Le sacrifice une fois accompli, doit être partagé entre le prêtre et ceux qui offrent, participant ainsi à la victime.
Ces articles sont extraits d’une série plus large publiée par le père Emmanuel-Marie André, du Mesnil-Saint-Loup, dans le Bulletin de Notre-Dame de la Sainte Espérance (numéros de mars 1880 à février 1881).
Retrouvez ici tous les articles de la série (sept commentaires de la liturgie de la messe).
Communier au sacrifice expiatoire et pacifique
Rappelons-nous ce que nous avons dit des sacrifices des Juifs. Il y avait l’holocauste, qui était tout entier consumé en l’honneur de Dieu, le sacrifice pour le péché, dans lequel une portion de la victime était mangée par le prêtre, le sacrifice pacifique, dans lequel, outre les prêtres, ceux qui offraient le sacrifice participaient à la victime.
Or, notre sacrifice, dit saint Léon, réunit en lui-même toute la variété des anciens sacrifices. Il est tout ensemble holocauste, sacrifice pour le péché et sacrifice pacifique.
C’est un holocauste. Car Notre Seigneur s’y dévoue tout entier à son Père ; il fait monter vers lui, comme la fumée d’un holocauste, ses très pures et très parfaites adorations.
C’est un sacrifice pour le péché. Car Notre Seigneur s’y présente à Dieu comme une victime propitiatoire, qui a été chargée des péchés du peuple par l’imposition des mains.
Enfin, c’est un sacrifice pacifique. Et, à ce titre, Notre Seigneur s’y donne en aliment, non seulement aux prêtres, mais à tous les chrétiens, en gage de réconciliation et de paix.
Autrefois, un même sacrifice ne pouvait être tout ensemble expiatoire et pacifique. Les sacrifices pour le péché n’avaient pas le pouvoir d’effacer le péché ; ils exemptaient bien l’homme pécheur de subir la mort temporelle, mais ils ne le réconciliaient pas avec Dieu. Et comme la manducation de la victime est un signe de réconciliation, celui qui offrait une victime pour le péché s’abstenait d’y toucher ; car, en réalité, il n’était nullement réconcilié. Par la même raison, tandis que l’effusion du sang était le propre rite de l’expiation du péché, il était absolument interdit, sous peine d’anathème, de boire le sang des victimes ; car c’était un sang impur, impuissant à laver les souillures de l’âme.
Mais, depuis que Notre Seigneur s’est fait notre victime, tout est bien changé. Sa chair, immolée pour le péché, a réellement fait disparaître toute inimitié entre Dieu et l’homme ; aussi la mangeons-nous en gage de réconciliation. Son sang, versé pour le péché, a réellement effacé le péché, aussi le buvons-nous en signe de paix. Bien plus, sous peine d’anathème, nous devons manger cette chair et boire ce sang. « Si vous ne mangez pas ma chair, et si vous ne buvez pas mon sang, dit Notre Seigneur, vous n’aurez pas la vie en vous. » (Jn 6, 54)
Ceci nous fait comprendre comment le sacrifice de la croix demandait à être complété par le sacrifice de la messe. Dès lors que la victime du calvaire avait fait disparaître nos péchés, il fallait que nous puissions la manger en signe de notre réconciliation avec Dieu. Autrement, il aurait semblé qu’elle avait été impuissante à nous réconcilier, comme l’étaient les victimes légales pour le péché, qu’il n’était pas permis de manger.
Prières et cérémonies avant la communion
La partie du sacrifice qui se rapporte à la communion commence au Pater. Le chant du Pater a pour effet de réunir tous les cœurs dans les mêmes pensées et les mêmes désirs ; cette sublime prière contient, d’ailleurs, la demande expresse du pain quotidien ; or, c’est une maxime des saints, que Dieu veut que nous lui demandions ce qu’il veut nous donner.
La prière qui suit est un commentaire de la dernière demande du Pater : libera nos a malo. En la faisant, le prêtre prend la patène, la baise, la met sous l’hostie, puis rompt l’hostie elle-même en deux fragments, et laisse tomber une parcelle dans le calice. Il chante : la paix du Seigneur soit avec vous ! et dit l’Agnus Dei.
