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(5/8) Comment être en communion si on n’a pas la même foi ?

Profession de foi - FSSP Versailles
Télécharger l’intégralité du dossier “Messe traditionnelle et communion ecclésiale” en format PDF ici.
La communion spirituelle des chrétiens doit se manifester extérieurement, visiblement : et c’est d’abord par la foi commune dans les mêmes vérités enseignées par le Christ, que s’exprime notre communion. Il faut insister sur cet aspect essentiel de l’unité de l’Église, tellement mise à mal aujourd’hui.
Accéder aux quatre articles précédents ici

Nous avons considéré la communion de l’Église sous son aspect le plus important, la communion spirituelle. Mais il serait erroné de penser qu’elle se limite à cela. Si l’Église est une « expansion du Christ Dieu », la communion de l’Église aura une forme particulière, une dimension incarnée, visible et extérieure qui n’est en aucun cas accidentelle ou secondaire, mais qui découle de la nature même de l’Église que Jésus-Christ a voulu fonder comme société visible, hiérarchique, sacramentelle.

Les différents aspects de cette communion visible, présentés à plusieurs reprises par le Magistère[1]Jusqu’au concile Vatican II compris :  Lumen Gentium 14 ; Unitatis Redintegratio 2., peuvent être ramenés à trois points : 1) communion dans la profession de la foi ; 2) communion dans la reconnaissance de la même hiérarchie ; 3) communion dans les mêmes sacrements[2]CdF, Communionis Notio : « Dans l’Église sur terre, il existe un rapport intime entre cette communion invisible et la communion visible dans la doctrine des Apôtres, dans les sacrements et dans … Continue reading. On reconnaîtra ici les tria vincula (les trois liens, ou attaches) de saint Robert Bellarmin, selon lequel « l’Église est la communauté des Hommes rassemblés par la profession de la vraie foi chrétienne, et la communion des mêmes sacrements, sous le gouvernement des pasteurs légitimes et principalement de l’unique vicaire du Christ sur la terre, le pontife romain[3]Saint Robert Bellarmin, De Ecclesia militante, ch. 2. ».

Ces trois liens renvoient aux trois titres du Christ, prophète, prêtre et roi, lui qui donne à son Église les trois missions d’enseigner, de sanctifier et de gouverner.

Nous regarderons dans cet article le premier “lien”, la communion de la profession de foi, comme un prolongement extérieur et sensible de ce nous disions sur la communion dans la vérité dans l’article précédent ; dans les articles suivants, les deux autres liens. 

1 – La communion dans la profession de foi et le symbole des apôtres

Le symbole, en grec σ́υμϐολον, dérivé du verbe συμϐ́αλλω (qui signifie « je joins »), était à l’origine un objet coupé en deux, permettant aux deux propriétaires de chacune des parts de se reconnaître instantanément, et de se réunir. Petit à petit, le mot symbole en est venu à désigner une réalité sensible, mais incomplète, qui nous renvoie vers ou signifie l’existence d’une autre réalité, invisible ou abstraite, qui « complète » le symbole[4]C’est l’origine de la dimension symbolique du rite, et de la liturgie..

Le « symbole » des apôtres, connu aussi sous le nom de Credo (je crois) assume cette double fonction : expression concrète de la foi qui, professée extérieurement, nous relie à Dieu ; et moyen de reconnaissance et d’union entre tous les chrétiens confessant la même foi[5]Ainsi, « Jésus-Christ accomplit la communion dans l’unité de la profession de foi” (Vatican II, Unitatis Redintegratio, 1, 2.). Le pape Benoît XVI avait conscience du caractère tout à fait essentiel et même primordial de ce signe de communion qu’est la confession de foi commune, lui qui indiquait aux prêtres de l’Église patriotique de Chine souhaitant « revenir dans la pleine communion » :

 « Et, comme signe de la réconciliation espérée, je pense qu’il n’y a pas de geste plus significatif que celui de renouveler sous forme communautaire – à l’occasion de la journée sacerdotale du Jeudi saint, comme cela se fait dans l’Église universelle, ou dans une autre circonstance qui sera retenue plus opportune – la profession de foi, comme témoignage de la pleine communion retrouvée, pour l’édification du peuple saint de Dieu confié à votre soin pastoral, et à la louange de la Très Sainte Trinité[6]Benoît XVI, Lettre aux évêques, aux prêtres, aux personnes consacrées et aux fidèles laïcs de l’Église catholique en République populaire de Chine, du 30 juin 2007, n° 13 (DC, n° 2384, … Continue reading ».

