Que pourrait être en France le devenir d’une loi sur l’euthanasie ? Le cas du Canada mérite d’être surveillé de près. Un long rapport publié dernièrement (16 octobre 2024) par l’Associated Press sur la pratique de l’assistance à mourir dans la province de l’Ontario (la plus grande du pays) donne froid dans le dos.
L’étude est principalement centrée sur les cas d’euthanasies pratiquées sur des personnes qui n’étaient pas en situation terminale : parmi elles, il semble que beaucoup soient des personnes en situation de précarité (physique, sociale, morale), qui demandent (ou sont parfois incitées) à demander une injection létale.
De nombreux cas « limites »
Qu’en est-il réellement ? L’Associated Press a eu accès aux échanges d’un forum privé, aujourd’hui hébergé par l’association des praticiens canadiens d’euthanasie, sur lequel les médecins et infirmières concernés partagent leurs interrogations ou leurs impressions au sujet des cas et demandes auxquels ils sont confrontés. De nombreux témoignages font état de cas de demande d’euthanasie à la limite du cadre légal.
- Une femme d’une cinquantaine d’année, souffrant d’un syndrome multiple de sensibilité chimique, avec un passif de pathologies mentales et un stress post-traumatique, socialement isolée, a demandé à mourir principalement parce qu’elle ne parvenait pas à trouver un logement décent.
- Un chômeur d’une quarantaine d’années, souffrant d’une maladie intestinale, « socialement vulnérable et isolé », se serait vu suggérer une demande d’euthanasie par un psychiatre, qui l’examina lui-même et accomplit l’acte.
- Un homme d’une quarantaine d’années également aurait quant à lui été euthanasié après une tentative de suicide.
- Un ouvrier entre deux âges, souffrant de blessures au coude et au dos qui le rendaient incapable de reprendre son travail, dit au médecin que les trop faibles allocations « ne lui laissaient pas d’autre choix que de demander une euthanasie.» Ce dernier jugea que le patient remplissait les critères prévus par la loi.
- Un autre patient, atteint d’une sérieuse affection au poumon, exprimait que sa souffrance principale était d’être sans-abri, endetté, et de ne pouvoir tolérer l’idée d’un traitement de longue durée.
- L’étude cite encore le cas de ce patient de 74 ans, qui souffrait de tension artérielle et ayant été victime d’un AVC, atteint par ailleurs de cécité et de plus en plus dépendant de son épouse, dont la demande d’euthanasie fut acceptée sur le fondement de la dégradation des qualités de vie, et dont la date de mort fur choisie en tenant compte des préférences de son é Le forum recense quatre autres cas d’euthanasie pratiquée sur des personnes atteintes de cécité.
- Souffrant d’obésité, une femme se décrivait comme un « corps inutile et prenant de la place», ayant perdu goût aux activités, socialement isolée, n’avais pas de but dans la vie : elle obtint l’euthanasie au motif que l’obésité était une affection incurable et grave.
- Une femme de 80 ans environ, dialysée et qui avait perdu son mari, sa sœur et son chat en l’espace de six semaines, fut jugée atteinte d’une souffrance insupportable et euthanasiée.
- Dans un cas semblable, une veuve demanda l’euthanasie quelques semaines après la mort de son époux, au motif que son cadre de vie s’était effondré.
Une loi permissive
De fait, c’est le cadre légal lui-même qui apparaît comme l’un des plus permissifs du monde. Au Canada, depuis 2021, une personne peut faire une demande d’euthanasie alors même qu’elle n’est pas en danger de mort, au motif qu’elle est atteinte d’une souffrance qui peut être jugée incurable et grave. La loi ne demande pas que l’équipe médicale ait épuisé tous les recours thérapeutiques avant d’accepter une demande d’euthanasie. Cette extension du cadre initial voté en 2016 prévoit que des personnes en situation incurable puissent faire la demande d’une aide à mourir. En théorie, cette demande doit être examinée par deux soignants indépendants, visée par un expert, faire l’objet de propositions de soin alternatives, et être confirmée après un délai de réflexion minimal de 90 jours. Cette possibilité légale est augmentée par la dépénalisation du suicide assisté. Bien que le processus soit censé être normé et soumis à des contrôles, il semble que les conditions pratiques soient souvent assez éloignées du cadre prévu par la loi. Et pourtant aucun médecin ou infirmier n’a jamais été poursuivi pour avoir dépassé les limites de ce que permet la législation canadienne. Un professeur de droit de la santé à l’Université de Toronto avance plusieurs hypothèses : soit la loi est trop large, soit les normes d’application manquent de précision, soit la protection des concitoyens les plus vulnérables n’est simplement plus une priorité. Sur les forums où ils échangent et débattent, les personnels pratiquant l’euthanasie de personnes non-mourantes parlent d’un phénomène « moralement stressant » et affirment que les conditions légales sont trop vagues pour être protectrices, obligeant les médecins et les infirmières à mettre parfois fin à la vie de personnes qui pourraient être sauvées autrement. « Je ne veux pas que l’euthanasie devienne la solution à tout type de souffrance » écrit un médecin sur le forum.
