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La science, preuve ou épreuve de Dieu ?

« Un peu de science éloigne de Dieu, beaucoup y ramène » disait Louis Pasteur. Certains voudraient faire de la science un argument contre la foi, d’autres une raison de croire[1]Voir Dieu, la science, les preuves, par MM. Bonnassies et Bolloré et la réponse du p. François Euvé, jésuite : La science, l’épreuve de Dieu et nos articles : Dieu, la science, les preuves et … Continue reading. 

Un peu de science éloigne de Dieu…

Le développement des connaissances scientifiques dans l’Europe occidentale moderne, que l’on présente souvent comme commençant à la faveur de la fin du Moyen-âge, semble s’être accompagné d’une remise en cause profonde des piliers de la foi chrétienne, allant jusqu’à rendre inutile l’existence même de Dieu[2]« Sire, je n’ai pas eu besoin de cette hypothèse, » aurait répondu Laplace à Napoléon.. On fait souvent naître ce mouvement autour des premières découvertes cosmologiques des temps modernes (rotondité de la terre, héliocentrisme…). Il se serait approfondi du fait des découvertes de la biologie notamment – on cite ainsi à l’envi les théories de Darwin pour rejeter les enseignements bibliques au sujet des origines de la vie et de l’humanité. Et de fait, le scientisme était l’atmosphère intellectuelle dominante dans les milieux scientifiques du XIXème siècle et jusqu’au début du XXème. Aujourd’hui encore beaucoup pensent qu’un regard scientifique sur les réalités du monde serait incompatible avec le contenu de la foi : le chrétien en est réduit à être un ignorant, un fondamentaliste, ou un schizophrène. 

Beaucoup y ramène

Dans la deuxième moitié du XIXème siècle toute la science est dominée par le préjugé scientiste… toute ? Non, une minorité résiste encore et toujours… C’est ainsi que Louis Pasteur, qui s’inscrit entre Cauchy et Ampère dans la discrète lignée des savants chrétiens pourra dire, malgré les doutes et épreuves de sa vie (la perte de plusieurs de ses enfants…), qu’un peu de science éloigne de Dieu, mais que beaucoup y ramène. Lors du discours prononcé à l’Académie le jour où il y prit le siège d’Emile Littré, chantre de l’athéisme, le pionnier de la vaccination osa s’écrier : « Au-delà de cette voûte étoilée, qu’y a-t-il ? De nouveaux cieux étoilés ? Soit ! Et au-delà ? Quand cette notion d’infini s’empare de l’entendement, il n’y a qu’à se prosterner… » 

Pasteur prophète ? Le XXème siècle vit en un sens la situation s’inverser, alors que plusieurs découvertes scientifiques venaient battre en brèche les certitudes du scientisme et conduisirent à revoir l’athéisme de principe de la communauté scientifique[3]O. Bonnassies, M-Y. Bolloré, Dieu, la science, les preuves, Trédaniel, 2021 s’emploie à rassembler les témoignages de nombreux savants que leur science semble avoir rapproché d’une … Continue reading. Dieu, disait Einstein, « ne joue pas aux dés. » 

Des découvertes qui changent la donne

Le début du XXème a vu plusieurs secousses qui ont profondément ébranlé le paradigme scientiste. La découverte de la physique quantique notamment, ouvrit des perspectives insoupçonnées et désarmantes à l’aune des conceptions classiques. Les développements engendrés par la découverte de la relativité d’Einstein conduisirent à postuler l’hypothèse d’un instant 0 de l’univers, en lequel toute la matière aurait été concentrée dans un atome unique. Décrit en premier par le chanoine belge Georges Lemaître, le « big bang »  ainsi que le surnommèrent d’abord ses détracteurs, posait à frais nouveaux la question de l’origine. Quant à la théorie de la mort thermique de l’univers, dans la lignée des grands principes de la thermodynamique moderne, elle oriente vers le problème de la fin. On commença à parler parfois dans la seconde moitié du XXème siècle de « principe anthropique » pour désigner les minutieux réglages des données physiques et cosmologiques permettant l’improbable éclosion de la vie. Dans le même temps les fulgurantes avancées de la biologie et de la génétique conduisirent à une prise de conscience plus nette du saut qualitatif représenté par l’apparition du vivant.  

Certains soulignent cependant prudemment[4]François Euvé, La science, l’épreuve de Dieu, Salvador, 2022. que les développements de la science contemporaine ne constituent pas réellement un retour de balancier en faveur du théisme, concluant seulement que le paradigme actuel n’impose pas une vision matérialiste de l’univers. 

Quel parti aurait pris saint Thomas ? 

Saint Thomas ne se risque pas à une « preuve » scientifique de Dieu. Il est pourtant évident que les cinq voies de démonstration rationnelle de son existence constituent pour le docteur une véritable preuve, scientifique au sens où elle relève de la plus haute des sciences accessibles à la raison humaine – la métaphysique, dernière démarche de l’esprit rationnel qui peut parvenir par ses propres forces au seuil de l’immatériel et de l’incréé. L’enseignement de l’Aquinate, fondé sur saint Paul[5]« Car ce qui se peut connaître de Dieu, est manifeste parmi eux : Dieu le leur a manifesté. En effet ses perfections invisibles, son éternelle puissance et sa divinité sont, depuis la création … Continue reading, est repris et canonisé par l’Eglise dans les textes du concile Vatican I : « Dieu, principe et fin de toute chose, peut être certainement connu par la raison humaine naturelle à partir des choses créées. »[6]Concile Vatican I, 1870, Session III, Constitution Aeterni Patris, c. 2. Fidèle à son esprit d’équilibre, saint Thomas pose cependant sur le problème de la démonstrabilité scientifique de l’existence de Dieu un regard nuancé : loin d’être évidente, celle-ci ne peut être atteinte par la seule raison qu’au prix d’un dur labeur – c’est pourquoi la Révélation[7]« Je suis celui qui suis »(Ex 3, 14). est venue confirmer et appuyer ce que la pensée peut approcher. 

