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Comment faire oraison ?

Image par Fr. Romain Marie Bancillon de Pixabay
« Dieu veut que tous les hommes soient sauvés, disait saint Thomas d’Aquin. Nul ne peut se sauver sans combattre et vaincre. Nul ne peut vaincre sans l’assistance de Dieu, sans la grâce. Or, ce secours ne s’accorde qu’à la prière ; donc, sans la prière, il n’y a pas de salut. » Et saint Jean-Eudes de conclure « Regardez cette affaire comme la plus importante, la plus nécessaire, la plus pressée. » La prière la plus profonde et transformante, celle qui peut changer notre vie et le monde avec, est la prière d’oraison. Nous y aspirons sans doute, mais peut-être ne savons pas nous y prendre ? Essayons avec confiance, en écoutant les conseils des saints.

 

Qu’est-ce que l’oraison, pourquoi faire oraison ?

 L’oraison mentale n’est à mon avis qu’un commerce intime d’amitié où l’on s’entretient souvent seul à seul avec Dieu dont on se sait aimé (sainte Thérèse d’Avila).

L’oraison est une prise de contact, une actualisation de l’union surnaturelle que la grâce établit entre Dieu et notre âme, un échange entre deux amours : Dieu amour, présent en notre âme, et la grâce sanctifiante en nous, de même nature que lui, qui nous fait ses enfants et nous rend aptes à ce commerce intime avec lui. Dieu est amour mais il est immuable : c’est nous qui devons aller vers lui. Ce mouvement nécessaire, c’est l’oraison.

 La joie chrétienne est la joie de la présence du Christ en notre cœur, et par Lui de tout le mystère personnel de l’amour de Dieu. Elle est inséparable d’une foi profonde, et d’une charité réelle qui donne une certaine connaissance, par connaturalité, de la Vie qui nous habite ; elle est grandement nourrie par une vie de prière intérieure et intime (un Chartreux).

 L’autel de Dieu est notre cœur, le feu de l’amour doit toujours y brûler, et sa flamme monter incessamment vers Dieu (saint Grégoire le Grand).

 L’âme qui est unie à Dieu, le démon la craint comme Dieu lui-même (saint Jean de la Croix).

Les circonstances : où et quand faire oraison ?

Le vrai lieu de l’oraison est notre cœur profond : la première disposition de la prière est donc le recueillement ; mais notre nature versatile a besoin dhabitudes, d’automatismes qui la ramènent vers Dieu. Il y a des temps et lieux à privilégier, et surtout une régularité courageuse à adopter pour que tout notre être s’accoutume à vivre de la prière.

On peut commencer par consacrer à l’oraison un temps assez court, privilégiant la régularité sur la quantité. Ne pas se fixer un objectif trop élevé, mais y être fidèle, et prier tous les jours. Si l’on arrive à réserver un quart d’heure à la prière intime chaque jour, on peut entrer déjà dans une vraie vie d’oraison. L’expérience montre que ce temps doit être pris au maximum le matin, au moment du lever : on consacre ainsi à Dieu les prémices du jour, on s’assure que ces instants privilégiés avec lui ne seront pas absorbés dans le tourbillon de la vie professionnelle ou familiale, et on place toute la journée sous son regard. Le lieu doit être un lieu calme, silencieux, pour nous aider à éviter trop de distraction : au pied de son lit, devant un crucifix, un coin de prière, dans une église qui se trouve sur notre route. L’essentiel est que les sens soient aussi peu mis à contribution que possible, car le lieu du cœur à cœur avec Dieu est intérieur, bien en profondeur, loin de la surface sensible de notre être.

En bref il faut prier : 1) tous les jours, 2) si possible dès le matin, 3) en un lieu propice, silencieux.