On ne saurait donc minimiser l’importance de ce signe pour la communion de l’Église. Il ne s’agit pas de rentrer dans des comparaisons stériles pour savoir qui est « le plus en communion » ; mais nous ne pouvons cacher notre douleur et notre incompréhension lorsque l’on reproche à certaines communautés – qui essayent vaille que vaille de transmettre fidèlement la foi de Jésus-Christ – leur manque de communion, alors que l’Église que nous aimons traverse une crise profonde de l’expression de la foi, et que par endroits certaines vérités divines sont tues, diminuées voire même niées sans aucune réaction, blessant ainsi gravement et objectivement la communion. Devant un tel décalage, comme devant ce qui semble aujourd’hui se dérouler dans « l’Église d’Allemagne », le sensus fidei des chrétiens se révolte naturellement, et il est bien difficile de leur en tenir rigueur.

Car en vérité, on aura beau multiplier les signes, les gestes, les partages : aucune tentative de communion ecclésiale ne sera vraie, si elle n’est pas fondée sur la Vérité, qu’est le Christ. S’il manque la communion dans la foi, tous les autres signes seront des signes factices et mensongers.

Le chemin pour retrouver le véritable sens de la communion ecclésiale passe nécessairement par une valorisation renouvelée de la profession de foi, et peut-être, vu l’état dramatique de la situation, par des discussions doctrinales sur les points centraux de la foi, comme la doctrine du Salut universel par le Christ et l’Église, les fins dernières, la théologie eucharistique ou la mariologie, pour retrouver une communion réelle entre pasteurs et fidèles sur l’enseignement de Jésus-Christ ; sans quoi, les chrétiens ne se reconnaissent plus entre eux, le symbole est brisé, et le sentiment de n’avoir plus la même foi couvre l’Église d’obscurité. Si nous pouvions retrouver, entre chrétiens cette unité extérieure, proclamée, claire et lumineuse, sur les mystères de notre sainte foi, quelle joie ce serait ! Celle des ténèbres dissipées et d’une aube renaissante. Ce serait la preuve la plus éclatante de la communion.

 

2 – La réception du Concile Vatican II

La communion dans la foi passe nécessairement, pour le chrétien, par une réception de l’enseignement magistériel (les conciles, les encycliques, etc…) qui transmet et explicite le contenu de la foi. Cela pose la question de la réception du Concile Vatican II.

En réalité ce point a été abordé plusieurs fois dans notre revue Tu es Petrus : en 2007 par l’abbé Sebastien Leclère[7]Sébastien Leclère, « Débats courtois autour de Vatican II », TEP 108-109 (2007), p. 17-20., et en 2009 par l’abbé Bernard Lucien[8]Bernard Lucien, « Les degrés d’autorité du Magistère », TEP 122 (2009), p. 45-51. Ce dernier a également approfondi cette question, avec le P. de Blignières, dans la revue Sedes … Continue reading. Sur Claves.org, on pourra se reporter à l’article de l’abbé Benoît Paul-Joseph, et à celui de l’abbé Lucien sur les degrés d’autorité du Magistère. Ces travaux manifestent suffisamment la position de la FSSP depuis son origine : une réception des textes du Concile Vatican II, interprétés (pour les points difficiles) à la lumière de la Tradition, et en distinguant les différents niveaux d’autorité des textes : 

Jamais la Fraternité Saint-Pierre n’a donc mis en doute la valeur magistérielle du dernier Concile, sans toutefois feindre d’ignorer les difficultés ou ambiguïtés suscitées par quelques passages ou textes qu’elle s’est toujours attachée à lire et à recevoir à la lumière de la Tradition de l’Église, ce que le Pape Benoît XVI qualifiera en 2005 d’ « herméneutique de la réforme dans la continuité »[9]Abbé Benoît Paul-Joseph, “Recevoir à l’aune de la Tradition.

