La série s’est fait connaître depuis plus de deux ans dans le monde anglophone, et a fait son entrée dans le paysage audiovisuel hexagonal l’an dernier à la faveur de sa diffusion en version française (sur C8 puis en DVD). La deuxième saison arrive en France ces jours-ci, tandis que la troisième[1]La saison 3 est attendue d’autant plus impatiemment que son tournage a revêtu certains aspects historiques : plus de 5000 figurants pour la multiplication des pains, choisis parmi les … Continue reading paraît aux États-Unis. Quelques commentaires après le visionnage des derniers épisodes, pour compléter une première critique donnée l’an dernier.
La série est diffusée ces temps-ci sur C8 en version française et est disponible à la demande sur le site de la chaîne (attention, elle n’y restera que quelques semaines en offre gratuite). Les épisodes sont toujours disponibles gratuitement en version anglaise (avec des sous-titres français pour les deux premières saisons) sur le site de la production : Angel Studios.
On apprécie toujours autant la simplicité des personnages et des acteurs, qui rendent les scènes évangéliques très proches et incarnées, en évitant ordinairement de tomber dans le trivial. La série avançant, on fait de mieux en mieux connaissance avec les tempéraments des différents apôtres : les informations offertes par la Révélation en la matière étant bien succinctes, il s’agit évidemment d’une reconstruction imaginative – on l’avait souligné déjà à propos du personnage de saint Matthieu. On voit ainsi saint Jacques le Majeur (frère de saint Jean) s’affirmer comme un homme au sens pratique certain, et surtout un gros mangeur (son principal sujet de méditation et de préoccupation – en particulier les biscuits à la cannelle de sa mère), tandis que son frère est plus intérieur et touché par les paroles du “rabbi” Jésus.
Cette simplicité se retrouve dans le sens de l’humour qui caractérise autant les scénaristes que les acteurs, et contribue à créer une belle proximité avec le public. The Chosen démontre ainsi que l’on peut faire une vraie œuvre d’évangélisation sans se prendre trop au sérieux. Les évocations parodiques de grands moments du cinéma font sourire sans enlever à l’ensemble sa crédibilité et sa beauté.
Encore une fois certaines scènes qui reprennent et incarnent profondément les passages des saints Évangiles sont particulièrement belles, et ouvrent vraiment à la méditation : ainsi du sermon sur la montagne ou encore de l’envoi en mission des apôtres, au début de la troisième saison.
D’autres éléments ajoutés par les scénaristes sont particulièrement bien pensés et touchants : la vocation de Judas (le seul parmi les douze qui sollicite lui-même son admission dans le groupe), la réconciliation de Matthieu et de ses parents…
On regrette toutefois que certains épisodes soient presque entièrement construits en dehors du témoignage des évangélistes, brodant uniquement à partir des caractères et des histoires propres que les scénaristes ont choisi d’attribuer aux apôtres.
On peut également regretter certaines idées clairement reçues du protestantisme, sans réel fondement scripturaire, et qui sont développées de manière assez lourde : la relation de Pierre avec sa femme (dénommée “Eden” – est-ce un jeu de mots biblique ?) était évoquée plusieurs fois dans les deux premières saisons, la troisième suggère carrément une relation conjugale, au moment précis où Jésus s’apprête à former le groupe des apôtres et à l’envoyer en mission. Au-delà du caractère saugrenu de cet élément de scénario, la pratique semble aller à rebours de ce que les apôtres ont reçu de l’Ancien Testament (la continence des prêtres et lévites au moment de leur service) et ont immédiatement initié dans la tradition de l’Église naissante[2]On trouvera à ce sujet ici quelques arguments historiques, repris à propos du célibat ecclésiastique et de ses origines. Le sujet revient sur la table quand saint Thomas, visiblement troublé par l’une des jeunes filles de l’entourage du Christ, vient faire au maître sa demande, avant d’aller la présenter au père de la jeune Ramah… On est en pleine fiction sur un sujet où les interprétations catholique et protestante divergent profondément, et le parti-pris est résolument à l’opposé de la tradition de l’Église, sans que l’on y trouve de réel fondement révélé.
Côté dogmatique, on regrettera encore, sur un thème déjà évoqué précédemment, la difficulté de présenter de manière équilibrée la collaboration des apôtres à la mission du Christ : le mot “apôtre” signifie “envoyé,” les douze ont donc été des ambassadeurs du Seigneur. De là à en faire des associés dans la conception du message lui-même, il y a un pas que la foi nous interdit de franchir : la scène où Matthieu compose le discours sur la montagne avec Jésus, servant d’abord de scribe, mais proposant ses propres exemples et formulations, a de quoi étonner. On semble alors confondre le mécanisme de l’inspiration scripturaire : les évangélistes ont écrit ce que le Saint Esprit voulut leur faire dire, tout en utilisant leur mémoire, leur intelligence argumentative, leur propre style… et l’expression directe de la parole de Dieu dans la bouche du Christ, Verbe fait chair.
En conclusion, on regardera certainement toujours avec plaisir, intérêt intellectuel et profit spirituel les prochains épisodes de la série – la troisième saison poursuit sa diffusion au rythme d’un épisode par semaine). On restera cependant vigilant pour porter un regard vraiment catholique sur ces belles scènes évangéliques, que le travail exceptionnel de Dallas Jenkins et son équipe nous font méditer.
Références[+]
↑1 | La saison 3 est attendue d’autant plus impatiemment que son tournage a revêtu certains aspects historiques : plus de 5000 figurants pour la multiplication des pains, choisis parmi les principaux bienfaiteurs de l’entreprise, venus à leurs frais jusque dans le désert texan et portant des costumes confectionnés par leurs propres soins ! |
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↑2 | On trouvera à ce sujet ici quelques arguments historiques, repris à propos du célibat ecclésiastique et de ses origines |