent la plus grande ascèse, car ils ne sont constatables que par nous-mêmes. Cet aspect secret entraine le laxisme et la permissivité. Il faut donc être à soi-même son propre accusateur et son propre juge.
Le combat spirituel intérieur est donc capital et doit faire l’objet de toutes nos attentions, à commencer par notre examen de conscience du soir. Celui qui contrôle ses pensées contrôle son corps et possède pleinement son âme. Cette vertu s’acquiert évidemment par la prière, notamment celle qui demande le détachement des biens terrestres, par des jeûnes réguliers, qui apprennent à dire non aux désirs immédiats et violents, et par la méditation des biens du Ciel, qui relativise les attraits du monde.
Conclusion : un cœur pour Dieu
Les deux derniers commandements du Décalogue, pour conclure, sont comme les deux murs invisibles qui gardent le sanctuaire du cœur. C’est là que Dieu veut habiter. Mais il ne cohabite pas avec les idoles du désir, ni avec la fumée des illusions. Nous devons donc apprendre à désirer saintement, à vouloir le Bien véritable et à rejeter les convoitises de la chair et les appâts du monde. Car ce que l’homme cherche dans les créatures, Dieu seul peut le combler.
Pour aller plus loin
Catéchisme de l’Eglise Catholique, Troisième partie, Deuxième Section, Articles 9 et 10 (nn°2514-2557).
Catéchisme du Concile de Trente, chapitre 37.
Catéchisme de Saint-Pie X, nn° 428-435 et 470-473.
Les Trois Blancheurs, Année VI, “Les commandements”, Leçons 13 et 15.
Les Trois Blancheurs, Année IX, “La charité”, Leçons 12 et 13.
Saint Augustin, Les confessions, Livre X.
Saint Thomas d’Aquin, Somme Théologique, IIaIIae Pars, qq. 118-123.
Dans la Bible
Exode, chapitre 20
Deutéronome, chapitre 5
Evangile selon saint Matthieu, chapitres 5 et 15
Epître de saint Jacques, chapitre 1.
Ecouter : Episode 33 – Le petit caté pour les grands
Episode 33 : La prière
La prière comme moyen d’obtention de la grâce
Rendre à Dieu ce qui Lui est dû, nécessité de la prière
Conditions de la prière
La prière, clé de coeur de Dieu
Pour aller plus loin
Catéchisme de l’Eglise Catholique, Quatrième partie, Première Section, chapitres 1 à 3 (nn°2566-2758).
Catéchisme du Concile de Trente, chapitre 38.
Catéchisme de Saint-Pie X, nn° 254-292.
Les Trois Blancheurs, Année VI, “Les commandements”, Leçons 13 et 15.
Les Trois Blancheurs, Année IX, “L’espérance”, Leçon 2.
Pie XI, Encyclique Caritate compulsi.
Saint Alphonse de Ligori, Le grand moyen de la prière.
Dans la Bible
Evangile selon saint Matthieu, chapitre 6.
Evangile selon saint Luc, chapitre 18.
Ecouter : Episode 34 – Le petit caté pour les grands
Episode 34 : “Que votre nom soit sanctifié”
« Notre Père qui êtes aux cieux, que votre nom soit sanctifié ».
Le Notre-Père est à la fois la première et la plus fondamentale des prières : en nous l’enseignant, le Christ nous a donné à la fois la leçon et la clé de la prière. L’abbé Lefer le mentionnait lors de l’épisode précédent : Jésus nous apprend à prier en formulant sept demandes, adressées à Dieu en tant que Père.
Nous pourrions nous étonner des trois premières demandes du Notre-Père, elles semblent assez peu concrètes, éloignées de nos préoccupations immédiates, car elles concernent directement Dieu en lui-même. Et pourtant ces demandes – et nous nous arrêterons aujourd’hui sur la première – sont fondamentales, car elles nous enseignent quelle doit être l’attitude profonde et juste de la prière. Nous partirons de là pour détailler les différentes formes de prière.
Prier : c’est demander ce qui est juste.
Prier, c’est demander, bien sûr, c’est même étymologiquement supplier (precor en latin). La prière est une demande, mais qui doit respecter un certain ordre pour être ajustée et vraie : nous devons demander en premier ce qui est suprêmement désirable. Or Dieu est le souverain bien, lui seul mérite d’être aimé plus que tout, c’est à dire lui seul mérite que nous préférions son honneur et sa gloire à tout ce qui existe, à tout le créé. Avant donc de demander ce qui se rapporte à nous-mêmes et au prochain, il nous faut demander ce qui se rapporte à sa gloire. Comment s’appelle cette première forme de prière, cette attitude fondamentale ? L’adoration.
La première demande du Pater réalise ce que nous enseigne le premier commandement : adorer Dieu seul. L’adoration est la première attitude de l’homme qui se reconnaît créature devant son Créateur : nous nous prosternons devant le Seigneur qui nous a fait, devant sa toute-puissance qui nous libère du mal, nous reconnaissons notre dépendance radicale. Attitude d’humilité, l’adoration fonde aussi une confiance inébranlable, enracinée dans la contemplation de la grandeur et de la bienveillance infinies de Dieu.
La sanctification du nom de Dieu
En demandant que le nom de Dieu soit sanctifié, nous manifestons notre désir que toute la création entre avec nous dans le mouvement de l’adoration du Dieu trois fois saint. Le « nom » de Dieu est en effet un thème récurrent de la Sainte-Ecriture, qui désigne par là la manifestation que le Seigneur nous fait de son intimité. Dieu s’était d’abord fait connaître à Abraham sans lui dévoiler son nom. Il l’avait donné à Moïse lors de la théophanie du buisson ardent, afin que ce nom soit couvert de gloire à la face du monde en opérant le salut d’Israël face aux Egyptiens. Le rôle d’Israël, peuple élu et sacerdotal, au milieu duquel habitait le nom – c’est à dire la présence – de Dieu, était ensuite de rendre gloire au nom divin au milieu des nations. Mais les Israélites ne furent pas toujours fidèles à cette mission : « je sanctifierai mon grand nom qui a été profané parmi les nations » promet encore le Seigneur à Ezéchiel[96]Ez 36, 23, au temps de l’exil à Babylone. C’est finalement en Jésus que le nom de Dieu est révélé et donné de manière pleine et définitive, à travers l’incarnation du Fils de Dieu, son Verbe, comme Sauveur. En Jésus le nom de Dieu n’est pas un mot, il est une personne, dont le sacrifice d’amour suprême mérite pour tous le salut : « c’est pourquoi il a reçu le nom qui est au-dessus de tout nom, afin qu’au nom de Jésus tout genou fléchisse… »[97]Ph 2, 9 s’écrie saint Paul.
Pour nous, le nom de Dieu est la révélation de lui-même à travers son oeuvre bienfaisante. Mais cette oeuvre ne se réalise pour nous que si nous l’accueillons librement et que nous sanctifions ce nom qui nous est donné : « Père saint, prie Jésus après la cène, j’ai fait connaître ton nom à ceux que tu m’as donnés »[98]Jn 17, 26. Nous avons reçu ce nom comme un héritage très saint lors de notre baptême, au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit : notre mission est désormais de sanctifier le nom du Seigneur, par nos actions, nos paroles, nos pensées, et fondamentalement par notre attitude intime d’adoration. Lorsque nous demandons que le nom de Dieu soit sanctifié, notre prière est bien sûr avant tout une expression d’adoration et de louange désintéressée, mais elle rejaillit finalement sur nous, car c’est dans notre propre vie que ce nom doit d’abord resplendir et être glorifié.
La sanctification du nom de Dieu nous invite donc à l’adoration intérieure, à la fidélité et aux bonnes oeuvres, elle concerne enfin plus largement la dimension sociale de notre vie, car la manifestation de la gloire divine ne saurait être restreinte à la sphère privée. Lorsque nous demandons que le nom de Dieu soit sanctifié, nous prions et nous nous engageons à agir pour que la royauté du Seigneur, en particulier la royauté sociale de Jésus-Christ, soit reconnue et acceptée par les hommes, afin que tous puissent rendre gloire au Créateur et souverain maître de l’univers, source de toute sainteté, et jouir du resplendissement infini de sa gloire.
