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Marie est “Theotokos”

Saint Cyrille d’Alexandrie, icône à l'oeuf sur bois (1654) de Tzanes (1610 - 1690), Musée byzantin Antivouniotissa de Corfou / wikimedia
« Je trouve très surprenant qu’il y ait des gens pour se demander vraiment si la Sainte Vierge doit être appelée Mère de Dieu. Car si notre Seigneur Jésus est Dieu, comment la Vierge qui l’a porté et mis au monde ne serait-elle pas la Mère de Dieu ? Faut-il appeler Marie Theotokos ? Sans aucun doute, puisqu’elle a conçu et enfanté le Dieu Verbe fait homme. Telle est la foi que nous ont transmise les Saints Apôtres, même s’ils n’ont pas employé cette expression. » Saint Cyrille – Lettre aux moines d’Égypte en 431.

 

Saint Cyrille d’Alexandrie, que nous vénérons le 9 février, est connu pour avoir défendu le dogme de la Maternité divine, contre l’hérésie nestorienne. A l’occasion de sa fête, Claves vous propose de (re)découvrir un article écrit par l’abbé Christian-Philippe Chanut (1948-2013), dans lequel il revient sur la querelle théologique qui a précédé le concile d’Éphèse, en 431.

 

Marie est mère de Dieu

L’Église professe depuis toujours que Jésus-Christ est à la fois vrai Dieu et vrai homme, mais il reste que le mode de cette union de la divinité à l’humanité resta longtemps obscur et que, jusqu’au milieu du Ve siècle, les formules pour l’exprimer furent trop souvent vagues, voire inexactes, et qu’il fallut que surgit une nouvelle hérésie pour que l’on précisât mieux le dogme en définissant mieux le mystère de l’Incarnation.

On se souvient de ce jour de 428 où un prêtre d’Antioche, Anastase, prêchant à Constantinople devant le patriarche Nestorius[1]Né vers 380 à Germanicie, Nestorius se fit moine à Antioche où il reçut l’ordination sacerdotale. Il fut choisi par l’empereur Théodose II comme patriarche de Constantinople et fut … Continue reading dont il était le syncelle[2]Syncelle : officier de l’Église de Constantinople qui demeure continuellement près du patriarche pour rendre témoignage de ses actions., affirma :

Que personne n’appelle Marie Mère de Dieu, car Marie appartenait à la race humaine et il est impossible que d’une créature humaine ait pu naître un Dieu.

On imagine sans peine que l’émoi fut grand parmi les auditeurs et l’on pressait le patriarche qui ne disait mot de désapprouver le prédicateur. Les conversations firent si grand bruit que le patriarche promit une explication catégorique pour le jour de Noël :

Plusieurs d’entre vous, dit-il alors, souhaitent apprendre de moi-même s’il faut donner à la Vierge Marie le titre de Mère de Dieu ou celui de Mère de l’homme. Qu’ils écoutent ma réponse : dire que le Verbe divin, seconde personne de la sainte Trinité, a une mère, n’est-ce pas justifier la folie des païens qui donnent des mères à leurs dieux ? Dieu, pur esprit, ne peut avoir été engendré par une femme ; la créature n’a pu engendrer le créateur. Non, Marie n’a point engendré le Dieu par qui est venue la rédemption des hommes ; elle a enfanté l’homme dans lequel le Verbe s’est incarné, car le Verbe a pris chair dans un homme mortel ; lui-même n’est pas mort, il a ressuscité celui dans lequel Jésus s’est incarne. Jésus est cependant un Dieu pour moi car il renferme Dieu. J’adore le vase en raison de son contenu, le vêtement en raison de ce qu’il recouvre ; j’adore ce qui m’apparaît extérieurement, à cause du Dieu caché que je n’en sépare pas.

C’était là une hérésie formelle : si le Verbe est dans l’homme, si l’homme ne fait que renfermer le Verbe, Jésus-Christ n’est donc pas vrai Dieu et vrai homme. Nestorius dit qu’il y a en Jésus-Christ deux personnes : le Verbe, Fils éternel de Dieu, avec tous les attributs divins, et l’homme, le fils de Marie, avec toutes les facultés humaines. Marie ne peut avoir engendré que la personne humaine et l’on peut l’appeler Mère du Christ (Christotokos), mais en aucune façon, Mère de Dieu (Theotokos).