La cérémonie de la fraction de l’hostie est très intéressante à considérer. C’était autrefois la coutume de partager les victimes ; il le fallait bien, pour les manger. Mais cela se pratiquait même pour les victimes immolées en holocauste : elles étaient mises, pièce par pièce, sur l’autel qui servait de bûcher. En un mot, cette division des victimes était une suite du sacrifice accompli et comme un acheminement à leur totale consomption. Nous voyons, par le sacrifice d’Abraham raconté dans la Genèse (Gn 15, 9-13), qu’il y avait je ne sais quoi de mystérieux dans le partage des victimes ; car une flamme, symbole de Dieu même, passe tout à coup entre les corps divisés. Notre Seigneur accomplit dans la Cène ce rite des sacrifices ; il prit le pain, le rompit et dit : ceci est mon corps qui est rompu pour vous ! Le pain, ainsi rompu, représentait son corps brisé dans les tourments et percé pour nous.
Mais quelle est la signification de la parcelle qui est mêlée au précieux sang ? Cette réunion des deux portions intégrantes du sacrifice désigne l’unité de la victime sous les deux espèces. Autrefois, on exprimait cette unité en versant le vin du sacrifice sur la tête de la victime ; c’était un rite analogue.
Le chant de l’Agnus et les prières qui l’accompagnent ont pour objet de demander à Dieu l’inestimable bienfait de la paix. Comme la victime est essentiellement pacifique, elle ne veut habiter que dans des consciences pures et pacifiques. Le baiser de paix symbolise la paix qui doit régner dans les cœurs au moment solennel et touchant de la communion.
Communion du prêtre et des assistants
Le concile de Trente souhaite ardemment que tous les fidèles qui assistent à la messe y communient comme le prêtre lui-même. La communion, pour celui-ci, est de rigueur ; la communion des assistants, bien que souverainement désirable, est simplement facultative. Cherchons à pénétrer les raisons de tout cela.
Si le prêtre qui célèbre les saints mystères, doit communier, c’est pour de très graves motifs.
1°) Notre Seigneur, en célébrant la première messe, en instituant la sainte communion, a commencé par se communier lui-même.
2°) Dans le sacrifice de la messe, le prêtre, comme nous l’avons expliqué, doit s’identifier avec la victime : ce qui se réalise quand il communie.
3°) C’est une maxime du grand saint Denis, que quiconque est chargé de transmettre aux autres les dons célestes, doit en être lui-même rempli : pareil à un milieu diaphane qui, lumineux tout le premier, transmet la lumière. Le prêtre doit donc communier avant que de communier les fidèles.
4°) La consomption de l’hostie a pour effet de consommer le sacrifice. Un ancien évêque appelait l’eucharistie le renouvellement du corps, innovatio corporis. « Mais, dit Bossuet, ce corps nouvellement produit ne l’est que pour être consumé et pour perdre par ce moyen le nouvel être qu’il a reçu ; ce qui est un acte de victime (…). Surtout la consomption du sang présente à l’esprit une idée de sacrifice, parce qu’on offrait les liqueurs en les répandant, et que l’effusion en était le sacrifice. Ainsi le sang de Jésus-Christ, répandu en nous et sur nous en le buvant, est-il une effusion sacrée, et comme la consommation du sacrifice de cette immortelle liqueur. » C’est pour ce motif que le prêtre doit nécessairement communier sous les deux espèces ; sans cela le sacrifice ne serait pas consommé.
Après avoir parcouru les raisons qui demandent que le prêtre communie, nous comprendrons mieux pourquoi il est souverainement désirable que les assistants communient, eux aussi. En effet :
1°) Notre Seigneur, après s’être communié, a communié les apôtres, qui assistaient à la première et unique messe qu’il ait dite. Il convient donc que les assistants communient après le prêtre.
2°) Notre Seigneur est sur l’autel pour se donner, le prêtre est à l’autel pour le donner. La pierre même de l’autel semble crier : « Venez, mangez mon pain et buvez le vin que je vous ai préparé. » (Pr 9, 5)
3°) Tous les chrétiens doivent former avec Notre Seigneur une même oblation spirituelle par leur conformité de volonté avec la sienne ; dès lors, ils doivent se mettre en mesure de participer à l’oblation de son corps. Car c’est en communiant à son corps d’un cœur bien préparé, que nous communions à son esprit.
C’est donc le désir de Notre Seigneur et de son Église que tous les chrétiens fassent leur possible pour se disposer à communier dignement et fréquemment. Il n’est pas nécessaire, d’ailleurs, qu’ils communient sous les deux espèces. Il suffit que le prêtre communie de la sorte pour la consommation du sacrifice. En recevant la seule espèce du pain, les fidèles reçoivent autant que le prêtre, puisqu’ils reçoivent Jésus-Christ tout entier.
Retrouvez en un grand détail les gestes et paroles de cette partie de la messe avec la vidéo produite par la Fraternité Saint-Pierre pour l’apprentissage du rit traditionnel.