Les buts de la prière
« Que votre nom soit sanctifié » : l’adoration est donc le premier but de la prière. Toute prière doit commencer ainsi, en rendant gloire à Dieu, Père, créateur et maître bienveillant. La prière inclut cependant aussi d’autres buts. On dit parfois que la prière a quatre buts principaux : adorer, remercier, demander pardon et demander des grâces.
– l’adoration est donc le premier but et le fondement de toute prière, puisqu’elle s’adresse à Dieu, qui est notre Père infiniment bon mais aussi notre Créateur et souverain maître.
– l’action de grâces lui est liée : nous ne pouvons pas nous adresser à Dieu sans le remercier de tous les bienfaits spirituels et temporels dont il nous comble, en particulier la vie surnaturelle, la grâce, les sacrements, mais aussi la vie naturelle et ses joies.
– puisque nous nous présentons devant Dieu comme pécheurs, toute prière doit inclure au moins implicitement la reconnaissance de notre insuffisance, qui n’est pas une culpabilisation stérile mais un appel au secours, pour que s’incline vers nous l’infinie miséricorde divine.
– enfin, puisque nous nous adressons à ce Père infiniment bon qui désire combler au-delà de toute attente nos espérances, nous pouvons et devons lui demander ce dont nous avons besoin, pour nous, notre prochain connu ou inconnu, dans la communion des saints.
Adorer, remercier, demander pardon, demander des grâces : ces quatre buts de toute prière doivent être présents au moins implicitement à chaque fois que nous nous adressons à Dieu, on les retrouve excellemment et éminemment exprimés à la messe, dans la grande prière de l’Eglise, qui unit profondément ces quatre dimensions.
Comme on l’apprend aux enfants au moment de leur première communion, on peut se rappeler ces quatre buts aisément en se souvenant dans nos prières de toujours dire à Dieu ces quatre mots simples : bonjour, merci, pardon, s’il vous plaît, ou encore en utilisant l’anagramme d’ARDOR (qui veut dire « ferveur » en latin) : adorer, remercier, demander pardon, offrir, répondre.
Les différentes formes de prière
Nous l’avons dit, prier, c’est donner du temps à Dieu, passer un moment avec lui comme avec un ami, entrer en conversation simple et confiante avec notre Père du ciel. La prière exprime tout ensemble l’adoration, l’action de grâces, la contrition et la supplication. Comme il n’y a pas une unique bonne manière de passer du temps avec un ami, il n’y a pas une unique manière de passer du temps avec Dieu, c’est à dire de prier. Comme avec un vrai ami, on peut presque tout faire, au moins tout ce qui fait grandir l’amitié. Il y a donc différentes formes de prière, différentes attitudes, qui correspondent aussi à la manifestation privilégiée de tel ou tel aspect de la prière.
– la prière liturgique (ou culte public) est la prière dans laquelle nous nous unissons à celle de Jésus et de l’Eglise rassemblée en lui et avec lui : nous sommes élevés par elle et avec elle et portés vers Dieu. Elle est indispensable et magnifique, source de grandes grâces. La richesse des textes et rites liturgiques nous ouvre à la contemplation : n’hésitons pas à utiliser notre missel avant ou après la messe pour mieux en goûter la profonde saveur.
– la prière vocale (ou culte extérieur) est la prière formulée à haute voix, en utilisant les formules de la Sainte Écriture ou de l’Eglise, parfois accompagnée de gestes : elle peut être partagée et faite en commun, car « lorsque où deux ou trois sont réunis en mon nom, je suis là au milieu d’eux »[99]Mt 18, 20. La prière du chapelet est une forme de prière vocale particulièrement chère au coeur des chrétiens.
– mais toute prière doit aussi être un culte intérieur adressé à Dieu, et il est une forme de prière qui nourrit puissamment cet indispensable élan de l’âme vers Dieu : la prière d’oraison est la prière du coeur, un coeur à coeur intime avec Dieu, dans le silence, si possible prolongé, pour passer du temps avec l’ami divin et se laisser transformer à son contact, nous en parlerons au prochain épisode.
La prière est la respiration de notre âme, l’élan simple et confiant de notre coeur vers Dieu : elle nous plonge efficacement et totalement en lui et nous fait échapper aux ténèbres du monde. La prière n’est donc pas un luxe, elle est une nécessité à laquelle nous sommes invités chaque jour, en commençant dès aujourd’hui !
Pour aller plus loin
Catéchisme de l’Eglise Catholique, Quatrième partie, Deuxième Section, article 3 (nn°2807-2815).
Catéchisme du Concile de Trente, chapitre 40.
Catéchisme de Saint-Pie X, nn° 292-296.
Dans la Bible
Exode, chapitre 3.
Ezéchiel, chapitre 36
Evangile selon saint Matthieu, chapitre 6.
Evangile selon saint Luc, chapitre 11.
Ecouter : Episode 35 – Le petit caté pour les grands
Episode 35 : “Que votre règne arrive”
« Notre Père qui êtes aux cieux, que votre nom soit sanctifié ».
Le Psaume 22 commence ainsi : « le Seigneur est mon roi, rien ne manquera ». La seconde demande du Pater insiste sur l’établissement de ce royaume de Dieu, dont notre Seigneur Jésus-Christ a tant parlé tout au long de sa vie publique .
Commençons par une simple remarque de traduction : la version originale du « Notre Père », en grec ancien donc, porte le mot « basileia » qui se traduit tant par « royauté », que par « royaume » ou règne ». C’est dans ce sens englobant qu’il faut le comprendre.
Dieu doit donc régner. Par royaume de Dieu, nous entendons un triple règne spirituel. Voyons chacun ces trois aspects, pour bien saisir ce que nous demandons en priant.
Royauté sur les âmes
Premièrement dans nos âmes : Dieu doit régner parmi les hommes, dans nos esprits. Nous prions en fait pour l’Église, qui est la royauté de Dieu ici-bas, l’Eglise étant l’ensemble des âmes unies au Christ.
Cela s’entend premièrement de la croissance de l’Eglise. En demandant que cette Église s’agrandisse de plus en plus, s’étende de plus en plus loin sur toute la Terre : l’Église, c’est à dire le corps mystique du christ composée de ceux qui croient Jésus, espèrent sa vie et l’aiment. Nous prions donc pour la mission, la conversion des personnes qui ignorent encore Jésus.
Nous prions ensuite pour la conversion des pécheurs, pour qu’ils retournent leur cœur vers le vrai bien, le vrai Dieu ou la vraie foi. Sous cet aspect nous prions particulièrement aussi pour la purification de l’Église et la sanctification de tous ses membres : que les hommes qui sont déjà dans l’Eglise vivent vraiment et pleinement sous le règne du christ, c’est-à-dire lui soumettent leur vie, fuient le péché, l’erreur, le schisme ou l’hérésie.
Nous prions enfin et particulièrement pour notre propre âme. Toute mission commence par soi-même, et tout renouvellement de l’Église se fait par notre sainteté.
C’est l’occasion de parler de ce qu’on appelle l’oraison. Chaque chrétien doit prier. Il existe évidemment plusieurs sortes de prière : la prière liturgique qui est une prière officielle de toute l’Église, comme la messe par exemple ; des prières en commun, comme le chapelet par exemple, et une prière personnelle et silencieuse : c’est l’oraison. L’oraison consiste dans un cœur à cœur avec Dieu. Pour bien comprendre de quoi il s’agit, il faut se rappeler que « prier c’est penser à Dieu en l’aimant », et c’est tout. Il n’y a, en théorie pas besoin de technique particulière : nous avons juste besoin de consacrer du temps, sacrifier notre temps pour tourner notre cœurs vers Dieu seul, intimement et sans faire autre chose. Cependant, l’expérience d’une prière quotidienne vers Dieu nous montre que nous avons besoin de structurer notre prière pour éviter que l’imagination ne nous éloigne de Dieu. C’est pour cela que dans la prière silencieuse de l’oraison, après s’être mis en présence de Dieu, il est bon de relire un texte ou un passage de la Bible, une courte prière qui nous aide à maintenir notre esprit en Dieu. Nous pouvons alors exposer le fond de notre âme et de nos soucis à Dieu.
