L’actualité ecclésiale récente fait régulièrement écho du « synode ». Profitons-en pour rappeler ce qu’est le synode d’après le droit actuel de l’Église.
Une réunion d’évêques autour du pape
Le mot « synode » vient du grec sun-hodos, « réunion délibérative » ; il « désigne une assemblée de représentants légitimes et compétents de l’Église visant à réaliser l’unité ecclésiale par des résolutions en matière théologique, disciplinaire et juridique »[1]Beinert Wolfgang, Synode, dans Lacoste Jean-Yves (dir.), Dictionnaire critique de théologie, Paris, Quadrige-PUF, 2007, p. 1365-1366.. « Le Synode des évêques, créé par le pape Paul VI au moment du Concile Vatican II, permet de rassembler à Rome des évêques choisis pour étudier des questions que le pape lui soumet et dont le résultat deviendra la matière d’un texte publié ensuite par le pape lui-même au titre de son autorité personnelle »[2]Mgr Valdrini Patrick, Les différentes autorités dans l’Église (9 mai 2018), en ligne : … Continue reading.
Le Synode des évêques est ainsi une des manières pour les évêques d’assister le Pape dans l’exercice de sa charge[3]Cf. Code de droit canonique (CIC), canon (c.) 334. Le Code de droit canonique est accessible en ligne sur https://www.droitcanonique.fr/codes/cic-1983-1 (consulté le 3 octobre 2023).. Il vise à favoriser l’étroite union entre le Souverain Pontife et les évêques, et à conseiller ce dernier « pour le maintien et le progrès de la foi et des mœurs, pour conserver et affermir la discipline ecclésiastique, et aussi afin d’étudier les questions concernant l’action de l’Église dans le monde »[4]CIC, c. 342.. Ainsi un commentateur observe que « le Synode des évêques n’est pas une modalité d’exercice de la collégialité dans le gouvernement de l’Église, mais un mode de collaboration avec le Pontife romain dans sa fonction primatiale (…) »[5]Commentaire du c. 342 par Gutiérrez José Luis, dans Code de droit canonique bilingue et annoté, Caparros E. et Aubé H. (dir), Québec, Wilson & Lafleur, 2007, p. 320.. Autrement dit, il ne s’agit pas d’un acte d’autorité exercé conjointement par le Pape et les évêques (comme le serait un concile œcuménique par exemple).
Un organe consultatif, qui peut amener le magistère à s’exprimer
Le Synode des évêques a une fonction essentiellement consultative, il ne peut que donner son avis ou exprimer des souhaits au sujet des questions traitées ; c’est au Pape ensuite de se servir du travail du Synode, soit pour écrire de futurs documents, soit en décrétant la publication des textes synodaux[6]Cf. idem, p. 321.. Mais le Pape peut lui donner un pouvoir délibératif, sachant qu’ultimement il doit ratifier les décisions du Synode (elles n’obligent pas par elles-mêmes)[7]Cf. CIC, c. 343..
Dans la constitution apostolique Episcopalis communio, il est précisé que « [si le Document final de l’Assemblée synodale] est approuvé expressément par le Pontife Romain, le Document final participe du Magistère ordinaire du Successeur de Pierre »[8]Cf. François, constitution apostolique Episcopalis communio (15 septembre 2018), article 18, §1, en ligne : … Continue reading, et doit donc être reçu avec l’assentiment requis face à tout exercice du Magistère ordinaire[9]Sans entrer dans les détails, rappelons que l’exercice du Magistère ordinaire n’implique pas nécessairement l’infaillibilité. Pour plus d’informations sur ces notions, nous renvoyons à … Continue reading.
L’organisation du synode
Il appartient au Souverain Pontife[10]Cf. CIC, c. 344. : de convoquer le Synode et d’en désigner le lieu, de ratifier les choix des membres à élire, d’en désigner et d’en nommer d’autres, de décider de la matière des questions à traiter, de préciser l’ordre du jour, de présider le Synode lui-même ou par d’autres, de le conclure, le transférer, le suspendre ou le dissoudre.
