Après avoir médité sur la vertu d’espérance. Il reste à évoquer les deux péchés qui s’y opposent.
Pécher par excès ou par défaut
On peut pécher contre une vertu, par défaut (c’est-à-dire par insuffisance), ou par excès. Par exemple, on pèche contre la vertu de tempérance par défaut, en mangeant de manière insuffisante par rapport à nos besoins ; on pèche par excès, en mangeant plus que nécessaire. Ainsi, on peut dire qu’il y a un juste milieu, et deux extrêmes opposés dans notre façon d’exercer la vertu d’espérance[1]Cf. Saint Thomas d’Aquin, ST1-2 q. 64, a. 4.
Par défaut : le désespoir
L’espoir en général est la tendance vers un bien difficile à obtenir, mais que l’on sait possible à acquérir. Le désespoir, c’est quand on pense que ce bien est impossible à acquérir[2]Cf. ST1-2, q. 40, a. 4.
Le désespoir qui s’oppose par défaut à la vertu théologale d’espérance, c’est le péché de celui qui pense que pour lui, il n’y a pas à espérer le pardon des péchés, ou qu’il ne pourra jamais aller au Ciel. Le désespéré ne nie pas nécessairement la volonté de salut de Dieu, ou la réalité de sa miséricorde infinie, ou la possibilité d’obtenir le pardon des péchés en général. Non, il pense que dans son cas à lui, cela ne s’applique pas[3]Cf. ST2-2, q. 20, a. 2. C’est le cas par exemple de ceux qui n’osent pas confesser un péché, parce qu’ils pensent qu’il est trop grave, ou que Dieu ne veut pas le leur pardonner.
C’est pourquoi le désespoir est un péché lourd de dangers, « car c’est par l’espérance que nous nous détournons du mal et que nous commençons à rechercher le bien[4]Idem. ». Si on n’espère pas le Ciel pour soi-même, on ne voit pas pourquoi on vivrait d’une manière digne du Ciel.
Les causes du désespoir
1° Le fait que les biens spirituels ne sont pas considérés comme des grands biens, et alors on leur préfère les plaisirs sensibles et les biens matériels. C’est pourquoi souvent le péché de luxure est source de désespoir.
2° L’acédie est cause du désespoir : elle est un dégoût et une paresse par rapport aux biens spirituels. Elle est une dépression de l’âme, qui se dit qu’elle ne pourra jamais se sanctifier ni atteindre le Ciel[5]Cf. ST2-2, q. 20, a. 4..
Les remèdes au désespoir seront donc : d’une part, se rappeler la valeur et l’éternité des biens spirituels, et la fragilité des biens et des plaisirs de ce monde ; d’autre part, ne pas oublier que Dieu veut et peut nous donner le Ciel, et repousser les pensées qui nous détournent de cette vérité de notre foi.
Par excès : la présomption
On pèche par présomption quand on s’imagine pouvoir obtenir, par la toute-puissance divine, un bien qui ne peut être obtenu ; par exemple, d’obtenir la miséricorde sans changer de vie et sans faire pénitence, ou d’aller au Ciel sans bonnes œuvres[6]Cf. ST2-2, q. 21, a. 1..
C’est pourquoi on peut dire que la présomption est de l’orgueil, car l’âme « a [d’elle-]même une telle estime qu'[elle] arrive à penser que, même alors qu'[elle] pèche, Dieu ne peut pas [la] punir ni l’exclure de sa gloire[7]ST2-2, q. 21, a. 4. ».
La présomption est aussi un péché qui s’oppose à la vérité divine. Car il est faux que Dieu accorde son pardon à ceux qui veulent rester dans le péché. C’est pourquoi, à la femme adultère, Jésus dit bien : « Moi non plus, je ne te condamne pas : va, et désormais ne pèche plus[8]Jn 8, 11 ». Il lui dit bien de changer de vie.
Quelqu’un qui commet volontairement un péché grave, en se disant qu’il pourra toujours se confesser après, pèche par présomption[9]Cf. ST2-2, q. 21, a. 2..
En effet, qu’est-ce qui l’assure qu’il pourra se confesser, et que la mort ne le surprendra pas avant ?
Et puis, à celui qui ne veut pas se détacher du péché, la confession ne sert de rien. Car pour obtenir le pardon, le pénitent doit avoir la résolution de ne plus pécher à l’avenir. Notez que ce n’est pas la certitude de ne plus pécher, mais la volonté réelle, au moment de la confession, de ne plus pécher à l’avenir.
Les causes et les antidotes de la présomption
Les causes de la présomption peuvent être : 1° soit une mauvaise conception de la justice et de la miséricorde de Dieu ;
2° soit l’orgueil, nous l’avons dit.
Les remèdes à la présomption seront donc : d’une part, la méditation tant de la justice que de la miséricorde de Dieu ; d’autre part, une grande humilité, en nous rappelant que ce n’est pas nous, mais Dieu qui fixe les conditions pour vivre saintement et aller au Ciel.
Que Notre Dame nous guide dans le chemin de l’espérance, et nous fasse éviter les récifs du désespoir et de la présomption. Ainsi, nous porterons les fruits d’une vie sainte, à la gloire de Notre Seigneur Jésus-Christ, qui, avec le Père et le Saint Esprit, vit et règne, pour les siècles des siècles.