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L’Ermitage (2/3) – La montagne

Dom Etienne Chenevière, abbé cistercien dont nous avons présenté récemment le parcours, a été amené à prendre un temps de retraite au désert : de son année de noviciat chez les ermites camaldules, il a tiré la sagesse d’un petit livre vivifiant – « L’Ermitage », dont nous livrons quelques perles dans trois articles, qui reprennent les trois parties du livre (le désert, la montagne, le Temple).

Le lieu de la rencontre

« Ce n’est pas sans raison que l’ermitage se cache le plus souvent en quelque repli de montagne. Sans doute y est-il plus facile de trouver un désert moins accessible aux hommes pour y vivre caché. Mais ce site a aussi dans l’histoire religieuse du monde une divine signification. Il est un lieu privilégié des rencontres de Dieu et vous devez lui conserver cette saveur mystique. »

« Penchez-vous inlassablement sur la Bible pour y découvrir Dieu tel qu’il se révèle lui-même. N’opposez pas le Dieu d’amour du Nouveau Testament au Dieu de crainte de l’Ancien : c’est une antithèse illusoire. Il n’y a qu’un Dieu qui ne varie ni ne se contredit. Ce qu’il était avant l’Incarnation, il le demeure. C’est l’homme qui a changé. Prenant de l’assurance par son évolution culturelle et peut-être interprétant à faux les condescendances évangéliques, il prend à l’égard de Dieu des allures dégagées et sans-gêne très étrangères à l’esprit du Magnificat. »

 

Au plus près de la source

« Le Christ est pour vous plus qu’un canal de vie, un intermédiaire entre la source et votre âme : il est la Source même des eaux vives. Il vous invite : « Si quelqu’un à soif, qu’il vienne à moi et qu’il boive. » Avant de vous laisser prendre à ses charmes humains et d’essayer de revivre les scènes évangéliques, scrutez la parole du Père. Son plus profond interprète est saint Paul. Que signifie cette expression étrange : « Pour moi, la vie c’est le Christ »? »

« Il l’est aussi parce qu’il en est l’objet. Comprenez qu’à l’ermitage ce n’est pas « votre » vie qu’il faut vivre, mais la sienne. Cela suppose une grande abnégation de soi ; c’est la suprême pauvreté, qui vous permet d’imiter celle de Jésus : son humanité n’avait d’autre personnalité que celle du Verbe. Elle « vivait Dieu ». »

« Concentrez sur lui votre pensée, votre amour, votre espoir. Il prendra effectivement la direction de votre vie. Comme une mère dit : « Mon fils, c’est toute ma vie » vous devez dire : « Jésus, c’est toute ma vie ». »

 

Le culte divin

« La Messe offerte ou entendue vaut infiniment plus que toutes les macérations. L’Église en appelle aux mérites de Jésus-Christ, non aux nôtres. »

« Jésus par sa science béatifique et sa science infuse savait alors tout de vous, vos plus intimes pensées, les mouvements secrets de votre volonté bonne ou mauvaise. Lui, sur terre, vivait avec vous et pour vous. Par-delà vingt siècles, vous prenez contact réellement avec celui qui, de loin, lisait dans la conscience de Nathanaël. Il dépend de vous que le Christ ait été plus consolé et ait moins souffert. »

« L’Église, dans son cycle liturgique, refait chaque année ce pèlerinage aux sources de notre salut. Suivez-le à la découverte du Christ en ses Mystères. Chacun porte toujours sa grâce qui échauffe le cœur et illumine l’esprit. Ainsi Jésus deviendra pour vous « Quelqu’Un » de très proche. »

« Vous ne regretterez rien de ce que vous avez laissé le jour où Jésus aura pris cette place dans votre existence. Alors vraiment vous vous serez assis près de Lui pour souper. »

Seul avec le Seul

« Dès qu’on est deux, chacun érige une façade, se crée un personnage qu’il affiche et prend lui-même au sérieux. L’appréciation de l’autre lui importe et le satisfait. L’Ermite n’a qu’un vis-à-vis : Dieu. À quoi bon se grimer ? L’obligation d’être vrai rend la solitude intolérable à beaucoup, chère aux âmes droites et courageuses. »

« Il faut une longue maturité pour se refaire enfant. Ici la docilité n’est plus l’ignorance craintive qui se confie, c’est la sagesse qui choisit. Celle de l’enfant naît de l’instinct d’insécurité, celle du novice se fonde sur l’Évangile : « Si vous ne retournez à l’état d’enfants, vous ne pourrez entrer dans le Royaume des Cieux ». »

« Le mot de Saint-Exupéry est profondément vrai : « On ne voit bien qu’avec le cœur. » C’est l’amour qui nous unit à Dieu, mais il se définit par l’identité des vouloirs : « Idem velle, idem nolle. » Notre volonté en se perdant dans celle de Dieu le saisit et l’étreinte dans son Être divin. Lui et sa volonté, c’est tout un. »

« L’obéissance à Dieu est l’axe de l’Histoire de la créature intelligence. Ce fut l’épreuve des anges, celle d’Adam. L’Incarnation et la Rédemption sont des actes de sublime obéissance. Jusqu’à l’avènement du Christ, la Volonté de Dieu et celle du Peuple élu se sont affrontées. »

 

