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Qu’est-ce qu’un ange ?

Qu’est-ce qu’un ange ? Ce que nous dit la philosophie

Selon saint Thomas d’Aquin, si la philosophie ne peut pas strictement démontrer l’existence des anges, elle peut néanmoins apporter des éclairages sur leur être.

Les anges sont de purs esprits : or le principe d’individuation des êtres – ce qui différencie les individus au sein d’une même espèce – est la matière (dans le schéma aristotélico-thomiste de la constitution du réel créé, tout être est constitué de deux principes distincts mais indissolublement unis : la forme ou essence – ce qui définit l’étant et le fait être ce qu’il est – et la matière – ce qui le rend unique parmi tous les individus partageant la même essence). Donc, puisque les anges n’ont pas de matière, ils ne peuvent être individués au sein d’une même espèce. Il faut donc dire que chaque ange est un être unique au sein de son espèce. Chaque ange est son espèce[1]Somme théologique, Ia Pars, q. 50, a. 4, voir aussi Ia Pars, q. 75, a. 7.. Pour saint Thomas d’Aquin, cette multiplicité et diversité immense des anges (bien plus divers que les hommes, qui partagent tous la même essence), constitue une hiérarchie d’esprits qui reflète la gloire et la beauté inépuisables de Dieu.

À partir de là on peut ajouter quelques déductions supplémentaires.

– Purs esprits, les anges sont exclusivement intelligence et volonté : leur être et leur opération sont entièrement immatériels. La connaissance angélique ne passe pas comme la nôtre par l’intermédiaire d’un corps, mais par l’impression directe en son esprit d’idées infusées par Dieu, que les anges peuvent se communiquer selon une hiérarchie de perfection dont nous reparlerons. L’ange n’a cependant la connaissance de Dieu, mais seulement ce qu’il veut bien lui partager : il ne connaît donc pas l’avenir, ni les secrets des cœurs, il ne connaît les mystères de la grâce que par Révélation divine.

– Puisque les anges n’ont pas de corps, et qu’ils sont uniques dans leur espèce propre, il n’y a pas de mécanisme de génération ou de reproduction dans le monde angélique : l’unique essence de chaque ange est dans un état de complétude et d’individualité qui n’inclut pas la possibilité de se communiquer.

– Puisque les anges sont purement spirituels, ils ne sont pas soumis à la corruption qui est le lot commun des êtres matériels. Ils ne peuvent être dits éternels, puisqu’ils sont des êtres créés, mais sont immortels et vivant un temps à la dimension bien différente du notre. En effet le temps se définit comme la mesure du mouvement, or le mouvement des anges n’est pas lié à la matière mais purement spirituel. Chaque action représente donc un instant de ce temps qui n’est pas continu mais discret : il y autant d’instants angéliques que d’opération diverses et successives, et un instant de l’ange peut correspondre à plusieurs instants de notre temps.

Le péché, la grâce et la gloire des anges

Nous en arrivons à la délicate question du salut des anges. Comme toute créature, l’ange est par sa nature peccable : il n’est pas à lui-même sa propre loi, et doit se régler sur Dieu.

Les théologiens ont débattu sur le fait de savoir si l’ange aurait pu pécher dans l’hypothèse où Dieu l’aurait laissé dans l’ordre naturel, sans l’appeler à la grâce. L’ange connaît naturellement Dieu et prend nécessairement conscience qu’il reçoit de lui son être : il doit cependant reconnaître volontairement cette condition de créature et faire le choix libre d’aimer Dieu par-dessus tout, y compris par-dessus sa propre excellence.

Quoiqu’il en soit, les anges ont été créés dans un état de perfection subordonnée à Dieu, qui les appelait par la grâce à la béatitude surnaturelle. Comme pour les premiers hommes, on peut dire que les anges ont été créés dans la grâce sanctifiante[2]Concile de Trente, Session VI, can. 1.. Cependant cette création en grâce n’était pas encore la béatitude surnaturelle, qui devait être méritée avec l’aide de la grâce, par un premier acte de charité parfait, libre et méritoire. Une fois atteinte, cette béatitude ne peut plus être perdue, elle est inamissible car la volonté de l’ange, liée à sa connaissance, est dotée d’une perfection telle qu’elle ne peut se dédire ou revenir sur elle-même.

Comment alors expliquer que certains anges aient pu pécher ? La perfection de l’intelligence angélique exclut toute possibilité d’erreur sur la bonté réelle des choses, considérées individuellement, mais l’ange demeure capable de ne pas considérer volontairement un bien supérieur à son bien propre, et de préférer sa propre excellence à la juste reconnaissance de la loi divine : l’ange aime mieux se tromper – sciemment – que de considérer l’ordre divin et de s’y inclure. Il s’agit d’un amour de soi qui exclut volontairement la relation à Dieu : on peut donc dire que ce péché est un péché d’orgueil, par complaisance dans sa propre excellence, comme si elle n’était pas reçue de Dieu.

Pour certains ce péché a consisté en propre dans le rejet d’une béatitude surnaturelle reçue de Dieu : les anges déchus ont préféré demeurer dans leur statut naturel, qu’ils considéraient comme leur appartenant en propre, plutôt que d’entrer dans la béatitude donnée par Dieu et reçue comme telle.

Pour d’autres ce péché concerne en propre le mystère de l’Incarnation et de l’union hypostatique (l’union dans la personne du Christ des deux natures humain et divine) : les anges auraient eu une connaissance surnaturelle de ce mystère, par révélation, et certains auraient refusé le dessein divin qui impliquait pour eux la nécessité de reconnaître pour leur roi une personne assumant une nature inférieure (et que dire de Marie, proclamée reine des anges aux côtés de Jésus).

La perfection de la connaissance et de la volonté angélique est la cause du malheur éternel des anges déchus : elle les rend inflexibles dans leurs choix, si purement délibérés qu’ils ne peuvent être rétractés – lorsque l’ange adhère librement à une fin déterminée, il se trouve purement immobile dans cette décision. La peine des anges damnés consiste principalement, comme pour les âmes humaines, dans la séparation de Dieu et le désespoir qui en provient, ainsi que dans leur attachement à l’Enfer, un lieu de rébellion de Dieu et de l’amour, et par conséquent de haine et de souffrance.

Références

Références
1 Somme théologique, Ia Pars, q. 50, a. 4, voir aussi Ia Pars, q. 75, a. 7.
2 Concile de Trente, Session VI, can. 1.
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