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« Spiritu Ferventes » : hommage à l’abbé Bernard Lucien

Offert pour le soixante-dixième anniversaire de l’abbé Bernard Lucien, Spiritu Ferventes est un riche volume de « mélanges » philosophiques et théologiques.

 

À quelques encablures à peine du Couvent Saint-Thomas-d’Aquin de Chéméré-le-Roi, maison mère des frères de la Fraternité Saint-Vincent-Ferrier, vit dans la paix d’une petite maison de village un théologien discret, dont la profonde connaissance de saint Thomas d’Aquin et la pénétration spéculative font pourtant l’un des maîtres de notre époque si pauvre dans le domaine de la pensée, quasi a-métaphysique.

Le sens d’une œuvre : orienter vers Dieu

Les frères de Chéméré-le-Roi ont pris occasion du soixante-dixième anniversaire de l’abbé Bernard Lucien pour préparer à son intention un beau volume de « Mélanges » intitulé Spiritu Ferventes : « fervents d’esprit »[1]Rm 12, 11 : « Soyez fervents d’esprit ; c’est le Seigneur que vous servez. ». L’ouvrage est à l’image de son dédicataire : effacé, discret, mais intellectuellement lumineux. Il n’est pas question ici de litanies laudatives à la gloire du maître et du professeur. Non, car ses disciples ont saisi que la finalité profonde de son enseignement n’est pas de les attirer à lui, mais de les orienter vers le vrai et vers Celui qui en est la source. Si l’on s’attend à trouver dans Spiritu Ferventes une biographie détaillée de l’abbé Lucien, on en sera pour ses frais : le volume, pas plus que cet article, n’est pas disert sur le parcours du maître. Pour en connaître les grandes lignes, mieux vaut se référer à la chronologie figurant à la fin du recueil (p. 571) ou à la courte notice biographique que lui consacre Yves Chiron à la fin de Histoire des traditionalistes.

En revanche, la grande richesse de Spiritu Ferventes est de faire entrer dans l’esprit d’un enseignement dont tout le propos est de faire connaître et aimer Dieu à travers la tradition de l’Église et sa doctrine magnifiquement synthétisée par saint Thomas d’Aquin. Comme l’Aquinate en son temps, l’abbé Lucien se place dans une attitude résolument traditionnelle : il s’agit de reconnaître humblement que nous ne sommes que « des nains juchés sur des épaules de géants ». L’enseignement ne prend pas son origine dans l’intellect du professeur mais s’abreuve dans le fleuve immense de la théologie classique de l’Église, dont la source n’est autre que la parole même du Christ. Les Saintes Écritures et les Pères sont ainsi lus, relus et appréciés, à travers l’éclairage du Docteur angélique.

Au jardin de l’être

En vrai disciple de l’Aquinate, l’abbé Lucien enracine sa théologie dans une assise philosophique solide et rigoureuse. L’esprit scientifique du maître transparaît dans la précision de sa présentation métaphysique. Les étudiants en sont parfois pour leur frais : on ne prétend pas connaître le Christ sans maîtriser les soubassements philosophiques de la formulation des dogmes de l’Incarnation et de la Rédemption. La promenade intellectuelle de l’abbé Lucien commence ainsi au « jardin de l’être », à l’école de celui qui fut son maître, et en raison de son esprit mathématique pénétrant un des plus grands métaphysiciens de son temps, le père Michel-Louis Guérard des Lauriers, o. p. La rigueur de raisonnement de l’abbé Lucien, ainsi que son intérêt pour les actualités scientifiques, toujours en lien avec leurs implications philosophiques, doit certainement à cette grande figure de l’épistémologie et du renouveau thomiste au XXe siècle.

La théologie est toujours spirituelle

« On peut prier – on doit prier – en faisant de la théologie » : il n’est pas d’étudiant de l’abbé Lucien qui n’ait encore en mémoire son inévitable introduction à chacune des années du cycle d’études théologiques. Plutôt que d’insister sur la nécessaire rigueur intellectuelle, ou sur la culture scripturaire et patristique requise, l’abbé exhorte invariablement ses disciples à faire de leur étude une nourriture pour leur contemplation. Il se situe une fois encore ainsi dans le sillon profondément creusé par l’Aquinate, le véritable maître, fidèle à l’adage dominicain : « contemplare et contemplata aliis tradere »[2]« contempler et transmettre aux autres les fruit de sa contemplation ».

Esprits fervents, nourris par la contemplation du mystère

Spiritu Ferventes est ainsi un magnifique recueil de textes qui manifestent la diversité et la richesse de l’héritage intellectuel de l’abbé Lucien. Loin de vouloir faire école – nous l’avons dit – il n’a eu pour ambition que d’orienter ses disciples vers le vrai, le beau, le bien, c’est à dire vers l’être – et l’Être dans son actualité suprême, qui est notre Dieu. Les thèmes abordés sont aussi variés que peuvent l’être les conversations à bâtons rompus avec le maître, ou les digressions – rapidement maîtrisées – de ses enseignements : sa curiosité intellectuelle y transparaît nettement, vaste, mais sans jamais perdre l’orientation vers l’objet essentiel de son étude : les réalités sacrées. La promenade que proposent les auteurs au « jardin » de l’abbé Lucien passe de la métaphysique aux choses de Dieu, abordant par exemple la question de la création, la contribution de saint Thomas à l’exégèse, sa théologie du Christ et de son sacrifice… C’est une vraie rencontre avec le discret jardinier que fait le lecteur de Spiritu Ferventes, car il est présent derrière la plume de chacun des auteurs, dans la richesse et la profondeur des réflexions développées, qui apporteront à chacun une nourriture spirituelle savoureuse et renouvelée. L’abbé Lucien n’a jamais voulu faire école, mais c’est l’école qui s’est nourrie de son enseignement qui lui rend hommage à travers ce beau volume que publient les frères de la Fraternité Saint-Vincent-Ferrier.

Pour mieux connaître le travail de l’abbé Lucien, on ouvrira avec beaucoup de profit les trois volumes d’introduction à la théologie et d’apologétique accessibles ci-dessous :

Qu’est ce que la théologie ?

Révélation et Tradition (Théologie fondamentale)

Apologétique

Références

Références
1 Rm 12, 11 : « Soyez fervents d’esprit ; c’est le Seigneur que vous servez. »
2 « contempler et transmettre aux autres les fruit de sa contemplation »
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