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Le devoir de témoigner (le témoignage de foi 1/3)

« Allez donc, enseignez toutes les nations, les baptisant au nom du Père, et du Fils et du Saint-Esprit, leur apprenant à garder tout ce que je vous ai commandé. » Les dernières paroles du Christ[1]Mt 28, 19 sont un envoi en mission qui fonde un véritable devoir de témoigner, affirmé et répété par l’Écriture et l’Église.
Retrouvez ici l’article suivant : le sacrement, rendre visible la grâce invisible (le témoignage de foi 2/3)

Le devoir de témoigner selon l’Écriture

Le chrétien doit manifester sa foi aux yeux de tous les hommes, tant par sa parole que par ses œuvres. C’est une exigence évangélique, souvent répétée par le Christ. On lit chez saint Matthieu[2]Mt 10, 32-33 : « Celui donc qui me confessera devant les hommes, moi aussi je le confesserai devant mon Père qui est dans les cieux; mais celui qui me reniera devant les hommes, moi aussi je le renierai devant mon Père qui est dans les cieux. » ; ou encore en saint Luc[3]Lc 9, 25-26 : « Quel profit en effet a l’homme qui a gagné le monde entier, mais qui s’est ruiné lui-même ou perdu? Celui qui aura eu honte de moi et de mes paroles, le Fils de l’homme aura honte de lui, lorsqu’il viendra dans sa gloire et celle du Père et des saints anges. »

L’Écriture rapporte que saint Paul défendit ce précepte divin en critiquant saint Pierre, pourtant le premier pape de l’histoire, au sujet de l’obligation imposée aux païens convertis de se soumettre aux coutumes rituelles du judaïsme (circoncision, interdits alimentaires…). C’est ce qu’il rapporte dans l’épître aux Galates[4]Gal 2, 11-15.

 Mais lorsque Céphas [Pierre] vint à Antioche, je lui résistai en face, parce qu’il était digne de blâme. En effet, avant l’arrivée de certaines gens de l’entourage de Jacques, il mangeait avec les païens ; mais après leur arrivée, il s’esquiva, et se tint à l’écart, par crainte des partisans de la circoncision. Avec lui, les autres Juifs usèrent aussi de dissimulation, en sorte que Barnabé lui-même s’y laissa entraîner. Pour moi, voyant qu’ils ne marchaient pas droit selon la vérité de l’Évangile, je dis à Céphas en présence de tous : ” Si toi qui es Juif, tu vis à la manière des Gentils et non à la manière des Juifs, comment peux-tu forcer les Gentils à judaïser? ” Pour nous, nous sommes Juifs de naissance, et non pécheurs d’entre les Gentils.

            Tout vrai catholique doit ainsi rendre témoignage du Christ, d’abord et surtout par sa vie même, vécue en « esprit et en vérité », c’est à dire en conformité avec la foi. Cette dernière doit en toute circonstance animer de façon prochaine ou éloignée ses œuvres. Ce devoir du témoignage de la foi concerne tous « les hommes de bonne volonté. » Sans cela, les formes plus particulières de ce témoignage (prédication, apostolat, mission) risquent fort d’être vaines, et de manquer de crédibilité aux yeux des hommes :

« Qu’ainsi votre lumière brille devant les hommes, afin que, voyant vos bonnes œuvres, ils glorifient votre Père qui est dans les cieux[5]Mt 5, 16

Le devoir de témoigner dans le droit de l’Église

Le Code de Droit Canonique ne fait que rappeler ce précepte divin du témoignage de foi, en en précisant et explicitant les modalités pour les baptisés… :

Code de 1917, can. 1325 : « 1. Les fidèles du Christ sont tenus de professer ouvertement leur foi dans toutes les circonstances où leur silence, leurs hésitations ou leur attitude signifierait une négation implicite de la foi, un mépris de la religion, une injure à Dieu ou un scandale pour le prochain. »

Le témoignage de foi est inhérent à la vie de foi. Le droit canon ancien allait donc jusqu’à affirmer que le silence, c’est-à-dire le fait de ne pas témoigner, peut constituer un reniement de la foi.

