Rechercher
Rechercher
Rechercher
Rechercher

Le P. Emmanuel du Mesnil-Saint-Loup, apôtre de la liturgie

Pour introduire une série d’articles de commentaire de la sainte messe par le P. Emmanuel du Mesnil-Saint-Loup, l’abbé Renard présente pour Claves la belle figure de ce saint curé et grand apôtre de la liturgie romaine.

En 1849 arrive au Mesnil-Saint-Loup, petit village perdu au milieu de la triste plaine de Champagne, terre pauvre et délaissée, peu assidue à la pratique religieuse, un jeune prêtre de 23 ans. L’abbé Ernest André, qui sera plus tard appelé le Père Emmanuel du Mesnil-Saint-Loup, devait y rester plus de cinquante ans et transformer par sa prière, sa prédication et son exemple la petite paroisse en un centre rayonnant de vie chrétienne.

Un enfant du pays

Ernest André était né en 1826 aux confins de la Champagne et de la Bourgogne, près des ruines de l’abbaye de Molesmes, où saint Robert initia la réforme cistercienne. Il perdit son père, meunier, à seulement seize ans, dans un brutal accident de travail. Ernest demeura pourtant ferme dans sa détermination à se consacrer au Seigneur et entra à 17 ans au grand séminaire de Troyes où il passa six ans, se distinguant par son travail et son zèle. De caractère jugé par trop bouillonnant, il fut envoyé pour son premier poste de jeune prêtre… dans un trou.

Il arriva dans sa cure à pieds, un 24 décembre, sous la neige, et se rendit directement dans la vieille église du village, où il célébra à minuit sa première messe de nouveau curé. L’abbé André héritait d’une paroisse sans relief ni ferveur, où les pratiquants s’en tenaient au strict nécessaire et ne se distinguaient pas par leur esprit de dévotion.

Rome et la dévotion à Notre-Dame de la Sainte-Espérance

Sa vie prend une nouvelle dimension en juin 1852 lorsque l’abbé André part en pèlerinage pour Rome. Quittant son village, il confie ses paroissiens à la Vierge de la vieille église et un nom s’impose à son esprit : Notre-Dame de la Sainte-Espérance. L’idée revient, insistante, durant le trajet vers Rome : lui consacrer sa paroisse, instituer une fête de Notre-Dame de la Sainte-Espérance.
Le 5 juillet, reçu en audience par le bienheureux pape IX, l’abbé André se jette à ses pieds et ose demander que la Vierge honorée en son église soit vénérée sous le vocable de Notre-Dame de la Sainte-Espérance et que sa fête le quatrième dimanche d’octobre soit assortie d’une indulgence plénière.
De retour au Mesnil, l’abbé attend le 15 août pour apprendre à ses ouailles, en un sermon plein de feu, l’heureuse nouvelle. Il égrène alors de multiples invocations, dont l’une retient en particulier l’adhésion des fidèles : Notre-Dame de la Sainte-Espérance, convertissez-nous.
La première fête de Notre-Dame de la Sainte-Espérance fut donc célébrée au Mesnil le 22 octobre 1852, initiant un beau mouvement de conversion, alors que le respect humain retenait encore beaucoup de villageois loin des sacrements. L’abbé André prêcha sur l’urgence du retour à Dieu, la nécessité de la pénitence, et resta une grande partie de la nuit à confesser les hommes de la paroisse, dans la pénombre de la vieille église.
En 1853 fut instaurée la prière perpétuelle : les volontaires s’engageaient à dire un Ave entouré de l’invocation à Notre-Dame à une heure du jour ou de la nuit qui leur était attribuée. Cette initiative sera érigée en 1869 en archiconfrérie, donnant lieu à la diffusion d’un Bulletin de Notre-Dame de la Sainte-Espérance, puis en 1880 à la constitution d’une Union sacerdotale.