Un Synode est réuni en assemblée générale ou en assemblée spéciale.
– L’« assemblée générale [est réunie] pour traiter des questions concernant directement le bien de l’Église tout entière »[11]CIC., c. 345.. Cette assemblée générale est soit ordinaire (celle réunie habituellement tous les trois ans), ou extraordinaire – quand elle est réunie pour « traiter d’affaires qui demandent une décision rapide »[12]CIC, c. 346, §2..
– L’« assemblée spéciale [est réunie] pour étudier les affaires concernant directement une ou plusieurs régions déterminées [13]Cf. CIC, c. 345..
Les membres du Synode des évêques prévus par le droit sont[14]CIC, c. 346. : des évêques élus par les différentes Conférences des évêques, des membres désignés par le droit particulier du Synode[15]Que l’on trouve dans le motu proprio de Paul vi Apostolica sollicitudo du 15 septembre 1965 (instituant le Synode des évêques). Accessible en ligne sur : … Continue reading, d’autres nommés par le Pape, et enfin des membres d’instituts religieux cléricaux. Il faut noter que depuis la constitution apostolique Episcopalis communio, il est possible que des personnes non-évêques puissent être appelées à l’assemblée du Synode, « leur rôle étant, à chaque fois, déterminé par le Pontife Romain »[16]« Selon le thème et les circonstances, d’autres personnes, qui ne sont pas revêtues du munus épiscopal, peuvent être appelées à l’Assemblée du Synode, leur rôle étant, à chaque … Continue reading.
Le Synode possède un secrétariat général permanent, avec un Secrétaire général (nommé par le Pape pour une durée indéterminée), et un conseil de secrétariat, dont la charge prend fin au début d’une nouvelle assemblée générale. Le Pape nomme également un ou deux secrétaires spécialisés dans la matière traitée par le Synode[17]CIC, c. 348 ; cf. commentaire par Gutiérrez José Luis [cf. note 5], p. 326-327..
Notons en passant que le Synode comprend aussi une commission formée par le Pape, et constituée de trois pères synodaux, « qui examine les plaintes éventuelles et les soumet au Souverain Pontife [18]Cf. commentaire par Gutiérrez José Luis [cf. note 5], p. 327..
Une fois que le Souverain Pontife déclare la clôture du Synode, la charge confiée aux Évêques et aux autres membres prend fin[19]CIC, c. 347, §1.. Si le Siège Apostolique devient vacant après la convocation du Synode ou pendant qu’il a lieu, son assemblée et les charges confiées à ses membres sont suspendues de plein droit, jusqu’à ce que le nouveau Pape décide de continuer ou de dissoudre l’assemblée synodale[20]CIC, c. 347, §2..
Le synode : au service du pape dans sa charge de pasteur et docteur, gardien du dépôt de la foi
Rappelons en guise de conclusion la tâche essentielle du Synode, qui est d’assister le Souverain Pontife dans l’exercice de sa charge. Et quelle est cette charge ? Maintenir les évêques et le reste du peuple de Dieu dans l’unité de la foi et de la communion[21]Cf. Vatican I, Pastor aeternus, DS 3051., garder saintement et exposer fidèlement « la Révélation transmise par les apôtres, c’est-à-dire le dépôt de la foi »[22]Cf. idem, DS 3070. « Le Pontife Romain est soumis – comme tous les fidèles – à la Parole de Dieu, à la foi catholique, et il est le garant de l’obéissance de l’Église ; et, … Continue reading.