Les intuitions du docteur se retrouvent et se confirment dans la pensée prudente et équilibrée du chanoine Lemaître, propre père du Big Bang, qui disait avoir « trop de respect pour Dieu pour en faire une hypothèse. » Après avoir été tenté par le concordisme (il avait rédigé après la première guerre un petit essai mettant en parallèle le récit biblique de la Création et les données astrophysiques de l’époque), il distingua le fait d’un « commencement naturel » de l’univers de celui d’un « commencement surnaturel, » fidèle à l’argumentation thomiste qui soutient la possibilité théorique d’un univers sans commencement (naturel). Il pensait ainsi que sa théorie « reste entièrement en dehors de toute question métaphysique ou religieuse » et estimait même que le matérialiste demeurait libre « de nier tout être transcendant. » Quant au croyant, Lemaître espérait que la considération vertigineuse de son hypothèse de « l’atome primitif » à l’origine de l’univers lui ôterait « toute tentation de familiarité avec Dieu » telle la « chiquenaude » de Laplace, et l’orienterait vers l’adoration silencieuse du « Dieu caché d’Isaïe, caché même dans le début de la création[8]Congrès Solvay, Louvain, 1958, Rapports et discussions, p. 7.. »  

Nécessaire esprit d’équilibre

La conception chrétienne du monde est faite de nuance et d’analogie, lorsqu’on en vient aux rapports entre foi et science, il s’agit ainsi d’éviter deux écueils : 

  • le scientisme ou le rationalisme d’un côté, qui scinde absolument les domaines religieux et scientifique, et relègue la foi dans l’irrationnel. Les arguments apologétiques tirés des progrès de la science cherchent à rejoindre les nombreux esprits aujourd’hui englués dans ce matérialisme. Veillons toutefois – en voulant combattre avec les armes de l’adversaire pour lui répondre plus efficacement – à ne pas se retrouver forcé sur un terrain mouvant, enfermé dans un système de pensée irrémédiablement faussé, prêtant implicitement allégeance à ses principes (l’horizon holistique de la science contemporaine, qui prétend pouvoir tout comprendre et expliquer). 
  • Le fidéisme d’autre part, qui érige la même barrière, au nom cette fois de la foi. Il dévie parfois sur un concordisme qui s’efforce à tout prix de bâtir des ponts entre les conclusions expérimentales et les vérités révélées, sacrifiant souvent à des raccourcis ou imprécisions qui décrédibilisent gravement le discours religieux en matière de science, et finissant paradoxalement par supprimer aussi le surnaturel, à force de vouloir le défendre par le naturel[9]Certains ont ainsi « retrouvé » l’essence du buisson ardent du Mont Sinaï dans une plante « gazeuse » aux petits bourgeons oléagineux qui pourraient s’embraser spontanément à … Continue reading.  

 « Deux ailes de l’esprit humain »

« Foi et raison sont comme deux ailes qui permettent à l’esprit humain de s’élever vers la contemplation de la vérité. » Forts de l’enseignement de l’Eglise, de saint Thomas d’Aquin à Jean-Paul II, nous pouvons aborder sereinement la question des rapports entre la science et Dieu. La lumière de l’intelligence et la lumière de foi ont leur unique source en Dieu, Vérité première et absolue en qui il ne peut y avoir une ombre de contradiction. Toute aporie ne peut par conséquent être que temporaire ou terrestre et la science, éclairée par la foi, peut et doit chercher humblement à parvenir à une meilleure compréhension du monde. Elle ne pourra alors jamais éloigner quiconque de Dieu mais fournira peu à peu un éclairage plus lumineux sur la beauté de ses œuvres, manifestant le resplendissement de la gloire du Créateur dans l’univers œuvre de ses mains. « Il a donné aux hommes la science, pour se glorifier par ses dons merveilleux » (Si 38, 6). 

Pour aller plus loin : 

Références

Références
1 Voir Dieu, la science, les preuves, par MM. Bonnassies et Bolloré et la réponse du p. François Euvé, jésuite : La science, l’épreuve de Dieu et nos articles : Dieu, la science, les preuves et La science, épreuve de Dieu.
2 « Sire, je n’ai pas eu besoin de cette hypothèse, » aurait répondu Laplace à Napoléon.
3 O. Bonnassies, M-Y. Bolloré, Dieu, la science, les preuves, Trédaniel, 2021 s’emploie à rassembler les témoignages de nombreux savants que leur science semble avoir rapproché d’une conviction de l’existence de Dieu.
4 François Euvé, La science, l’épreuve de Dieu, Salvador, 2022.
5 « Car ce qui se peut connaître de Dieu, est manifeste parmi eux : Dieu le leur a manifesté. En effet ses perfections invisibles, son éternelle puissance et sa divinité sont, depuis la création du monde, rendues visibles à l’intelligence par le moyen de ses œuvres » (Rm 1, 19-20).
6 Concile Vatican I, 1870, Session III, Constitution Aeterni Patris, c. 2.
7 « Je suis celui qui suis »(Ex 3, 14).
8 Congrès Solvay, Louvain, 1958, Rapports et discussions, p. 7.
9 Certains ont ainsi « retrouvé » l’essence du buisson ardent du Mont Sinaï dans une plante « gazeuse » aux petits bourgeons oléagineux qui pourraient s’embraser spontanément à l’approche d’une flamme (Cf. Werner Keller, La Bible arrachée aux sables ; Harold N. Moldenke, The Bible as History).
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