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La Présentation de Jésus au Temple

La présentation au Temple par Philippe de Champaigne / Wikimedia
“Le temps de la purification de Marie étant accompli, selon la loi de Moïse, ils le portèrent à Jérusalem pour le présenter au Seigneur, selon qu’il est écrit dans la loi du Seigneur : Tout enfant mâle premier-né sera consacré au Seigneur ; et pour donner ce qui devait être offert en sacrifice, selon qu’il est écrit dans la loi du Seigneur, deux tourterelles, ou deux petits de colombe.” (Lc 2, 22-24)

La cérémonie accomplie par la Sainte Famille au Temple, et que l’Église célèbre le 2 février, se rattache à deux prescriptions particulières de la loi de Moïse. La démarche des parents de Jésus est profondément sacrificielle : elle est l’occasion de réfléchir à l’importance du sacrifice dans la religion chrétienne.

 

La purification de la mère après l’accouchement

Tout d’abord, dans le livre du Lévitique, la loi demande que la mère soit purifiée après avoir mis au monde un enfant. Cette purification intervenait 40 jours après la naissance d’un garçon, et 80 jours après la naissance d’une fille. Or le 2 février, c’est précisément 40 jours après la fête de Noël, le 25 décembre :

Si une femme est enceinte et accouche d’un garçon, elle sera impure pendant sept jours. […] Le huitième jour, on circoncira le prépuce de l’enfant, et pendant trente-trois jours encore, elle restera à purifier son sang. [….] Quand sera achevée la période de sa purification, que ce soit pour un garçon ou pour une fille, elle amènera au prêtre, à l’entrée de la tente de la Rencontre, un agneau de l’année pour un holocauste, un jeune pigeon ou une tourterelle, en sacrifice pour la faute[1]Lv 12, 2-6.

Il y a donc, dans le rite de la purification de la mère, deux sacrifices offerts : un sacrifice d’holocauste, et un sacrifice pour les péchés. Il faut bien comprendre qu’il s’agit ici d’une purification rituelle, liée au sang versé, symbolique pour le peuple hébreu. Il est bien clair en effet que la mère n’a pas commis de péché personnel en mettant au monde un enfant. L’offrande d’un « sacrifice pour le péché » ne doit pas nous induire en erreur : ce type de sacrifice était très courant et se faisait, par exemple, pour les consécrations des autels et des prêtres [2]Ex 29, 10-14 ; 36 ; Lv 8, 14-17.. Ainsi, à certaines occasions particulières, on se rappelle notre condition de pécheur et l’on offre un sacrifice d’expiation à Dieu. C’est ici que l’on peut contempler l’humilité et l’obéissance de la Vierge Marie, elle qui suit la loi de Moïse alors qu’elle est sans péché.

L’autre sacrifice est un “sacrifice d’holocauste”. Par cet acte on exprime notre dépendance radicale vis-à-vis de Dieu : il est notre Créateur, et nous avons tout reçu de lui. Ainsi, à l’occasion d’une naissance, les époux se rappellent que la vie, et notamment la vie nouvelle de leur enfant, est un don de Dieu, et ils rendent grâce au Seigneur par ce sacrifice.

Dans la religion catholique, le sacrifice de la messe est tout à la fois un sacrifice d’expiation pour les péchés (on parle de sacrifice propitiatoire), et un sacrifice d’holocauste pour glorifier Dieu et lui exprimer notre dépendance.

 

L’offrande de l’enfant premier-né

Mais Jésus n’est pas simplement l’enfant de Marie : il est aussi son premier-né, et à ce titre, une cérémonie particulière est demandée. Elle tire sa source dans le livre de l’Exode :

Consacre-moi tous les premiers-nés parmi les fils d’Israël, car les premiers-nés des hommes et les premiers-nés du bétail m’appartiennent. […] Alors, demain, quand ton fils te demandera : “Que fais-tu là ?”, tu lui répondras : “C’est par la force de sa main que le Seigneur nous a fait sortir d’Égypte, la maison d’esclavage. En effet, comme Pharaon multipliait les obstacles pour nous laisser partir, le Seigneur fit mourir tous les premiers-nés au pays d’Égypte, du premier-né des hommes au premier-né du bétail. C’est pourquoi j’offre en sacrifice au Seigneur tous les premiers-nés de sexe mâle ; mais le premier-né de mes fils, je le rachète.”[3]Ex 13, 2 ; 14-15

Ce rite, que l’on peut associer aux rites de l’offrande des prémisses[4]L’offrande des prémices (les premières pousses d’une récolte, par exemple) est la forme la plus ancienne du sacrifice mentionnée dans la Bible : Caïn et Abel offre ainsi les prémices … Continue reading, est intimement lié à l’histoire du peuple hébreu, et notamment à la 10ème plaie de l’Exode, quand périrent les premiers nés d’Égypte, avant la libération d’Israël. Au cours de cette nuit tragique, les hébreux offrirent le sacrifice de la Pâque ; ce fut en quelque sorte le premier sacrifice par lequel furent « rachetés » les premiers nés d’Israël, protégés par le sang de l’agneau sur les linteaux des portes. Aussi, le lien entre l’offrande de Jésus au Temple et le sacrifice de la Pâque apparaît ; et les deux sont des annonces de l’unique sacrifice agréable du Christ, « le premier-né de toute la création » (Col 1, 15), sur la Croix.