Royauté sur la terre
En lien avec l’Église, Dieu doit régner sur la terre. C’est le second sens de cette demande :
Il faut reconnaitre le pouvoir de Dieu sur toute la création. C’est-à-dire « le pouvoir de Dieu sur tout homme et tout l’univers et la providence qui dirige tout homme. ». Et cela en tant que créateur et Maitre de toute chose. Mais il faut dire plus et demander particulièrement : « la providence spéciale par laquelle Dieu prend soin des âmes des hommes pieux et fidèles. »
Mais ce pouvoir de Dieu, cette providence, comme ses commandements, doivent être reconnus et aimés par tous les hommes. C’est ce que nous espérons. Selon le mots de saint Paul : « le royaume de Dieu, c’est la justice, la paix et la joie dans le Saint Esprit. »
Nous pouvons aller même plus loin dans ce sens. En 1925 le pape Pie XI publie l’encyclique Quas Primas dans laquelle il proclame que le Christ est roi, en disant : « D’autre part, ce serait une erreur grossière de refuser au Christ-Homme la souveraineté sur les choses temporelles, quelles qu’elles soient: il tient du Père sur les créatures un droit absolu, lui permettant de disposer à son gré de toutes ces créatures. » et il continuait : « Et, à cet égard, il n’y a lieu de faire aucune différence entre les individus, les familles et les Etats ; car les hommes ne sont pas moins soumis à l’autorité du Christ dans leur vie collective que dans leur vie privée. »
Dieu doit donc régner aussi sur les sociétés.
Bref, nous demandons, comme chemin vers le ciel : « que ses lois soient en vigueur sur toute la terre, que ses décrets soient partout exécutés. » non par force et coercition, évidemment, mais par amour. En somme, cette demande prie pour la conversion des hommes et des sociétés vers Dieu, qu’ils l’aiment et appliquent librement ses commandements.
Royauté au Ciel
Enfin, et c’est notre troisième point : nous devons nous souvenir cependant que notre vraie patrie est dans les cieux, et que sur cette terre, nous ne sommes que comme en exil. Jésus répond lui-même à Ponce Pilate : « mon royaume n’est pas de ce monde ». Car notre patrie est au Ciel, et il ne faut pas s’arrêter en chemin. Le vrai royaume de Dieu c’est le paradis vers lequel nous allons si nous recevons la grâce et si nous faisons la volonté de Dieu.
En fait, la grâce que nous recevons est le début, le commencement, de la gloire du ciel : « la gloire n’est autre que la grâce consommée, porté à sa perfection. »
Le Catéchisme[100]Catéchisme de l’Eglise Catholique, n°2818. dit simplement : « dans la prière du seigneur, il s’agit principalement de la venue finale du règne de Dieu par le retour du Christ » cette demande a donc une visée qu’on appelle eschatologique : nous demandons la parousie dans laquelle Dieu fera paraitre pleinement sa gloire de roi et règnera sans faille sur toute créature.
Pour aller plus loin
Catéchisme de l’Eglise Catholique, Quatrième partie, Deuxième Section, article 3 (nn°2816-2821).
Catéchisme du Concile de Trente, chapitre 41.
Catéchisme de Saint-Pie X, nn° 296-299.
Comment faire oraison ? (article sur Claves)
Exhortation à l’oraison fervente (articles sur Claves)
Dans la Bible
Evangile selon saint Matthieu, chapitre 6.
Evangile selon saint Luc, chapitre 11.
Ecouter : Episode 36 – Le petit caté pour les grands
Episode 36 : “Que votre volonté soit faite sur la terre comme au ciel.”
Cette demande pourrait être formulé de la manière suivante : « Non pas que ma volonté soit faite mais la votre sur la terre comme au Ciel ».
Malheureusement, depuis le péché originel, l’intelligence et la volonté de l’homme ont été blessés. L’intelligence confond le bien et le mal et lorsqu’elle discerne des biens, elle peine à les agencer, les ordonner entre eux de manière juste et bonne. A cause de ce défaut de jugement de l’intelligence, la volonté est entrainée à vouloir de mauvaises choses, des biens apparents qui en réalité détournent l’homme de son véritable Bien, Dieu.
Cette demande est une reconnaissance de notre faiblesse à vouloir le véritable bien, une méfiance vis-à-vis de se propre volonté, du moins celle laissée à elle-même.
Comme l’exprime saint Paul, il existe comme une double loi dans notre être, celle de l’Esprit et celle de la chair. Si le baptême a guéri notre âme du péché originel, notre corps reste blessé et comme sous une autre loi : « Je sais que le bien n’habite point en moi, c’est-à-dire dans ma chair. » (Rm 7,20). Dès le moment même où le premier homme eût perdu la justice originelle, enseigne le catéchisme du Concile de Trente, qui, comme un frein, retenait toutes les passions dans l’ordre, la raison est devenue radicalement impuissante à les contenir dans le devoir, et à les empêcher de désirer ce qu’elle-même repousse. C’est pourquoi l’Apôtre nous dit que le péché, c’est-à-dire le foyer de péché, habite dans la chair de l’homme, afin de nous faire comprendre qu’il n’est pas en nous pour un temps et comme un hôte qui passe, mais que tant que nous vivons, il demeure en nous comme dans sa propre et perpétuelle habitation.
C’est donc à la défiance que nous incite cette demande. Elle nous rappelle que le péché de nos premiers parents fut une désobéissance, c’est-à-dire la préférence d’une volonté humaine à une volonté divine.
La mission de Notre-Seigneur sur terre ne fut rien d’autre qu’une réparation continuelle de cette désobéissance originelle :
Car, nous dit-il, je suis descendu du ciel pour faire non pas ma volonté, mais la volonté de celui qui m’a envoyé.[101]Jn 6, 38.
et encore :
Ma nourriture est de faire la volonté de celui qui m’a envoyé et d’accomplir son œuvre.[102]Jn 4, 34.
Cet esprit d’obéissance, tout homme qui veut être sauvé doit l’adopter :
Ce n’est pas celui qui m’aura dit : “Seigneur, Seigneur !” qui entrera dans le royaume des cieux, mais celui qui aura fait la volonté de mon Père qui est dans les cieux.[103]Mt 7, 21.
Il est si facile de se revendiquer de Dieu et du Christ quand obéir n’est pas contraignant. Mais cette obéissance n’est qu’accidentelle ; vient une difficulté, un dilemme, un sacrifice, et bien vite la volonté se reprend et se préfère. Cela révèle une chose : ce n’était pas la volonté de l’individu qui suivait celle de Dieu, mais l’inverse. L’individu avait comme « soumis » la volonté de Dieu à la sienne.
Il n’y a de véritable obéissance que lorsqu’on préfère la volonté de Dieu à la nôtre dans les choses qui coûtent. Dans le cas contraire, l’obéissance n’est qu’accidentelle et ponctuelle.
Nous avons de nombreux exemples de ce genre de conflit de volontés autour de nous : comme par exemple les chrétiens qui s’auto-dispensent de la messe dominicale, préférant la regarder à la télévision ou faire autre chose ; ou lorsque deux personnes vivent en concubinage, montrant par là leur mépris des privilèges du mariage institué par Dieu.
Derrière tout péché, il y a une substitution de notre volonté à celle de Dieu, et très souvent, cela se manifeste dans les situations importantes, de fond, qui engagent la vie tout entière.
Et pourtant, combien notre bonheur est lié et entièrement dépendant de cette soumission à la volonté divine !
Car quiconque fait la volonté de mon Père qui est dans les cieux, nous dit Notre-Seigneur, celui-là est pour moi frère, sœur et mère.[104]Mt 12,50.
C’est-à-dire : devient l’objet de l’amour préférentiel de Dieu, jouit de l’amour filial, fraternel et familial de la Très Sainte Trinité.
Le roi David, déjà à son époque, soupirait après cette obéissance, conscient que son bonheur en dépendait : « Faites que mes voies se dirigent vers l’observation de vos commandements »[105]Ps 118., suppliait-il dans ses psaumes.
Or il est manifeste que c’est de la chair que s’origine notre désobéissance. C’est pourquoi le Catéchisme du Concile de Trente appelle à détester les œuvres de la chair, à la suite de saint Paul (Ga 5, 19-21).
