Rechercher
Rechercher
Rechercher
Rechercher

Le pape a-t-il toujours raison ? (Introduction à l’apologétique 7/7)

Scandaleuse infaillibilité, définie au moment le plus critique par une Eglise aux abois ? Regard de foi sur un dogme qui pose problème à nos contemporains.

Lire aussi dans notre dossier d’introduction à l’apologétique :

Peut-on prouver l’existence de Dieu ? (Introduction à l’apologétique 1/7)

Si Dieu existe pourquoi le mal ? (Introduction à l’apologétique 2/7)

La Trinité, mystère ou absurdité (Introduction à l’apologétique 3/7)

Jésus-Christ, une légende ? (Introduction à l’apologétique 4/7)

Jésus, vrai Dieu et vrai homme ? (Introduction à l’apologétique 5/7)

L’Eglise est-elle divine ? (Introduction à l’apologétique 6/7)

écouter la conférence:

Le sujet est délicat : il faut cependant s’y arrêter dans notre défense de la foi et de la religion catholique. L’infaillibilité pontificale est réellement incompréhensible pour nos contemporains, souvent obscure pour nous aussi.

On a montré, grâce aux quatre notes tirées de l’évangile, que l’Église est la vraie société voulue par Jésus. Il faut maintenant voir pourquoi nous pouvons adhérer en toute confiance à l’enseignement qu’elle continue à nous donner, reçu du Christ et transmis par elle sans erreur. Il faut comprendre pour cela que l’Église est l’interprète de Dieu auprès des hommes.

Comment l’Église peut-elle cependant affirmer ne jamais se tromper lorsqu’elle traite de la Révélation ? Pour certains l’infaillibilité est contredite par de nombreuses erreurs commises par l’Église au long de son histoire : or si l’Église peut se tromper, ce ne peut être qu’en dehors du donné révélé. Si ce dogme choque tant aujourd’hui, c’est que l’homme moderne refuse de se soumettre à l’autorité d’un seul, mais préfère paradoxalement se laisser diriger par l’opinion de la masse.

Posons dès lors la vraie question : est-il possible qu’un homme soit infaillible ? L’Église peut-elle proclamer sa propre infaillibilité ?

Pour préciser ce qu’est l’infaillibilité, rappelons que le pape est un homme qui peut se tromper en différents domaines (politique, économie…) quand il parle en tant qu’homme. Savoir ce qu’est l’infaillibilité permet de ne pas idéaliser la papauté mais de la considérer avec un regard de foi. Nous pouvons ainsi montrer à nos contemporains que nous n’obéissons pas aveuglément à un homme ou une institution, mais à Dieu qui nous parle à travers eux.

Définition

Infaillible = qui ne peut tomber dans le mal, or le plus grand mal est l’erreur – est infaillible celui qui a la possession indéfectible de la vérité, qui ne peut se tromper.

Dieu seul est infaillible par nature : s’il est Dieu, il est vrai – « Je suis le chemin, la vérité, la vie » (Jn 14, 6).

Pour un homme, cette infaillibilité ne peut se comprendre que comme participation à l’infaillibilité de Dieu. L’Église catholique exerce cette infaillibilité pour transmettre sans erreur la Révélation.

Elle ne lui vient pas des hommes mais d’une grâce, par la présence et l’action continue de Dieu, car cette infaillibilité ressortit à l’ordre surnaturel – elle est impensable et déraisonnable dans l’ordre naturel. L’infaillibilité est donc la continuité des secours divins qui préservent l’Église de l’erreur. Pour y adhérer nous avons besoin de la vertu de foi, qui atteint le surnaturel. Sans elle on peut montrer que l’infaillibilité n’est pas absurde, mais on ne peut y adhérer totalement.

Quel est le rayonnement de cette infaillibilité ?

Il importe de comprendre quel est le domaine concerné par l’infaillibilité, pour ne pas mettre tous les sujets au même niveau : elle ne se limite pas à la sauvegarde de la Révélation, mais concerne tout ce qui touche à la gloire de Dieu et au salut des hommes.

La Révélation recouvre tout ce que Dieu nous a transmis et que nous trouvons dans la Sainte Ecriture et dans la Tradition vivante de l’Église. L’infaillibilité ne concerne ainsi que les questions de foi et de morale : ce qu’il faut croire pour aller au Ciel et ce qu’il faut faire.