Les joies de la montagne : les huit béatitudes

« Toute l’Écriture est une offre de bonheur. La litanie de la joie y est interminable. Dieu qui est la Béatitude rayonne sur tous les êtres. »

« Cette joie, personne ne peut nous l’enlever parce qu’elle jaillit de « notre communion avec le Père et avec son Fils Jésus-Christ ». L’Ermitage vous la donnera si vous ne vous méprenez pas sur sa nature et sur sa source. Elle descend de Dieu et ne monte pas  de la créature. »

« Relisez les Béatitudes, chacune est la récompense d’un renoncement. Elles fleurissent sur les décombres de l’égoïsme. Dans cette page évangélique Dieu spécifie sa plus haute volonté sur vous et il vous apprend ce qu’il entend par la mort à soi-même. »

« Vous éprouverez plus de paix que d’exultation, plus de sérénité que d’élan. La joie des enfants est démonstrative et bruyante, mais fragile et inconstante : elle n’est pas une conquête et ne s’enracine pas dans le sacrifice. La sérénité de l’Ermite est le repos d’un cœur dégagé de haute lutte, d’une volonté victorieuse et laborieusement maîtresse, d’une nature assagie par la souffrance, d’un esprit pénétré de la vanité des choses, d’une âme que Dieu envahit toute et qui n’attend plus rien que de Lui. »

Le mont de la croix

« Tout ce qui est douloureux, physiquement, moralement, spirituellement, quel qu’en soit l’instrument, hommes, choses, événements, même si vous en êtes la cause, a valeur de croix pour l’esprit de foi. Il vous suffit d’accepter et d’offrir les conséquences pénibles de vos fautes ou de vos maladresses. »

« Si vous aimez intensément, vous désirerez être étendu sur la Croix. Ce désir est un sommet. Ne vous désolez pas d’en être loin. C’est bien déjà, de ne jamais vous révolter ni fuir. Jésus lui-même n’est pas monté au Calvaire dans une marche triomphale. »

« Vous porterez vos croix sans forfanterie. Ni la grâce qui vous soutient, ni l’énergie de votre correspondance ne leur ôteront leur caractère pénible. La nature continuera de geindre et d’éprouver la même horreur pour ce qui la lacère et la broie, la même envie de fuir ce qui la moleste. La croix ne serait plus la croix si elle cessait d’affliger. Seule la partie spirituelle de votre âme pourra s’en réjouir, encore que cette joie elle ne la puisera pas en elle-même : elle est un don de Dieu. »

« Soyez humble, ne devancez pas la grâce : portez de votre mieux les croix de la Providence avant d’en souhaiter de plus lourdes. Le danger lointain n’effraie pas ; combien sont paralysés à son approche ! Pourtant, demandez l’amour de la Croix. La résignation est l’infime degré de l’adhésion à la Volonté de Dieu. »

« Et là, il priait » (Lc 5, 16)

« La prière, c’est cela, une entrevue filiale avec Dieu dans l’abandon et la liberté qu’inspire l’amour. »

« Rien n’est plus personnel, incommunicable que la vraie prière. Elle est le langage ou l’attitude silencieuse d’une âme individuelle face à face avec son Créateur et son Père. Elle est la réaction spontanée du cœur à cette mise en présence. Le cœur ne se prête ni ne s’emprunte. »

« La prière est de l’ordre de la foi. Si vous recherchez l’émotion dans le vif sentiment d’une présence qui gonflerait votre poitrine et accélérerait les battements de votre cœur, vous risquez de prendre en dégoût la prière. C’est par la foi que nous prenons conscience de l’inhabitation de Dieu en notre âme : il faut en faire les actes. » 

« La lectio divina lui est à cette fin indispensable. Il doit reconnaître plus que personne les « mœurs » de Dieu, selon l’expression de saint Thomas d’Aquin. »

« Le Verbe fait chair et Eucharistie que vous recevez chaque matin est aussi Parole écrite et c’est Lui qui, dans la Bible, vous inonde de lumière. Il vous parle de la grandeur, de la beauté de l’Amour, de sa bonté, de ses desseins, de démarches qui l’ont incliné jusqu’à votre néant. »

« Puissiez-vous connaître la « gourmandise » de l’Écriture ; elle n’est autre que la soif de Dieu. En ouvrant la Bible vous tendez vos lèvres vers la Source et la « Source a soif d’être bue ». »

« Lisez-la d’un cœur humble et simple. L’érudition risque de vous dessécher. Dieu y parle aux petits, à ses pauvres qui louent son nom et auxquels il prépare une demeure. »

« Ruminez les textes sacrés qui ont éveillé un écho dans votre âme. Les vieux anachorètes se répétaient indéfiniment les versets où semblait s’être condensée pour eux toute la lumière d’en-haut. »

« Si vous êtes vraiment détaché de tout et constamment orienté vers Dieu par le désir, vous n’aurez pas besoin de paroles. Dieu interprète cette tension amoureuse qui traduit jusque dans votre chair l’élan de votre être affamé. »

« Veillez à ce que votre conduite ne démente pas vos déclarations. Dire à Dieu de telles choses suppose un si grand dénuement ! Entraînez-vous à ne rien lui refuser. Ses exigences sont infinies pour les âmes qu’Il appelle à parcourir les voies de l’oraison.

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