Comment s’y prendre (1) : Se mettre en présence de Dieu (l’étincelle – le recueillement)

Faire silence autour de nous et en nous, poser avec la grâce des actes de foi et damour qui entament ce mouvement de descente en notre cœur profond, qui constituent le recueillement. Ce sont les actes des vertus théologales, opérés en nous par Dieu, qui nous tournent vers lui. Il faut donc demander cette grâce du recueillement, il est son œuvre en nous. « L’Esprit-Saint prie en nous » (Rm 8, 26).

Le minimum requis de notre part est la volonté de donner son cœur au Seigneur. Pour sainte Élisabeth de la Trinité le recueillement est l’essentiel de la prière, dont la source est en nous : la présence des trois personnes divines au plus intime de notre âme. Le recueillement nous fait entrer dans la forteresse du cœur profond, à l’abri des attaques de l’ennemi. Ce cœur à cœur est difficile à vivre de manière constante, alors sainte Élisabeth conseille des pauses attentives, des élans de l’âme ; pour elle le modèle du recueillement est la Sainte Vierge, qui faisait tout avec son cœur profond.

Ainsi Dieu est présent dans les choses matérielles et leur donne l’être naturel ; dans les créatures raisonnables, Il a voulu, par une générosité toute gratuite, être présent de telle sorte qu’Il ne leur communiquât pas seulement l’être naturel, mais son être à lui, qu’Il les divinisât (un Chartreux).

Je vais vous donner mon secret : pensez à ce Dieu qui habite en vous, dont vous êtes le temple (sainte Élisabeth de la Trinité).

La mise de soi en présence de Dieu est facilitée par des dispositions lointaines, par une certaine préparation : la vie sacramentelle, la régularité dans la prière, la pratique des vertus morales et de la charité envers autrui, la pureté de la conscience et des intentions, le détachement (ne rien attendre de sensible, ne rien désirer pour soi, tout faire et offrir pour Dieu). Les dispositions prochaines comptent aussi (le lieu, le temps, un objet, l’attitude corporelle…).

Demeurez en moi, et moi en vous (Jn 15, 4).

 La Trinité, voilà notre demeure, notre « chez nous », la maison paternelle d’où nous ne devons jamais sortir (sainte Élisabeth de la Trinité).

Pensez que vous êtes en lui, qu’Il se fait votre demeure ici-bas, et puis qu’Il est en vous, que vous le possédez au plus intime de vous-même, qu’à toute heure du jour et de la nuit, dans toutes joies ou épreuves, vous pouvez le trouver là, tout près, tout au dedans. C’est le secret du bonheur (Sainte Élisabeth de la Trinité).

 Comportez-vous avec Dieu comme avec un Père, un Frère, un Maître, un Époux (sainte Thérèse d’Avila).

 Adorer, c’est voir Dieu en toutes choses, c’est se tenir devant lui, c’est être dans son oraison un enfant qui parle à Dieu comme à son Père (Dom Chautard).

 L’âme se recueille, quand, ramassant toutes ses puissances, elle rentre en elle-même pour y trouver Dieu (père Bernadot).

 

Laissons la mère du Carmel récapituler :

Pour prier comme il convient, vous savez ce qu’on fait tout d’abord on examine sa conscience, on récite le Confiteor et on fait le signe de la croix. Aussitôt après, mes filles, appliquez-vous puisque vous êtes seules, à trouver une compagnie. Et quelle meilleure compagnie pouvez-vous trouver que celle du Maître lui-même qui a enseigné la prière que vous devez réciter (le Pater)? Représentez-vous ce Seigneur auprès de vous.., croyez-moi, ne négligez rien pour n’être jamais sans un ami si fidèle (sainte Thérèse d’Avila).

Comment s’y prendre (2) : Lecture et méditation

La clé révélée par sainte Thérèse est de savoir orienter les puissances de notre esprit (intelligence, volonté, imagination, mémoire) vers Dieu, pour éviter qu’elles ne viennent perturber ce cœur à cœur qui les transcende. Un passage de la Bible, d’un auteur spirituel, peut aider à concentrer notre puissance d’entendement sur ce qui nous porte vers Dieu. La lecture peut ouvrir à la méditation en fournissant l’aliment pour cette rumination de la parole de Dieu.

