On nous rabâche de la vie de saints, qui ressemble souvent plus à nos vitraux qu’à notre quotidien… Comment les prendre pour modèles en notre siècle ?
Saint Syméon le stylite vivant 37 ans sur une colonne ; Saint Alexis passant les dernières années de sa vie, inconnu, sous l’escalier de la demeure familiale ; Saint Pierre d’Alcantara prenant moins de deux heures de repos par nuit ; le Saint Curé d’Ars ne mangeant que quelques pommes de terre ; Sainte Marie l’Égyptienne vivant sans aucun contact humain pendant 47 ans dans le désert ; Sainte Thérèse d’Avila parcourant l’Espagne pour établir de nombreux carmels …
Nous pourrions continuer la liste, mais une chose est sûre : les saints et les saintes qui jalonnent l’histoire de l’Église ont accompli de grandes choses – excessives, diront certains. Cela semble bien élevé par rapport au « chrétien de base », qui peut être tenté de conclure : les saints sont admirables … mais non imitables ! Nous voudrions dire en quelques mots en quoi cette affirmation est vraie d’un certain point de vue… et fausse d’un autre point de vue.
L’extraordinaire vie des saints
Il est vrai d’affirmer que les saints sont admirables, et non imitables, si on considère en particulier certaines actions ou ascèses extraordinaires qu’ils ont pu réaliser. Nous devons nous rappeler qu’ils reçurent des grâces particulières pour faire telle action ou pratiquer telle mortification, et que si nous n’avons pas reçu ces mêmes grâces, vouloir faire exactement la même chose qu’eux peut être orgueilleux, dangereux, voire les deux à la fois. C’est pourquoi, dans son Précis de Théologie ascétique et mystique, Tanquerey rappelle que « la mortification doit se pratiquer avec prudence ou discrétion : elle doit être proportionnée aux forces physiques et morales de chacun et à l’accomplissement des devoirs d’état »[1]Tanquerey, Précis de Théologie ascétique et mystique, Paris-Tournai-Rome, Desclée et cie, 1924 (9e éd.), p. 497..
Le vrai secret des saints ? La charité
Mais il est faux d’affirmer que les saints sont admirables, et non imitables, si on considère la charité et l’esprit de mortification qui les animait. D’abord, tous les baptisés ont reçu dans leur âme les vertus théologales, en particulier la charité ; or la perfection de la vie chrétienne se réalise dans le double commandement de l’amour de Dieu et du prochain[2]Cf. Mt 22, 37-40., qui se réalise dans des actes concrets[3]Cf. 1Jn 3, 18.. Comme les saints, il faut donc pratiquer l’amour de Dieu et du prochain ; comme eux, nous devons avoir des âmes qui brûlent du même feu de la charité. Nous trouverons dès lors dans les vies de saints des exemples et des encouragements pour la pratique de la charité.
Ensuite, tous les baptisés, même après que le péché originel a été effacé par le baptême, gardent en eux la « concupiscence » ou « foyer du péché », c’est-à-dire l’inclination, l’attirance vers le péché[4]Cf. Catéchisme de l’Église Catholique, n°1264.. Il faut donc combattre, « faire mourir » cette inclination : c’est le but et la nécessité de la mortification. C’est pourquoi, à la suite des saints, nous la pratiquerons, selon nos capacités et notre devoir d’état – avec l’accord de notre directeur spirituel ou de notre confesseur habituel. Si la mortification ne suffit pas pour devenir un saint, il reste vrai que personne ne devient saint sans mortification. Celle-ci est nécessaire pour le salut et la perfection[5]« Si vous vivez selon la chair, vous mourrez ; mais si par l’Esprit vous faites mourir les œuvres de la chair, vous vivrez » (Rm 8, 13) ; cf. Tanquerey, Précis, p. 487 et suivantes..
Imiter les saints
Saint Paul disait déjà aux Corinthiens : « Soyez mes imitateurs, comme je le suis du Christ »[6]1Co 4, 16.. Nous chercherons donc à imiter les saints, dans ce qui nous aide à imiter le Christ dans notre vie, selon notre situation et notre devoir d’état.
Les exemples de ceux qui ont eu les mêmes passions que nous, subi les mêmes tentations, et ont malgré tout, soutenus par les mêmes grâces, remporté la victoire, sont un puissant stimulant qui nous fait rougir de notre lâcheté, prendre d’énergiques résolutions et faire des efforts constants pour les mettre à exécution (…) »[7]Tanquerey, Précis, p. 125-126..
Références[+]
↑1 | Tanquerey, Précis de Théologie ascétique et mystique, Paris-Tournai-Rome, Desclée et cie, 1924 (9e éd.), p. 497. |
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↑2 | Cf. Mt 22, 37-40. |
↑3 | Cf. 1Jn 3, 18. |
↑4 | Cf. Catéchisme de l’Église Catholique, n°1264. |
↑5 | « Si vous vivez selon la chair, vous mourrez ; mais si par l’Esprit vous faites mourir les œuvres de la chair, vous vivrez » (Rm 8, 13) ; cf. Tanquerey, Précis, p. 487 et suivantes. |
↑6 | 1Co 4, 16. |
↑7 | Tanquerey, Précis, p. 125-126. |