Si un élève commençait un texte par “Mais”, il se ferait sans doute corriger ! Sauf que l’expression est de la Sainte Vierge Marie, dans le ciel de Pontmain. Elle semble aller au plus court, comme si elle envoyait un télégramme ou un texto, avec des mots sous-entendus : La France est en guerre, mais… Vous êtes éprouvés, mais… Elle pourrait nous dire aujourd’hui : “2025 aura ses combats, mais…”
Pontmain (Mayenne), janvier 1871
C’est dans l’obscurité que brillent les astres. Le 17 janvier 1871, c’est dans l’hiver de Pontmain, quand la guerre est pesante, que Marie apparaît.
La France est envahie par les armée prussiennes, Paris est assiégé, les troupes ennemies approchent déjà de Laval. Dans le petit village de Pontmain, en Mayenne, on s’inquiète pour les 38 jeunes hommes de la paroisse partis au front, on s’inquiète aussi car dans le dénuement de la guerre, au coeur de l’hiver, l’épidémie de fièvre typhoïde menace de reprendre. La paroisse est pieuse cependant : la douce influence du vieux curé, l’abbé Michel Guérin, en poste depuis 1836, a installé au coeur de chaque famille la récitation du chapelet.
Le soir du mardi 17 janvier 1871, Eugène et Joseph Barbedette aident leur père aux derniers travaux agricoles, dans la grange familiale. Il est cinq heures et demie passée, la nuit est tombée. Profitant d’une pause, Eugène passe la tête par la porte et voit dans le ciel, au-dessus de la maison d’en face, une « Belle Dame » qui lui tend les bras et lui sourit. Vêtue d’une robe bleue semée d’étoiles d’or, et a sur la tête un voile noir surmonté d’une couronne d’or avec un liseré rouge. Elle apparaît au milieu de trois étoiles brillantes. Le jeune Joseph rejoint son frère et voit également la Dame, mais leur mère Victoire, bien qu’elle soit retournée à la maison chausser ses lunettes, ne voit rien. Bientôt appelée, soeur Vitaline, en charge de l’école du village, ne voit que les étoiles. Sa consoeur Marie-Edouard, la rejoint avec trois petites pensionnaires, dont les deux plus jeunes s’écrient aussitôt « Oh ! La belle Dame » et en font la même description. Les villageois se rassemblent et commencent à prier avec soeur Vitaline, tandis que soeur Marie-Edouard court chercher l’abbé. Lorsque le curé arrive, les enfants (disséminés au milieu des paroissiens, de sorte qu’ils ne pouvaient communiquer entre eux) annoncent que quelque chose de nouveau apparaît : un grand ovale bleu vient entourer la Dame, à l’intérieur duquel apparaissent quatre bougies éteintes. Sur la robe, à l’endroit du coeur, s’imprime une croix rouge.
Les lettres de la “Belle Dame”
Quand l’attention des paroissiens se relâche, les enfants notent que la Belle Dame s’attriste, mais lorsque le curé entraîne ses ouailles dans la récitation d’un chapelet, la Dame sourit de nouveau. Lorsqu’à la fin du chapelet on prie le Magnificat, une grande banderole vient se dérouler entre le bas de l’ovale et le toit de la maison :
“MAIS PRIEZ MES ENFANTS”. Les lettres s’inscrivent une à une aux pieds de l’apparition, tandis que cette veillée de prières est improvisée par la paroisse. Notre-Dame semble bénir l’amour filial dont le curé Guérin avait donné l’exemple, lui qui avait fait peindre le plafond de l’église tout en bleu avec des étoiles : ce sont ces couleurs que Marie revêt. Chaque matin il allumait quatre cierges près de sa statue : ce sont les quatre bougies qui s’allument autour d’elle. Marie agite les doigts pour rythmer un cantique en souriant. Au fur et à mesure que s’égrènent les chants, l’apparition grandit, et les étoiles se multiplient sur sa robe, comme si la prière persévérante donnait plus d’éclat à son mystère.
“DIEU VOUS EXAUCERA EN PEU DE TEMPS”. Les plus lettrés des petits voyant épèlent une à une les lettres du message marial. Trois jours après, les Prussiens se retirent. Onze jours plus tard, l’armistice est signé. Les 38 hommes du village qui étaient partis à la guerre reviennent tous sains et saufs. Dans la dernière phase de l’apparition, après la croix rouge, ce sont deux croix blanches qui se montrent sur les épaules de Marie, deux croix de lumière : la Passion débouche sur la victoire.
“MON FILS SE LAISSE TOUCHER”. C’est la troisième phrase qui s’inscrit silencieusement dans le ciel, et cette phrase est soulignée. À la fin de l’apparition, alors que les paroissiens chantaient un cantique de pénitence (« Parce Domine, parce populo tuo » : Ayez pitié Seigneur de votre peuple) Marie a tenu à pleines mains la croix rouge du sacrifice, sur laquelle figurait le nom de « JESUS CHRIST ». Elle l’a inclinée vers les hommes, pour nous faire contempler celui qui se laisse blesser par nos détresses et toucher par nos prières. Or cette dernière phrase est sans point final. Autre erreur de grammaire ? N’est-ce pas plutôt que l’Etoile continue d’attirer nos regards ?
De l’apparition à la reconnaissance
Alors que les paroissiens, entraînés par leur curé, font tous ensemble la prière du soir, un voile blanc apparaît aux pieds de la Vierge et la couvre peu à peu. À la fin de la prière il est près de 9h. L’abbé Guérin interroge les enfants : « Voyez-vous encore ? » « Non, M. le Curé, tout a disparu, c’est tout fini. »
Un an plus tard environ, à l’issue de l’enquête et du procès canonique, Mgr Wicart, évêque de Laval, publiera un mandement de reconnaissance officielle de l’apparition de l’Immaculée Vierge Marie, Mère de Dieu, dans le hameau de Pontmain.
Ô toi, qui que tu sois, qui te sais vacillant sur les flots de ce monde parmi les bourrasques et les tempêtes plutôt que faisant route sur la terre ferme, ne détourne pas les yeux de l’éclat de cet astre, si tu ne veux pas sombrer dans les bourrasques.
Quand se déchaînent les rafales des tentations, quand tu navigues dans les récifs de l’adversité, regarde l’étoile, appelle Marie. Si l’orgueil, l’ambition, la jalousie te roulent dans leurs vagues, regarde l’étoile, crie vers Marie.
Si la colère, l’avarice ou les sortilèges de la chair secouent la barque de ton âme, regarde vers Marie…Dans les dangers, les angoisses, les incertitudes, invoque Marie, crie vers Marie ! Que son nom ne quitte pas tes lèvres, qu’il ne quitte pas ton cœur…
Si tu la suis, tu ne t’égares pas ; si tu la pries, tu ne désespères pas ; si tu la gardes en ta pensée, tu ne trébuches pas. Si elle te tient, tu ne tombes pas ; si elle te protège, tu ne crains pas.[1]Saint Bernard