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L’oraison racontée par Sainte Thérèse d’Avila

Saint Joseph's Catholic Church (Central City, Kentucky) - stained glass, St. Theresa of Ávila detail/Wikimedia Nheyob
l’oraison mentale n’est, à mon avis, qu’un commerce intime d’amitié où l’on s’entretient souvent seul à seul avec ce Dieu dont on se sait aimé. » Cette définition toute simple de la prière est donnée par sainte Thérèse d’Avila dans sa “Vie écrite par elle-même”. Elle y décrit ses difficultés, ses tentations d’abandon de l’oraison, mais nous transmet aussi cette vérité : l’oraison est LE chemin de la sainteté.
Extraits de Sainte Thérèse de Jésus, « Vie écrite par elle-même », au chapitre huitième[1]Sainte Thérèse de Jésus, « Vie écrite par elle-même », dans Œuvres complètes, trad. par Grégoire de saint Joseph, Paris, Seuil, 1949, p. 81-85. :

Ne jamais abandonner

“Beaucoup de saints et d’hommes de vertu ont écrit sur les avantages qu’on retire de l’oraison, je veux dire l’oraison mentale. Que Dieu en soit glorifié ! Mais quand ils ne l’auraient pas fait, je ne serais pas, malgré mon peu d’humilité, assez téméraire pour oser en parler. Je puis dire toutefois ce que l’expérience m’a appris. Malgré les fautes où tombe celui qui débute dans la voie de l’oraison, il ne doit jamais l’abandonner. L’oraison est le moyen qui lui servira à se relever. Sans elle, ce serait beaucoup plus difficile. Mais qu’il ne se laisse pas séduire comme moi par le démon, et qu’il se garde bien d’abandonner cet exercice sous prétexte d’humilité. Il doit croire que le Seigneur ne peut manquer à sa parole. Si notre repentir est sincère, et si nous prenons la résolution généreuse de ne plus pécher, il nous rend son amitié première ; il nous accorde les mêmes faveurs que précédemment, et parfois de beaucoup plus grandes, si le repentir de notre cœur le mérite.”

« Personne n’a jamais pris Dieu en vain pour ami »

“Quant à celui qui n’aurait pas encore commencé à faire oraison, je le supplie pour l’amour de Dieu de ne pas se priver d’un si grand bien. Ici, il n’y a rien à craindre, mais tout à espérer. Si, je suppose, on n’avance pas et si l’on ne s’efforce pas d’être assez parfait pour mériter les joies et les délices que le Seigneur réserve à ses vrais amis, on arrivera néanmoins à connaître peu à peu la voie du ciel. Si l’on persévère, j’ai confiance en la miséricorde de Dieu. Personne ne l’a pris en vain pour ami.

Or, l’oraison mentale n’est, à mon avis, qu’un commerce intime d’amitié où l’on s’entretient souvent seul à seul avec ce Dieu dont on se sait aimé. Mais vous ne l’aimez pas encore, dites-vous. Car pour que l’amour soit vrai et l’amitié durable, il faut la parité des conditions. Or Notre-Seigneur, nous le savons, ne peut avoir de défauts ; notre nature, au contraire, est vicieuse, sensuelle et ingrate. Vous ne pouvez donc arriver à lui porter assez d’amour, à cause de l’infériorité de votre état. Mais la vue des grands biens qu’il y a pour vous à posséder son amitié et de l’amour immense qu’il vous porte, vous amènera à triompher de la peine où vous êtes de rester longtemps avec Celui qui est si différent de vous.

O bonté infinie de mon Dieu ! C’est bien de la sorte, ce me semble, que je vous vois et que je me vois.

O délices des Anges, je voudrais à cette vue me consumer tout entière d’amour pour vous.”

Se fatiguer en compagnie de Dieu

“Oh ! qu’il est bien vrai que vous supportez la présence de celui qui se fatigue en votre compagnie ! quel ami généreux vous êtes pour lui, ô mon Dieu ! que de faveurs vous lui prodiguez ! quelle patience à le supporter ! vous attendez qu’il se conforme à votre condition, pendant que vous poussez la condescendance jusqu’à supporter la sienne. Vous lui tenez compte, ô mon Dieu, de quelques instants qu’il consacre à vous aimer ; et, à la première lueur de son repentir, vous oubliez ses offenses envers vous. Voilà ce que j’ai vu clairement par moi-même. Aussi, je ne comprends pas, ô mon Créateur, pourquoi tout le monde ne chercherait pas à se rapprocher de vous par une amitié si intime.”

L’oraison, remède contre les tentations

“En récompense des efforts qu’on fait pour rester en si bonne compagnie, vous tenez compte de ce que dans les débuts, et même parfois dans la suite, nous ne saurions faire davantage. Et alors vous, ô Seigneur, vous empêchez les démons de nous attaquer, vous diminuez chaque jour leur empire sur nous, et vous nous donnez la force d’en triompher. Non, vie de toutes les vies, vous ne donnez la mort à aucun de ceux qui se confient en vous et vous prennent pour ami. Mais vous donnez la vie à l’âme, et vous soutenez celle du corps en lui communiquant une nouvelle santé.

Je ne comprends pas les craintes de ceux qui n’osent s’adonner à l’oraison mentale ; je ne sais de quoi ils ont peur. Quant au démon, il sait bien ce qu’il fait lorsqu’il nous inspire ces frayeurs. Il nous cause un vrai préjudice quand il nous empêche de penser à nos péchés et à nos graves obligations envers Dieu, à l’existence d’un enfer et d’un ciel, aux tourments inouïs et aux angoisses que le Sauveur a endurés pour nous.”

Sainte Thérèse nous dévoile ses propres difficultés

“Telle fut toute mon oraison au milieu des dangers dont j’ai parlé. Telles furent les vérités sur lesquelles je méditais quand je le pouvais. Mais très souvent pendant plusieurs années, j’étais beaucoup plus préoccupée du désir de voir s’achever l’heure d’oraison et d’entendre le coup de l’horloge, que d’autres pensées vraiment utiles. Souvent aussi il m’eût été moins dur de subir les pénitences les plus rigoureuses que de me recueillir pour faire oraison.

Oui, je l’affirme, j’avais à soutenir un tourment inouï contre le démon ou ma mauvaise nature, qui voulaient m’empêcher de me rendre à l’oraison. Une telle tristesse s’emparait de moi, en entrant à l’oratoire, que pour, me surmonter j’avais besoin de tout mon courage, qui, dit-on, n’est pas petit. On a vu, en effet, que Dieu me l’a donné bien supérieur à celui d’une femme, quoique j’en aie mal usé. Enfin, le Seigneur venait à mon secours. Après m’être ainsi surmontée, je goûtais plus de repos et de consolation que dans quelques autres circonstances où j’étais stimulée par le désir de le prier.”

Références

Références
1 Sainte Thérèse de Jésus, « Vie écrite par elle-même », dans Œuvres complètes, trad. par Grégoire de saint Joseph, Paris, Seuil, 1949, p. 81-85.
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