Le rhéteur Eusèbe qui devait plus tard devenir évêque de Dorylée, interrompit un jour la prédication du patriarche puis, fort de l’appui populaire, afficha sur les portes de Sainte-Sophie, la contestatio avant que le saint patriarche Cyrille d’Alexandrie, sage, énergique, impérieux et véhément n’allât dénoncer au pape la théorie de Nestorius. Un synode romain[3]Nous anathémisons ceux qui affirment deux fils, existant l’un avant les siècles, l’autre après l’assomption de la chair, né de la vierge. Nous anathémisons ceux qui disent que … Continue reading prononce la sentence de déposition et confie à l’autorité de saint Cyrille le soin de l’exécuter. Après avoir été condamné par un synode alexandrin, Nestorius demande à l’empereur de réunir un concile général qui se réunit à la Pentecôte 431, à Éphèse où la tradition voulait que Marie s’endormit avant d’être transportée aux cieux en assomption. Sous la présidence de saint Cyrille d’Alexandrie, près de deux cents évêques citèrent à comparaître Nestorius qui refusa et l’hérésiarque fut condamnée :

Forcés par les saints canons et par les lettres de notre très saint Père et collègue, Célestin, évêque de Rome, nous avons dû, avec des larmes, en venir à cette triste sentence. Le Seigneur Jésus-Christ, que l’impie Nestorius a blasphémé, décide par le saint concile que Nestorius est privé de la dignité épiscopale et de la communion sacerdotale.

Au printemps de 433, sous l’autorité de Théodose II, tous se réunirent sous une même confession de foi rédigée par le patriarche Jean d’Antioche et, plus tard, approuvée par Sixte III :

Nous confessons donc notre Seigneur Jésus-Christ, Fils unique de Dieu, Dieu parfait et homme parfait, composé d’une âme raisonnable et d’un corps, engendré du Père avant les siècles selon la divinité, né en ces derniers jours pour nous et pour notre salut, de la Vierge Marie selon l’humanité, consubstantiel au Père selon la divinité, consubstantiel à nous selon l’humanité. Car de deux natures l’union s’est faite. C’est pourquoi nous affirmons un Christ, un Fils, un Seigneur. En raison de cette union sans confusion, nous confessons la sainte Vierge Mère de Dieu, parce que le Dieu Verbe s’est incarné et s’est fait homme, et que, dès l’instant de sa conception, il s’est uni le temple qu’il avait pris d’elle. Les paraboles des évangiles et des apôtres sur le Seigneur, nous savons que les théologiens les ont tantôt connues pour communes comme dites d’une seule personne, tantôt séparées comme de deux natures, les unes convenant à Dieu selon la divinité du Christ, les autres, humbles, selon l’humanité.

Puisqu’il n’y a en Jésus-Christ qu’une seule personne, Marie est la mère de cette personne, et puisque cette personne est la mère du fils de Dieu, Marie est véritablement Mère de Dieu. A l’instant même où elle acquiesça à la parole de l’archange, le Saint-Esprit forma de sa chair virginale une chair capable de recevoir une âme humaine et, à ce même instant, cette chair, vivifiée par cette âme raisonnable, fut unie substantiellement au Verbe divin. Puisque la nature humaine du Seigneur entra ainsi, dès que formée au sein de Marie, dans la personne du Verbe, cette personne est née de Marie. Certes, Marie n’a pas enfanté la nature divine du Verbe incarné, ce qui n’empêche pas, qu’à cause de l’unité de la personne de Jésus-Christ, le Père a pu dire de l’homme que Jean-Baptiste baptisait dans les eaux du Jourdain : Celui-ci est mon Fils bien-aimé en qui j’ai mis toute ma faveur.

 

Source : Christian-Philippe Chanut, « Marie, Mère de Dieu », TEP 31 (1993), p. 8-11.
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Références

Références
1 Né vers 380 à Germanicie, Nestorius se fit moine à Antioche où il reçut l’ordination sacerdotale. Il fut choisi par l’empereur Théodose II comme patriarche de Constantinople et fut sacré le 10 avril 428. Condamné par un synode romain (430) et un synode alexandrin, il refuse de se présenter au concile d’Éphèse où il est condamné et déposé le 22 juin 431. Relégué puis exilé, il meurt après 451.
2 Syncelle : officier de l’Église de Constantinople qui demeure continuellement près du patriarche pour rendre témoignage de ses actions.
3 Nous anathémisons ceux qui affirment deux fils, existant l’un avant les siècles, l’autre après l’assomption de la chair, né de la vierge. Nous anathémisons ceux qui disent que le Verbe de Dieu a habité dans une chair humaine à la place d’une âme raisonnable spirituelle, parce que le Fils et Verbe de Dieu n’a pas été en son corps à la place d’une âme raisonnable et spirituelle, mais c’est notre âme (raisonnable et spirituelle) que, sans péché, il a prise et sauvée. Si quelqu’un dit que, dans la souffrance de la Croix, c’est Dieu qui ressentait la douleur, et non la chair et l’âme dont le Christ, Fils de Dieu, s’était revêtu – la forme d’esclave qu’il avait prise, comme dit l’écriture – il est dans l’erreur.
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