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Adam et Eve ont-ils existé ?

Beaucoup de catholiques du XXIe siècle sont choqués en apprenant que l’Église enseigne encore l’existence d’Adam et Ève. On entend souvent qu’Adam et Ève sont des personnages fictifs qui symbolisent notre humanité.

 

Le symbole et la doctrine

Il est vrai que la Genèse, étant donné son genre littéraire, n’a pas vocation à être intégralement interprétée au sens littéral (les six jours de la Création par exemple, sont symboliques), mais de là à en déduire que tout dans la Genèse est imagé et que rien n’est historique, il y a un pas que l’Église n’a pas franchi. Celle-ci affirme, en effet, l’existence historique d’Adam et Ève, en tant qu’ancêtres de l’humanité.

L’Église, en interprétant de manière authentique le symbolisme du langage biblique à la lumière du Nouveau Testament et de la Tradition, enseigne que nos premiers parents Adam et Ève ont été constitués dans un état “de sainteté et de justice originelle »[1]Catéchisme de l’Église Catholique, n°375.

Ainsi Adam et Ève ont existé et ont vraiment commis le péché originel (symbolisé par la pomme et l’arbre de la connaissance dans le jardin d’Éden), en réalité, un péché d’orgueil. Nos premiers parents ont librement choisi de se séparer de Dieu, en se laissant tenter par la voix de Satan qui leur proposait un choix alternatif où ils pouvaient s’émanciper de l’autorité divine et choisir eux-mêmes le bien et le mal. Le pape Paul VI rappelle cela solennellement dans son Credo[2]Credo de Paul VI, « Le péché, la croix et le baptême », 1968 : « Nous croyons qu’en Adam tous ont péché, ce qui signifie que la faute originelle commise par lui a fait tomber la nature … Continue reading

Adam et Eve face à l’évolution : la voix de l’Église

Mais l’existence d’Adam et Ève n’est-elle pas incompatible avec la théorie de l’évolution ? L’homme ne descend-il pas du singe ? Pie XII affirmait déjà que l’Église « n’interdit pas » cette théorie, dont Jean-Paul II reconnaissait qu’elle était « qu’une hypothèse ».

Aujourd’hui, près d’un demi-siècle après la parution de l’encyclique de Pie XII, de nouvelles connaissances conduisent à reconnaître dans la théorie de l’évolution plus qu’une hypothèse. Il est en effet remarquable que cette théorie se soit progressivement imposée à l’esprit des chercheurs, à la suite d’une série de découvertes faites dans diverses disciplines du savoir[3]Jean-Paul II, Discours à l’Académie pontificale des sciences, 22 Octobre 1996.

Les deux papes ajoutaient en revanche ce point essentiel : « si le corps humain tient son origine de la matière vivante qui lui préexiste, l’âme spirituelle est immédiatement créée par Dieu[4]Pie XII, Humani generis, 1950 : « Animas enim a Deo immediate creari catholica fides nos retinere jubet », AAS 42, p. 575. ». En conséquence, continuait Jean-Paul II : « les théories de l’évolution qui, en fonction des philosophies qui les inspirent, considèrent l’esprit comme émergeant des forces de la matière vivante ou comme un simple épiphénomène de cette matière, sont incompatibles avec la vérité de l’homme. Elles sont d’ailleurs incapables de fonder la dignité de la personne[5]Jean-Paul II, Discours à l’Académie pontificale des sciences, 22 Octobre 1996. »

Résumons-nous : la foi chrétienne affirme 1) que Dieu a insufflé à Adam et Eve une âme spirituelle, en faisant le premier homme et la première femme, 2) on ne peut donc dire que l’homme « descendrait » naturellement du singe, 3) on peut en revanche soutenir que le corps humain a probablement évolué de l’espèce Homo avant que l’âme ne lui soit insufflée.

 

La question de l’existence de l’âme

La distinction fondamentale doit demeurer quant à l’insufflation de l’âme, absolument spirituelle : il semble que cette notion ait échappé aux scientistes modernes qui pensent encore que l’existence de l’âme est incompatible avec l’évolution. Certains estiment même que la science moderne contemporaine pourrait prouver l’inexistence de l’âme[6]C’est le cas de Yuval Noah Harari qui, dans son best-seller Homo deus : une brève histoire de l’avenir, avait osé affirmer au grand public la chose suivante : « Les découvertes scientifiques … Continue reading, comme si l’âme pouvait se détecter à travers l’interaction moléculaire de nos cellules ou grâce à des signaux électriques de nos cerveaux. Celui qui dit que l’âme humaine n’existe pas car elle n’a pas pu être détectée en laboratoire commet le même sophisme que celui qui affirme qu’il n’existe pas de morceaux de plastique sous le sol puisque le détecteur de métal n’a pas réussi à en trouver. D’un point de vue chrétien, au contraire, puisque l’âme est immatérielle, il est primordial qu’elle ne puisse être détectée par des instruments de mesure scientifique.

