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Le sacrement : rendre visible la grâce invisible (le témoignage de foi 2/3)

Signe visible et efficace de la grâce, le sacrement rend accessible par la foi une réalité invisible. Puisque nous sommes corps et âme, Dieu nous rejoint par l’intermédiaire du créé et du sensible, et nous répondons à son amour fait chair, par la même voie, adhérant à lui dans la foi à travers des signes de la grâce, les sacrements, qui manifestent la foi de l’Eglise. 

Le sacrement : signe visible efficace de la grâce sanctifiante

Le sacrement est signe visible efficace de la grâce sanctifiante : Dieu vient toucher l’homme (la grâce efficace) par l’intermédiaire des réalités visibles (le signe visible). Le sacrement est donc un placard qui signale concrètement aux sens l’existence de l’invisible : la grâce. Mais plus qu’un panneau indicateur, il ajoute à l’aspect de notification une efficacité réelle : la position du geste et de la parole, matière et forme, réalise vraiment ce qui est signifié. Quand l’eau coule sur le front du catéchumène, alors que le prêtre prononce la formule trinitaire, la tâche originelle est lavée, l’homme retrouve l’amitié divine de la grâce, devient enfant de Dieu, frère du Christ et temple de l’Esprit-Saint. Quand le prêtre termine de répéter les paroles du Christ : Hoc est enim corpus meum[1]Car ceci est mon corps, la substance du pain disparaît pour être entièrement changée dans le corps du Christ tout entier.

Saint Thomas d’Aquin dit ainsi au sujet de la relation essentielle qu’il y a entre le sacrement et sa valeur de signification : « Aussi, puisque les choses sacrées que les sacrements doivent signifier sont des biens spirituels et intelligibles par lesquels l’homme se sanctifie, c’est au moyen de choses sensibles que la signification sacramentelle sera pleinement accomplie[2]Saint Thomas d’Aquin, Somme théologique, IIIa Pars, q. 60, a. 4, corpus..» Il écrit encore ailleurs : « De même que les anciens Pères ont été sauvés par la foi dans le Christ à venir, ainsi sommes-nous sauvés par la foi au Christ qui, maintenant, est né et a souffert. Les sacrements sont des signes professant cette foi qui justifie[3]Saint Thomas d’Aquin, Somme théologique, IIIa Pars, q. 61, a. 4, corpus.. »

Les rites juifs de l’Ancien Testament avaient ainsi une certaine valeur de « sacramental », figurant par un signe le Christ à venir et disposant tout homme qui les recevait avec une intention droite à la réception de la grâce sanctifiante. En revanche, contrairement aux sacrements, ils ne produisaient pas la grâce ex opere operato. Ce furent par exemple le serpent d’airain, la circoncision…

Saint Thomas ajoute donc dans le commentaire du Livre des Sentences : « Les sacrements correspondent à la foi : ils sont des protestations de celle-ci, et c’est d’elle qu’ils tiennent leur puissance[4]Saint Thomas d’Aquin, Commentaire du IVème livre des Sentences. D. I, q. 1, a. 2, sol.5.

Aux termes du Docteur Commun, un sacrement qui ne signifierait pas des réalités spirituelles et surnaturelles ne serait pas un sacrement, c’est à dire un signe sanctifiant, produisant de façon efficace la grâce habituelle. C’est ce que répète le concile de Trente : « Si quelqu’un dit que les sacrements de la loi nouvelle ne contiennent pas la grâce qu’ils signifient ou qu’ils ne confèrent pas cette grâce elle-même à ceux qui n’y mettent pas d’obstacle, comme s’ils n’étaient que les signes extérieurs de la grâce et de la justice reçus par la foi, et des marques de profession chrétienne par lesquelles les fidèles sont distingués des infidèles parmi les hommes : qu’il soit anathème[5]Concile de Trente, 7e session, 3 Mars 1547, décret sur les sacrements. (Cf : DS 1606).. »

L’abbé Franck Quoëx résume ainsi dans sa thèse[6]Extrait de la thèse de l’abbé Franck Quoëx : « Le rite et le royaume. Culte et histoire du salut selon Thomas d’Aquin », p180 la pensée de saint Thomas au sujet de la relation intime qu’il y a en tout sacrement entre signe de salut et sanctification effective, entre signe sacramentel et salut opéré par la passion du Christ.