Le protocole d’accord du 5 mai 1988, signé entre Mgr Lefebvre et le cardinal Ratzinger, et qui servit de base à la fondation de la Fraternité Saint-Pierre, reconnaissait en effet le droit d’avoir une attitude positive d’étude et de communication avec le Siège apostolique « à propos de certains points enseignés par le concile Vatican II ou concernant les réformes postérieures de la liturgie et du droit, et qui paraissent difficilement conciliables avec la Tradition ».

L’usage, dans le présent travail, de certains textes du Concile Vatican II pour approfondir la question de la communion, et les nuances apportées à telle ou telle interprétation, manifeste in actu exercito cet effort sincère de réception et d’interprétation traditionnelle. Nous refusons donc d’entériner la rupture que certains souhaitent, ou que d’autres déplorent, sur le plan magistériel, entre « Église préconciliaire » et « Église postconciliaire ». Le chantier est vaste et difficile : mais il est nécessaire, au service de la communion dans la foi, et spécialement d’une communion diachronique : ce que l’Église a enseigné hier, elle ne peut le condamner aujourd’hui, car elle est une dans le temps.

Ainsi, il apparaît clairement que notre attachement à la liturgie traditionnelle ne constitue pas un refus de l’enseignement magistériel de Vatican II. Il faut distinguer les enseignements du Concile, et notamment ceux de la constitution sur la liturgie Sacrosanctum Concilium, qui s’achève en 1965, d’avec la réforme liturgique, qui donne naissance au Missel de Paul VI en 1969. Cela laisse ouverte la question suivante : la Messe de Paul VI est-elle vraiment la “messe du Concile” ? Mais une telle étude, tout à fait importante, nous emmènerait trop loin : nous la réservons pour plus tard.

Cliquer pour lire la suite : “Deuxième critère visible de communion, la communion hiérarchique”

Références

Références
1 Jusqu’au concile Vatican II compris :  Lumen Gentium 14 ; Unitatis Redintegratio 2.
2 CdF, Communionis Notio : « Dans l’Église sur terre, il existe un rapport intime entre cette communion invisible et la communion visible dans la doctrine des Apôtres, dans les sacrements et dans l’ordre hiérarchique ». Cf. B.-D. de la Soujeole, « L’Église comme société… », cit., p. 245. : « Celle-ci [la communion ecclésiale] peut se spécifier de trois façons principales, en communion dans les sacrements, dans la confession de foi et dans la hiérarchie ».
3 Saint Robert Bellarmin, De Ecclesia militante, ch. 2.
4 C’est l’origine de la dimension symbolique du rite, et de la liturgie.
5 Ainsi, « Jésus-Christ accomplit la communion dans l’unité de la profession de foi” (Vatican II, Unitatis Redintegratio, 1, 2.)
6 Benoît XVI, Lettre aux évêques, aux prêtres, aux personnes consacrées et aux fidèles laïcs de l’Église catholique en République populaire de Chine, du 30 juin 2007, n° 13 (DC, n° 2384, p. 676).
7 Sébastien Leclère, « Débats courtois autour de Vatican II », TEP 108-109 (2007), p. 17-20.
8 Bernard Lucien, « Les degrés d’autorité du Magistère », TEP 122 (2009), p. 45-51. Ce dernier a également approfondi cette question, avec le P. de Blignières, dans la revue Sedes Sapientiae, notamment à propos des difficultés que semblaient poser la Déclaration sur la liberté religieuse Dignitatis Humanae.
9 Abbé Benoît Paul-Joseph, “Recevoir à l’aune de la Tradition
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