L’Église ne se trompe pas sur ces questions, et elle ne peut se tromper, car elle en est préservée par le Saint-Esprit, âme de l’Église. Si l’Église pouvait se tromper au sujet de la Révélation, Dieu pourrait se tromper sur lui-même : c’est absurde.

Même sur les questions de foi et de morale, l’infaillibilité n’est pleinement exercée que dans des circonstances particulières définies par l’Église. Notre adhésion est requise à plusieurs niveaux selon le degré d’infaillibilité engagée. L’avis du pape sur toute question est cependant toujours intéressant, à recevoir avec un esprit filial, mais à distinguer entre ce qui est infaillible et ce qui ne l’est pas.

Pourquoi y a-t-il un pape ?

L’Église est une société visible puisqu’elle est pour les hommes, incarnés : elle doit être une autorité identifiable. Le chef de l’Église est Jésus-Christ, mais depuis son ascension il est invisible : il faut donc un chef visible pour la société des fidèles – c’est le pape, représentant visible de Jésus-Christ.

Une autorité instituée par Jésus-Christ lui-même

Il apparaît de manière évidente dans l’évangile que Jésus-Christ a établi saint Pierre comme chef de son Église, comme son lieutenant (tenant lieu de…). Cela s’est passé en deux temps :

– la promesse à Césarée de Philippe (Mt 16, 18) : « que disent les gens au sujet du Fils de l’homme ? » ; « vous êtes le Christ, le fils du Dieu vivant » […] « moi je te dis : tu es Pierre, et sur cette pierre… » Cette promesse est faite au futur : elle sera tenue, car Jésus ne veut pas bâtir sa société sur du sable.

– cette promesse est réalisée après la résurrection : « Simon, fils de Jean, m’aimes-tu ? » « Pais mes agneaux », « Pais mes brebis ». Jésus parle de « ses brebis » : il reste le chef unique de l’Église.

Saint Pierre est donc chef à sa suite. Cependant est-ce que tout s’arrête à sa mort ? Jésus a commandé à l’Église d’aller enseigner toutes les nations, il faut donc un successeur, dont la désignation est prévue par la Tradition de l’Église : le diocèse de saint Pierre, c’est toute l’Église, en tant qu’évêque de Rome, lui succède celui qui a charge épiscopale de Rome.

Les attributions et les pouvoirs du pape

Les pouvoirs du pape sont ceux de l’Église, c’est à dire les pouvoirs de Jésus ; or le Christ reçoit trois grands pouvoirs du fait de son Incarnation : prophète (celui qui parle au nom de Dieu), roi (qui gouverne avec l’autorité de Dieu), prêtre (qui fait le pont entre les hommes et Dieu).

Ces trois pouvoirs ont été transmis à l’Église : 1) pouvoir d’enseigner (magistère), 2) de sanctifier (pouvoir d’ordre), 3) de gouverner (pouvoir de gouvernement).

Ces pouvoirs se retrouvent dans le dernier commandement de Jésus (Mt 28, 19) : « Allez enseigner toutes les nations (magistère) ; les baptisant au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit (pouvoir d’ordre) et leur apprenant à garder tout ce que je vous ai donné (gouvernement). »

Le pape a donc en plénitude ces trois pouvoirs : enseigner la vérité, transmettre le sacerdoce, gouverner l’Église.

Qu’est-ce que l’infaillibilité

La compréhension de l’infaillibilité pèche souvent par excès : tout ce que dit le pape est vrai, ou bien jamais il ne peut être infaillible. À vrai dire le pape use peu de l’infaillibilité au sens le plus fort : il n’est infaillible ainsi que lorsqu’il remplit quatre conditions définies à Vatican I. Ainsi saint Pie X n’a jamais usé de cette prérogative, Pie XII deux fois (matière et forme du sacrement de l’ordre, définition dogmatique de l’Assomption), Jean-Paul II probablement une fois (impossibilité pour les femmes d’accéder au sacerdoce).

Cette infaillibilité du pape est d’abord celle de l’Église, garantie par le Seigneur : « les portes de l’enfer ne prévaudront pas contre elle » ; l’Église se tromperait si elle enseignait une erreur sur la foi ou les mœurs, sur ce qui mène au Ciel.

