Dom Etienne Chenevière, abbé cistercien dont nous avons présenté récemment le parcours, a été amené à prendre un temps de retraite au désert : de son année de noviciat chez les ermites camaldules, il a tiré la sagesse d’un petit livre vivifiant – « L’Ermitage », dont nous livrons quelques perles dans trois articles, qui reprennent les trois parties du livre (le désert, la montagne, le Temple).
Le désert qui purifie
« Pour vous le désert n’est pas un cadre, il est un état d’âme. En cela gît sa difficulté. »
« Le désert n’admet pas les compromis, il oblige brutalement à choisir : c’est la piste inhospitalière, l’incessante marche en avant avec le bagage le plus léger possible ou la mort. »
« Sans doute, le désert est le pays de la soif. Comme à Agar, comme à Elie en route vers l’Horeb il vous arrivera de penser que c’est une mort. Ne revenez point sur vos pas : Dieu vous sustentera. »
« Persévérez, travaillez à ramener vos facultés à l’unité, à la simplicité du silence. Vous ne tarderez pas à y recevoir la visite de Dieu. Il vient à Elie sur l’Horeb à l’instant d’un silence tel qu’on eût entendu le murmure de la plus légère brise. »
La nourriture du désert
« Cette Parole éternelle sera votre nourriture : l’Écriture, l’Eucharistie, la Contemplation vous la dispenseront. Vous goûterez cette manne de Dieu. L’Esprit Saint guidera votre âme vers elle avec infiniment plus de douceur et de souplesse que la nuée lumineuse. »
« Le démon n’est pas un mythe et s’il est excessif de le voir en toutes vos tentations, la tradition monastique s’accorde à lui prêter un spécial acharnement contre les anachorètes. Le désert étant réputé, selon l’Évangile, le lieu propre de sa retraite, et prenant une offensive hasardeuse le monde entendait l’en déloger. Saint Matthieu établit explicitement un lien entre la retraite de Jésus au désert et la tentation. »
« Le jeûne auquel le désert soumet vos facultés dont le jeu normal assure d’ordinaire l’épanouissement et le bonheur des hommes, fait triompher en vous la primauté du spirituel. »
« Soyez généreux ; ce ne sont pas les anges qui s’approcheront pour vous servir, mais le Maître Lui-même qui se ceindra, vous fera mettre à table et vous servira. »
On n’est pas seul au désert
« En quoi, dans son mystérieux désert, saint Paul peut-il être votre modèle ? En ceci : qu’il s’y enferme avec Jésus. Jésus lumière, Jésus charité. Ce sera là toute votre contemplation, toute votre occupation. »
« Penchez-vous longuement sur l’Évangile, afin que la personne du Christ prenne vie et relief à vos yeux. Il faut que son humanité vous devienne familière et que son charme vous émeuve, comme il a captivé ceux qui eurent le bonheur de Le connaître. »
« Pour l’ermite, la nuit est l’instant de la plus grande proximité de Dieu. »
« Si votre cœur est pur et votre esprit vigilant, pour vous la nuit illuminera comme le jour, précieuse comme le reliquaire des grands souvenirs de la Geste de Dieu dans l’humanité. »
« Il est donné à l’Ermite d’écouter chaque nuit ces voix du silence et de recevoir la grâce toujours agissante de ces mystères. »
« Cette « nuit obscure » si douloureuse sera précisément votre illumination : vous connaîtrez Dieu par sa propre connaissance, sachant de lui non ce que la création en balbutie, mais ce qu’il en sait lui-même et veut bien en révéler. »
« Mais la nuit nous cache l’horizon lumineux. Vous cheminerez la main tremblante dans celle de votre Père du Ciel. »
« Ne revenez pas en arrière. Ne vous en prenez ni à l’entourage, ni au cadre de vie : la nuit est en vous et elle obéit à Dieu. Stérile pour les hommes dont elle suspend l’activité, elle est toujours féconde entre les mains du Créateur. Avant la lumière étaient les ténèbres : d’elles Dieu fit jaillir la clarté du jour. « C’est la nuit qu’il est beau de croire à la lumière », murmure Platon. Le Seigneur attend de vous cette foi, ne vous dérobez pas. Celui qui vous aime se cache dans cette obscurité et vous y donne rendez-vous. »