Le soin des âmes

Dès son arrivée au Mesnil, l’abbé André avait eu à cœur de soigner la préparation des premières communions et institua une prière du soir dominical à l’église avec les familles des communiants. Il tenait à sa tournée pastorale : allant prêcher dans chaque famille la dévotion à Notre-Dame de la Sainte-Espérance. Son œuvre d’évangélisation avait un axe nettement doctrinal : développer les virtualités de la grâce sacramentelle du baptême

Il me faut des chrétiens tels que le baptême les a faits. Ils existent en germe ; je les cultiverai et je les obtiendrai. Il me les faut tels, parce que c’est ainsi que Dieu les veut : et je suis le coopérateur de sa grâce. Des chrétiens de toutes pièces, des chrétiens de l’évangile qui, loin de s’envelopper dans des ignorances calculées, cherchent la lumière, afin de se mettre en tout d’accord avec la lumière : voilà mon programme.

La paroisse revint peu à peu à une vie fervente, dénotant dans un paysage rural superficiellement chrétien : la vitalité de la vie chrétienne jugule même l’exode rural – la population du Mesnil augmente alors que les villages alentour se vident. Après une longue insistance, l’abbé obtient de l’évêque l’autorisation de construire une nouvelle église, construite de 1864 à 1866, et qui sera consacrée en 1878.
Ses œuvres ne se limitent pas à cela : il défend la pureté et la modestie des jeunes filles, ouvrant une école féminine ; il lance une revue pour soutenir les Églises d’Orient ; il rédige une traduction des Psaumes, un commentaire du Cantique des cantiques.

L’attrait de la vie religieuse

Il avait été marqué au séminaire par la lecture des Moralia de saint Grégoire le Grand, puis comme jeune prêtre par celle de saint François de Sales, et enfin de sainte Thérèse d’Avila et saint Jean de la Croix. Son attrait pour une vie intérieure intense le fait aspirer à plus de régularité et même à une vie commune et à une règle. Il se fait ainsi admettre au Tiers-Ordre du Carmel, mais conserve le désir d’une consécration plus radicale, sans savoir comment la concilier avec sa charge de curé. Il en vient peu à peu à l’idée d’être un « curé-moine », ou mieux, un « moine missionnaire », à l’image de saint Martin. En 1861 son évêque permet ainsi un essai de fondation, auquel se joint un ami de séminaire, l’abbé Babeau : ils prennent l’habit bénédictin en 1864 et les noms de P. Emmanuel et P. Paul. Malgré bien des déboires, le P. Emmanuel maintiendra le cap de sa fondation, espérant contre toute espérance. Le monastère est construit dans les années 1871-1872 mais ne peut être rattaché à une abbaye bénédictine, et la première laïcisation de 1880 conduit à la dispersion des Pères. Le P. Emmanuel ira jusqu’en Italie pour obtenir une affiliation : il redevient novice, entrant en un monastère olivétain des portes de Florence, où il prononce ses premiers vœux puis, en 1891, ses vœux solennels. En 1892, il devient le premier père abbé du modeste monastère Notre-Dame de la Sainte-Espérance.

Qui sème dans les épreuves

Les épreuves du corps s’ajoutent alors à celles de l’âme : son organisme s’affaiblit alors que les lois anticléricales redoublent les coups portés à son œuvre, légalement dissoute en 1901. Le P. Emmanuel meurt en 1903, pauvre, abandonné à Dieu et exemplaire dans son acceptation humble des dénuements réservés par la Providence.
Notre-Dame de la Sainte-Espérance fit cependant fleurir de belles moissons sur la tombe du vénéré fondateur : la vie monastique reprit avec Dom Maréchaux et la paroisse continua à rayonner, sous la houlette de bons curés, dans l’esprit du P. Emmanuel. Les fruits n’en sont pas aujourd’hui taris, puisque l’idée du pèlerinage de Chrétienté vit le jour au Mesnil-Saint-Loup en 1980, sous le patronage de Notre-Dame de la Sainte-Espérance.

Voir aussi :

– l’article de l’abbé Arnaud Renard dans Tu Es Petrus XXXI ;

– celui d’un moine bénédiction dans L’Homme Nouveau n°1625 ou sur le site de Notre-Dame de Chrétienté

Retour en haut

Abonnez-vous à notre newsletter,
et soyez informés des derniers articles parus.