Les voluptueux, tout entiers absorbés par la satisfaction de leur désir, sont aux antipodes de Dieu et de sa volonté sur l’homme :
« Emportés par leurs passions, commente ce même catéchisme, ils se précipitent à la conquête de ce qu’ils ont désiré, et placent le bonheur dans la satisfaction de leurs criminelles convoitises. »
La sensualité aveugle l’esprit, enseigne saint Grégoire le Grand dans ses Moralia[106]livre XXXI, ch. 45.. Elle fait naître la haine de Dieu, car l’âme ainsi corrompue se rend bien compte que ses désirs s’opposent à la volonté de Dieu, et finit par considérer Dieu comme un ennemi de son bonheur, car ennemi de ses désirs désordonnés.
La haine de Dieu vient souvent de l’amour exclusif de sa propre volonté.
Mais ce n’est pas seulement lorsque notre volonté se porte sur un plaisir mauvais que nous devons préférer la volonté de Dieu à la nôtre. C’est aussi lorsque nous désirons quelque chose de bon en soi, mais qui ne correspond pas au bien que Dieu désire pour nous.
Lorsque Notre-Seigneur demande, au jardin de Gethsémani, s’il est possible que cette coupe s’éloigne de lui, sa demande est bonne et légitime. Mais Dieu, pour un bien plus grand, en a décidé autrement, et l’obéissance humaine de Jésus s’y soumettra jusqu’au bout, jusqu’à sa mort sur la croix :
Il s’est abaissé, nous dit saint Paul, devenant obéissant jusqu’à la mort, et la mort de la croix.[107]Ph 2, 8.
Cet exemple du Christ doit nous marquer à jamais. Nous avons le droit d’avoir des désirs et des volontés, mais ces dernières doivent avoir la souplesse et la docilité nécessaires pour accepter, aimer et préférer la volonté de Dieu à la sienne, quoi qu’il en soit, quoi qu’il arrive, tout en nous rappelant que la volonté divine est une avec son infinie bonté et son infinie sagesse.
Lorsque, dans la demande, nous précisons « sur la terre comme au ciel », c’est que nous prenons comme exemples d’obéissance et de service les anges et les saints du Ciel.
Qui mieux que les anges et les bienheureux — libérés, pour ces derniers, des contingences terrestres — fait la volonté de Dieu ?
Les neuf chœurs d’anges, dont les fonctions sont variées, vivent et agissent pour faire la volonté de Dieu :
– les Séraphins adorent Dieu sans cesse et communiquent leur ferveur divine ;
– les Chérubins sont les gardiens de la Sagesse divine ;
– les Trônes sont les instruments de ses jugements ;
– les Dominations régissent les ordres inférieurs et transmettent les volontés divines ;
– les Vertus soutiennent les hommes dans les épreuves ;
– les Puissances veillent à l’ordre dans l’univers, combattent les démons et freinent le mal ;
– les Principautés sont chargées des royaumes, des peuples, des gouvernements terrestres ;
– les Archanges portent les messages importants de Dieu ;
– les Anges, messagers ordinaires, protègent les individus.
Tous exécutent promptement, joyeusement et facilement les ordres de Dieu. Ils sont les serviteurs fidèles de la Majesté divine. Ils sont pour nous des exemples de dévotion et de soumission à la volonté divine.
Cette soumission, si décriée à notre époque, est pourtant la disposition d’âme la plus grande et la plus noble lorsqu’elle s’adresse à Dieu.
« Que peut-il y avoir de plus désirable pour un chrétien, nous rappelle le Catéchisme de Trente, que de marcher dans les voies du Seigneur, de ne rien penser, de ne rien faire qui s’écarte en quoi que ce soit de sa divine Volonté ? »
Cette obéissance, néanmoins, dans l’état dans lequel nous nous trouvons, est presque surhumaine, et exige ainsi des moyens surnaturels pour y parvenir.
C’est pourquoi elle se demande et s’obtient humblement dans la prière — et de manière privilégiée dans la prière des prières, celle du Notre-Père.
Pour aller plus loin
Catéchisme de l’Eglise Catholique, Quatrième partie, Deuxième Section, article 3 (nn°2824-2827), également n°615 (Le sacrifice du Christ, obéissant jusqu’à la mort) ; 459 (Le Christ comme modèle d’obéissance), 397 à 401 (Le péché originel, la révolte de la volonté humaine contre Dieu.)
Catéchisme du Concile de Trente, chapitre 41.
Catéchisme de Saint-Pie X, nn° 300-303.
Saint Thomas d’Aquin, Somme Théologique, Ia Pars, q. 19-20 (la volonté de Dieu), Ia-IIae, q. 13-17 (l’acte volontaire, les choix humains), IIa-IIae, q. 104 (de l’obéissance) et 153 (les filles de la luxure), IIIa Pars, q. 47-48 (l’obéissance du Christ dans sa Passion),
Saint Augustin, Sermon 169, 13 ; Lettre 52, 3
Saint Grégoire le Grand, Moralia in Job, 31, 45.
Origène, Sur la prière, ch. 26.
Pie XII, Mystici Corporis, 17.
Jean-Paul II, Veritatis Splendor, n°85-87.
Benoît XVI, Jésus de Nazareth, I (les Béatitudes, le Pater).
Dom Chautard, L’âme de tout apostolat
Dom Guillerand, Silence, maître du spirituel
Dom Marmion, Le Christ, vie de l’âme
Dans la Bible
Evangile selon saint Matthieu, chapitres 6 (Notre Père) et 7, 21.
Evangile selon saint Luc, chapitre 22, 42 (Gethsémani).
Evangile selon saint Jean, chapitre 6, 38.
Epître de saint Paul aux Romains, chapitre 7, 18-23 (Le combat intérieur entre chair et esprit).
Epître de saint Paul aux Philippiens, chapitre 2 (obéissance du Christ).
Ecouter : Episode 37 – Le petit caté pour les grands
Episode 37 : “Donnez-nous aujourd’hui notre pain de ce jour.”
Une demande quotidienne
La rencontre de deux soifs
Les effets de la communion
Dispositions requises pour la communion
Pour aller plus loin
Catéchisme de l’Eglise Catholique, nn°1377-1419.
Catéchisme du Concile de Trente, chapitre 43.
Les Trois Blancheurs, Année V, Les Sacrements, chapitres 21, 23, 24.
Les Trois Blancheurs, Année VIII, l’Espérance, chapitres 3, 9, 10
Saint Thomas d’Aquin, Somme Théologique, IIIa Pars, q. 73-81 (l’eucharistie),
Saint Thomas d’Aquin, Messe et office de la Fête-Dieu, Adoro Te
Paul VI, Mysterium Fidei.
Jean-Paul II, Ecclesia de Eucharistia.
Imitation de Jésus-Christ, Livre IV.
Dans la Bible
Evangile selon saint Matthieu, chapitres 6 (Notre Père) et 7, 21.
Evangile selon saint Luc, chapitre 22 (Institution de l’eucharistie).
Evangile selon saint Jean, chapitre 6.
Première épître de saint Paul aux Corinthiens, chapitre 11.
Ecouter : Episode 38 – Le petit caté pour les grands
Episode 38 : “Pardonnez-nous nos offenses comme nous pardonnons à ceux qui nous ont offensé.”
Le pardon, dimension nécessaire de toute prière
Nous avons parlé des quatre dimensions de toute prière : adoration, action de grâces, supplication, demande de pardon… Toute vraie prière inclut nécessairement une demande de pardon : puisque nous nous présentons devant Dieu comme pécheurs, nous ne pouvons faire comme si nous étions absolument innocents devant lui. Il est donc bien nécessaire que le Christ nous enseigne à inclure cette dimension dans toute prière – lui qui pourtant n’a pas véritablement cette vertu de pénitence. Il nous apprend la nécessité d’une vraie contrition : regret et douleur de nos propres péchés tout en nous adressant à Dieu non pas comme à un juge, mais comme à un Père. On ne regrette ainsi pas d’abord le péché par crainte du châtiment et des conséquences mais parce qu’il nous éloigne du Seigneur.