Lors du premier vote de la loi, en 2016, le premier ministre Justin Trudeau avait pourtant promis que des barrières permettraient de protéger les personnes vulnérables pour leur éviter d’être euthanasiées « parce qu’elles ne recevraient pas le soutien et le soin dont elles ont vraiment besoin ». Huit ans plus tard, l’enquête de l’Associated Press montre une réalité tout autre.
L’euthanasie des plus défavorisés et des handicapés
Parmi les éléments les plus gênants mis en lumière par l’étude de l’Associated Press, l’enquête révèle qu’un nombre important de patients euthanasiés sans être danger de mort en Ontario vivaient dans les zones les plus pauvres et déshéritées de la province. En 2023, 29% des patients euthanasiés sans être en phase terminale étaient originaires de ces régions défavorisées, qui regroupent environ 20% de la population (le taux d’euthanasie « non-terminale » rapporté à l’ensemble de la population y est donc 50% supérieur à la moyenne). Mais les chiffres publiés par l’AP ne posent pas seulement la question sociale : dans la province, plus de 75% des personnes euthanasiées sans être en phase terminale étaient reconnues comme étant en situation d’invalidité. Le cas des personnes handicapées semble devoir cristalliser le débat dans les mois à venir, alors que l’association Mourir dans la Dignité Canada a déjà ouvert une procédure judiciaire en Ontario contre la discrimination supposée à l’encontre des personnes atteintes d’un handicap mental, non encore éligibles à la demande d’euthanasie. De l’autre côté, une association militant pour les droits des personnes handicapées a également engagé un procès, soutenant que la loi actuelle aurait déjà entraîné la mort prématurée de nombreuses personnes handicapées. L’association Inclusion Canada a même entrepris de recenser les personnes handicapées auxquelles a été proposée l’euthanasie : parmi ces cas, une patiente qui s’est vu proposer par son physiothérapeute une injection létale alors qu’elle était venue consulter pour une contusion à la hanche. « Notre réponse à la souffrance intolérable de personnes handicapées est : ‘votre vie ne vaut pas la peine’ », regrette Krista Carr, présidente de l’association.
Que faire ? Résister, et prier.
Huit ans seulement après la dépénalisation de l’euthanasie au Canada, le bilan complet réalisé par l’enquête de l’Associated Press à l’intérieur du système en place dans la province d’Ontario permet de poser un regard sur les ombres d’un phénomène qui menace de devenir une réalité en France dès les prochains mois. À l’heure où le premier ministre parle déjà de reprendre « pour gagner du temps » le projet de loi examiné au printemps 2024, grevé de lacunes majeures et déjà largement élargi par les amendements de la gauche de l’Assemblée, les Français ne peuvent accepter que l’on adopte sans y réfléchir un cadre législatif dont les répercussions profondes sur la société pourront être dramatiques et irrémédiables. Les chrétiens doivent agir également par la prière :
- La veille du premier dimanche de l’Avent, partout en France, ceux qui le peuvent sont invités à se joindre aux Veillées de prière pour la vie organisées dans les paroisses et recensées ici.
- À tout moment, ceux qui désirent offrir leur chapelet et le prier en communauté pour la défense de la vie peuvent ajouter l’application Rosario et utiliser le code d’invitation « VIE » pour rejoindre la grande chaîne de ceux qui intercèdent pour les plus fragiles d’entre nous.