Références[+]
↑1 | Beinert Wolfgang, Synode, dans Lacoste Jean-Yves (dir.), Dictionnaire critique de théologie, Paris, Quadrige-PUF, 2007, p. 1365-1366. |
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↑2 | Mgr Valdrini Patrick, Les différentes autorités dans l’Église (9 mai 2018), en ligne : https://www.droitcanonique.fr/blog/thematiques-approfondies-3/post/les-differentes-autorites-dans-leglise-6 (consulté le 3 octobre 2023). |
↑3 | Cf. Code de droit canonique (CIC), canon (c.) 334. Le Code de droit canonique est accessible en ligne sur https://www.droitcanonique.fr/codes/cic-1983-1 (consulté le 3 octobre 2023). |
↑4 | CIC, c. 342. |
↑5 | Commentaire du c. 342 par Gutiérrez José Luis, dans Code de droit canonique bilingue et annoté, Caparros E. et Aubé H. (dir), Québec, Wilson & Lafleur, 2007, p. 320. |
↑6 | Cf. idem, p. 321. |
↑7 | Cf. CIC, c. 343. |
↑8 | Cf. François, constitution apostolique Episcopalis communio (15 septembre 2018), article 18, §1, en ligne : https://www.vatican.va/content/francesco/fr/apost_constitutions/documents/papa-francesco_costituzione-ap_20180915_episcopalis-communio.html (consulté le 3 octobre 2023). Il en est de même, dans le cas où le Synode aurait reçu un pouvoir délibératif, si le Pape ratifie ou promulgue le Document final (cf. §2). |
↑9 | Sans entrer dans les détails, rappelons que l’exercice du Magistère ordinaire n’implique pas nécessairement l’infaillibilité. Pour plus d’informations sur ces notions, nous renvoyons à l’article publié sur Claves par l’abbé Bernard Lucien, Les degrés d’autorité du Magistère. Distinguer pour mieux recevoir (14 mars 2022), en ligne : https://claves.org/les-degres-dautorite-du-magistere/ (consulté le 3 octobre 2023). |
↑10 | Cf. CIC, c. 344. |
↑11 | CIC., c. 345. |
↑12 | CIC, c. 346, §2. |
↑13 | Cf. CIC, c. 345. |
↑14 | CIC, c. 346. |
↑15 | Que l’on trouve dans le motu proprio de Paul vi Apostolica sollicitudo du 15 septembre 1965 (instituant le Synode des évêques). Accessible en ligne sur : https://www.vatican.va/content/paul-vi/fr/motu_proprio/documents/hf_p-vi_motu-proprio_19650915_apostolica-sollicitudo.html (consulté le 3 octobre 2023). |
↑16 | « Selon le thème et les circonstances, d’autres personnes, qui ne sont pas revêtues du munus épiscopal, peuvent être appelées à l’Assemblée du Synode, leur rôle étant, à chaque fois, déterminé par le Pontife Romain ». Cf. François, constitution apostolique Episcopalis communio, article 2, §2. |
↑17 | CIC, c. 348 ; cf. commentaire par Gutiérrez José Luis [cf. note 5], p. 326-327. |
↑18 | Cf. commentaire par Gutiérrez José Luis [cf. note 5], p. 327. |
↑19 | CIC, c. 347, §1. |
↑20 | CIC, c. 347, §2. |
↑21 | Cf. Vatican I, Pastor aeternus, DS 3051. |
↑22 | Cf. idem, DS 3070. « Le Pontife Romain est soumis – comme tous les fidèles – à la Parole de Dieu, à la foi catholique, et il est le garant de l’obéissance de l’Église ; et, en ce sens, il est servus servorum. Il ne décide pas selon son bon plaisir, mais il exprime la volonté du Seigneur qui parle à l’homme dans l’Écriture vécue et interprétée par la Tradition. En d’autres termes, «l’episkopè» du Primat a des limites qui viennent de la loi divine et de la constitution divine inviolable de l’Église, telle qu’elle est contenue dans la Révélation », cf. Congrégation pour la Doctrine de la foi, La primauté du successeur de Pierre dans le mystère de l’Église, en ligne : https://www.vatican.va/roman_curia/congregations/cfaith/documents/rc_con_cfaith_doc_19981031_primato-successore-pietro_fr.html.#:~:text=Le%20successeur%20de%20Pierre%20est,de%20t%C3%A9moignage)%20de%20sa%20primaut%C3%A9. (consulté le 3 octobre 2023). |