Dans certaines conditions, le pape seul parle au nom de l’Église, il est alors infaillible de l’infaillibilité de l’Église même.

Cette infaillibilité de l’Église peut être exercée par deux organes : le pape seul ou l’ensemble des évêques moralement considéré et uni au pape.

Les quatre conditions de l’infaillibilité

Lorsque ces quatre conditions sont remplies, le pape exerce seul l’infaillibilité de l’Église :

1) il doit parler comme pasteur et docteur suprême,

2) s’adresser à toute l’Église,

3) traiter de foi et de mœurs,

4) avoir l’intention d’obliger à croire.

Ces conditions sont relativement faciles à vérifier en pratique : «  ce point de doctrine doit être tenu définitivement par l’Eglise » (Jean-Paul II, Ordinatio sacerdotalis, 1994).

Le dogme de l’infaillibilité

Depuis Vatican I, l’infaillibilité est une vérité de foi révélée et définie, un dogme auquel nous devons adhérer, voulu par Dieu pour la bonne transmission de son enseignement. Pour autant elle a toujours été crue dans l’Église et est vraiment l’âme de sa conduite.

Dieu utilise des moyens humains pour transmettre et protéger la vérité (évangélistes, apôtres, Pères de l’Église, théologiens, saintes…). L’Église doit donc s’efforcer de creuser les mystères, de chercher à expliciter les vérités divines pour les mieux transmettre au monde. Il y a donc place pour l’activité humaine, le développement de doctrines qui deviennent des dogmes. Ces progrès ne sont pas par la force humaine mais avec l’assistance divine, qui empêche de défaillir ou de dévier. L’infaillibilité n’est donc pas une puissance de création (de nouveaux dogmes) mais de conservation fidèle de la Révélation. Elle s’origine dans l’assistance de Dieu qui garantir les résultat de l’effort des hommes. Il faut la concevoir comme la perpétuelle collaboration de Dieu et de son Église pour transmettre le dépôt de la foi.

De même que la création implique la conservation, la révélation implique l’infaillibilité.  (Saint John Henry Newman)

Existence de l’infaillibilité : convenances rationnelles

Regard naturel

Si Dieu existe, il est infaillible. Une infaillibilité venant de Dieu n’est donc pas impossible en soi, comme le miracle. Si Dieu nous a transmis la vérité, il est en outre nécessaire qu’il la protège.

Toute société a besoin, pour éviter l’anarchie, d’un législateur qui fixe les règles requises à son bon ordre, pour ne pas tomber dans un relativisme qui confond bien et mal. L’Église a elle aussi besoin d’une autorité suprême, dont les paroles soient souveraines et incontestées.

En raison de la gravité du sujet : sa propre gloire et le salut des âmes, il est raisonnable de penser que Dieu participe à la sauvegarde de la Révélation en son Église. Il ne veut pas que nous nous égarions et connaît notre facilité à errer, en particulier dans le domaine surnaturel, qui dépasse notre raison. L’infaillibilité est ainsi une condition nécessaire de la mission confiée à l’Église et à son chef : conserver la parole du Christ, trancher les débats et conflits.

Dieu se doit donc de prendre les moyens de son objectif : cela passe par cette assistance divine.

Regard surnaturel

Cette infaillibilité est certaine puisqu’elle nous a été révélée par Dieu. L’infaillibilité est la manifestation de la vérité divine : Dieu ne peut s’en désintéresser. En outre il a demandé à l’Église de transmettre sans erreur le dépôt de la foi : or cela ne peut se faire que sous son assistance. Comment être sûr d’être dans la bonne voie en une matière qui nous dépasse autant ? L’assistance divine est requise.

Le sujet de l’infaillibilité

Contre l’individualisme protestant

Pour les protestants, chacun est directement éclairé par le Saint-Esprit, s’il reste fidèle aux promesses de l’évangile. L’expérience montre toutefois que l’individualisme dans la foi et l’interprétation entraîne mille dérives et détruit l’unité, conduisant à la disparition de la doctrine.

La foi catholique oppose à cet individualisme l’infaillibilité de l’Église.