Serait-il véritablement contradictoire d’affirmer que Dieu aurait choisi d’insuffler une âme immatérielle dans un corps humain à un moment donné dans l’histoire de l’évolution ? La science étant tout à fait incompétente pour scruter, affirmer ou infirmer l’existence de l’âme, celle d’Adam et Ève en tant que personnes unifiées (corps et âme), est tout à fait compatible avec la théorie de l’évolution.

Mais à quand remonte leur existence ? Ont-ils existé avant ou après l’homme de Néandertal ou l’espèce Homo sapiens ? Par prudence, on se refusera à rien affirmer avec certitude[7]Certains, tels William Lane Craig, ont fait des recherches sérieuses à ce sujet : on pourra lire son excellent livre, In Quest of the Historical Adam: A Biblical and Scientific Exploration, paru en … Continue reading. L’Église demeure en droit de se prononcer sur l’origine de l’humanité au sens de l’insufflation de l’âme spirituelle, car elle ne sort pas de son domaine. La science, au contraire, à moins d’être radicalement matérialiste, doit renoncer à juger de l’existence de l’âme et de l’origine de l’homme en ce sens du terme.

 En ce qui concerne la création immédiate de l’âme humaine, la théologie catholique affirme qu’il y a des actions particulières de Dieu produisant des effets qui transcendent la capacité des causes créées agissant selon leur nature. Faire appel à la causalité divine pour rendre compte d’un saut proprement causal, distinct d’une simple lacune explicative, ce n’est pas recourir à l’opération divine pour combler les “trous” des connaissances scientifiques humaines (et introduire ainsi le prétendu “Dieu bouche-trou”). Les structures du monde peuvent être considérées comme ouvertes à une action divine, non contrariante, qui cause directement des événements dans le monde. La théologie catholique affirme que l’émergence des premiers membres de l’espèce humaine […] constitue un événement qui ne peut pas s’expliquer de manière purement naturelle et qu’il est approprié d’attribuer à une intervention divine. Agissant indirectement à travers des chaînes causales qui sont à l’œuvre depuis le début de l’histoire du cosmos, Dieu a préparé le chemin vers ce que le pape Jean-Paul II a appelé “un saut ontologique”, “le moment du passage au spirituel”. Si la science peut étudier ces chaînes causales, il revient à la théologie de rendre compte de la création spéciale de l’âme humaine […][8]Commission Théologique Internationale, Communion et service : la personne humaine créée à l’image de Dieu, 2004..

Références

Références
1 Catéchisme de l’Église Catholique, n°375
2 Credo de Paul VI, « Le péché, la croix et le baptême », 1968 : « Nous croyons qu’en Adam tous ont péché, ce qui signifie que la faute originelle commise par lui a fait tomber la nature humaine, commune à tous les hommes, dans un état où elle porte les conséquences de cette faute et qui n’est pas celui où elle se trouvait d’abord dans nos premiers parents, constitués dans la sainteté et la justice, et où l’homme ne connaissait ni le mal ni la mort. C’est la nature humaine ainsi tombée, dépouillée de la grâce qui la revêtait, blessée dans ses propres forces naturelles et soumise à l’empire de la mort, qui est transmise à tous les hommes et c’est en ce sens que chaque homme naît dans le péché. Nous tenons donc, avec le Concile de Trente, que le péché originel est transmis avec la nature humaine, “non par imitation, mais par propagation”, et qu’il est ainsi “propre à chacun”. »
3, 5 Jean-Paul II, Discours à l’Académie pontificale des sciences, 22 Octobre 1996
4 Pie XII, Humani generis, 1950 : « Animas enim a Deo immediate creari catholica fides nos retinere jubet », AAS 42, p. 575.
6 C’est le cas de Yuval Noah Harari qui, dans son best-seller Homo deus : une brève histoire de l’avenir, avait osé affirmer au grand public la chose suivante : « Les découvertes scientifiques récentes contredisent catégoriquement le mythe monothéiste (de l’âme) », tout simplement parce que les laboratoires scientifiques n’ont pas réussi à la détecter : « Les expériences en laboratoire sapent […] la partie la plus importante du mythe monothéiste à savoir que les humains, eux, auraient une âme. Les chercheurs ont soumis Homo Sapiens à des dizaines de milliers d’expériences plus bizarres les unes que les autres, scruté tous les recoins de notre cœur et de notre cerveau. Jusqu’ici, ils n’ont pas découvert d’étincelle magique. Il n’existe aucune preuve scientifique que, à la différence des cochons, Sapiens ait une âme. » (Yuval Noah Harari, Homo Deus : une brève histoire de l’avenir, Albin Michel, 2017, p. 118-119.)
7 Certains, tels William Lane Craig, ont fait des recherches sérieuses à ce sujet : on pourra lire son excellent livre, In Quest of the Historical Adam: A Biblical and Scientific Exploration, paru en septembre 2021.
8 Commission Théologique Internationale, Communion et service : la personne humaine créée à l’image de Dieu, 2004.
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