Défendre la foi par la raison, tel est le but de l’apologétique. Elle commence nécessairement par la question la plus fondamentale : Dieu existe-t-il ? Le sujet semble peu intéresser nos contemporains, Dieu est oublié et cet oubli a des conséquences dramatiques dans nos sociétés. Il appartient donc aux chrétiens d’être témoins de la vérité de Dieu, par toute leur vie d’abord, mais aussi en étant prêt à user des armes de la raison pour défendre son existence.
Écouter la conférence de l’abbé Côme Rabany pour le cercle Saint-Alexandre:
Deux manières différentes de connaître Dieu
Dieu peut être connu par l’intelligence, tel est le chemin naturel que nous empruntons ici, à la suite des philosophes : on ne parvient pas alors cependant jusqu’à entrer dans son intimité. Ce premier mode mène au seuil de la connaissance de Dieu, à son existence. Il permet avec saint Paul de repousser l’athéisme comme déraisonnable[1]Rm 1, 20.
La deuxième manière de parvenir à la science de Dieu est d’adhérer à lui par la foi, don surnaturel, moyen bien plus sûr, qui ouvre une étendue de connaissance autrement plus grande, touche plus largement les hommes et les fait accéder à la vie surnaturelle.
Ces deux modes de connaissance sont séparés par une distance infinie, celle qui distingue la nature de la surnature, le créé de l’incréé.
Le premier objectif dans une discussion avec une personne se disant athée est de lui montrer la rationalité de cette foi, qu’elle n’a pas, pour orienter son intelligence vers Dieu et ainsi préparer le terrain à l’infusion de la grâce.
« En un instant mon cœur fut touché et je crus » [2]Paul Claudel, converti lors des vêpres de Noël 1886 à Notre Dame de Paris.
Différents types de preuves de l’existence de Dieu
Elles sont de plusieurs types :
– Preuve historiques : universalité de la croyance en Dieu, historique et spatiale, insignifiance du phénomène de l’athéisme, même à l’époque contemporaine (combien parmi ceux qui se disent « athées », défendraient vraiment la non-existence de Dieu ?).
– Arguments philosophiques : ce sont ceux qui font arriver à une vraie certitude intellectuelle, ils partent du réel, de la perception des sens, s’appuient sur les évidences de notre intelligence (les premiers principes de la raison : par exemple le fait que tout effet dénonce l’existence d’une cause qui lui est proportionnée – pas d’œuf sans poule pour le pondre), et permettent d’en tirer une conclusion (il y a une cause première, à l’origine de tout être, elle-même incausée).
Les arguments philosophiques
1. Argument à partir de l’existence des choses.
– nous voyons des choses qui sont, c’est à dire qui ont « l’être »,
– or tout effet a une cause proportionnée, donc tout ce qui existe reçoit son existence d’un autre, qui avait déjà l’existence, en termes vulgaires « tout vient de quelque chose »,
– on ne peut remonter à l’infini une chaîne de causes qui se donnent l’être les unes aux autres,
– il faut donc qu’il y ait une cause première de l’être : celui que l’on appelle Dieu.
Pour aller plus loin, on peut ajouter que la matière, l’espace et le temps ont commencé d’exister, sont causés, et que leur cause est donc extérieure à leur domaine : elle est immatérielle, éternelle – il s’agit d’un pur esprit.
2. Arguments tirés de l’ordre de l’univers
– constatation de départ : ordre précis de l’univers, à partir duquel la science peut travailler (au niveau macroscopique comme microscopique, des galaxies à l’ADN…),
– or il n’y a pas d’effet sans cause proportionnée – toujours les mêmes premiers principes,
– le hasard ne peut être cette cause, car cet ordre, structuré, répétitif, porte la marque d’une finalité,
– l’origine et le développement de cet ordre dénonce une cause intelligente, que l’on appelle Dieu.
Les attributs de Dieu
Ces preuves (résumé sélectif des cinq voies de saint Thomas d’Aquin) font connaître Dieu comme existant, bien sûr, mais aussi comme 1) cause première, 2) acte pur, immobile, 3) intelligent, 4) nécessaire – il ne peut pas ne pas exister, 5) finalité de tout ce qui est. La raison parvient donc non seulement à l’existence de Dieu, mais à la connaissance de certains de ses attributs : il est l’être premier, éternel existant, spirituel, intelligent, tout puissant.
Cette définition minimale sera précisée par la foi, qui se nourrit de la Révélation : Dieu vient nous parler de lui-même.
Qui sont les athées ?
Si l’existence de Dieu est ainsi atteignable, comment peut-on être athée ?
– parce qu’on ne s’est pas vraiment posé la question : ignorance due à l’environnement, au confort de vie… bien répandue autour de nous,
– parce qu’on a des raisons de ne pas croire en son existence. Ces raisons ne peuvent être intellectuellement irréfutables, comme nous l’avons montré – en outre, s’il est parfois difficile (reconnaissons-le) de démontrer l’existence de Dieu, bien malin celui qui saura démontrer sa non-existence ! Ce sont donc des raisons morales : Dieu est un obstacle à un mode de vie désordonné, à l’orgueil, au conformisme. Ce peut être par révolte contre le scandale du mal, raison souvent invoquée et qui s’enracine dans les drames inhérents à chacune de nos vies.
Conseils d’apologétique pratique
– ne pas avoir peur d’être questionné et de répondre : c’est la mission des chrétiens confirmés, à la suite des apôtres,
– prier avant, pendant et après les échanges et témoignages, demander la lumière de l’Esprit Saint,
– demeurer toujours plein de charité, ne jamais perdre patience,
– s’assurer que l’on parle à partir des mêmes termes : définir les mots,
– ne pas se laisser égarer dans des débats parallèles et contre-productifs : croisades, inquisition, questions morales, mais revenir au cœur du message – Dieu, son existence, son amour pour nous,
– poser soi-même des questions (souvent la technique de Jésus face à ses interlocuteurs),
– le but : laisser repartir les personnes avec un grain de sable dans les rouages, une image renouvelée des catholiques.
Quelques citations
« Ôtez le surnaturel, il ne reste même plus ce qui est naturel. » (Chesterton)
« Le sang des martyrs est semence de chrétiens. » (Tertullien)
« Les hommes sont inexcusables lorsqu’ils ne parviennent pas à l’existence de Dieu car les perfections de Dieu sont manifestes. » (1Rm, 20)
« Quand on vous traduira devant les gens des synagogues, les magistrats et les autorités, ne vous inquiétez pas de la façon dont vous vous défendrez ni de ce que vous direz.
Car l’Esprit Saint vous enseignera à cette heure-là ce qu’il faudra dire. » (Lc.12, 12)
« L’amour, par essence implique un saut dans l’inconnu. La modernité se plaît à voir dans le silence de Dieu la preuve facile de son inexistence. » (Cal Robert Sarah, La force du silence, p.141)
« L’erreur commune est de parler de Dieu à partir de l’expérience humaine. Ce qui est une façon de se faire un Dieu à son image. » (P. A. Quilici, O.P., Le temps des fiançailles, p. 10)
« Que Dieu serait petit si nous le comprenions. » (Cal Robert Sarah, La force du silence, p.192)
« C’est parce que Dieu est partout présent qu’il se cache d’autant plus soigneusement pour ne pas s’imposer. » (Dom Dysmas de Lassus in Cal Robert Sarah, La force du silence, p.306)
« Le Mystère n’est pas un mur où l’intelligence se brise, c’est un océan où l’intelligence se perd. » (Gustave Thibon, L’Expérience de Dieu)
Références