Nécessité et source du pardon
On pourrait s’étonner de la manière dont est formulée cette cinquième demande du Notre-Père : “pardonnez-nous nos offenses, comme nous pardonnons à ceux qui nous ont offensé”. Donnons-en deux explications avant de développer de manière approfondie le thème du pardon, avec son enracinement dans la prière.
Pourquoi Jésus lie-t-il comme de manière nécessaire le pardon des offenses qui nous sont faites avec celui de nos propres péchés ? Pour deux raisons. La première se trouve dans cette phrase – petite mais si profonde – de la première Épître de saint Pierre : “la charité couvre la multitude des péchés” (1P 4, 8), qui fait écho à cette parole du prophète Daniel au roi Nabuchodonosor (Dn 4, 24) : “ô roi, agrée mon conseil : rachète tes péchés par des aumônes”. Faire miséricorde efface les péchés : c’est pourquoi le Seigneur place sur nos lèvres cette cinquième demande : “remets-nous nos dettes, comme nous-mêmes les remettons à nos débiteurs” (Mt 6, 12). Nous pensons immédiatement aussi à la parabole du débiteur impitoyable : celui qui n’acceptait pas de remettre à son prochain une dette modique, alors même qu’on venait de lui concéder la remise d’une somme qu’il n’aurait jamais pu rembourser (Mt 18, 21-35). Ainsi, si nous remettons les dettes – c’est à dire au sens spirituel, si nous remettons les péchés, c’est pour obtenir le pardon et la réparation de nos propres fautes, c’est par esprit de pénitence.
Mais la deuxième raison est sans doute plus fondamentale encore, elle nous dit l’exigence et la source de cette nécessité du pardon. Dans “comme nous pardonnons”, le comme ne peut signifier une égalité, puisqu’il s’agit de Dieu et de nous. Il a donc un sens de causalité : on pourrait dire ainsi “pardonnez-nous nos offenses, afin que nous pardonnions à ceux qui nous ont offensés”. Le pardon est une exigence de justice, comme le manifeste aussi la parabole du débiteur impitoyable, fondée sur l’immensité gratuite de la miséricorde reçue du Seigneur : “vous avez reçu gratuitement, donnez gratuitement” dit encore Jésus. Mais surtout cette formulation souligne que la source de tout pardon se trouve en Dieu : c’est en nous pardonnant que le Seigneur nous donne la force de pardonner. Il ne se contente pas de nous en faire le commandement, il nous en fournit le moyen, en répandant en nous sa grâce et sa charité, qui nous rétablissent dans son amitié et nous appellent à agir de même envers nos frères : “soyez miséricordieux comme votre Père du ciel est miséricordieux” (Lc 6, 36).
La cinquième demande d’après saint Thomas d’Aquin
Continuons l’étude de cette cinquième demande avec saint Thomas d’Aquin, qui se pose trois questions dans son commentaire du Pater : pourquoi faisons-nous cette demande, quand est-elle exaucée, et que devons-nous accomplir pour que Dieu l’exauce ?
– à la première question, il répond que la cinquième demande permet à l’homme d’intérioriser deux enseignements divins. D’abord la nécessité de se tenir dans la crainte et l’humilité, sûrs que nous ne pourrions vivre en ce monde sans pécher : en disant le Notre-Père, nous reconnaissons notre faiblesse et nous avouons pécheurs et débiteurs de Dieu. Mais cette formule enseigne et fortifie aussi l’espérance, car le pardon de Dieu est plus grand encore que la multitude des offenses, et seul le désespoir – le péché contre l’Esprit – peut le stériliser : tous ceux qui accueillent la grâce de la contrition reçoivent ce pardon.
– à la seconde question : quand cette demande est-elle exaucée, saint Thomas répond en distinguant les deux éléments du péché : l’offense envers Dieu et le châtiment mérité par cette faute. L’offense est remise par la contrition, accompagnée du propos de se confesser et de réparer par la pénitence ou en ayant recours aux indulgences concédées par l’Eglise en puisant au trésor des bonnes oeuvres du Christ, de la Vierge et des saints. Nous sommes donc pardonnés en deux temps : d’abord quant à la faute – le constitutif du péché, puis quant à la peine qu’il nous mérite, que nous réparons diversement ici-bas, ou au-delà en Purgatoire.
– que devons-nous enfin accomplir pour que le Seigneur exauce cette demande de pardon ? Le Notre-Père nous montre clairement qu’il est attendu de notre part que nous pardonnions les offenses que le prochain aurait pu nous faire : si nous agissions autrement, dit saint Thomas, Dieu ne nous pardonnerait pas. “Pardonne au prochain son injustice, et alors, à ta prière, tes péchés seront remis” (Eccli 28, 2) disait déjà le livre de l’Ecclésiastique. Pardonnez donc, dit Jésus (Luc 6, 37), et il vous sera pardonné. Il s’agit lorsque nous prions et demandons la miséricorde de Dieu d’examiner notre coeur : avons-nous encore quelque chose contre notre prochain ? “Si donc tu présentes ton offrande à l’autel, et que là tu te souviennes que ton frère a quelque chose contre toi, laisse là ton offrande devant l’autel, et va d’abord te réconcilier avec ton frère ; puis, viens présenter ton offrande” (Mt 5, 23-24).
Saint Thomas ajoute pour finir qu’il y a deux manières de pardonner au prochain : le strict minimum est d’accorder notre pardon à qui le sollicite, on ne peut rien faire de moins ; la manière des parfaits va plus loin, elle pousse l’offensé à aller humblement au-devant de l’offenseur pour lui pardonner : “recherche la paix et poursuis-là” dit le psaume 33, “bienheureux les miséricordieux, car ils obtiendront miséricorde”.
La cinquième demande du Notre-Père ouvre donc la prière sur une dimension plus large : elle l’enracine explicitement dans la pratique d’une charité active : le pardon reçu appelle le pardon donné, la relation intime avec le Christ ouvre sur l’amour du prochain.
Le pardon, au coeur de la prière et de la vie chrétienne
Nous terminerons cette étude de la cinquième demande du Notre-Père en revenant sur le thème du pardon. “Combien de fois faut-il pardonner”, demande Pierre au Seigneur, “jusqu’à sept fois ?” (Mt 18, 21) : “je ne te dis pas sept fois mais soixante-dix fois sept fois”. Le pardon est présenté dans les Evangiles à la fois comme nécessaire et comme dépassant infiniment nos propres forces : face à l’exigence de pratiquer la miséricorde à l’image du Père, nous faisons l’expérience de notre insuffisance et nous nous reconnaissons comme des débiteurs insolvables. Cette dimension surhumaine du pardon à l’imitation de Dieu est l’objet d’une révélation progressive dans la Sainte Ecriture : de la justice commutative ou égalitaire de la loi du talion, imposée par Moïse dans l’Ancien Testament pour éviter la surenchère des vendettas en chaîne, on passe peu à peu à la manifestation de la totalité du pardon divin dans le Nouveau, pardon intégral jusqu’au pardon des ennemis, initié par le Christ en croix et étendu à ses disciples comme Etienne et les autres martyrs à sa suite.
Lorsqu’il aborde le thème du pardon, saint Thomas le classe parmi les œuvres de miséricorde spirituelle, dans le traité de la charité. À la misère que représente la faute morale volontaire chez autrui, la miséricorde impose de répondre en corrigeant le défaut constitué par le dérèglement de la volonté pécheresse, mais aussi en pardonnant l’offense qui nous est faite et en supportant la faiblesse de notre prochain. Oeuvre de miséricorde spirituelle, le pardon est donc une nécessité que nous ne pouvons accomplir que par la charité, puisée dans la source du coeur du Christ par la prière.
Pour aller plus loin
Catéchisme de l’Eglise Catholique, nn°2838-2845.
Catéchisme du Concile de Trente, chapitre 44.
Saint Thomas d’Aquin, Somme Théologique, IIa-IIae Pars, q. 32 (la miséricorde),
Dans la Bible
Evangile selon saint Matthieu, chapitres 6 (Notre Père).
Evangile selon saint Luc, chapitre 6.
Ecouter : Episode 39 – Le petit caté pour les grands
Episode 39 : “Ne nous laissez pas succomber à la tentation.”
