Chemin de carême avec Claves.org : troisième dimanche du carême
« En ce temps-là, Jésus chassait un démon, et ce démon était muet. Et lorsqu’il eut chassé le démon, le muet parla, et les foules furent dans l’admiration. Mais quelques-uns d’entre eux dirent : C’est par Béelzébub, prince des démons, qu’il chasse les démons. Et d’autres, pour le tenter, lui demandaient un signe qui vînt du ciel. Mais lui, ayant vu leurs pensées, leur dit : Tout royaume divisé contre lui-même sera dévasté, et la maison tombera sur la maison. Si donc Satan est aussi divisé contre lui-même, comment son règne subsistera-t-il ? Car vous dites que c’est par Béelzébub que je chasse les démons. Or si c’est par Béelzébub que je chasse les démons, par qui vos fils les chassent-ils ? C’est pourquoi ils seront eux-mêmes vos juges. Mais si c’est par le doigt de Dieu que je chasse les démons, assurément le royaume de Dieu est arrivé jusqu’à vous. Lorsque l’homme fort, armé, garde sa maison, ce qu’il possède est en paix. Mais si un plus fort que lui survient et triomphe de lui, il emportera toutes ses armes, dans lesquelles il se confiait, et il distribuera ses dépouilles. Celui qui n’est point avec moi est contre moi, et celui qui ne recueille pas avec moi dissipe ». (Lc 11, 14-23)
Dans cet Évangile le Christ chasse un démon muet. Cet épisode nous rappelle ô combien sont nuisibles le diable et ses artifices qui corrompent notre nature humaine et la détournent de l’ordre établi par Dieu.
Par le péché en effet, l’homme préfère les créatures au Créateur, les biens qui passent, au Bien Éternel. Il se renferme et se coupe alors de la source de toute lumière, celle qui devrait lui indiquer la marche à suivre, et lui découvrir le Bien à aimer. « Et moi, je suis comme un sourd, je n’entends pas : je suis comme un muet, qui n’ouvre pas la bouche » (Ps 38, 13).
Le démon muet, c’est la manifestation de l’humanité captive du péché, empêtrée dans son idolâtrie. À Zacharie qui refuse de croire dans les paroles de l’ange et qui préfère suivre ses voies humaines, il lui est dit : « et voici, tu seras muet » (Lc 1,20).
Selon les desseins divins, la bouche devrait normalement être utilisée pour parler du trop plein du cœur. Dieu l’a voulue pour l’action de grâces, la louange, le témoignage de la foi. C’est en tout cas ce à quoi nous exhortent les psaumes : « que mon cœur te chante et ne soit pas muet. Éternel, mon Dieu ! Je te louerai toujours ! » (Ps 30, 13)
L’homme délivré de l’Évangile, le pécheur que je suis, devrait savoir dire merci, chanter son amour au bon Dieu, être dans la reconnaissance et la gratitude pour tous les bienfaits reçus, mais « je suis resté muet dans le silence ; je me suis tu, quoique malheureux ; et ma douleur n’est pas moins vive » (Ps 39, 3).
Heureusement Jésus vient me délivrer et me rendre toute ma beauté. « Alors le boiteux sautera comme un cerf, et la langue du muet éclatera en joie » (Is 35, 6). C’est tout le mystère de l’Incarnation. Dieu vient nous toucher et nous ouvrir à la vie de la grâce. Par les sacrements, qui sont ses gestes continués dans le temps, Il me redit : « Ephpheta » ! ouvre-toi ! Privé de tes sens, éveille-toi ! Toi qui dors, engourdi par le péché, ne sois plus une idole mais un fils de Dieu.
Alors que commence cette troisième semaine de carême, nous pouvons nous demander quel usage nous faisons de notre bouche ? Parlons-nous trop, dans le secret espoir de nous mettre sous les feux des projecteurs ; pas assez et sombrons-nous dans la lâcheté en taisant la vérité ? Devant le défaut trop scandaleusement apparent du prochain, suis-je de ceux qui condamnent, qui rapportent, qui comparent, qui rabaissent ? Ou bien suis-je animé d’une grande charité qui me fait poser sur la fragilité humaine le regard même que Dieu poserait ? Le trop plein de mon cœur se déverse-t-il en venin ou en fiel, ou alors se traduit-il dans un chant mélodieux qui racontent les merveilles de Dieu ?
Comme le prêtre à la messe, avant de proclamer la Bonne Nouvelle de l’Évangile, lorsque que nous risquons de sombrer en bavardage, critiques et autres babillages, redisons : « Purifiez mon cœur et mes lèvres, Dieu tout puissant qui avez purifié les lèvres du prophète Isaïe avec un charbon ardent » ou encore comme au tout début de l’office qui ouvre une nouvelle journée sous le regard de Dieu, faisons un signe de croix sur la bouche en disant : « Seigneur ouvrez mes lèvres, et que ma bouche annonce votre louange ! »