Le thème des guerres de Vendée est réputé piégé, au point qu’il n’est presque jamais abordé au cinéma. « Vaincre ou mourir » est un beau film qui fait revivre toute l’horreur paradoxale de ces temps oubliés de notre histoire.
Première réalisation de Puy du Fou films, « Vaincre ou mourir » porte la marque de fabrique du Grand Parc lancé il y a déjà plus de quarante ans par Philippe de Villiers, et particulièrement de son spectacle unique au monde : la Cinéscénie. Un clin d’œil discret est fait dès les débuts du film aux milliers de Puyfolais qui œuvrent bénévolement chaque été à la grande fresque familiale des Maupiliers : lorsque les représentants de la République annoncent le tirage au sort des conscrits pour l’armée de l’Est, l’appel du nom de Jacques Maupiliers et la lutte qui s’ensuit mettent le feu aux poudres et conduisent les Vendéens à solliciter l’aide de Charette pour organiser la résistance armée.
Charette : la trame d’une épopée
François-Athanase de Charette : c’est à travers ce général au grand courage et au blanc panache que « Vaincre ou mourir » nous fait revivre les terribles années des guerres de Vendée, depuis les premières insurrections, avant même la mort de Louis XVI, jusqu’aux derniers feux de la chouannerie, sous le Directoire.
Plutôt que de proposer une véritable fresque historique, Vaincre ou mourir se présente comme une épopée, celle d’un homme appelé à incarné malgré lui la résistance catholique et royaliste à l’oppression révolutionnaire de la Terreur. Le récit alterne entre des séquences de narration à la première personne et des plans ou interviennent les personnages. La chronologie est clairement indiquée dans les transitions entres les différents épisodes. Le film se concentre cependant sur la figure de Charette et sur « ses » guerres de Vendée, sans présenter réellement les autres chefs vendéens et leurs combats. On ne trouvera donc pas dans « Vaincre ou mourir » un aperçu général des opérations militaires opposant Blancs et Bleus, ni de cartes permettant de reconstituer géographiquement les différents mouvements de troupe ou les zones d’influence des grands généraux chouans. Bien que le film commence par quelques courtes phrases d’introduction apportées par des historiens spécialistes du thème, il prend le parti de raconter une épopée, une aventure personnelle, plutôt que de présenter un résumé d’ensemble de cette période complexe.
« Je suis loin d’être un saint, mais je n’irai pas en enfer… »
La complexité du personnage de Charette n’est quant à elle pas occultée. Un des beaux mérites de « Vaincre ou mourir » est de montrer les différentes facettes du général vendéen. Notre héros commence ainsi par se cacher plutôt que de répondre à l’appel de ses paysans révoltés cherchant à se donner un chef. Il apparaît préoccupé parfois excessivement de la gloire, au détriment de l’efficacité politique ou militaire de son action. « Sans panache, qu’est-ce qui nous reste, » affirme-t-il, ou encore « un officier de marine n’abandonne pas l’honneur d’être une cible. » La question du pardon est également abordée et montre le visage contrasté du général : si Charette a d’abord le réflexe d’épargner ses prisonniers, il en arrive, marqué par l’horreur des pratiques des révolutionnaires, aux mêmes pratiques que ses adversaires, malgré les protestations – il est vrai un peu molles – de son aumônier. Bien qu’il ne soit pas mentionné dans le film, on garde à l’esprit le pardon héroïque de Charles de Bonchamps à Saint-Florent-le-Vieil, graciant depuis son lit de souffrance les Bleus capturés dans la bataille même où il reçut sa mortelle blessure. Charette apparaît cependant comme un général humain et disponible, proche de ses hommes et sensible à leurs souffrances, comme en témoigne cette belle réplique prononcée au soir de sa première bataille : « je suis un marin, c’est ma première guerre sur terre, et la plaine n’engloutit par les cadavres. »
« La foi n’est pas une cuirasse contre la mitraille, » dit-il encore. Vaincre ou mourir est pudique sur la vie chrétienne de Charette, et ne prétend pas canoniser son héros, mais le montre cependant luttant pour Dieu et le roi dans une atmosphère chrétienne. La présence de l’abbé est constante à ses côtés, même si le personnage peut parfois sembler un peu falot (et mal rasé) : depuis les premières images magnifiques de messe dans les bois jusqu’à l’ultime absolution donnée au condamné sur le chemin du peloton d’exécution.
Dans les méandres de l’histoire
« Vaincre ou mourir » est ainsi une production courageuse, qui aborde de front les complexités d’une période troublée de notre histoire. Le film présente un résumé historique rapide des événements de la révolution et de la Vendée militaire, des premiers tressaillements à la grande aventure de l’Armée Catholique et Royale, qui échoue devant Nantes et dans la terrible virée de Galernes, ou au traité de la Jaunaye, et jusqu’aux terribles épisodes des Colonnes Infernales et de la trahison des princes – terrible image de Charles X envoyant à Charette son épée plutôt que de venir combattre lui-même sur le sol national. Il montre dans toute son horreur la violence de l’oppression révolutionnaire, le terrorisme d’État du régime de Robespierre en ses conséquences réelles sur les populations locales. Vaincre ou mourir nous plonge aussi dans le contexte des Vendéens de 1793, montrant la proximité comme la distinction nette entre les différentes catégories de la société, la société française à son point de basculement après la période de l’Ancien Régime… Les esprits trop endormis par l’histoire officielle seront sans doute surpris, voire choqués, par la relation sans concession des terreurs révolutionnaires, mais il faut cependant reconnaître que l’aperçu donné par « Vaincre ou mourir » ne manque pas de nuance : les deux camps sont clairement délimités, mais sans manichéisme. Le personnage du général Travot, alter ego bleu de Charette, avec lequel il n’est pas sans partager une certaine complicité et qui lui accorde sa dernière volonté de condamné, est particulièrement riche à cet égard. Du point de vue historique, on est interpellé par l’hypothèse avancée par la production : le traité de la Jaunaye aurait contenu une clause secrète, dont la rupture aurait motivé la reprise du combat par Charette. L’objet de cette condition aurait été la libération de Louis XVII, l’enfant du temple. L’hypothèse sera difficile à prouver absolument, mais elle est séduisante du point de vue historique et cohérente au vu du personnage et du comportement du général vendéen.
Un beau film
« Vaincre ou mourir » est donc un beau film, à voir assurément, en famille, en étant toutefois prudent pour les plus jeunes, qui pourraient être heurtés par la violence des scènes de batailles ou de persécution (destructions, exécutions, viols, ne sont pas montrés avec crudité mais largement suggérés). La grande qualité de la production, à l’image du savoir-faire du Puy du Fou, réside certainement dans le bel esprit avec lequel est retracée l’épopée de ce héros vendéen, dans la beauté des images, des costumes, des scènes en général et de la musique qui les accompagne, et dans la richesse et la profondeur historique et littéraire du texte qui fait la trame d’ensemble. Ce premier long-métrage du Puy du Fou mérite d’être salué et encouragé, et augure le meilleur pour la suite.