L’inéluctable tentation
On voudrait souvent une vie paisible, pendant laquelle nous pourrions attendre Dieu sans effort et sans trouble. Or, très rapidement, nous sommes déçus, car l’expérience du mal nous rattrape : la tentation arrive, et elle nous trouble.
Pourtant, nous connaissons tous l’épisode des quarante jours durant lesquels Jésus est conduit au désert par l’Esprit Saint pour y être tenté. Et effectivement, le diable vient le tenter, avec trois tentations.
Nous ne ferons pas l’exégèse de ce passage aujourd’hui, mais comprenons bien deux choses :
- Si le Fils de Dieu lui-même a été tenté, il n’est pas étonnant que nous le soyons nous-mêmes.
- Puisque le Christ, pourtant si saint et si parfait, a été tenté, cela signifie que la tentation, en soi, n’est ni une faute ni même nécessairement un défaut.
Tout le monde est tenté sur terre : à commencer par Adam et Ève, jusqu’à Jésus-Christ… et nous aussi.
En revanche, le péché, lui, est évitable : car si Adam et Ève y ont succombé, le Christ, lui, en a triomphé.
Définition de la tentation et du péché
Attardons-nous donc à comprendre de quoi nous parlons.
La tentation est une incitation au péché, c’est-à-dire une suggestion, une sollicitation à faire quelque chose de mal.
On ne le fait pas encore, mais l’idée nous passe par la tête. Ce qu’il faut bien noter, c’est qu’à ce stade, la tentation n’est pas volontaire. On subit purement et simplement cet attrait, sans l’avoir choisi. La tentation s’impose à nous involontairement.
Face à la tentation, plusieurs attitudes sont possibles :
- La rejeter,
- Ou bien nous y complaire, et finalement choisir cet attrait pour le mal.
C’est dans cette deuxième attitude qu’intervient le péché.
La tentation est donc une incitation à commettre un péché, tandis que le péché ne survient que quand on accepte cette tentation.
Le péché est une faute contre la raison, la vérité, la conscience droite ; il est un manquement à l’amour véritable envers Dieu et envers le prochain, à cause d’un attachement pervers à certains biens. Il blesse la nature de l’homme et porte atteinte à la solidarité humaine. Il a été défini comme “une parole, un acte ou un désir contraires à la loi éternelle”[108]Catéchisme de l’Eglise Catholique, n°1849.
Bref, si la tentation est la suggestion d’un mal, le péché vient quand nous acceptons ce mal.
Autrement dit — et cela est fondamental : ce n’est pas un péché d’avoir des tentations. Le péché vient quand on y consent, ou bien lorsqu’on s’expose volontairement à la tentation.
La tentation est donc l’origine du péché, et cette tentation est produite en nous par trois ennemis spirituels :
- Le diable, comme dans l’épisode de la vie de Jésus,
- Le monde, c’est-à-dire ceux qui nous entraînent au mal,
- Et enfin, nous-mêmes. Depuis le péché originel, notre nature humaine est blessée et porte en elle une inclination au mal, au désordre — ce que l’on appelle la concupiscence.
C’est le vieil homme, enfermé dans le péché, dont il faut se débarrasser.
Pourquoi Dieu permet-il la tentation ?
La vie sur terre est un combat. L’Église terrestre est dite Église militante, c’est-à-dire combattante, et nous sommes confirmés pour devenir soldats du Christ.
Tant que nous serons en vie, nous n’aurons pas de vrai repos : il y aura en nous un combat entre la chair et l’Esprit, entre cette blessure qui nous pousse au mal et notre esprit qui, par la grâce, nous tourne vers Dieu.
Mais pourquoi Dieu nous laisse-t-il la tentation ?
On peut donner trois raisons :
- Pour éprouver notre fidélité, afin de la rendre plus belle, plus pure, plus désintéressée, et plus tournée vers Dieu.
- Pour faire grandir nos vertus : une vertu étant une puissance d’agir, elle ne grandit que par des actes bons. Plus on résiste, plus la vertu devient forte.
- Pour accroître nos mérites : dans ce combat spirituel, nos efforts ne sont pas perdus, mais nous rapprochent du Christ et nous méritent de participer davantage à son bonheur.
En résumé, il ne faut pas en douter : sur terre, une vraie vie spirituelle ne se vit pas dans une certaine quiétude, mais bien dans le combat spirituel.
Le combat spirituel
Comment mener ce combat spirituel, qui est notre lot sur cette terre ?
D’abord par la prière, mais aussi par une ascèse chrétienne, qui permet de réduire le désordre du péché pour orienter même notre corps vers le vrai bien.
Ensuite — et on n’insistera jamais assez sur ce point — il faut fuir la tentation, c’est-à-dire :
- ne pas s’exposer aux tentations,
- fuir les occasions de péché.
Les occasions de péché, ce sont les situations dans lesquelles nous sommes en danger de pécher. Se mettre volontairement en danger, jouer avec le feu, est déjà une faute.
Il faut user du discernement spirituel, pour dévoiler les tactiques du diable. Car :
Le discernement démasque le mensonge de la tentation : apparemment, son objet est “bon, séduisant à voir, désirable” (Gn 3,6), alors que, en réalité, son fruit est la mort[109]Catéchisme de l’Eglise Catholique, n°2847..
Nos armes sont décrites par saint Paul au chapitre 6 de l’épître aux Éphésiens . Résumons-les avec le catéchisme de saint Pie X :
Pour éviter les tentations, nous devons fuir les occasions dangereuses, garder nos sens, recevoir souvent les sacrements, et recourir à la prière[110]Catéchisme de Saint Pie X, n°320..
Conclusion
Prière et sacrements,
Vigilance et sobriété,
Pénitence et mortification,
Et, pour couronner le tout, une charité réelle :
Ce sont les armes victorieuses de ce combat spirituel qui nous ouvrent à la vie de Dieu.
Pour aller plus loin
Catéchisme de l’Eglise Catholique, nn°2846-2849.
Catéchisme du Concile de Trente, chapitre 45.
Dans la Bible
Evangile selon saint Matthieu, chapitre 6 (Notre Père).
Ecouter : Episode 40 – Le petit caté pour les grands
Episode 40 : “Délivrez-nous du mal”
Le cri de l’humanité
Depuis la chute originelle, ce cri de délivrance s’élève du cœur de toute âme qui se tourne vers Dieu. Nul n’échappe aux épreuves, aux souffrances, aux tribulations de l’existence. La vie humaine semble être une succession d’obstacles, parfois rudes, souvent douloureux. Ainsi, la matière de cette demande n’est étrangère à personne. Le Catéchisme du Concile de Trente rappelle d’ailleurs que les païens eux-mêmes supplient avec ferveur leurs divinités de les délivrer du mal.
Mais dans la prière chrétienne, le rapport au mal est tout autre, et le désir d’en être délivré se distingue radicalement de la prière instinctive des âmes sans Révélation. Toute prière n’est pas agréable au Seigneur : il suffit de penser aux sacrifices païens pour s’en convaincre. L’enseignement du Christ sur la manière de prier, que nous suivons avec le Notre Père, constitue l’unique chemin pour une prière efficace et sûre d’être exaucée.
L’enseignement du Notre-Père : hiérarchiser nos demandes
Il nous faut admirer l’enchaînement des demandes du Notre Père pour comprendre comment être délivrés du mal. Cette ultime supplication n’a de légitimité ni de force que si elle est précédée des six autres, qui mettent Dieu et sa gloire à la première place :
« Que votre nom soit sanctifié, que votre règne vienne, que votre volonté soit faite. »
Celui qui ne cherche pas d’abord le bien de Dieu ne peut s’attendre à être comblé en retour. Comme pour les commandements, il existe un ordre à suivre, un itinéraire moral à emprunter pour parvenir au but. Pour qu’une prière soit exaucée, elle doit être complète, intégrale, c’est-à-dire contenir, au moins implicitement, tous les éléments résumés dans le Notre Père. De même que l’on ne saurait poser un toit sans avoir établi fondations et murs, de même on ne peut demander la protection de Dieu contre le mal sans rechercher d’abord la gloire divine.