En outre, précise notre Docteur, c’est en raison du même lien vital que l’on dit des sacrements qu’ils sont les sacrements de la foi, car signes de la foi en la passion du Christ, foi qui sauve et vivifie : ‘Par la foi, le Christ habite en nous’ dit l’Épître aux Éphésiens (Ep 2,17). C’est donc par la foi que nous entrons en communication avec la vertu du Christ. La vertu de remettre les péchés ressortit d’une façon spéciale à sa passion. Les hommes sont donc délivrés de leurs péchés spécialement par la foi à sa passion, selon l’Épître aux Romains (Rm 3,25): ‘Dieu l’a établi comme moyen de propitiation par la foi en son sang’. La vertu des sacrements, ordonnée à la destruction du péché vient donc surtout de la foi à la passion du Christ[7]Somme théologique, III, q 62, a5,ad 2. Voir aussi III, 64, 3..
 

On comprend alors pour quoi tous les rites sacramentels font référence explicitement par les signes, et souvent par les paroles qu’ils contiennent, à la croix du Christ, au mystère de l’incarnation rédemptrice.

Tout sacrement est par essence signe cultuel

Les sacrements sont doublement un signe, car ils sont non seulement signes efficaces de la sanctification opérée par la grâce sacramentelle ; mais ils sont aussi des signes cultuels. Réalité humaine par l’aspect de signe – de rite porteur d’un sens précisé par les gestes et les paroles posés, le sacrement est une réalité divine par l’efficacité que le signe reçoit par la grâce qui confère, en vertu des mérites de la passion du Christ. Signes extérieurement perceptibles d’une réalité divine, les sacrements manifestent la gloire divine d’une manière adaptée à notre nature humaine à la fois corporelle et spirituelle. Ils sont en outre des signes cultuels, portant une dimension profonde de prière et de manifestation de la foi. Ces rites ne sont en effet pas choisis au hasard : le symbolisme de l’eau du baptême correspond bien à la réalité de grâce reçue. L’eau purifie, rafraîchit, vivifie. Dans l’Écriture Sainte elle est tantôt signe de vie (l’eau vive qui abreuve le peuple au désert), tantôt de mort (les eaux de la mer, au travers desquelles est sauvé le peuple hébreu, où s’enfouit le prophète Jonas…).

L’abbé Quoëx peut ainsi dire que les sacrements sont : « simultanément signes de la sanctification et signes du culte. La sanctification et le culte sont rendus efficaces selon l’économie de la signification sacramentelle; seule la notion de signe permet leur connexion. Pour notre Docteur, les signes entrent à part entière dans la définition du culte de la loi nouvelle : le culte divin consiste en effet, dit-il, en “une protestation de foi par des signes extérieurs[8]Somme théologique, III, q63, a4, ad3. Le culte est exercé à l’aide de signes visibles, en premier lieu les signes sacramentels… En vue de la possession par les rachetés d’un trésor intérieur parfait, il y a élévation à l’ordre surnaturel de certains signes, symboles et gestes cultuels – élévation d’ailleurs en parfaite harmonie avec le rôle que doit jouer le culte extérieur par rapport aux actes intérieurs auxquels il est ordonné[9]Extrait de la thèse « Le rite et le royaume » de Franck Quoëx . »

Cela est particulièrement manifeste pour l’eucharistie, qui est un acte cultuel : inséparablement sacrifice et nourriture sanctifiante des baptisés. Cette double dimension cultuelle et sanctificatrice du sacrement est alors manifestement unie par la raison de signe. 

La messe, vrai sacrifice, sommet du culte, est réalisée par la double consécration – le prêtre séparant par les paroles le corps et le sang du Christ. C’est donc par ce double signe audible que la mort du Christ est actualisée et que la Trinité est glorifiée.  

Mais c’est aussi par le fait que l’eucharistie est un signe contenant la présence réelle du Christ, que celle-ci peut devenir nourriture des baptisés, sans pour autant en faire des cannibales.

Références

Références
1 Car ceci est mon corps
2 Saint Thomas d’Aquin, Somme théologique, IIIa Pars, q. 60, a. 4, corpus.
3 Saint Thomas d’Aquin, Somme théologique, IIIa Pars, q. 61, a. 4, corpus.
4 Saint Thomas d’Aquin, Commentaire du IVème livre des Sentences. D. I, q. 1, a. 2, sol.5.
5 Concile de Trente, 7e session, 3 Mars 1547, décret sur les sacrements. (Cf : DS 1606).
6 Extrait de la thèse de l’abbé Franck Quoëx : « Le rite et le royaume. Culte et histoire du salut selon Thomas d’Aquin », p180
7 Somme théologique, III, q 62, a5,ad 2. Voir aussi III, 64, 3.
8 Somme théologique, III, q63, a4, ad3
9 Extrait de la thèse « Le rite et le royaume » de Franck Quoëx
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