Code de 1983, can. 212 : « § 1. Les fidèles conscients de leur propre responsabilité sont tenus d’adhérer par obéissance chrétienne à ce que les Pasteurs sacrés, comme représentants du Christ, déclarent en tant que maîtres de la foi ou décident en tant que chefs de l’Église.
       § 2. Les fidèles ont la liberté de faire connaître aux Pasteurs de l’Église leurs besoins surtout spirituels, ainsi que leurs souhaits.
       § 3. Selon le savoir, la compétence et le prestige dont ils jouissent, ils ont le droit et même parfois le devoir de donner aux Pasteurs sacrés leur opinion sur ce qui touche le bien de l’Église et de la faire connaître aux autres fidèles, restant sauves l’intégrité de la foi et des mœurs et la révérence due aux pasteurs, et en tenant compte de l’utilité commune et de la dignité des personnes.[6]Ce §3 est repris par le Catéchisme de l’Église Catholique au n°907. »

Dans le magistère actuel

Le rappel du devoir que tous les catholiques ont d’affirmer leur foi est rappelé dans les actes du magistère récent. C’est notamment le cas des lettres destinées aux pasteurs: évêques et prêtres.

La constitution dogmatique Lumen Gentium de Vatican II, sur l’Église affirme (§4) : « Comme tous les chrétiens, les laïcs ont droit de recevoir en abondance des pasteurs sacrés les ressources qui viennent des trésors spirituels de l’Église, en particulier les secours de la parole de Dieu et des sacrements ; qu’ils s’ouvrent à ces mêmes pasteurs de leurs besoins et de leurs vœux avec toute la liberté et la confiance qui conviennent à des fils de Dieu et à des frères dans le Christ. Dans la mesure de leurs connaissances, de leurs compétences et de leur rang, ils ont la faculté et même parfois le devoir de manifester leur sentiment en ce qui concerne le bien de l’Église(…) »

De façon plus générale, Jean-Paul II exhorte tous les catholiques à protester publiquement de leur foi et à dénoncer ce qui s’y oppose.

La participation à l’office prophétique du Christ “qui proclame, par le témoignage de sa vie et la vertu de sa parole, le royaume du Père”, habilite et engage les fidèles laïcs à recevoir l’Évangile dans la foi, et à l’annoncer par la parole et par les actes, sans hésiter à dénoncer courageusement le mal. Unis au Christ, “le grand prophète[7]Lc 7, 16”, et constitués dans l’Esprit “témoins” du Christ ressuscité, les fidèles laïcs sont rendus participants autant au sens de la foi surnaturelle de l’Église qui “ne peut se tromper dans la foi” qu’à la grâce de la parole[8]cf. Ac 2, 17-18; Ap 19, 10; ils sont au surplus appelés à faire briller la nouveauté et la force de l’Évangile dans leur vie quotidienne, familiale et sociale, comme aussi à exprimer, avec patience et courage, dans les difficultés de l’époque présente leur espérance de la gloire “même à travers les structures de la vie du siècle[9]Jean-Paul II, Exhortation apostolique post-synodale Christifideles laici sur la vocation et la mission des laïcs dans l’Église et dans le monde, 30 décembre 1988, §14”. »

Le devoir des catholiques en tant que confirmés

Saint Thomas établit un lien entre la confirmation et le témoignage de la foi.

Comme nous l’avons dit, le caractère est une puissance spirituelle ordonnée à certains actes sacrés. (…) Aussi le sacrement donne-t-il à l’homme le pouvoir d’accomplir certaines actions sacrées autres que celles dont le baptême lui donne le pouvoir. Dans le baptême, il reçoit le pouvoir de faire ce qui concerne son salut personnel, en tant qu’il vit pour lui-même ; mais dans la confirmation, il reçoit le pouvoir de faire ce qui concerne la lutte spirituelle contre les ennemis de la foi. On le voit par l’exemple des Apôtres qui, avant de recevoir la plénitude du Saint-Esprit, étaient au cénacle, “persévérant dans la prière[10]Ac 1,13” ; mais ensuite ils en sortirent, et ne craignirent pas de confesser publiquement leur foi, même devant les ennemis de la foi chrétienne[11]Saint Thomas d’Aquin, Somme théologique, IIIa Pars, q. 72, a. 5. (…) 

            Il ne s’agit pas d’une vue personnelle de l’Angélique, car ces deux aspects de bon combat et de témoignage du sacrement de confirmation sont bien intégrés et signifiés dans le rite liturgique, par le signe de croix fait sur le front au moment de la chrismation.

