Dans le Nouveau Testament : les quatre Évangiles, les quatorze lettres de Paul, trois de Jean, deux de Pierre, une de Jude, une de Jacques, les Actes des Apôtres et l’Apocalypse de Jean. Quant aux autres écrits, soit sous le nom de Matthias ou de Jacques le Mineur, soit sous le nom de Pierre et de Jean (écrits par un certain Leucius), ou encore sous le nom d’André (écrits par Xenocharide et Léonide, des philosophes), soit sous le nom de Thomas, ou tout autre écrit semblable, non seulement ils doivent être rejetés, mais sache qu’ils doivent aussi être condamnés.
La question du Canon du Nouveau Testament était donc tranchée par une décision nette, et le concile de Trente et celui du Vatican ne feront que la ratifier, en la définissant comme un dogme de foi. Au Ve siècle, le Pape ne manifeste aucune intention de proclamer un dogme dont on ne saurait s’écarter sans encourir l’anathème. La communion n’est pas rompue, ni même menacée, avec l’Église de Constantinople, ni avec son pasteur, saint Jean Chrysostome, que le pape Innocent allait prendre sous sa protection.
Histoire du canon du Nouveau Testament (4/4)
Après avoir découvert dans un premier article (lire ici) la notion de canon et montré que la liste des écrits sacrés retenus par l’Église ne peut procéder d’une invention de sa part, nous avons considéré dans un second article (lire ici) l’apostolicité et la transmission ininterrompue de ces textes comme critères de leur canonicité, nous avons répondu dans un troisième (lire ici) à des objections courantes relatives à certains textes sacrés. Nous nous arrêtons ici sur les cas difficiles de l’Apocalypse et de l’épitre aux Hébreux, avant de conclure sur la formulation définitive et la confirmation du canon du Nouveau Testament.
Le cas de l’Apocalypse
Nous avons la preuve que l’Apocalypse fut reçue comme canonique dès les débuts, notamment en Orient : Théophile d’Antioche la cite, comme d’autres auteurs orientaux mentionnés plus haut. Ce n’est que dans un second temps que sa canonicité fut contestée. Tout a commencé avec un doute sur l’origine johannique de ce livre :
Le doute de Denys influença Origène, qui transmit cette réserve aux Églises de Syrie. Puis, Eusèbe de Césarée, par son Histoire ecclésiastique, fixa durablement cette suspicion.
Antioche influença ensuite Constantinople, et avec l’influence de la capitale impériale, ce fut au tour de l’Asie Mineure :
Il faudra attendre le VIᵉ siècle pour que ces Églises orientales reviennent à leurs traditions premières.
Le cas de l’Épître aux Hébreux
La même chose est arrivée à l’Épître aux Hébreux. Elle était assurément connue et reconnue à Rome dès saint Clément (vers 90). Hippolyte de Rome, dans son traité Contra Noetum, s’appuie sur elle pour étayer sa théologie du sacerdoce du Christ.
Or, elle ne figure plus comme canonique dans le canon de Muratori. Pourquoi ?
C’est la tradition alexandrine qui restaura en Occident l’origine apostolique de cette épître. Pour les Alexandrins, la paternité paulinienne était certaine, et l’objection du style était expliquée par l’hypothèse d’un secrétaire utilisé par saint Paul.
Une autre raison de l’éclipse temporaire de certains écrits fut leur mauvaise interprétation par certains individus, ou leur récupération par des sectes hérétiques. L’Apocalypse souffrit d’une lecture millénariste (règne de mille ans du Christ sur la terre avant le Jugement dernier) dans les milieux syriaques, et l’Épître aux Hébreux, d’une interprétation rigoriste dans les milieux romains, notamment lors de la crise des lapsi, qui paraissait en contradiction avec la position du pape saint Calliste, favorable à la réintégration des chrétiens tombés dans l’apostasie.
Ne rien ajouter, ne rien éliminer
Nous pouvons donc dire que l’Église n’a rien ajouté à son Nouveau Testament, ni rien éliminé :
Certains doutes sont survenus, suscités par des raisons de critique interne. Cette remise en question prétendait s’appuyer sur des procédés de critique, mais l’Église n’a pas suivi cette voie. Elle a considéré qu’elle n’avait pas à juger d’un écrit qui lui avait été transmis comme apostolique et inspiré. Dans ce cas, elle n’était pas libre de le rejeter ; il lui suffisait d’en user selon son pouvoir d’interprétation. La vraie question était alors de savoir si elle possédait cet écrit comme tel. C’est là qu’intervint le critère de la possession traditionnelle et de l’usage.
Saint Augustin a connu les difficultés soulevées par la critique à l’égard de tel ou tel livre, et il a estimé qu’il fallait y répondre par le suffrage des Églises :
Ainsi, les chefs des grandes Églises, notamment Rome et Alexandrie, après concertation, discussions, et en s’appuyant sur l’usage liturgique des Églises ainsi que sur la tradition des anciens, se sont accordés et ont définitivement fixé le canon.
Les Syriens, puis Constantinople, ont continué d’abord à faire bande à part, avant de rejoindre l’Église universelle dans une croyance qui avait été la leur :
La décision romaine du début du Ve siècle
L’Église romaine se prononça clairement dès le début du Ve siècle. Saint Exupère de Toulouse, évêque et ami de saint Jérôme, préféra s’en remettre au pape Innocent Ier pour une réponse sûre. Il en reçut une lettre datée de février 405. Après avoir énuméré le canon de l’Ancien Testament, le pape ajoute :
Conclusion
Ainsi, l’histoire du canon consiste moins en une construction progressive qu’en une défense vigilante du dépôt originel, visant à empêcher aussi bien les ajouts que les retranchements :
Et le Père Lagrange de conclure :
Références[+]