La liturgie ne s’est pas trompée sur le sens sacrificiel de cette fête, elle qui nous fait lire, dans l’épître de la messe du 2 février, la prophétie de Malachie :

 Il purifiera les fils de Lévi, et il les rendra purs comme l’or, et comme l’argent, et ils offriront des sacrifices au Seigneur dans la justice. Et le sacrifice de Juda et de Jérusalem sera agréable au Seigneur, comme aux jours anciens et comme aux années d’autrefois, dit le Seigneur tout-puissant[5]Ma 3, 3-4.

En effet, c’est par et à travers le sacrifice de Jésus offert sur la croix, unique sacrifice agréable, que sont agréés tous les autres sacrifices : ceux de l’ancien testament, mais aussi les nôtres, toutes ces offrandes quotidiennes que nous pouvons et devons unir à celle de Jésus par la sainte Messe.

 

Le Cantique de Siméon et les cierges de la Chandeleur

Au temple, le vieillard Siméon reçoit l’enfant Jésus dans ses mains, et récite le cantique devenu célèbre, le Nunc Dimittis :

Maintenant, Seigneur, tu laisses ton serviteur
s’en aller en paix, selon ta parole.
Car mes yeux ont vu ton salut,
salut que tu as préparé devant tous les peuples,
lumière pour éclairer les nations,
et gloire d’Israël, ton peuple[6]Lc 2, 29-32.

Siméon voit dans l’enfant la « lumière pour éclairer les nations ». Il y a dans ce verset un lien avec la cérémonie de la bénédiction des cierges, et la procession qui se fait traditionnellement le 2 février ou lors de la solennité, le dimanche suivant. L’origine chrétienne de ce sacramental remonte au pape saint Gélase, qui au Ve siècle a donné un sens chrétien aux cérémonies romaines des Lupercales, fêtes païennes de purification de la terre à l’approche du printemps, pendant lesquelles on parcourait les champs avec des torches en l’honneur du dieu de la fécondité, Lupercus.

C’est en raison de cette procession des cierges que la fête du 2 février porte aussi le nom de « Chandeleur » (fête des chandelles).

Traditionnellement, les cierges sont ensuite gardés par les fidèles : lumière du Christ qui chasse les ténèbres du péché et du diable, ils sont utilisés comme sacramental, pour repousser les démons, veiller les agonisants, ou pour protéger les demeures de l’orage et des intempéries.

Saint Anselme propose également une symbolique du cierge comme image du Christ, riche pour notre vie spirituelle : la cire exprime la chair du Christ, la mèche représente son âme et la flamme, partie supérieure, illustre sa divinité.

 

Les paradoxes de Noël

Il faut signaler également l’antienne de Magnificat de cette fête, qui parvient en quelques mots à résumer d’une manière paradoxale les richesses du mystère de l’Incarnation :

Le vieillard portait l’Enfant, mais l’Enfant conduisait le vieillard. Une Vierge l’a mis au monde, et après cette naissance elle est demeurée vierge : Celui qu’elle avait enfanté, elle l’a adoré.

 

Et les crêpes, alors ?

Comme la tradition des cierges, celle des crêpes proviendrait aussi de l’ancienne fête païenne des Lupercales, « baptisée » par le pape Gélase. Pendant cette fête, on mangeait des crêpes confectionnées avec la farine excédentaire de la récolte de l’année précédente, pour symboliser la prospérité espérée de l’année à venir. D’autres avancent aussi le symbole solaire de la crêpe (qui a la forme d’un soleil) pour le relier à fête païenne des lumières. Toujours est-il que c’est le Pape Gélase Ier qui, à l’occasion de la procession à la lumière des flambeaux du 2 février de l’année 472, a distribué des galettes ou crêpes aux pèlerins qui parcouraient les rues de Rome.

Références

Références
1 Lv 12, 2-6
2 Ex 29, 10-14 ; 36 ; Lv 8, 14-17.
3 Ex 13, 2 ; 14-15
4 L’offrande des prémices (les premières pousses d’une récolte, par exemple) est la forme la plus ancienne du sacrifice mentionnée dans la Bible : Caïn et Abel offre ainsi les prémices de leur récolte ou de leur troupeau. L’idée est simple, et symbolique : par ce geste, on offre « physiquement » une partie pour exprimer symboliquement l’offrande de l’ensemble, du tout.
5 Ma 3, 3-4
6 Lc 2, 29-32
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