Bien des prières restent sans effet à cause de ce défaut de hiérarchisation des volontés. Beaucoup de personnes ne souhaitent pas réellement que la volonté de Dieu soit faite, surtout si elle s’oppose à la leur. Si cette disposition fait défaut, alors c’est notre soumission qui fait défaut, et notre prière perd sa vertu la plus importante : l’humilité. Or Dieu exauce les humbles, mais résiste aux orgueilleux. L’athée insoumis n’a donc aucune chance d’être préservé du mal, sauf grâce exceptionnelle de Dieu — et, dans ce cas, ce ne serait pas en vertu de la disposition intérieure du bénéficiaire, mais uniquement de la miséricorde divine.
De quel mal demandons-nous d’être délivrés ?
Le chrétien ne se distingue pas seulement par des dispositions favorables d’humilité, mais aussi par l’objet même de sa demande. Il ne demande pas à être délivré de tout mal, mais uniquement de celui qui nuit à sa relation avec Dieu. Le disciple n’étant pas au-dessus du Maître, il sait qu’il devra porter sa croix, et il la désire d’une certaine manière, comme l’instrument de sa rédemption et le chemin de son salut.
« Il serait honteux que les membres fussent délicats sous un Chef couronné d’épines », enseignait saint Bernard à ses moines.
Les épreuves, en effet, sont salutaires au juste : elles le fortifient dans la vertu, l’exercent à l’espérance et l’invitent à se tourner davantage vers Dieu. Une vie sans résistance serait un piège plus qu’un bienfait — et notre époque moderne en est la preuve éclatante. La vertu décroît en proportion du confort, même si un minimum de conditions est requis pour une vie sainte. La facilité plonge l’âme dans la tiédeur et l’insouciance, à l’opposé de la vigilance à laquelle le Seigneur nous appelle.
Le chrétien demande donc à Dieu d’être délivré de tout ce qui l’éloigne de Lui, que ce soit directement ou indirectement. C’est pourquoi l’Église a toujours prié pour que ses enfants soient délivrés non seulement des maux moraux, mais aussi des calamités qui troublent la société, car elles instaurent un climat délétère, hostile à la vie de l’âme. Pour discerner les maux dont le chrétien doit implorer la délivrance, il suffit de relire la prière des Litanies des Saints, qui développe magnifiquement cette septième demande du Notre Père :
- De tout mal, délivrez-nous, Seigneur.
- De tout péché, délivrez-nous, Seigneur.
- De votre colère, délivrez-nous, Seigneur.
- D’une mort soudaine et imprévue, délivrez-nous, Seigneur.
- Des embûches du démon, délivrez-nous, Seigneur.
- De la colère, de la haine et de toute volonté perverse, délivrez-nous, Seigneur.
- De l’esprit d’impureté, délivrez-nous, Seigneur.
- De l’éclair et de la tempête, délivrez-nous, Seigneur.
- Du fléau du tremblement de terre, délivrez-nous, Seigneur.
- De la peste, de la famine et de la guerre, délivrez-nous, Seigneur.
- De la mort éternelle, délivrez-nous, Seigneur.
Les maux dont nous demandons à être délivrés sont donc variés : maux naturels, matériels, corporels, moraux et spirituels. Les œuvres de Satan et le péché sont des ennemis constants, que le chrétien doit combattre sans relâche. Quant aux autres maux — ceux qui affectent le corps, l’environnement ou les biens — ils relèvent de la sagesse divine, qui peut les permettre soit comme châtiment pour nos fautes, soit comme purification pour notre sainteté. Dans tous les cas, ils ont une vertu de conversion pour ceux qui savent y discerner la volonté de Dieu.
Un rapport au mal mesuré par la sainteté
Notre rapport au mal est donc radicalement différent de celui de nos contemporains, qui font des pires désordres moraux l’objet de jouissance, et des problèmes touchant la santé et le bien-être les injustices les plus insupportables. Le chrétien, au contraire, sait discerner les maux et voit dans chaque épreuve l’occasion d’une plus grande sanctification.
Autre différence avec le cri spontané et désespéré de celui qui souffre : le chrétien formule sa demande avec confiance et calme, soutenu par la vertu d’espérance. Cette prière n’est pas un dernier appel lancé à l’aveuglette ; elle est soutenue par des motifs solides, enracinés dans les mérites mêmes du Christ. Les Litanies des Saints poursuivent en développant le fondement de cette confiance, et la source de l’efficacité de la prière :
- Par le mystère de votre sainte Incarnation, délivrez-nous, Seigneur.
- Par votre Avènement, délivrez-nous, Seigneur.
- Par votre Nativité, délivrez-nous, Seigneur.
- Par votre Baptême et votre saint jeûne, délivrez-nous, Seigneur.
- Par votre Croix et votre Passion, délivrez-nous, Seigneur.
- Par votre Mort et votre Sépulture, délivrez-nous, Seigneur.
- Par votre sainte Résurrection, délivrez-nous, Seigneur.
- Par votre admirable Ascension, délivrez-nous, Seigneur.
En ayant devant les yeux l’ensemble des mystères du Christ et les mérites infinis qui en découlent, le chrétien donne à sa prière toutes les qualités requises pour toucher le cœur de Dieu. C’est ce que ne peuvent faire les prières des fausses religions, privées de la vraie foi. La prière véritablement efficace est celle qui jaillit d’une âme croyante, qui adhère pleinement aux vérités révélées, et qui s’y appuie.
La prière qui donne sens au mystère du mal
À l’heure où s’élabore une loi sur l’euthanasie, cette demande du Notre Père éclaire avec force le gouffre qui nous sépare des païens sans espérance. Celui qui ne croit plus à la vie éternelle, au seul bien qu’est Dieu, est incapable de surmonter le mal présent pour atteindre la béatitude future. Pour lui, le mal ne conduit qu’à l’absurde, au désespoir, et la souffrance n’est que le prélude de la mort, point final à la vie. Lorsque le bilan souffrance/plaisir est déficitaire et qu’aucune espérance d’une inversion ne subsiste, la vie est jugée en faillite et il ne reste plus qu’à liquider la personne.
Le chrétien, lui, sait que le mal peut être transformé en un bien plus grand. Il sait que les souffrances de cette vie sont autant d’occasions de prouver son amour pour Dieu et de participer à l’œuvre de sa Rédemption. Ce que demande le chrétien, c’est d’être délivré du mal qui se trouve en lui, dans le monde et de la part de Satan, et qui menace son amitié divine. Sa seule crainte est d’être séparé à jamais de Dieu ; tous les autres maux sont supportables, hormis le péché.
C’est cet esprit qui a animé Notre-Seigneur et qu’il nous transmet dans la prière du Notre Père. Cette haine du mal doit nous animer et enflammer notre cœur qui s’écrie alors :
Notre Père, nous vous en supplions, délivrez-nous du mal. Ainsi soit-il.
Pour aller plus loin
Catéchisme de l’Eglise Catholique, nn°2850-2854.
Catéchisme du Concile de Trente, chapitre 46.
Saint Thomas d’Aquin, Commentaire du Notre-Père.
Joseph Ratzinger (Benoît XVI), Jésus de Nazareth, tome 1.
François Vavasseur, Les sept demandes du Pater.
André Feuillet, Le Notre Père : Étude exégétique et théologique.
Ignace de la Potterie, La prière dans le Nouveau Testament
Saint Augustin, Lettre à Proba (Lettre 130).
Origène, Sur la prière (Peri Euchès).
Dom Columba Marmion, Le Christ, vie de l’âme.
Dans la Bible
Evangile selon saint Matthieu, chapitre 6 (Notre Père).