Ne pas chercher à lire pour s’informer, pour réfléchir, pour faire passer le temps. Lire lentement, jusqu’à ce qu’un mot, une phrase nous frappe, puis fermer le livre et chercher l’union à Dieu à partir de là. Le livre nest quun moyen de raviver le feu, un « tison ».

Il faut donc savoir choisir ses « tisons », les passages qui nous feront entrer dans l’oraison, savoir varier lorsque c’est nécessaire, connaître ses amis spirituels, sa « famille d’âme » (Père Jérôme). Les sources principales doivent être, par ordre relatif d’importance : l’Écriture Sainte, les textes liturgiques qui en sont l’interprétation par l’Église, le catéchisme qui résume tout cela, les écrits des Pères, des Docteurs et des saints, les auteurs spirituels. Parmi ces derniers il faut mentionner le livre qui a marqué l’histoire de toute la chrétienté occidentale, dont de très nombreux saints ont fait l’aliment de leur méditation quotidienne (sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus par exemple) : lImitation de Jésus-Christ

Une fois le foyer allumé au « tison », il faut en attiser la flamme, c’est la méditation. Ce peut être la rumination lente et attentive d’une parole divine, ce peut être une réflexion sur un passage d’évangile. La méditation peut être aidée par une image, physique ou seulement mentale. Saint Ignace de Loyola recommande ainsi dans ses exercices la « composition de lieu » : se représenter le cadre d’un enseignement du Christ peut aider à s’en pénétrer plus profondément. Sainte Thérèse d’Avila aimait elle aussi à revivre des scènes évangéliques : la rencontre de la samaritaine, l’agonie au jardin… Elle enseignait ainsi la nécessité de toujours « vivre en la société du divin maître », de demeurer en sa présence, de « se tenir aux pieds de Jésus-Christ. »

On peut prendre appui sur le point de départ de la méditation pour tirer des conséquences s’appliquant à notre vie : « Seigneur, qu’avez-vous à me dire », commençait par prier Charles de Foucauld, puis il terminait par une offrande de soi : « Seigneur, que vous dirai-je maintenant ? » concluait-il.

Comment s’y prendre (3) : Contemplation

Lorsque le feu de l’amour divin est allumé en notre âme, il faut se laisser éclairer par lui, rester paisible sous l’illumination de la vie des trois Personnes en notre âme. C’est alors la contemplation, que le père Jérôme définissait comme « une communication obscure de Dieu à l’âme, rendant l’âme amoureuse. » Et le trappiste commente que cette communication n’est pas une parole mais une aide divine, une grâce qui élève l’âme. Elle est obscure car elle n’est ordinairement pas perçue. « Dieu lui même la produit au fond de l’âme ordinaire sans que rien ne le révèle. »

La contemplation n’est pas de notre fait, elle n’est pas acquise mais infuse : elle est donnée par Dieu, elle est opérée en nous par lui. Elle est l’activité en nous de l’amour divin, par les trois vertus théologales. Elle requiert de notre part une grande humilité, docilité sous l’action divine, qui n’est pourtant pas une passivité : le recueillement est une attention du cœur, une possession de soi, mais pour être entièrement disponible à Dieu, ouvert à l’action de sa grâce. Sainte Jeanne de Chantal conseille à l’âme de se tenir immobile en présence du Maître, comme une toile devant l’artiste qui doit l’animer d’un dessin vivant

 Dieu ne serait pas la Bonté et la Sagesse infinies si, recherchant, exigeant notre intimité, Il ne nous donnait pas en même temps les moyens de communiquer avec lui. Ces moyens dont nous pouvons être absolument sûrs, et qui permettent d’entrer en contact immédiat avec Dieu, ce sont les vertus théologales et les dons qu’elles entraînent.

