
Chemin de carême avec Claves.org : mardi de la troisième semaine de carême
« En ces jours-là, une femme cria vers le prophète Élisée, en disant : Mon mari, votre serviteur est mort, et vous savez que votre serviteur craignait le Seigneur ; et maintenant son créancier vient pour prendre mes deux fils, et en faire ses esclaves. Élisée lui dit : Que voulez-vous que je fasse ? Dites-moi, qu’avez-vous dans votre maison ? Elle répondit : Votre servante n’a dans sa maison qu’un peu d’huile pour s’en oindre. Élisée lui dit : Allez emprunter de vos voisins un grand nombre de vases vides ; puis rentrez chez vous et fermez la porte sur vous. Et vous tenant au dedans, vous et vos fils, versez de l’huile dans tous ces vases, et quand Ils seront pleins, vous les enlèverez. Cette femme alla donc ; elle ferma la porte sur elle et sur ses enfants ; ses enfants lui présentaient les vases, et elle y versait de l’huile. Et lorsque les vases furent remplis, elle dit à son fils : Apportez-moi encore un vase. Il lui répondit : Je n’en ai plus. Et l’huile s’arrêta. » (2R 4, 1-7)
Les textes de la messe de ce jour parlent principalement de rédemption et de miséricorde. Un reste d’huile permet à une pauvre veuve de payer un créancier impitoyable. C’est évidemment le symbole de la miséricorde du Sauveur dont les mérites infinis fournissent la rançon de nos péchés.
L’huile ne s’arrête que lorsqu’il n’y a plus de vase à remplir. La miséricorde de Dieu n’a d’autres limites que celles de notre soif de la miséricorde divine.
On peut également voir en la personne de cette veuve aux multiples problèmes, l’image de l’âme qui sombre dans l’obscurité, voire le deuil, quand elle perd son Dieu.
Dans la Bible le thème du mariage est omniprésent, en particulier comme symbole de la relation entre Dieu et l’homme. On peut ainsi comprendre la situation critique de cette femme endeuillée comme la perte de la foi profonde et vivante qui unissait l’âme à Dieu. Comme cette veuve, nous pleurons parfois notre relation à Dieu perdue ou troublée, et comme elle nous nous retrouvons dans une situation de détresse.
Dans sa prière, elle se tourne alors vers Dieu, elle ne reste pas autocentrée, repliée sur elle-même ou découragée. « Je me lèverai et j’irai voir mon Père » !
Élisée renverse la situation et le regard qu’elle peut poser sur son existence. Au lieu de chercher ce qui lui manque, de se révolter d’être dépourvue de telle ou telle chose, telle ou telle qualité, il lui fait voir ce qu’elle a, afin qu’elle compte sa richesse, si petite soit-elle.
C’est peut-être une question que nous devrions nous poser plus souvent : quand plus rien ne va, n’y a-t-il pas quand même quelque chose qui va un petit peu ? Dans cette épître, il reste au moins un peu d’huile, or dans les Saintes Écritures, l’huile c’est la présence de Dieu. Cette femme était éloignée de Dieu mais il lui restait un peu d’huile, un petit embryon de foi, un désir profond, de rencontrer Dieu, de Le retrouver.
Ne sommes-nous pas souvent préoccupés par diverses difficultés et n’avons-nous pas alors les mêmes sentiments qui animaient les apôtres sur la mer déchaînée ? Seigneur nous périssons … nous n’y arrivons plus… nous sommes trop fatigués… impuissants… Mais Dieu est là dans la barque de notre âme. Il dort mais son cœur veille !
Ce qui nous manque c’est un regard de foi sur notre vie. Un regard qui pénètre les profondeurs plutôt que de courir à la surface. Quand on passe trop vite, qu’on est sans cesse dans l’efficacité, dans une course effrénée à la nouveauté, à l’extraordinaire, on s’empêche de regarder de façon prolongée les mêmes choses et d’y voir un fond identique certes mais dont les détails et les merveilles sont pourtant là !
Nous comprenons alors cette affirmation de Jacob qui disait : «l’Éternel est dans ce lieu mais je ne le savais pas » ! Alors que notre carême se poursuit, prenons conscience de cette présence de Dieu dans notre vie, dans notre âme par la grâce. C’est ce qui fait toute notre richesse. Tachons de Le trouver à travers le prochain, de guetter le moindre sourire malgré des situations parfois tristes, la qualité chez cette personne qui m’insupporte, le détail sur ce tableau noir qui me pousse à l’espérance, cette fine lueur qui perce dans un ciel bien sombre, cette fragilité transfigurée par la miséricorde, mon âme pécheresse sauvée et lavée par le sang du Rédempteur !
Et souvenons-nous, selon les mots du Comte de Chamfort que, « dans les grandes choses l’homme se montre comme il convient d’être, mais dans les petites choses il se montre comme il est ». Voyons l’extraordinaire dans notre ordinaire !