Comme nous l’avons dit, dans ce sacrement l’homme reçoit l’Esprit Saint pour être fort dans le combat spirituel, et confesser courageusement la foi du Christ même au milieu des adversaires de la foi. Aussi convient-il qu’il soit marqué avec le chrême du signe de la croix sur le front, et cela pour deux raisons.

D’abord parce qu’il est marqué du signe de la croix comme le soldat est marqué du signe de son chef, signe qui doit être apparent et visible. Or, de toutes les parties du corps humain, c’est certainement le front qui est le plus visible, puisqu’il n’est presque jamais couvert. Ainsi le confirmé reçoit l’onction de chrême sur le front, pour manifester ouvertement qu’il est chrétien, comme les Apôtres, qui d’abord cachés au cénacle, se montrèrent publiquement après avoir reçu le Saint-Esprit.

En second lieu, parce qu’il y a deux choses qui empêchent l’homme de confesser librement le nom du Christ, la crainte et la honte. Or l’une et l’autre se manifestent particulièrement sur le front, à cause du voisinage de l’imagination, et parce que les esprits animaux montent directement du cœur au front ; de là vient que “les honteux rougissent et que les peureux pâlissent”, dit Aristote. Aussi le confirmé est-il marqué du chrême sur le front, pour que ni la crainte ni la honte ne l’empêchent de confesser le nom du Christ[12]Saint Thomas d’Aquin, Somme théologique, IIIa Pars, q. 72, a. 9.

Le caractère donné par la confirmation est donc une députation publique et un pouvoir de professer et de défendre avec force et courage les choses sacrées, spécialement la foi, et cela ex officio – en vertu d’une mission conférée par l’Église. Le baptisé est constitué par la confirmation « soldat du Christ ». Il y a ainsi une députation officielle et sacramentelle, ineffaçable, un droit et un devoir inaliénable que tous les baptisés reçoivent, par le caractère imprimé en leur âme lors de leur confirmation, de professer et de défendre publiquement leur foi et s’il le faut jusqu’au martyr : « Tous les sacrements sont des protestations de foi. Par conséquent, si le baptisé reçoit le pouvoir spirituel de protester sa foi en recevant les autres sacrements, le confirmé reçoit le pouvoir de confesser la foi du Christ publiquement, et comme en vertu de sa charge[13]Saint Thomas d’Aquin, Somme théologique, IIIa Pars, q. 72, a. 5 ad2.. »

Le témoignage courageux de la foi est donc un véritable acte de culte envers Dieu, et c’est pourquoi le caractère de la confirmation est aussi une participation du sacerdoce du Christ.

Références

Références
1 Mt 28, 19
2 Mt 10, 32-33
3 Lc 9, 25-26
4 Gal 2, 11-15
5 Mt 5, 16
6 Ce §3 est repris par le Catéchisme de l’Église Catholique au n°907.
7 Lc 7, 16
8 cf. Ac 2, 17-18; Ap 19, 10
9 Jean-Paul II, Exhortation apostolique post-synodale Christifideles laici sur la vocation et la mission des laïcs dans l’Église et dans le monde, 30 décembre 1988, §14
10 Ac 1,13
11 Saint Thomas d’Aquin, Somme théologique, IIIa Pars, q. 72, a. 5
12 Saint Thomas d’Aquin, Somme théologique, IIIa Pars, q. 72, a. 9.
13 Saint Thomas d’Aquin, Somme théologique, IIIa Pars, q. 72, a. 5 ad2.
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