Par la foi, nous adhérons à la vérité de la vie divine, qui nous est proposée. Par la charité, cette vie devient nôtre. Par l’espérance, nous sommes certains, avec l’aide de la grâce, de la vivre toujours davantage, et d’en obtenir la possession immuable au Ciel.

Voilà l’essentiel de toute oraison solide et profonde (un Chartreux).

Comment s’y prendre (4) : Soffrir, rayonner de lamour reçu : le colloque

L’oraison doit se conclure par un renouvellement des actes de foi, d’espérance et d’amour posés en nous par Dieu. Elle irradie ainsi de la chaleur reçue dans toute notre vie. Saint Ignace insiste sur les derniers moments de la méditation, qu’il appelle le « colloque ». Ce sont les derniers mots de la conversation amoureuse, échangés « comme un ami parle à un ami. »

« Priez sans cesse » : Loraison continuelle

La prière ne s’arrête pourtant pas au bout du temps que nous avions prévu de consacrer à l’oraison : la contemplation continue moins sensiblement mais réellement en chacune de nos actions, car la présence de Dieu en nous ne cesse pas pour autant que l’on y porte une attention moins soutenue. La pratique régulière et courageuse de l’oraison nous enseignera au contraire à conserver autant que possible le sentiment de cette habitation d’amour en notre âme, tout au long de nos journées. C’est l’expérience habituelle de la présence de Dieu, don immense que nous demandons dans la prière. Le frère Laurent de la Résurrection, carme parisien du XVIIe siècle, employé aux tâches les plus humbles dans les cuisines du couvent, en donne l’exemple en rayonnant d’une sainteté discrète mais profonde. Il s’agissait pour lui « d’être toujours avec Dieu et de ne rien faire, de ne rien dire et de ne rien penser qui lui puisse déplaire », et cela par de fréquents « retours intérieurs à Dieu », par « ce petit regard intérieur sur lui », par une offrande du cœur renouvelée de temps en temps au cours de la journée, dès que possible.

Cette habitation de la prière peut être entretenue par la pratique des oraisons jaculatoires, que saint Jean Cassien décrivait comme « un secret que nous ont laissé quelques uns de nos anciens pères ». Il s’agit de formules simples, à répéter au long de nos journées, en s’aidant pourquoi pas de petits moyens matériels, comme ces versets de la loi que portaient les hébreux attachés devant le front, ou encore ces franges faites à leurs vêtements pour ne pas oublier les commandements du Seigneur. Les saints avaient chacun leurs formules favorites, la Sainte Écriture, la liturgie, les litanies approuvées par l’Église en recèlent de magnifiques, et nous pouvons nous constituer notre recueil propre : « Jésus », « Jésus, Amour », « Mon Seigneur est mon Dieu », « Jésus, je vous aime », « Jésus, je suis votre sauvé pour l’éternité », « Seigneur secourez-moi », « Seigneur ayez pitié de moi », « Jésus, miséricorde », « Cœur de Jésus, ayez pitié de moi », « Cœur de Jésus, j’ai confiance en vous », « Marie, Maman », « Marie, mon avocate », « Marie, protégez moi »…

Cette pratique rejoint celle de la prière du cœur, chère aux chrétiens orientaux et connue aussi sous le nom d’hésychasme : la prière perpétuelle, répétition inlassable, sur les lèvres et dans le cœur, de la formule « Seigneur Jésus-Christ, ayez pitié de moi. »

Puisqu’il s’agit de durer dans la prière, pratiquons soit la prière vocale, lentement répétée (oraisons jaculatoires, chapelet), soit l’oraison contemplative, ou un libre mélange des deux. Seules, en effet, ces formes de prière peuvent obtenir le résultat recherché : exciter la vertu de foi juste assez pour lui permettre de veiller, supporter sans perte les longues étapes, exercer l’amour peu senti, infusé par Dieu (père Jérôme Kiefer).

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