Les sujets de l’infaillibilité

Le sujet de l’infaillibilité est double : l’ensemble des évêques unis au pape, le pape seul. Il n’y a pas de manifestation plus authentique de la pensée de l’Église que celle affirmée par l’accord des évêques dispersés dans le monde ou réunis en concile général, unis au pape.

En tant que successeur de saint Pierre, le pape représente le corps entier : on lui reconnaît l’infaillibilité dont le Christ a voulu doter son Église. Jésus a promis que les portes de l’enfer ne prévaudront pas, donc les successeurs de saint Pierre ne peuvent rien dire qui abîme le dépôt de la foi, rien de faux au sujet de la Révélation.

Comme saint Pierre cependant, ils sont faillibles : leur infaillibilité est donc fondée sur l’assistance de Dieu, qui n’est pas une inspiration particulière ou une nouvelle révélation mais une préservation de l’erreur.

Exemple d’une promulgation dogmatique

Le 8 décembre 1854, Pie IX proclame le dogme de l’Immaculée Conception

Nous déclarons, prononçons et définissons que la doctrine suivant laquelle, par une grâce et un privilège spécial de Dieu tout puissant, et en vertu des mérites de Jésus-Christ, sauveur du genre humain, la bienheureuse Vierge Marie a été préservée de toute tache du péché originel au premier instant de sa conception, est révélée par Dieu et doit, par conséquent, être crue fermement et constamment par tous les fidèles.

Il s’agit d’un point de doctrine déjà affirmé par la liturgie : Sixte IV avait approuvé en 1476 la fête de l’Immaculée Conception ; Pie IX la propose comme révélée, c’est à dire implicitement au moins contenue dans le dépôt (Ecriture et/ou Tradition)

L’Eglise ne se déjuge pas, ne se contredit pas, il suffit d’être instruit de ce qu’elle disait hier pour savoir ce qu’elle dira demain. (Abbé Berto)

L’Église reste donc la gardienne fidèle et la garante de la vérité, transmise et protégée depuis 2000 ans, infailliblement. Pour nous, demandons une foi toujours plus grande en ce dogme, en l’Église et en l’assistance perpétuelle du Saint-Esprit, son âme, qui la gouverne et l’enseigne.

Là donc où est l’Eglise, là est l’Esprit de Dieu. (Saint Irénée)

1- « Nous attachant fidèlement à la tradition reçue dès l’origine de la foi chrétienne pour la gloire de Dieu notre sauveur, pour l’exaltation de la religion catholique et pour le salut des peuples chrétiens, avec l’approbation du saint concile, nous enseignons que c’est un dogme révélé par Dieu : lorsque que le pontife romain parle ex cathedra, c’est-à-dire lorsque, remplissant sa charge de pasteur et docteur de tous les chrétiens, il définit, en vertu de sa suprême autorité apostolique, qu’une doctrine , en matière de foi ou de morale, doit être admise par toute l’Eglise, jouit par l’assistance divine à lui promise en la personne de St Pierre, de cette infaillibilité dont le divin Rédempteur a voulu que fût pourvue l’Eglise, lorsqu’elle définit la doctrine sur la foi ou la morale. Par conséquent, ces définitions du pontife romain sont irréformables de par elles mêmes et non en vertu du consentement de l’Eglise. » (Concile Vatican I, Constitution Dogmatique Pastor Aeternus)

2- « De même que la création implique la conservation, la révélation implique l’infaillibilité. » (Saint John Henry Newman)

3- « Pierre, j’ai prié pour toi afin que ta foi ne défaille pas, et toi, quand tu seras revenu, affermis tes frères. » (Lc 22, 31s)

4- « Je suis avec vous tous les jours, jusqu’à la consommation des siècles. » (Mt 28, 20)

5- « Celui qui vous écoute, m’écoute. » (Lc 10, 16)

6- « Là donc où est l’Eglise, là est l’Esprit de Dieu. » (Saint Irénée)

7- « Ne faisons pas dire au pape ce qu’il ne dit pas, ne lui faisons pas ne pas dire ce qu’il dit, ne lui faisons pas dire ce qu’il dit autrement qu’il ne le dit ; est, est ; non, non : ce qui est est, ce qui n’est pas n’est pas. » (Abbé Berto, Le Cénacle et le jardin)

Retour en haut

Abonnez-vous à notre newsletter,
et soyez informés des derniers articles parus.