Références[+]
| ↑1 | Saint Thomas d’Aquin, Somme Théologique, IIaIIae, q. 2, a. 9 ; Concile Vatican I : DS3010 ; Catéchisme de l’Eglise Catholique, n°155. |
|---|---|
| ↑2 | Benoît XVI, Audience du 17 octobre 2012. |
| ↑3 | Benoît XVI, Deus caritas est, 25 décembre 2005. |
| ↑4 | Sg 13, 1 |
| ↑5 | Rm 1, 20 |
| ↑6 | Jn 1, 1. |
| ↑7 | Jn 1, 14. |
| ↑8 | Voir les différents “récits” des tentations du Christ et les affirmations conjointes dans “L’évangile tel qu’il m’a été révélé” et l’analyse de don Guillaume Chevallier dans Charitas n°15. |
| ↑9 | Jn 10, 18. |
| ↑10 | 1Co 6, 20. |
| ↑11 | C’est l’interprétation du Catéchisme de l’Eglise Catholique, n°632. |
| ↑12 | 1Co 15, 14. |
| ↑13 | Jn 16, 7. |
| ↑14 | 1Jn 2, 1. |
| ↑15 | Jn 17, 24. |
| ↑16 | Dn 7, 10 ; Jl 3-4 ; Ml 3, 19 |
| ↑17 | Lc 18, 8 ; Mt 24, 12. |
| ↑18 | Mt 24, 3. |
| ↑19 | Mt 25, 13. |
| ↑20 | Mt 24, 36. |
| ↑21 | Saint Jean de la Croix, Avis, n°57. |
| ↑22 | Jn 14, 1-4. |
| ↑23 | “Qui ex Patre Filioque procedit” : “qui procède du père et du Fils” dans le Credo de Nicée-Constantinople chanté à la messe dominicale. |
| ↑24 | Jn 1, 32. |
| ↑25 | Lc 3, 16. |
| ↑26 | Is 11. |
| ↑27 | Is 61. |
| ↑28 | Lc 1, 35. |
| ↑29 | Jn 14, 25-26. |
| ↑30 | Jn 3, 5. |
| ↑31 | 1Co 12, 13. |
| ↑32 | “vivificantem“. |
| ↑33 | 1 Co 12, 4. |
| ↑34 | Ga 4, 6. |
| ↑35 | Mc 2, 10 ; Mt 9, 6. |
| ↑36 | Mt 16, 19. |
| ↑37 | Jn 20, 23. |
| ↑38 | “Je pensais à toi dans mon agonie ; j’ai versé telles gouttes de sang pour toi.” (Blaise Pascal, Pensées, Fragments hors copies, Lafuma 919). |
| ↑39 | Saint Thomas d’Aquin, Somme Théologique, IaIIae Pars, q. 109, a. 8. |
| ↑40 | Proverbes 24, 16 ; Jésus y fait référence en Lc 17, 4. |
| ↑41 | Saint Thomas d’Aquin, Hymne Adoro te devote. |
| ↑42 | Mt 26, 28. |
| ↑43, ↑53, ↑61 | Somme Théologique, IIIa Pars, q. 65, a. 3. |
| ↑44 | 1Co 15, 12-14. |
| ↑45 | Jn 6 40. |
| ↑46 | Catéchisme de l’Eglise Catholique, n°1010. |
| ↑47 | Jn 5, 28-29. |
| ↑48 | Jn 11, 25. |
| ↑49 | Mc 12, 26-27 : Quant au fait que les morts ressuscitent, n’avez-vous pas lu dans le Livre de Moïse, au passage du Buisson, comment Dieu lui a dit : Je suis le Dieu d’Abraham, le Dieu d’Isaac et le Dieu de Jacob ? Il n’est pas un Dieu de morts, mais de vivants. Vous êtes grandement dans l’erreur ! “ |
| ↑50 | Jn 15, 4-6. |
| ↑51 | Somme Théologique, IIIa Pars, q. 65, a. 1. |
| ↑52 | Somme Théologique, IIIa Pars, q. 65, a. 2. |
| ↑54 | Catéchisme de l’Eglise Catholique, n°1265. |
| ↑55 | Certains évêques et prêtres préconisent cependant de revenir à la pratique d’un âge anticipé de la confirmation : voir notre article “La juste place de la confirmation”. |
| ↑56 | Somme Théologique, IIIa Pars, q. 65, a. 3. |
| ↑57 | Mt 9, 20-22 ; Mc 5, 25-34 ; Lc 8, 40-56. |
| ↑58 | Lc 6, 19 |
| ↑59 | Somme Théologique, IIIa Pars, q. 79, a. 5. |
| ↑60 | Jn 6, 54. |
| ↑62 | J.R.R. Tolkien, Lettres, n°306 : “There is no resemblance between the ‘mustard-seed’ and the full-grown tree. For those living in the days of its branching growth, the Tree is the thing, for the history of a living thing is part of its life, and the history of a divine thing is sacred. The wise may know that it began with a seed, but it is vain to try and dig it up, for it no longer exists, and the virtue and powers that it had now reside in the Tree. Very good: but in husbandry the authorities, the keepers of the Tree, must look after it, according to such wisdom as they possess, prune it, remove cankers, rid it of parasites and so forth. (With trepidation, knowing how little their knowledge of growth is!) But they will certainly do harm if they are obsessed with the desire of going back to the seed or even to the first youth when it was (as they imagine) pretty and unafflicted by evils. The other motive (now so confused with the primitivist one, even in the mind with any one of the reformers): aggiornamento: bringing up to date: that has its own grave dangers, as has been apparent throughout history. With this, ‘ecumenicalness’ has also become confused.“ |
| ↑63 | Saint Thomas d’Aquin, Somme Théologique, IaIIae Pars, q. 72, a. 6, ad2m. |
| ↑64 | “Ego te absolvo a peccatis tuis, in nomine Patri, et Filii, et Spiritu Sancti.” |
| ↑65 | Lettre 54, 8 janvier 1944 : “It is also a good and admirable thing to know by heart the Canon of the Mass, for you can say this in your heart if ever hard circumstance keeps you from hearing Mass” |
| ↑66 | Catéchisme de l’Eglise Catholique, n°2185. |
| ↑67 | Catéchisme de l’Eglise Catholique, n°2272. |
| ↑68 | Ac 5, 4. |
| ↑69 | Ac 5, 11. |
| ↑70 | CEC 2266 |
| ↑71 | Somme théologique, IIa-IIae, q. 64, a. 7 |
| ↑72 | Catéchisme de l’Eglise Catholique, n°2362. |
| ↑73 | Saint Augustin, Confessions, IV, 9. |
| ↑74 | Catéchisme de l’Eglise Catholique, n°2415. |
| ↑75 | Catéchisme de l’Eglise Catholique, n°2416. |
| ↑76 | Catéchisme de l’Eglise Catholique, n°2418. |
| ↑77 | Concile Vatican II, constitution dogmatique Gaudium et Spes, 76, § 5. |
| ↑78 | Catéchisme de Saint Pie X, 167sq. |
| ↑79, ↑80 | idem. |
| ↑81 | Catéchisme de Saint Pie X, 459. |
| ↑82 | Catéchisme de Saint Pie X, 458. |
| ↑83 | Saint Isidore de Séville, Etymologies, L. 3, c. 19. |
| ↑84 | Exode 20,17 ; Deutéronome 5,2. |
| ↑85 | Exode 20,17 ; Deutéronome 5,21. |
| ↑86 | Mt 15, 11. |
| ↑87 | Mt 15, 18–19. |
| ↑88 | CEC n°2518. |
| ↑89 | Jc 1, 14-15. |
| ↑90 | Mt 5, 8. |
| ↑91 | CEC n°2536. |
| ↑92 | CEC 2536. |
| ↑93 | Sermon 169 , 11, 13 ; PL 38, 923 |
| ↑94 | Ecclésiastique 35, 21. |
| ↑95 | Eccli 2, 10. |
| ↑96 | Ez 36, 23 |
| ↑97 | Ph 2, 9 |
| ↑98 | Jn 17, 26 |
| ↑99 | Mt 18, 20 |
| ↑100 | Catéchisme de l’Eglise Catholique, n°2818. |
| ↑101 | Jn 6, 38. |
| ↑102 | Jn 4, 34. |
| ↑103 | Mt 7, 21. |
| ↑104 | Mt 12,50. |
| ↑105 | Ps 118. |
| ↑106 | livre XXXI, ch. 45. |
| ↑107 | Ph 2, 8. |
| ↑108 | Catéchisme de l’Eglise Catholique, n°1849 |
| ↑109 | Catéchisme de l’Eglise Catholique, n°2847. |
| ↑110 | Catéchisme de Saint Pie X, n°320. |